Le Dr Paré a mis le doigt sur le premier foyer de Covid en Bretagne - Vannes

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    Dr Pierre-Yves Paré, spécialiste en médecine interne et en gériatrie au Centre Hospitalier Bretagne Atlantique à Vannes. Il a découvert les premiers malades du Covid en Bretagne, dans le foyer de Crac’h-Auray.
    Photos Stéphanie Le Bail

    Il est ce médecin qui a eu le nez creux au centre hospitalier de Vannes. Le samedi 29 février, face à un patient souffrant « d’une pneumopathie bizarre », le Dr Paré a eu un pressentiment : « Et si c’était le nouveau coronavirus ? »

    En Bretagne, le premier cas de Covid-19 est diagnostiqué à Brest, le 27 février ; il s’agit du cas isolé d’un homme revenant d’Égypte. La maladie vient de loin…

    Qu’est-ce qui vous a mis la puce à l’oreille pour vos patients qui, eux, n’avaient pas voyagé ?
    « Le patient qui arrive des urgences dans mon service, le samedi 29 février, vers 16 h 30, n’a pas voyagé, ni été en contact avec quiconque rentré de Chine ou d’Italie. En l’interrogeant, je me rends compte qu’il vient de Crac’h. Comme une autre patiente du service, qui présente également une pneumopathie bizarre évoluant mal sous antibiotiques. Je découvre alors qu’ils ont participé à un repas commun et que, dans leur entourage, des personnes sont aussi malades avec des symptômes moins graves. Je décide de contacter les infectiologues du CHU de Rennes, comme le voulaient les consignes, à ce moment-là, pour qu’ils valident la décision de faire le test Covid.

    Face à ce doute, que s’est-il passé dans votre service en attendant les résultats ?
    Nous avons tout de suite prévenu les infectiologues et les médecins du travail de l’hôpital : ce samedi-là, à 20 h, on a réuni les équipes du service pour leur parler des suspicions qu’on avait. On a alors mis en place le port du masque et de surblouse pour intervenir auprès des malades qui seraient testés. On n’a fait aucune sortie et aucune entrée de patients dans le service où les visites ont aussi été arrêtées.

    Évidemment, la direction est prévenue. Ça a soulevé de l’inquiétude. Des soignants ne sont pas rentrés dormir chez eux, par précaution, nous avons pris de la distance avec nos familles. On était, bien sûr, au courant qu’il y avait cette nouvelle maladie, mais on n’avait pas envisagé qu’on serait les premiers à faire face à un foyer. Quand j’ai vu tout ce que cela impliquait, le dimanche midi, j’ai eu peur de m’être agité pour rien.

    Combien de temps avez-vous attendu le résultat des tests ?
    En février, on ne faisait pas les tests instantanément. Je devais les faire le lendemain matin, le dimanche. Il se trouve que, ce samedi soir, j’apprends qu’en réanimation un test est revenu positif au Covid. En réa, depuis le jeudi, mes collègues avaient reçu la consigne nationale de tester toutes les personnes en détresse respiratoire aiguë.

    Je suis alors resté à l’hôpital jusqu’à minuit pour reprendre les dossiers des 36 patients que j’avais dans mon service, pour voir s’il n’y avait pas des recoupements à faire avec d’autres malades ayant des symptômes apparentés. Finalement, nous n’avons pas fait deux mais cinq tests. J’ai rappelé une collègue pour qu’elle vienne m’aider. Nous avons eu les résultats le dimanche soir, à 20 h : les cinq étaient positifs !

    Comment se sent-on à ce moment-là ?
    On se retrouve un peu désemparé, parce qu’il n’y avait alors pas de consignes. Nous étions face à une maladie dont on ne connaît pas grand-chose : on n’en a pas entendu parler en stage, il n’y a rien dans les livres.

    Ça a été le week-end le plus intense de ma jeune carrière : j’ai passé 30 heures à l’hôpital. Le lundi matin, je suis revenu dès 5 h 30 ; je n’arrivais pas à dormir et je me posais beaucoup de questions sur les patients. Nous avons beaucoup échangé et nous avons toujours fait ce que nous pensions devoir faire de mieux.

    Votre vigilance a permis la mise en place des clusters qui, dit-on aujourd’hui, ont évité que l’épidémie prenne l’ampleur qu’elle a eue dans l’Est.
    L’administration a fait remonter la situation jusqu’à la Direction générale de la santé, à Paris. J’ai été très marqué par la réunion que nous avons eue le dimanche soir. Nous étions très nombreux ; il y avait une grande partie de la direction de l’hôpital, les membres du service de réanimation. C’était impressionnant de voir comment les organisations se mettaient vite en route et comment ça réagissait rapidement. Dès le lundi, le préfet a mis en place les clusters de Crac’h, Carnac et Auray.

    #in_retrospect