• Pouvons-nous encore faire confiance ?
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    Nous avons la technologie, nous avons la prospérité, les lois et les institutions. Nous avons la science. Nous avons la maîtrise. Toute notre civilisation moderne semble tendre vers l’abolition de l’incertitude. Pourquoi dès lors aurions-nous encore besoin de la confiance ?

    Parce que, depuis qu’un virus a mis le monde à genoux, en l’espace de trois mois, nous en sommes devenus tributaires à un point que nous n’aurions jamais imaginé. Nous sommes ainsi obligés de faire confiance à des virologues que nous ne connaissions ni d’Ève, ni d’Adam, et dont les avis régentent aujourd’hui notre quotidien. Nous sommes obligés de faire confiance à des politiques dont les décisions ont une incidence directe, concrète et sans précédent sur l’existence même d’une multitude de gens. Nous sommes obligés de faire confiance à nos semblables afin qu’ils respectent les distances de sécurité, même s’ils n’ont eux-mêmes pas peur de tomber malades.
    En parler, c’est constater qu’elle a disparu

    Jusque-là reléguée à la marge, l’incertitude se trouve aujourd’hui au centre de nos préoccupations. À l’heure où plus rien ne devrait être incertain, voilà que tout donne l’impression de l’être, du jour au lendemain.

    Pourquoi avons-nous besoin de la confiance ?

    Comment faire sans ?

    “Le climat de confiance est comme l’air que l’on respire, observait la philosophe néo-zélandaise Annette Baier dans un essai de 1994, on ne prend conscience de son existence que le jour où il se fait rare, ou qu’il est pollué.” Nous ne réfléchissons à la confiance qu’une fois qu’elle a disparu. Nous faisons spontanément confiance, à nous-mêmes, aux autres, au monde, à la vie même, jusqu’au jour où survient une vicissitude, un aléa professionnel, médical ou sentimental. Nous nous apercevons alors que nous faisions confiance depuis tout ce temps et nous estimons que, tout à coup, nous ne pouvons plus. La crise engendre la perte de confiance, la perte de confiance attise la crise. Un cercle vicieux s’enclenche, et le seul et unique moyen de le briser consiste à refaire confiance. Seulement voilà, la confiance ne se décrète pas, ne se commande pas, ne se sollicite même pas, ne se contrôle pas non plus.

    Comment les gens ont-ils pu construire leur vie, leur quotidien, leur civilisation, leur avenir sur quelque chose d’aussi volatil que la confiance ?

    #Confiance