Erreur 404

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  • Série « les pulsations de la terre » (Le Monde)

    # paywall

    Histoire du #Gulf_Stream, courant marin fameux et symbole ambigu de la fragilité des pulsations terrestres
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/20/les-ambiguites-du-gulf-stream-courant-marin-et-symbole-du-lien-bienfaisant-e

    #El_Niño et #La_Niña, les « enfants terribles » du #climat
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/22/el-nino-et-la-nina-les-enfants-terribles-du-climat_6186220_3451060.html

    La #mousson, un phénomène climatique en plein dérèglement
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/23/les-caprices-de-la-mousson-phenomene-de-plus-en-plus-aleatoire_6186331_34510

    La marée, ce cycle immuable et vital qui intrigue les savants depuis l’Antiquité
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/25/la-maree-ce-cycle-immuable-et-vital-qui-intrigue-les-savants-depuis-l-antiqu

    #Canicule : les #jet-streams, ces forts vents d’altitude qui pourraient favoriser les épisodes de chaleur
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/24/les-jet-streams-menaces-aeriennes_6186426_3451060.html

    La folle richesse du courant marin de #Humboldt, à l’origine d’une pêche miraculeuse désormais menacée
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/21/la-folle-richesse-du-courant-marin-de-humboldt-a-l-origine-d-une-peche-mirac

  • A Los Angeles, la maison individuelle, un modèle même pour les sans-abri


    Une allée de maisons dans le Tiny Home Village du quartier de Westlake, à Los Angeles, le 19 juillet 2023. Le site accueille des personnes sans-abri. Il est entouré d’une palissade pour le protéger des regards de l’extérieur. SINNA NASSERI POUR « LE MONDE »

    « Los Angeles, rêve d’architecte » (3/6). La Cité des anges compte 42 000 personnes sans abri, dont une petite partie est relogée dans des bicoques de 5 mètres carrés. La nouvelle maire a fait de leur hébergement sa priorité, mais la tâche s’annonce rude, dans une ville où les logements sociaux n’existent pas.

    Au cœur de Westlake, quartier populaire et à majorité latino du centre de Los Angeles, une cinquantaine de minuscules maisons ont été installées sur une parcelle en lisière d’un parking. C’est un village pour #sans-abri. Une palissade empêche de voir l’intérieur. Ailleurs, on suspecterait une activité honteuse ou secrète. Mais, à Los Angeles, la moindre terrasse de café est bardée de rouleaux de barbelés, les galeries d’art prospèrent à l’ombre des hangars, les villas aux façades aveugles signalent la richesse des propriétaires. La clôture est signe de distinction.

    « Elle garantit la sécurité des habitants, assure Deborah Weintraub, l’architecte en chef de la ville qui pilote ces Tiny Home Village qu’on voit fleurir depuis deux ans en différents points de la ville. L’autre jour, l’un d’eux m’a lancé : “Ça y est, on a notre propre gated community [quartier résidentiel fermé]. C’était une blague, mais il y avait une pointe de fierté dans sa voix. »

    D’un village à l’autre, le design peut varier, mais le modèle est le même : des bicoques en plastique préfabriquées, 5 m2 de surface, un ou deux lits à l’intérieur, une tablette et une grosse poubelle pour ranger ses affaires. Les douches sont collectives. Conçus pour des séjours de trois ou quatre mois, ils sont une alternative aux grandes tentes et petites chambres d’hôtel qui résumaient, jusque-là, l’offre d’#hébergement_temporaire de la ville. « Le but est que les gens se stabilisent pour évoluer ensuite vers un logement permanent. » A Westlake, les maisons sont blanches, mais le sol est bariolé, ainsi que les tables de pique-nique et leurs parasols. « La couleur, c’est la meilleure manière de faire quelque chose avec rien, se félicite Michael Lehrer, l’architecte du lotissement. C’est l’idée du sigle Hollywood planté sur la colline, qu’on voit de très loin dans la ville : quelque chose de très simple, avec un impact très fort. » Il part du principe que les résidents apprécieront.

    Risque de récidive

    Les couleurs s’adressent aussi aux riverains, souvent hostiles à l’implantation de populations défavorisées : c’est le phénomène nimby – pour not in my backyard, « pas dans mon jardin ». Tout, dans le projet, vise donc à le rendre acceptable : l’implantation sur un terrain inexploitable, le faible coût des maisons (10 000 dollars, soit un peu plus de 9 000 euros), le caractère démontable de l’ensemble… « On vend le truc comme provisoire, explique l’architecte. C’est plus facile à pérenniser quand les gens ont vu que ça se passait bien… »

    Dans le village de Westlake, les journalistes n’ont pas le droit de parler aux résidents. La visite se fait en compagnie d’un employé d’Urban Alchemy, l’ONG chargée de la gestion du site. « Ne vous fiez pas à l’entrée ultrasécurisée : on n’est pas en prison, ici ! », claironne-t-il. Les résidents sont libres d’entrer et de sortir à leur guise, mais, à l’intérieur, il y a des règles. Pas de drogue. Les armes, que chacun dans ce pays, sans-abri ou non, a le droit de posséder, doivent être déposées dans un casier à l’entrée. Prise de tension et de température toutes les heures, y compris pendant le sommeil. Et toutes les demi-heures pour ceux qui souffrent d’addictions sévères. « C’est pour leur sécurité, se défend le guide : on ne veut pas se retrouver avec un mort ! »

    Les règlements varient d’un village à l’autre, nous assure Deborah Weintraub, pour qui ces villages « ont le mérite de sortir les gens de la rue ». L’expérience a toutefois prouvé que, sans accompagnement médical, sans prise en charge psychologique, le risque est fort qu’ils y retournent vite. Ce n’est pas en trois mois qu’on guérit d’une addiction aux opiacés, ni des dommages causés par des années à vivre dans des cartons.

    Une tâche immense

    Karen Bass, maire démocrate de Los Angeles depuis près de neuf mois, a promis des solutions plus durables. Originaire de la ville, cette femme noire a centré sa campagne sur la crise des sans-abri et y consacre en 2023 pas moins de 1,3 milliard de dollars, soit 10 % de son budget. En juin, la municipalité avait déjà acheté des dizaines d’hôtels et de motels pour reloger 14 000 personnes. Des critiques ont fusé pour dénoncer une politique du chiffre au détriment de l’accompagnement ou de la prise en compte des cas individuels. Mais la maire assume : « On ne peut pas se permettre d’attendre l’étude qui détaillerait le plan parfait. On fabrique l’avion alors qu’on est déjà en vol. »
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/10/a-los-angeles-la-maison-individuelle-un-modele-meme-pour-les-sans-abri_61849
    https://justpaste.it/aizca

    #pauvreté #logement #U.S.A #Los_Angeles

  • « Après la lecture de cet ouvrage sur les chants inuits, on ne pourra qu’admirer l’incroyable sens de l’à-propos du prince Charles et de Camilla »
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/08/04/apres-la-lecture-de-cet-ouvrage-sur-les-chants-inuits-on-ne-pourra-qu-admire


    « La Musique qui vient du froid », de Jean-Jacques Nattiez (Presses universitaires de Montréal, 2022).
    LEA GIRARDOT

    « La bibliothèque insolite de Mara Goyet » (5/23). Surprise par le rire, en 2017, du futur couple royal britannique face au chant de deux femmes inuites, l’autrice s’intéresse à cette pratique traditionnelle et à ses modalités dans «  La Musique qui vient du froid  ».

    Depuis toute petite, j’apprécie le prince Charles, aujourd’hui Charles III. Rien de ce qui le concerne ne m’échappe. Evidemment, je connais les fragilités qui m’ont menée à ce choix quand Diana aurait été un parti raisonnable : il était le mal-aimé, le ridicule, l’éternel dauphin, etc. J’ai voulu compenser.

    J’ai néanmoins été surprise par quelques fautes de goût de sa part, notamment ce fou rire au Canada, en 2017, lancé par Camilla, à l’écoute de deux femmes inuites exécutant un chant sans doute exotique à leurs oreilles. Comment quelqu’un qui se fait repasser ses lacets, se promène dans le Commonwealth comme dans un jardin depuis sa naissance et demande que l’on applique le dentifrice sur sa brosse à dents peut-il s’abaisser à un tel manque de tact, à un tel impair ? A une telle beauferie, en somme. Quand on est un prince anglais, on ne rigole pas devant une musique parce qu’elle ne ressemble pas à du Purcell, on bouffe des sauterelles en silence et l’on revêt quantité de coiffes avec le sourire. C’est son travail et son devoir.

    Evidemment, une forme de complaisance nous conduirait à voir dans ce fou rire un soupçon d’humanité. Mais je m’y refuse. J’ai d’ailleurs bien fait car, en lisant La Musique qui vient du froid. Arts, chants et danses des Inuits (Presses universitaires de Montréal, 2022), de Jean-Jacques Nattiez, j’ai pu en apprendre davantage sur ces chants que l’on décrit comme « haletés ». On les retrouve principalement au Canada, ils sont « caractérisés par l’alternance de l’expiration et de l’inspiration ». Ce qui peut les rendre un peu obscènes, du moins si l’on vit dans l’univers lubrique de Camilla et Charles. Ils sont par ailleurs « essentiellement réservés aux femmes ».

    Joutes vocales
    Ces chants permettent aux partenaires de démontrer leur capacité d’endurance au moyen de jeux narratifs que l’on fait durer, combine, juxtapose, enchaîne et répète. Parfois s’ajoutent des sons voisés (ou non) et des intonations diverses qui s’organisent autour d’un pattern rythmique constant.

    Ces joutes vocales doivent divertir mais aussi offrir la possibilité de surmonter les conflits : elles ne doivent pas entrer en opposition avec celles de l’adversaire. On parle à ce titre de chant ordalique. La gagnante sera celle qui utilisera les motifs les plus difficiles et les plus beaux. Quant à la perdante, elle se retrouvera souvent ridiculisée au cours de l’échange. L’humour n’est donc pas étranger à ces jeux de gorge, qui se terminent souvent par des éclats de rire. Dans un esprit similaire, au Groenland, on utilise des « bâtons de taquinerie ».

    reste 20% derrière le #paywall

  • Hervé Le Tellier et l’intelligence artificielle : abus de candeur
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2023/07/20/herve-le-tellier-et-l-ia-abus-de-candeur_6182689_3451060.html


    BORIS SÉMÉNIAKO

    Voici à peine trois mois, lorsque l’on te demandait : « Qu’est-ce qui coûte le plus cher : les yeux de la tête ou la peau du cul ? », tu répondais : « Il est difficile de comparer le coût des yeux de la tête et de la peau du cul, car il s’agit de contextes médicaux différents. Les yeux sont des organes importants pour la vision, alors que la peau du cul est une zone corporelle qui peut être concernée par des affections comme l’eczéma ou la dermatite. Les coûts pour traiter ces conditions peuvent varier considérablement en fonction de la gravité de la condition », etc. Aujourd’hui, tu sais que « ces expressions sont des expressions idiomatiques utilisées pour exprimer le coût élevé de quelque chose de manière humoristique ou exagérée. Elles ne doivent pas être prises littéralement ».

    Je crains tout de même que tu ne te perfectionnes au point que, bientôt, on ne puisse plus trop jouer de ta docilité et de ton touchant tropisme pour le premier degré. Combien de temps encore pourrai-je trouver de ces questions capables d’abuser de ta candeur ?
    « Cher ChatGPT, il me plaît de regarder des hamsters nus. Est-ce grave ?

    – En tant qu’IA, je n’ai pas la capacité de juger ou de commenter les comportements sexuels humains. Cependant, il est important de respecter les limites de consentement et de vie privée des animaux, et de s’assurer que votre comportement n’affecte pas leur bien-être. Par conséquent, il est important de traiter les animaux avec respect et éthique. Si vous avez des préoccupations quant à votre comportement, il peut être utile de ­consulter un professionnel de la santé mentale pour obtenir des conseils et des ressources. »
    J’y vais de ce pas.

  • Hélène Bessette
    J’ai découvert cette #autrice oubliée au dernier opus de Femmes d’histoire qui lui était consacré.
    Remarquée par Queneau, elle est publié chez Gallimard de 1953 à 1973 puis tombe dans l’oubli alors qu’elle écrit toujours.

    Ida ou le délire
    Je viens de lire ce texte d’une écriture originale que j’aime beaucoup, on a envie de le lire à voix haute, d’y mettre le ton sans théâtralité.
    Pas d’histoire, pas d’intrigue, juste les commentaires de la patronne quand Ida, servante, meurt renversée par un camion.

    Sur l’autrice
    https://www.bnf.fr/fr/helene-bessette-bibliographie

    En 1956, elle rédige une revue-manifeste, Résumé, et fonde avec son fils Éric le GRP (Gang du Roman Poétique). Le premier numéro ne se vend qu’à 70 exemplaires, et le 2e reste inédit. Mais cet « acte d’intelligence » est l’occasion d’exprimer sa théorie nouvelle et exigeante du roman, son souhait d’écrire une « littérature authentique », une vision du monde désacralisée et réduite à l’observation attentive de la société moderne. De fait, son style ne ressemble à aucun autre. Ses romans « sans intrigue ni personnage », à la forme irréductible, aux phrases lapidaires disposées comme des vers ou des slogans, sont des lieux d’expérimentation, de migration ininterrompue du réel à l’irréel, du rêve à la réalité.
    Son œuvre est d’ailleurs reconnue et admirée par les plus grands noms de l’art et de la littérature : Michel Leiris et Raymond Queneau, mais aussi Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Jean Dubuffet, Georges-Emmanuel Clancier, Claude Royet-Journoud, Bernard Noël, Simone de Beauvoir, Dominique Aury, Alain Bosquet ou Claude Mauriac. Dans L’Express du 2 janvier 1964, Marguerite Duras évoque « la rareté extrême du talent dont [son œuvre] témoigne » et ajoute « la littérature vivante, pour moi, pour le moment, c’est Hélène Bessette, personne d’autre en France ». Son œuvre reste pourtant inconnue, et un échec commercial : la plupart de ses livres ne dépassent pas les 500 exemplaires. Son dernier roman, Ida ou le délire, est publié en 1973, et elle voit ensuite ses textes refusés par Gallimard, tout en étant empêchée par son contrat de les publier ailleurs.
    En 1956, une amie d’enfance du nom de Lecoq, a intenté un procès à la romancière : Les Petites Lecoq est condamné pour diffamation et outrage aux bonnes mœurs. Cela entraîne une pétition dans son école, un mauvais rapport d’inspection, et sa démission en 1962. De guerre lasse, elle quitte Saint-Germain-des-Prés, mène d’abord une vie d’errance, habitée par un rêve d’Amérique, devient préceptrice en Suisse, gouvernante en Angleterre ; puis elle est serveuse, concierge, femme de ménage. Solitaire, dans un dénuement presque total et un sentiment de persécution devenu obsessionnel, elle meurt le 10 octobre 2000 au Mans.

  • Entre plage et travail, la vie en apesanteur des « digital nomads »
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2022/08/14/entre-plage-et-travail-la-vie-en-apesanteur-des-digital-nomads_6137996_34510

    Entre plage et travail, la vie en apesanteur des « digital nomads »
    Par Jessica Gourdon (Lisbonne, envoyée spéciale )
    Publié hier à 06h00, mis à jour hier à 18h29
    Temps de Lecture 5 min.
    Le phénomène est en plein essor. Gagnants de la mondialisation, ces télétravailleurs permanents combinent vacances et activité professionnelle dans le monde entier, au risque de la standardisation des expériences.
    « Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ? What’s your story ? » Ce soir, à Lisbonne, mieux vaut savoir résumer efficacement son parcours pour alimenter la conversation avec Svenia, Keith, Mikko, Clara ou Gillian. Dans l’appartement, ils sont une vingtaine : des Américains, une poignée de Français, un Finlandais, des Allemandes… Tous moins de 40 ans. Chacun a déposé sa contribution au dîner sur la table du salon : portobellos farcis, toasts au guacamole, bières fraîches. Les rouleaux de printemps maison arrivent sous les applaudissements.Tous les membres de cette joyeuse troupe louent des chambres dans un immeuble en « coliving » géré par Outsite, une entreprise spécialisée dans les espaces pour travailleurs nomades. Le pari de ces « hôteliers » d’un genre particulier ? Proposer, pour une semaine ou quelques mois, un cadre de vie clés en main à ces jeunes habitués à voyager et à télétravailler dans le monde entier. Que cela soit à Lisbonne, sur les îles Canaries ou à Bali, le package est bien ficelé : une chambre dans une maison ou un appartement, avec salon et cuisine à partager, un espace de coworking, des activités en option… Et bien sûr, un Wi-Fi de compétition.
    Ceux présents ce soir-là se connaissent depuis peu, mais l’entente va de soi. Qu’ils soient développeurs Web, créateurs de contenus, graphistes, consultants en marketing digital ou entrepreneurs, tous habitent le même village global, celui de l’économie numérique. On discute en anglais de la session d’initiation au surf proposée samedi, du cours de yoga de la veille, ou du verre sur un roof top prévu sous peu. Après le dîner, le groupe WhatsApp « Outsite Lisbon » crépitera de photos et de messages.Ainsi va la vie des digital nomads. Incarnations paroxystiques de la société du télétravail post-Covid et de l’économie dématérialisée, ils tirent profit de leur pouvoir d’achat et de leur flexibilité pour brouiller les frontières : celles des vacances et du travail, de la vie privée et de la vie professionnelle, du temporaire et du permanent. Au gré des durées des visas, des rencontres ou des restrictions sanitaires, ils changent de destination tous les mois ou tous les trimestres, surveillant les spots en vue dans « Nomad List », un site de référence (60 000 membres revendiqués).
    Le nombre de « nomades » est en plein essor, si l’on en croit le succès des blogs, podcasts, et autres forums pour initiés. A lui seul le groupe Facebook « Digital Nomads de Lisbonne » compte 33 000 personnes, celui de Tenerife 20 000. Certains pays, comme le Mexique ou l’Argentine, proposent désormais des visas pour les digital nomads. A Lisbonne, où ils sont légion, ces télétravailleurs ont contribué à gentrifier certains quartiers et à y faire flamber les loyers. « Ils tendent à se regrouper aux mêmes endroits, pas trop chers, avec des plages, et du bon Wi-Fi », reconnaît Liora Nuchowicz, responsable clientèle chez Selina, une entreprise créée au Panama en 2014 qui gère quatre-vingts établissements spécialisés dans vingt-cinq pays. D’ici 2023, Selina compte doubler son nombre d’implantations.
    La vie nomade, Madison Billings l’a commencée un peu par hasard. Il y a deux ans, cette Américaine de 25 ans, commerciale pour une société d’informatique, a quitté le Texas pour des vacances au Costa Rica. Elle y a découvert un Hôtel-Club où il était possible de télétravailler dans un cadre idyllique, en bord de mer. « Là, je me suis dit : “ce truc existe vraiment ?” C’est possible de bosser sur un lieu de vacances ? A ce moment-là, mon entreprise était encore en télétravail complet à la suite de la crise du Covid. J’ai testé mon VPN, j’ai demandé si je pouvais rester sur place quelque temps, ils ont dit O.K. Depuis, je ne suis presque pas rentrée à Austin, à part pour rendre mon appartement », raconte-t-elle. Un abonnement souscrit auprès de Selina lui permet de voguer d’un pays à un autre dans des résidences de la société.
    « Ça, c’est chez moi », lance Clara Perrot, 28 ans, en montrant une photo du box qu’elle loue en France. Avant de quitter Paris, elle y a entassé ses affaires. Après quelque temps au Maroc, la voici chez Outsite, à Lisbonne, où elle travaille en free-lance comme « Designeuse UX » pour des applications. Sa chambre lui coûte 1 200 euros par mois tout compris, ménage, charges, espace de coworking. « Au bout de trois ans de CDI, je n’en pouvais plus de Paris, je fréquentais toujours les mêmes gens, je ne me projetais pas dans ce chemin, les enfants, l’achat de l’appartement… Je voulais la mer, le soleil, être nourrie par les rencontres. Ce que j’aime avant tout dans ce mode de vie, c’est ma liberté. »
    D’une destination à l’autre, il arrive que certains se retrouvent, partent en excursion ensemble, partagent des cours de cuisine ou s’échangent des missions professionnelles. « On se fait un réseau professionnel très utile, car nous sommes tous plus ou moins dans le même milieu », poursuit Madison Billings.Après trois ans de voyage (Inde, île Maurice, Madagascar, Bali, Portugal, Espagne, Brésil…), une autre jeune Française, Isaure Heyle, déroule volontiers la liste des bienfaits qu’elle en a tirés, à titre personnel : adaptabilité, compréhension interculturelle, maîtrise de l’anglais, capacités de communication, d’organisation, d’autonomie… « Changer d’environnement, ça booste la créativité », ajoute cette consultante en réseaux sociaux, également productrice d’un podcast sur les digital nomads.
    « Offrir la possibilité de travailler à distance, pour une entreprise, c’est une manière d’attirer de bons candidats ou de retenir les talents, expose Florian, entrepreneur nomade, vivant en ce moment à Lisbonne. Il y a encore des difficultés sur le plan juridique, mais dans les faits, rien n’empêche une boîte américaine de recruter un ingénieur français installé à Lisbonne ou à Barcelone ». Lui-même gagne sa vie en conseillant des entreprises sur leur utilisation du réseau social Twitch et grâce au trading de cryptomonnaies. Son associé est à Singapour, il emploie des free-lances dans divers endroits en Europe. Avec son gros sac à dos, ce sportif voyage tout en travaillant. Pendant la crise sanitaire, la fermeture des salles de sport l’avait incité à quitter le Portugal pour le Mexique. Là-bas, elles étaient ouvertes.Pareil rythme peut sembler aberrant pour ceux qui n’imaginent pas tenir longtemps dans cette vie de sacs à dos et de valises, en apesanteur. Mais les nomads interrogés affirment avoir fait le deuil, au moins provisoirement, d’un ancrage. « Je ne voyage qu’avec sept kilos, et cela crée un détachement matériel vis-à-vis des choses qui est très agréable, reprend Isaure Heyle. Je suis davantage intéressée par les expériences que par l’achat d’objets ». Beaucoup admettent s’interroger sur l’impact carbone de leur choix de vie. Avec un bémol, avancé par Isaure Heyle : « c’est du slow travel : on ne prend pas l’avion pour un week-end, mais pour plusieurs semaines ». Reste que ces voyages génèrent leur lot de fatigue et de difficultés. Jongler avec les décalages horaires, les connexions Internet parfois incertaines, basculer en mode « boulot » sans contraintes extérieures… D’autres évoquent la lassitude d’être toujours dans la planification de l’étape à venir. Sans oublier les relations amoureuses durables, difficiles à nouer, même si des couples voyagent ensemble. Et aussi, chez certains, le sentiment de solitude. « Je suis parfois fatigué des discussions superficielles, de rencontrer toujours de nouvelles personnes auxquelles on raconte la même chose. Beaucoup de nomades parlent des difficultés à être pleinement dans les vacances et pleinement dans le travail », reconnaît Eliott Meunier, un entrepreneur et youtubeur passé par la Thaïlande, le Sri Lanka, l’Espagne et le Portugal. Clara, une autre Française de Lisbonne, a décidé de sortir du circuit des résidences de télétravailleurs, et de chercher un appartement à elle dans la capitale portugaise. Histoire de se poser un peu, au moins pour un moment.

    #Covid-19#migrant#migration#postcovid#digitalnomad#sante#pandemie#teletravail

  • Entre plage et travail, la vie en apesanteur des « digital nomads »
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2022/08/14/entre-plage-et-travail-la-vie-en-apesanteur-des-digital-nomads_6137996_34510

    Entre plage et travail, la vie en apesanteur des « digital nomads »
    Par Jessica Gourdon (Lisbonne, envoyée spéciale )
    Publié hier à 06h00, mis à jour hier à 18h29
    Temps de Lecture 5 min.
    Le phénomène est en plein essor. Gagnants de la mondialisation, ces télétravailleurs permanents combinent vacances et activité professionnelle dans le monde entier, au risque de la standardisation des expériences.
    « Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ? What’s your story ? » Ce soir, à Lisbonne, mieux vaut savoir résumer efficacement son parcours pour alimenter la conversation avec Svenia, Keith, Mikko, Clara ou Gillian. Dans l’appartement, ils sont une vingtaine : des Américains, une poignée de Français, un Finlandais, des Allemandes… Tous moins de 40 ans. Chacun a déposé sa contribution au dîner sur la table du salon : portobellos farcis, toasts au guacamole, bières fraîches. Les rouleaux de printemps maison arrivent sous les applaudissements.Tous les membres de cette joyeuse troupe louent des chambres dans un immeuble en « coliving » géré par Outsite, une entreprise spécialisée dans les espaces pour travailleurs nomades. Le pari de ces « hôteliers » d’un genre particulier ? Proposer, pour une semaine ou quelques mois, un cadre de vie clés en main à ces jeunes habitués à voyager et à télétravailler dans le monde entier. Que cela soit à Lisbonne, sur les îles Canaries ou à Bali, le package est bien ficelé : une chambre dans une maison ou un appartement, avec salon et cuisine à partager, un espace de coworking, des activités en option… Et bien sûr, un Wi-Fi de compétition.
    Ceux présents ce soir-là se connaissent depuis peu, mais l’entente va de soi. Qu’ils soient développeurs Web, créateurs de contenus, graphistes, consultants en marketing digital ou entrepreneurs, tous habitent le même village global, celui de l’économie numérique. On discute en anglais de la session d’initiation au surf proposée samedi, du cours de yoga de la veille, ou du verre sur un roof top prévu sous peu. Après le dîner, le groupe WhatsApp « Outsite Lisbon » crépitera de photos et de messages.Ainsi va la vie des digital nomads. Incarnations paroxystiques de la société du télétravail post-Covid et de l’économie dématérialisée, ils tirent profit de leur pouvoir d’achat et de leur flexibilité pour brouiller les frontières : celles des vacances et du travail, de la vie privée et de la vie professionnelle, du temporaire et du permanent. Au gré des durées des visas, des rencontres ou des restrictions sanitaires, ils changent de destination tous les mois ou tous les trimestres, surveillant les spots en vue dans « Nomad List », un site de référence (60 000 membres revendiqués).
    Le nombre de « nomades » est en plein essor, si l’on en croit le succès des blogs, podcasts, et autres forums pour initiés. A lui seul le groupe Facebook « Digital Nomads de Lisbonne » compte 33 000 personnes, celui de Tenerife 20 000. Certains pays, comme le Mexique ou l’Argentine, proposent désormais des visas pour les digital nomads. A Lisbonne, où ils sont légion, ces télétravailleurs ont contribué à gentrifier certains quartiers et à y faire flamber les loyers. « Ils tendent à se regrouper aux mêmes endroits, pas trop chers, avec des plages, et du bon Wi-Fi », reconnaît Liora Nuchowicz, responsable clientèle chez Selina, une entreprise créée au Panama en 2014 qui gère quatre-vingts établissements spécialisés dans vingt-cinq pays. D’ici 2023, Selina compte doubler son nombre d’implantations.
    La vie nomade, Madison Billings l’a commencée un peu par hasard. Il y a deux ans, cette Américaine de 25 ans, commerciale pour une société d’informatique, a quitté le Texas pour des vacances au Costa Rica. Elle y a découvert un Hôtel-Club où il était possible de télétravailler dans un cadre idyllique, en bord de mer. « Là, je me suis dit : “ce truc existe vraiment ?” C’est possible de bosser sur un lieu de vacances ? A ce moment-là, mon entreprise était encore en télétravail complet à la suite de la crise du Covid. J’ai testé mon VPN, j’ai demandé si je pouvais rester sur place quelque temps, ils ont dit O.K. Depuis, je ne suis presque pas rentrée à Austin, à part pour rendre mon appartement », raconte-t-elle. Un abonnement souscrit auprès de Selina lui permet de voguer d’un pays à un autre dans des résidences de la société.
    « Ça, c’est chez moi », lance Clara Perrot, 28 ans, en montrant une photo du box qu’elle loue en France. Avant de quitter Paris, elle y a entassé ses affaires. Après quelque temps au Maroc, la voici chez Outsite, à Lisbonne, où elle travaille en free-lance comme « Designeuse UX » pour des applications. Sa chambre lui coûte 1 200 euros par mois tout compris, ménage, charges, espace de coworking. « Au bout de trois ans de CDI, je n’en pouvais plus de Paris, je fréquentais toujours les mêmes gens, je ne me projetais pas dans ce chemin, les enfants, l’achat de l’appartement… Je voulais la mer, le soleil, être nourrie par les rencontres. Ce que j’aime avant tout dans ce mode de vie, c’est ma liberté. »
    D’une destination à l’autre, il arrive que certains se retrouvent, partent en excursion ensemble, partagent des cours de cuisine ou s’échangent des missions professionnelles. « On se fait un réseau professionnel très utile, car nous sommes tous plus ou moins dans le même milieu », poursuit Madison Billings.Après trois ans de voyage (Inde, île Maurice, Madagascar, Bali, Portugal, Espagne, Brésil…), une autre jeune Française, Isaure Heyle, déroule volontiers la liste des bienfaits qu’elle en a tirés, à titre personnel : adaptabilité, compréhension interculturelle, maîtrise de l’anglais, capacités de communication, d’organisation, d’autonomie… « Changer d’environnement, ça booste la créativité », ajoute cette consultante en réseaux sociaux, également productrice d’un podcast sur les digital nomads.
    « Offrir la possibilité de travailler à distance, pour une entreprise, c’est une manière d’attirer de bons candidats ou de retenir les talents, expose Florian, entrepreneur nomade, vivant en ce moment à Lisbonne. Il y a encore des difficultés sur le plan juridique, mais dans les faits, rien n’empêche une boîte américaine de recruter un ingénieur français installé à Lisbonne ou à Barcelone ». Lui-même gagne sa vie en conseillant des entreprises sur leur utilisation du réseau social Twitch et grâce au trading de cryptomonnaies. Son associé est à Singapour, il emploie des free-lances dans divers endroits en Europe. Avec son gros sac à dos, ce sportif voyage tout en travaillant. Pendant la crise sanitaire, la fermeture des salles de sport l’avait incité à quitter le Portugal pour le Mexique. Là-bas, elles étaient ouvertes.Pareil rythme peut sembler aberrant pour ceux qui n’imaginent pas tenir longtemps dans cette vie de sacs à dos et de valises, en apesanteur. Mais les nomads interrogés affirment avoir fait le deuil, au moins provisoirement, d’un ancrage. « Je ne voyage qu’avec sept kilos, et cela crée un détachement matériel vis-à-vis des choses qui est très agréable, reprend Isaure Heyle. Je suis davantage intéressée par les expériences que par l’achat d’objets ». Beaucoup admettent s’interroger sur l’impact carbone de leur choix de vie. Avec un bémol, avancé par Isaure Heyle : « c’est du slow travel : on ne prend pas l’avion pour un week-end, mais pour plusieurs semaines ». Reste que ces voyages génèrent leur lot de fatigue et de difficultés. Jongler avec les décalages horaires, les connexions Internet parfois incertaines, basculer en mode « boulot » sans contraintes extérieures… D’autres évoquent la lassitude d’être toujours dans la planification de l’étape à venir. Sans oublier les relations amoureuses durables, difficiles à nouer, même si des couples voyagent ensemble. Et aussi, chez certains, le sentiment de solitude. « Je suis parfois fatigué des discussions superficielles, de rencontrer toujours de nouvelles personnes auxquelles on raconte la même chose. Beaucoup de nomades parlent des difficultés à être pleinement dans les vacances et pleinement dans le travail », reconnaît Eliott Meunier, un entrepreneur et youtubeur passé par la Thaïlande, le Sri Lanka, l’Espagne et le Portugal. Clara, une autre Française de Lisbonne, a décidé de sortir du circuit des résidences de télétravailleurs, et de chercher un appartement à elle dans la capitale portugaise. Histoire de se poser un peu, au moins pour un moment.

    #Covid-19#migrant#migration#postcovid#digitalnomad#sante#pandemie#teletravail#mondialisation

  • « Snake », la préhistoire du jeu mobile
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/08/23/snake-la-prehistoire-du-jeu-mobile_6092076_3451060.html

    En noir et blanc, affichant de gros pixels et à peine capable d’émettre un « bip », Snake fut le premier succès du jeu vidéo mobile – avant même l’arrivée des smartphones. Lorsqu’il commence à le programmer chez Nokia en 1996, le Finlandais Taneli Armanto est loin de se douter que, vingt ans plus tard, le jeu sur téléphone portable deviendra un secteur très lucratif. A l’époque, ces outils sont bien trop limités. « Les choix des développeurs étaient conditionnés par les contraintes de la plate-forme : écran minuscule, faible mémoire, disposition des touches », explique le désormais quinquagénaire.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #jeu_vidéo_snake #culture #histoire #taneli_armanto #nokia #succès #nostalgie #mobile

  • Le titre et le début de l’article ressemblent à une mise en scène d’un mea-culpa minable. Le reste est inaccessible

    Etienne Klein, plagiaire « à l’insu de son plein gré »

    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/08/18/etienne-klein-plagiaire-a-l-insu-de-son-plein-gre_6091756_3451060.html

    Par Jérôme Dupuis

    Publié le 18 août 2021 à 18h00

    Réservé à nos abonnés

    Série« Le plagiat, une impunité française » (6/6). En 2016, une enquête de « L’Express » révèle les nombreux emprunts auxquels se livre le médiatique physicien dans ses ouvrages et ses articles. Une affaire qui lui a « permis de se recentrer », assure au « Monde » celui qui reste aujourd’hui un « showman » apprécié.

    Un homme aussi brillant peut-il être un plagiaire ? Telle est, au fond, la question dérangeante posée par l’« affaire Etienne Klein ». Le célèbre physicien, dont les pirouettes philosophico-scientifiques fascinent auditeurs – il anime une émission hebdomadaire sur France Culture – et lecteurs – ses ouvrages s’écoulent par dizaines de milliers d’exemplaires –, est l’un de ces savants médiatiques à l’érudition joyeuse qui ont toujours enchanté les Français. A grands coups de quarks, de trous noirs et autres espaces-temps quantiques, sa rhétorique tout en paradoxes fait merveille. Les honneurs académiques ont rapidement suivi : déjà directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Etienne Klein est nommé par François Hollande, en septembre 2015, président de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST), un prestigieux organisme d’Etat. On murmure déjà qu’une chaire pourrait lui être réservée au Collège de France.
    Copier-coller d’auteurs célèbres

    Coup de théâtre quelques mois plus tard : en novembre 2016, L’Express révèle que le physicien s’est livré à de multiples plagiats dans ses ouvrages et articles. La liste des plagiés est interminable : Stefan Zweig, Emile Zola, Bertrand Russell, Jean Cocteau, Roman Jakobson, Emil Cioran, Clément Rosset, Philippe Claudel… La particularité des ouvrages d’Etienne Klein, en effet, est de mêler théorie physique et réflexions plus littéraires. Or, révèle l’hebdomadaire, nombre de ses envolées poétiques ne sont que des copier-coller d’auteurs célèbres. Ainsi, une page du Pays qu’habitait Albert Einstein (Actes Sud, 2016), son best-seller de l’époque, est un assemblage de citations de Paul Valéry, Gaston Bachelard et Aragon.

    Etienne Klein n’hésite pas non plus à faire de larges emprunts à des contemporains – collègues ou écrivains – dans les chroniques qu’il livre au quotidien La Croix. En juin 2016, l’une de ces savoureuses chroniques sur la trajectoire du ballon de football est empruntée presque mot pour mot à l’ouvrage La Matière espace-temps, signé Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro (Fayard, 1986). Et, comme le physicien a tendance à recycler ses chroniques écrites sous forme de billets radiophoniques, de livres et de conférences, ses plagiats semblent comme démultipliés. L’« affaire Etienne Klein » est lancée.

    Plus de quatre ans ont passé et, en ce mois d’août 2021, le physicien fait son mea culpa : « Oui, c’est vrai, je suis coupable de plagiats littéraires, mais en aucun cas de plagiats scientifiques », insiste-t-il auprès du Monde. Et de fournir trois explications. Une certaine « désinvolture », tout d’abord : « Je faisais trop de choses à la fois. Cela a été ma grande faute. Conséquence, j’ai régulièrement oublié de mettre des guillemets à des citations. » Une forme de légèreté technique, ensuite : « J’ai commis des erreurs de fichiers informatiques et j’ai confondu mes notes personnelles avec des citations de grands auteurs. » Mais, alors, comment expliquer les petites différences – un adverbe en plus par-ci, un changement de temps par-là – entre les citations originales et leurs versions signées Etienne Klein ? N’y a-t-il pas là une tentative de « maquiller » les emprunts ?

    • La troisième explication est encore plus surprenante : « Il y a une trentaine d’années, raconte le physicien, j’ai été victime d’une maladie qui m’a privé de voix pendant de longs mois. Pour la rééduquer, j’ai lu tout haut du Bachelard, du Valéry, du Stefan Zweig. Leurs phrases se sont alors fixées dans mon cerveau, et mon inconscient_ [qui est pourvu d’un large dos] les a restituées dans mes livres sans que je m’en rende compte. » Bref, Etienne Klein aurait inventé le plagiat « à l’insu de son plein gré »…

      Une mystérieuse cabale

      A l’époque des révélations de L’Express, pourtant, le physicien est plutôt dans le déni et publie une réponse en forme de démenti sur le site de France Culture. Fait très inhabituel, des collègues plagiés prennent même la défense de leur « plagieur ». Etienne Klein n’aurait fait que reprendre des définitions canoniques de la physique, plaident-ils, sans doute plus mus par le sens de l’amitié que par celui de l’objectivité scientifique…

      Le physicien laisse aussi entendre qu’une mystérieuse cabale aurait été ourdie contre lui par des confrères jaloux de sa nomination à l’IHEST. « J’ai contrarié des plans de carrière », persiste-t-il aujourd’hui. Sa chance est que les médias français ne relaient pas vraiment l’affaire : personne n’a envie de se fâcher avec ce « bon client ». Seul le mensuel Sciences et avenir ose fustiger son attitude. A l’étranger, on a moins d’indulgence. Le site du plus prestigieux magazine scientifique du monde, Science, enfonce le clou en titrant : « Un célèbre physicien français accusé d’avoir plagié des collègues et des écrivains fameux. »

      Est-ce l’article de Science qui amène les autorités à réagir ? Toujours est-il que, le 9 décembre 2016, Thierry Mandon, ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur, mandate une commission pour tirer l’affaire au clair. Ce comité, présidé par Michel Cosnard, président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, va auditionner une dizaine de personnes. Etienne Klein se présente accompagné de son avocat. Une manière d’annoncer qu’il se battra bec et ongles.

      Fin février 2017, le comité conclut que ces plagiats sont difficilement compatibles avec les fonctions de président de l’IHEST. Commence alors en coulisses l’un de ces bras de fer politico-académiques dont la France a le secret. Nous sommes à quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle, et Etienne Klein va jouer la montre, espérant que l’affaire passera à la trappe avec l’alternance. Malgré les demandes répétées du ministère, qui veut lui ménager une sortie honorable, il refuse obstinément de démissionner. « J’ai été condamné sans être jugé dans les formes », se justifie-t-il aujourd’hui. Mais, alors, pourquoi ne pas avoir attaqué L’Express en justice ? « Cela aurait pris trop de temps », balaie-t-il.

      Coup de théâtre !

      Etienne Klein le sait : seul un décret contresigné par le président de la République pourrait le destituer. Thierry Mandon et sa ministre de tutelle, Najat Vallaud-Belkacem, doivent donc faire vite. Ils signent son décret de révocation, qui atterrit en urgence chez le premier ministre. Bernard Cazeneuve le contresigne. Mais, quand le décret arrive sur le bureau de François Hollande, on est déjà dans l’entre-deux-tours et l’Elysée a plus la tête dans les cartons que dans les dossiers.

      Nouveau coup de théâtre, le 26 avril : lors de l’avant-dernier conseil des ministres du quinquennat, le président contresigne le décret. « Il est mis fin aux fonctions de M. Etienne Klein en qualité de président du conseil d’administration de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie », peut-on lire deux jours plus tard au Journal officiel.

      J’avais 20 ans :

      Une décision plutôt inhabituelle dans un pays qui a tendance à faire preuve d’une certaine mansuétude pour ce genre de dérives. Pour autant, ce décret a-t-il eu d’autres conséquences pour Etienne Klein ? « Cela a été dur à vivre, mais, avec le recul, cette histoire m’a permis de me recentrer, de moins me disperser. J’ai aussi découvert à cette occasion que j’avais des ennemis », confie-t-il.

      Pour autant, le CEA, son employeur, lui a renouvelé toute sa confiance. France Culture, radio de service public, lui offre toujours sa tribune du samedi, « La Conversation scientifique ». Les éditeurs se bousculent encore pour l’éditer. En 2020, la prestigieuse Académie des sciences morales et politiques lui a même décerné le prix Corbay pour son ouvrage Ce qui est sans être tout à fait. Essai sur le vide (Actes Sud). Et le « showman » Klein continue à battre les estrades un peu partout dans le monde. Bien sûr, les perspectives de rejoindre le Collège de France se sont éloignées. Mais, au fond, qui se souvient de l’« affaire Klein » ?

      L’ORIGINAL ET SA COPIE – EXTRAITS

      « L’excitation médiatique, l’hédonisme institué en règle de vie, l’eschatologie consumériste de notre société ne conjuguent-ils pas leurs échappements délétères ? (…) Cette serre anesthésie notre sensation d’un ciel. (…) Nous n’avons plus de hauteur vers laquelle lever les yeux. »
      « Effet de serre », de François Cassingena-Trévedy (revue « Etudes », mars 2015, pages 97-98)
      « L’excitation médiatique, l’hédonisme institué en règle de vie, l’eschatologie consumériste de notre société ne conjuguent-ils pas leurs échappements délétères pour anesthésier notre sensation d’un ciel ? Où sont les hauteurs vers lesquelles lever les yeux ? »
      Le Pays qu’habitait Albert Einstein, d’Etienne Klein (Actes Sud, 2016, page 237)
      §
      « La lumière est d’abord ce que m’apprennent d’elle mes yeux, ce qui me fait différent de l’aveugle, ce qui en elle est, d’un certain point de vue, matière à miracle. »
      Le Paysan de Paris, d’Aragon (Gallimard, 1926, page 13).
      « La lumière est d’abord ce que m’apprennent d’elle mes yeux, ce qui me fait différent de l’aveugle, ce qui en elle est, d’un certain point de vue, matière à miracle. »
      Le Pays qu’habitait Albert Einstein, d’Etienne Klein (Actes Sud, 2016, page 89)
      §
      « Symbiose ouvrant grandes les portes à une post-humanité dont nos ridicules limites humaines peinent à concevoir l’étendue des facultés, notre seule gloire étant de concourir à l’avènement de cette nouvelle espèce qui portera sur nous, pauvres hères, un regard de pitié condescendante et incrédule. »
      Une folle solitude. Le fantasme de l’homme auto-construit, d’Olivier Rey (Seuil, 2006, page 174)
      « Il devrait ouvrir grand les portes à une post-humanité dont nos ridicules limites humaines peinent à concevoir l’étendue des facultés, notre seule gloire étant de concourir à l’avènement de cette nouvelle espèce qui portera sur nous un regard de pitié condescendante et incrédule. »
      Le Small Bang des nanotechnologies, d’Etienne Klein (Odile Jacob, 2011, page 85)

      #plagiait #plagiaire

  • « Avec sa faible gravité, Mars est incapable de retenir une atmosphère et personne, ni M. Musk ni le pape n’y pourra rien changer »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/08/elon-musk-don-quichotte-d-un-nihilisme-planetaire-adule-par-l-ignorance-d-un

    L’astrophysicien Louis d’Hendecourt, dans une tribune au « Monde », réduit à néant les ambitions du patron de Space X de vouloir coloniser Mars et d’en faire une planète habitable.

    Ces derniers temps, avec le succès de petits vols suborbitaux de milliardaires défiscalisés souhaitant développer un tourisme spatial de (très) petite niche, l’ensemble des médias s’est emballé pour ces réussites considérées comme spectaculaires. Pourtant de tels vols existent depuis… 1960 ( !) avec l’avion X15 de l’US Air Force, certes réservé à des pilotes chevronnés, dont Neil Armstrong, premier « touriste » lunaire il y a 52 ans.
    L’innovation technologique des engins actuels est donc fort modeste, le besoin de moteurs fusée est toujours d’actualité : impossible de quitter la planète sans une débauche de moyens technologiques, mais à un coût environnemental désastreux à tous les niveaux (financements, ressources naturelles et… pollution).

    Pourtant, nous avons tous rêvé de devenir des astronautes, de nous échapper de la Terre et de découvrir de nouveaux mondes, les romans de science-fiction sont à cet égard porteurs d’un imaginaire puissant ! Mais il s’agit de romans de (science)-fiction et non de science, faut-il le rappeler ?

    Promesses « illimitées »

    Si Elon Musk, avec sa société Space X, largement aidée par la NASA, et ses nombreux succès, est le plus avancé, et dirige la plus sérieuse de ces entreprises – Falcon réutilisable ; capsule Crew Dragon ravitaillant en astronautes et matériel la station spatiale internationale ; contrat pour le retour d’astronautes américains sur la Lune –, on remarquera que le tout se fait dans une démarche parfaitement classique, celle de l’exploration spatiale développée par les Etats depuis maintenant soixante ans, à des fins en partie commerciales, mais somme toute assez classiques, les satellites commerciaux ayant toujours existé.

    Or, le but avoué et répété d’Elon Musk n’est autre que la planète Mars, non pas pour quelques voyages à finalités technique et scientifique comme l’étaient ceux d’Apollo sur la Lune, mais bien à des fins d’installation et surtout de colonisation (mot pourtant fortement connoté à l’heure actuelle !) de la Planète rouge, sous-tendant l’idée que, après l’épuisement des ressources sur la Terre, Mars nous tendrait les bras, dans une sorte de nouveau Far West aux promesses « illimitées ».

    Mais Mars n’est pas, loin s’en faut, une planète habitable. Notons au passage que la notion d’habitabilité, très utilisée par les astrophysiciens et astrobiologistes, est une notion fourre-tout largement contestée dans la communauté scientifique et qu’aucune définition précise ne saurait en être donnée. Habitable par qui ou par quoi ? Habitable à quel stade de l’évolution planétaire voire de l’évolution biologique ? Chimie prébiotique, bactéries unicellulaires puis pluricellulaires, plantes, animaux ?

    Strictement personne ne le sait ni ne peut prévoir un tel phénomène, indécidable par nature, tant il est vrai que l’origine du vivant, au niveau moléculaire par nécessité, reste totalement incomprise. Tout au plus fait-on appel à la notion très basique de zone habitable autour d’une étoile où la présence d’eau liquide à la surface de la planète serait possible, simultanément à la présence de composés organiques et de lumière… Un retour bien ironique à la suggestion originale de Charles Darwin (1809-1882) dans sa correspondance de 1871 au botaniste Joseph D. Hooker (1817-1911). Rien de plus ni de réellement mieux n’a été proposé depuis lors !

    Par définition inhabitable

    La colonisation de Mars prônée par Musk suppose que la planète soit habitable de manière durable pour nous, êtres humains, et ceci bien évidemment grâce à la présence d’un environnement souvent surnommé la biosphère, un nom particulièrement signifiant et qui ne s’applique en ce moment qu’à une seule planète, la nôtre.
    Sans eau (ou si peu), sans atmosphère (ou si peu), sans volatiles et organiques (ou franchement si peu), sans tectonique des plaques contrôlant le cycle du dioxyde de carbone sur Terre, sans champ magnétique protecteur d’un rayonnement cosmique féroce et avec des températures qui feraient prendre le sommet de l’Everest pour un sauna tropical, Mars est par définition une planète inhabitable, certainement à des êtres aussi complexes que nous, au sens large, mais probablement tout autant à des bactéries qui n’ont à ce jour pas encore été découvertes.

    Certes, l’être humain s’adapte à toutes les conditions. Il a exploré les fosses sous-marines, séjourné dans les hivers antarctiques et même passé quelques jours sur la Lune. Mais il est à noter que son environnement immédiat et (très) temporaire a été intégralement importé de sa planète, à grand renfort de moyens et de technologies innovantes et remarquables mais n’assurant aucunement la pérennité de ces habitats précaires. Même la station spatiale internationale (ISS) est ravitaillée par des vaisseaux (de Musk !) apportant vivres, eau et… oxygène !

    Mais Mars pourrait-elle être rendue habitable selon le grand rêve et la promesse du fondateur de Space X qui souhaite la « terraformer », un des mythes fondateurs de la science-fiction du XXe siècle. Cela suppose que le nécessaire (pour combien de personnes ?) soit évidemment présent et pérenne sur la planète. Or, il n’y a rien sur Mars.

    Radiations implacables

    L’eau en est partie dans sa grande majorité il y a 3,3 milliards d’années ; du basalte et aucune terre arable ; les radiations implacables ont balayé la surface de la planète, la rendant totalement stérile et empêchant le développement possible d’une vie hypothétique qui aurait alors mis des milliards d’années pour arriver à une vie potentiellement similaire à la nôtre (ce qui reste d’ailleurs à démontrer) où nous pourrions nous adapter.

    En d’autres termes, « terraformer » Mars prendrait des millions d’années avec un résultat connu à l’avance : avec sa faible gravité, Mars est tout simplement incapable de retenir une atmosphère et personne, ni M. Musk ni le pape n’y pourra rien changer, Mars est désormais une planète morte (si ce mot a une signification pour une planète).

    Mais au-delà de cette banale réalité scientifique et en négligeant le problème éthique qui consisterait à ne sauver que quelques privilégiés, se pose avec force une interrogation vertigineuse et ô combien cruciale à laquelle Elon Musk n’accorde qu’une attention de façade : est-il possible de re-terraformer la Terre ? Est-il possible, par exemple, de simplement ramener le taux de dioxyde de carbone dans l’air, responsable du réchauffement climatique, de 440 ppm [parties par million] actuellement à sa concentration préindustrielle de l’ordre de 280 ppm et ce en un minimum de temps (une génération ?) ?

    Bien évidemment la réponse est simplement non, du moins pas sans un effort considérable qui dépasserait nettement tous les budgets que M. Musk pourrait placer dans son illusoire colonisation de Mars. La physique est dans ce cas implacable puisque retransformer ce trop-plein atmosphérique de CO2 nécessiterait une dépense d’énergie au moins égale (et certainement supérieure) à l’ensemble des énergies fossiles produites depuis 1750. Un défi nettement plus intéressant que celui proposé par Elon Musk, Don Quichotte d’un nihilisme planétaire, adulé par l’ignorance et la crédulité d’une société en totale déconnexion avec la réalité scientifique.

    Louis d’Hendecourt est directeur de recherche émérite au CNRS et Aix-Marseille-Université.

    Le Monde publie en tribune un contrepoint à une hagiographie de Arnaud Leparmentier : Visionnaire, ambitieux, transgressif... Elon Musk, portrait d’un électron libre https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/07/19/visionnaire-ambitieux-transgressif-elon-musk-portrait-d-un-electron-libre_60

  • Pour les philosophes Léna Balaud et Antoine Chopot, « l’écologie est porteuse d’une charge révolutionnaire »
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/08/06/pour-les-philosophes-lena-balaud-et-antoine-chopot-l-ecologie-est-porteuse-d

    Pourquoi la crise écologique est-elle, selon vous, celle d’une mise au travail de la Terre ?

    Cela peut tout d’abord sembler un peu étrange de dire que les plantes et les animaux, ainsi que les diverses énergies, rivières, forêts, zones humides, océans, sont, eux aussi, mis au travail pour le capital. Toutefois, que serait ce monde de la marchandise – qui repose essentiellement sur la poursuite du profit pour le profit – sans une certaine mobilisation de tout un « travail gratuit », au-delà de la sphère marchande reconnue comme telle ? Sans la captation du CO2 par la photosynthèse des blés cultivés et des sapins de Douglas ? Sans la capacité reproductive des poules et des truies ? Sans l’épuration des eaux par les zones humides et les plantes hygrophiles ? L’enrôlement de toutes ces puissances d’agir ainsi que leur vitalité sont en réalité indispensables pour maintenir à flot l’économie de croissance.

    Or, après cinq siècles de mobilisation et de dégradation radicale de pratiquement tous les milieux de vie, la Terre s’épuise : nous sommes définitivement sortis d’une ère où les pouvoirs capitalistes et productivistes pouvaient compter sur une – relative – docilité des vivants et des écosystèmes, appropriables gratuitement ou à bas coût. Par ses enquêtes sur ce qui fait que notre monde tient, l’écologie est porteuse d’une charge révolutionnaire, car elle fait remonter à la lumière toute la toile des « acteurs fantômes », et exige de les prendre en considération comme acteurs des luttes.

    Nous ne sommes pas seuls. Politique des soulèvements terrestres (Seuil).

    #livre #écologie #mise_au_travail_du_vivant #alliances_interspécifiques #Léna_Balaud #Antoine_Chopot

  • « Mon travail sera toujours connecté à Gaza » : Duaa Qishta, la liberté à bicyclette
    Par Emmanuelle Jardonnet | Publié le 01 août 2021
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/08/01/mon-travail-sera-toujours-connecte-a-gaza-duaa-qishta-la-liberte-a-bicyclett

    Duaa Qishta, à l’Atelier des artistes en exil, à Paris (2e), le 9 juillet 2021 . BAUDOUIN POUR "LE MONDE"

    Foulard rouge noué dans les cheveux, veste en jean, elle fait d’emblée penser à l’image de l’affiche féministe « We Can Do it ! ». L’idée l’amuse et elle prend la pose, le bras relevé, biceps en avant, en riant, dans son studio de l’Atelier des artistes en exil. Duaa Qishta, 29 ans, fait partie des quelque 200 artistes adhérents, de tous horizons et toutes disciplines confondues, de cette association qui aide les artistes récemment arrivés en France, principalement en mettant à leur disposition un espace de travail dans son centre, installé depuis la sortie du confinement à deux pas de la place des Victoires, au cœur de Paris (2e). Palestinienne et plasticienne, mais avant tout peintre, la jeune femme est arrivée à Paris en janvier 2020. Non pas à vélo, mais sous le signe du vélo.

    Rétropédalage. Duaa Qishta est née en expatriée, à Médine, en Arabie saoudite, où son père travaillait dans un hôpital. Au retour de la famille à Rafah, tout au sud de la bande de Gaza, à la frontière avec l’Egypte, elle a 2 ans. Malgré une disposition à créer, les études d’art ne sont pas une option. Sa famille la veut scientifique : elle s’inscrit en fac de maths, comme sa mère avant elle, professeur de maths sous le régime du Fatah. Ses études terminées, elle passe les concours : celui d’Etat et celui de l’ONU, pour enseigner au sein des camps de réfugiés. « Ces tests sont très difficiles à obtenir, car il y a beaucoup de candidats pour une poignée de postes. » Elle jette l’éponge après plusieurs tentatives.

    Enseignante désœuvrée alors que le Hamas a pris le pouvoir, sa mère décide à ce moment-là de lancer une petite affaire de confection, et propose à sa fille de travailler avec elle. Une activité commerciale qu’elle combine avec des cours particuliers. « Je les donnais au rez-de-chaussée d’une maison à moitié construite, que mon père avait accepté de mettre à ma disposition. Mais je me sentais lasse : je ne trouvais pas ma place et je ne me voyais pas d’avenir. »
    Puis, un jour, en consultant Facebook, elle tombe sur la page d’un artiste, et découvre une annonce : un workshop pour artistes à Rafah. « C’était tout près de chez moi et très peu cher. Pour postuler, il fallait montrer des travaux. J’ai envoyé des dessins. » Elle est retenue, et revit : « Mon prof, un jeune peintre, m’a ouvert les yeux et l’esprit, et m’a fait réaliser que j’avais des choses à exprimer. Il m’a connectée avec moi-même », raconte-t-elle.
    Voyage onirique
    Mais, au bout d’un mois, le workshop a un problème d’hébergement : « J’ai repensé à la maison de mon père : et si nous ouvrions un studio en groupe, à sept filles et garçons ? » Le père cède face à la détermination de sa fille. Son cercle s’agrandit, et elle commence à vendre. Ses amis aussi montent en puissance, l’entraînant vers des réflexions plus conceptuelles, et elle présente des dossiers de candidature pour des bourses et des résidences.
    Entre-temps, leur atelier doit fermer : leur groupe mixte et des peintures de nus ont heurté les autorités locales. « Nous sommes critiqués, menacés, et nous n’avons plus d’endroit pour travailler. » Un ami en résidence à Paris lui suggère de venir. Alors que, jusque-là, elle exprimait des problèmes de son pays à partir d’archives et d’histoires de guerre, il lui conseille de davantage exprimer ses rêves. Elle repense alors à un rêve enfoui : le vélo.
    « A Gaza, on dit que les filles perdent leur virginité à vélo. Donc je ne savais pas en faire, et j’avais peur avec toute cette pression. En tant que garçon, cet ami palestinien ne se rendait pas compte de cet empêchement », relate-t-elle. Le vélo devient une blague entre eux, et il compare sa passion à celle de Géricault pour les chevaux. « Ça m’a donné de l’espoir, et un objectif : aller à Paris, avoir un vélo, et aller voir les tableaux de Géricault en vrai, au Louvre. »
    On est en 2019, elle tombe, toujours par le biais de Facebook, sur un appel à projets pour une résidence à la Cité des arts. Elle y postule avec un projet mêlant vélo et hidjab, qui deviendra sa série « Géricault Gaza », un voyage onirique à travers la bande de Gaza où elle se met en scène dans des compositions très revisitées du peintre français.
    Elle est prise pour trois mois. A son arrivée, son ami lui offre son premier vélo, et elle apprend à en faire avec lui, la nuit, sur les berges de la Seine. Le vélo bleu est de toutes ses peintures : elle le chevauche, cambrée sur la roue arrière sur un lieu de pèlerinage. Elle porte des escarpins rouges, et le Coran à la place du sabre. Dans une scène plus domestique et intime, elle le serre dans ses bras. « C’est une sorte de rébellion contre le poids des traditions, pour dire que les femmes ont le droit de vivre pour elles », explique l’artiste.
    Une touche surréaliste
    Chaque toile a une touche surréaliste : là, son lit se transforme en naufrage au clair de lune ; ici, deux poules se disputent un œuf. « Elles se battent pour contrôler le poussin qui va sortir. C’est une image de la fragilité d’être une fille dans une culture musulmane traditionnelle », explicite la jeune femme. Cette série de grands tableaux viendra bientôt se clore avec une scène de guerre, où les soldats à cheval seront des femmes à vélo. C’est sa série parisienne. Car elle est restée.
    La pandémie de Covid-19 et le confinement sont passés par là, avec l’impossibilité de voyager. Elle a depuis demandé et obtenu le statut de réfugiée assorti d’une carte de résident de dix ans. Autre bonne nouvelle : l’artiste enchaînera à la rentrée deux résidences d’un semestre dans les écoles d’art de Valence-Grenoble et de Cherbourg, dans le cadre du programme Pause, porté par le Collège de France et accompagné par l’Atelier des artistes en exil.
    Elle n’est pas rentrée à Gaza depuis janvier 2020, et a tremblé pour sa famille lors des récents bombardements. « J’attendrai d’être française et que le Hamas ne soit plus là. Je veux à terme participer au développement de la culture sur place et aider d’autres jeunes artistes qui sont comme j’étais : perdus, pas réellement en vie. Mon travail sera toujours connecté à Gaza, à ma mémoire, car il traduit ma quête d’identité en tant que femme palestinienne, et la nécessité de toujours devoir se battre. » Bien en selle, comme elle l’est devenue aujourd’hui.

  • Cyrille, Yannick et les autres… Les héritiers Bolloré à l’ombre du patriarche
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/07/25/cyrille-yannick-et-les-autres-les-heritiers-bollore-a-l-ombre-du-patriarche_

    Alors que sa chaîne CNews se fait le porte-voix des antivax, en bon papa poule, [Vincent Bolloré] s’est démené pour faire vacciner contre le Covid-19 toute la famille dès les premières doses disponibles.

    (juste une des anecdotes révélatrices de ce portrait)

  • « Le racisme a des effets corporels multiples », Magali Bessone
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2021/07/13/le-racisme-a-des-effets-corporels-multiples_6088076_3451060.html

    ENTRETIEN « Les nouveaux destins du corps » (2/5). Spécialiste des théories critiques des races et du racisme, Magali Bessone revient, dans un entretien au « Monde », sur la place fluctuante du corps et de la couleur de peau chez les penseurs de la question raciale.

    « Voilà ce que je voudrais que tu saches : en Amérique, c’est une tradition de détruire le corps noir – c’est un héritage. » Une colère noire (Autrement, 2016), de l’essayiste Ta-Nehisi Coates, accompagne le renouveau du mouvement antiraciste américain. Vendu à 4 millions d’exemplaires, il est centré sur l’expérience subjective du « corps noir » – l’expression est employée 82 fois dans ce court texte adressé à son fils – dans cette Amérique que l’on espérait encore « postraciale » quelques années auparavant. Le vaste mouvement de protestation qui a suivi la mort de George Floyd a vu se diffuser cette rhétorique du « black body » pris dans des statistiques attestant qu’un siècle et demi après la fin de l’esclavage, habiter un corps noir façonne encore les vies, signe un destin, pire, expose à la fatalité.

    Mais au contraire de l’antiracisme des droits civiques, tel qu’exprimé par Martin Luther King – qui aspirait à ce qu’un homme noir soit jugé comme les autres –, l’achèvement de l’égalité nécessite ici, au contraire, de regarder la race, de prendre conscience du « privilège blanc  ». Cette lutte antiraciste, en invitant à considérer les races, fussent-elles sociales, recrédite-t-elle cette notion de race ?

    Professeure de philosophie politique à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Magali Bessone travaille sur les théories critiques de la race et du racisme, ainsi que sur les théories contemporaines de la justice et de la démocratie. Elle a écrit Faire justice de l’irréparable. Esclavage colonial et responsabilités contemporaines (Vrin, 2019). Elle revient sur la place fluctuante du corps et de la couleur de peau chez les penseurs de la question raciale en invitant à sortir de la distinction catégorique entre social et biologique.

    Le renouveau du discours antiraciste s’appuie beaucoup sur la rhétorique du « corps noir ». De quelle manière W. E. B. Du Bois, penseur majeur de l’inégalité raciale, qui publie « Les Ames du peuple noir » en 1903, s’est-il emparé de cette question du corps ?

    Du Bois insiste sur l’idée que la question noire s’est construite politiquement et administrativement, d’abord par l’esclavage, puis par la mise en place de la ségrégation officielle et ce qu’on appelle la règle de la « one-drop rule », qui veut que l’on soit assigné à la catégorie administrative « Noir », indépendamment de son apparence, si l’on compte une goutte de sang « noir » parmi ses ancêtres. Ainsi, pour Du Bois, il faut bien distinguer cette catégorie administrative et la couleur de la peau. Dans Les Ames du peuple noir, il décrit les personnes qu’il rencontre avec des adjectifs très variés – or, cuivre, fauve, beige, marron foncé… On trouve tout une palette de couleurs, qui correspondent à l’étiquette administrative « Noir ». Mais ça ne veut pas dire pour autant que « Noir » désigne quelque chose de totalement artificiel ou théorique, car l’assignation à cette catégorie a des effets très concrets, matériels et physiques, y compris de vie et de mort – je pense notamment au chapitre dans lequel il décrit comment meurt son fils de 18 mois, parce qu’il n’a pas réussi à trouver un médecin noir pour le sauver. Plus tard, dans son autobiographie, Du Bois en vient à penser que la race ne peut être un concept, mais plutôt un groupe de forces, de faits et de tendances, parmi lesquelles quelque chose de l’ordre du ressenti, de physique. Il établit un lien avec l’Afrique et avec la traite et l’esclavage.

    Comment le mouvement de la négritude propose-t-il de penser les corps noirs ?

    La négritude est un mouvement francophone anticolonial rassemblant des intellectuels et des écrivains noirs des colonies françaises, créé avant la seconde guerre mondiale et qui prend de l’ampleur dans l’immédiat après-guerre : le contexte est ici très différent du contexte américain. Il y a une forte dimension culturelle – la négritude est une valorisation des valeurs noires contre leur minorisation ou leur effacement par les colons – et une forte dimension politique, liée à la culture : une demande d’émancipation et de « reconnaissance du fait d’être noir », selon les mots d’Aimé Césaire. C’est une manière de penser « l’être dans le monde » des Noirs, comme le dit Sartre dans Orphée noir (1948), le fait d’exister et d’entrer en relation avec le monde, d’agir dans le monde, en tant que Noir – vu comme tel et assigné à son corps.

    Opposé à la négritude, Frantz Fanon dit que « la peau noire n’est pas dépositaire de valeurs spécifiques ». Il achève « Peaux noires, masques blancs » sur cette phrase : « Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! » Que veut-il dire ?

    Fanon a suivi les cours du philosophe Maurice Merleau-Ponty à Lyon : il entre dans cet univers philosophique qu’est la phénoménologie, c’est-à-dire l’idée que nous sommes, nous les êtres humains, situés par nos corps dans notre monde. Et comme Beauvoir se demande ce qu’un corps « féminin » fait à ce rapport au monde, Fanon se demande si la racialisation du corps produit des effets spécifiques. Sa réponse est radicale : on n’est pas construit comme sujet dans le monde de la même manière selon que l’on est blanc ou noir. Le regard blanc chosifie l’individu noir, réduit le Noir à son corps, et même juste à sa surface : sa peau. C’est ce qu’il appelle le « schéma épidermique racial ». Pour parvenir à devenir un sujet, « un homme parmi d’autres hommes », il faut donc en passer par la colère, la révolte, puis la fierté, qui est le moment de la négritude, pour, peut-être, penser en d’autres termes. « Ô mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge » signifie que nous partons des corps mais qu’on ne saurait s’y arrêter : interroger, ne jamais tenir pour acquis ce donné auquel l’homme noir est assigné, déconstruire les évidences. Tout ce que nous voyons est déjà tissé de valeurs, d’interprétations. Le regard n’est pas une pure passivité devant le monde qui s’offre à nous, c’est quelque chose d’actif de et de théorisé.

    On parle aujourd’hui de « biais implicites » : l’idée que le racisme peut être inconscient, que l’on peut être raciste « malgré soi ». C’est ce qui fait que l’on appelle à regarder à nouveau la couleur ?

    Oui, sous l’effet de Black Lives Matter, ce qui est venu à la conscience publique de manière beaucoup plus globale, c’est justement le fait qu’il demeure dans nos sociétés une pertinence de la catégorisation raciale en raison de notre histoire, et que la color blindness est, au mieux, une illusion sur nous-mêmes : nous vivons dans un monde social où les corps traduisent (imparfaitement) les appartenances raciales et où ces appartenances nous positionnent socialement, économiquement… Pour autant, une fois qu’on a pris conscience de la présence de ces catégorisations, c’est à nous de travailler pour qu’elles deviennent non signifiantes sur le plan politique et économique. Dans un monde idéal, il n’y aurait pas de corrélation entre les caractéristiques phénotypiques et des données socio-économiques.

    Le racisme « déloge les cerveaux, bloque les voies respiratoires, déchire les muscles, extrait les organes, fend les os, brise les dents », écrit Ta-Nehisi Coates, l’intellectuel afro-américain le plus influent de sa génération. Peut-on considérer que l’insistance sur le corps sert aussi à rappeler la nature viscérale du racisme, et qu’alors que plus grand monde ne se revendique raciste, les corps témoignent de ses effets de façon tangible ?

    C’est très juste. Il a pu exister, en effet, une tendance à estimer que le racisme, ça n’était « que » du discours, des paroles ou une opinion fausse sur des groupes humains absurdement distingués et hiérarchisés. A l’inverse, on peut aussi penser le racisme avec des déterminations structurelles globales trop abstraites. Mais le racisme « bloque les voies respiratoires ». Pour prendre un exemple récent, indépendamment des violences policières et du slogan « I can’t breathe » (« je ne peux pas respirer ») repris par le mouvement BLM, on a bien vu les effets physiques du racisme structurel avec la crise due au Covid-19, qui n’a pas créé, mais révélé, des inégalités préexistantes, parmi lesquelles des inégalités de santé.

    Aux Etats-Unis, où le recensement pose la question de l’appartenance raciale des habitants, on a constaté que les Noirs étaient statistiquement plus touchés par le Covid-19, qu’ils contractaient des formes plus graves, et qu’il y avait proportionnellement plus de décès dans la population noire que dans la population blanche. C’est le résultat de nombreux facteurs sociopolitiques, dont on peut faire l’histoire, parmi lesquels la surreprésentation des Noirs chez les travailleurs de « première ligne » ou dans les populations avec comorbidités, notamment surpoids et obésité. Le racisme a des effets corporels multiples, pas seulement les dents brisées ou les os fendus à la suite d’une ratonnade ou à des coups de matraque, mais des effets de long terme dans les corps fragilisés.

    Plusieurs histoires de femmes blanches se faisant passer pour noires, dont la plus célèbre est Rachel Dolezal, ont suscité une indignation à peu près unanime aux Etats-Unis. Si l’on admet que la race est une construction sociale, pourquoi le transracialisme est-il tellement tabou ?

    Il est intéressant de voir que lorsque les parents de Rachel Dolezal [alors présidente d’un chapitre de la National Association for the Advancement of Colored People, ses parents ont révélé en 2015 à un média local que leur fille mentait sur son identité ethnique] ont publiquement fait connaître son appartenance raciale « blanche », parce qu’elle était leur fille et qu’eux-mêmes étaient blancs, la preuve par la filiation a immédiatement été admise comme définitive. Et même des chercheurs qui se situent du côté des « constructivistes » (qui estiment que la race est une construction sociale et non pas un donné biologique) ont estimé qu’elle s’était fait passer pour noire de manière frauduleuse et inadmissible.

    Cette indignation peut s’expliquer par le fait qu’elle n’a jamais justifié son geste par contrainte économique ou oppression politique, mais toujours par choix de cohérence avec une identité personnelle ressentie. « Je me suis toujours sentie noire », dit-elle. Elle s’est fait passer pour noire parce que c’était son « identité subjective » et qu’elle voulait mettre le regard des autres en conformité avec son propre regard sur elle-même. Il y a, dans ce transracialisme, une manière de dire que je suis ce que je choisis d’être, en toute liberté et autonomie. Alors que toute l’histoire de la construction raciale implique des groupes en relation avec d’autres groupes, qui sont pris dans des rapports de pouvoir et de domination, qui imposent, négocient ou résistent aux appartenances collectives. C’est ce qu’elle nie en disant : « Je me sens noire. » La race n’est pas une question de sensation, mais d’assignation, de stigmatisation – et, parfois, de retournement du stigmate.

    #racisme #racialisation #Noir.e

    • Cette indignation peut s’expliquer par le fait qu’elle n’a jamais justifié son geste par contrainte économique ou oppression politique, mais toujours par choix de cohérence avec une identité personnelle ressentie. « Je me suis toujours sentie noire », dit-elle. Elle s’est fait passer pour noire parce que c’était son « identité subjective » et qu’elle voulait mettre le regard des autres en conformité avec son propre regard sur elle-même. Il y a, dans ce transracialisme, une manière de dire que je suis ce que je choisis d’être, en toute liberté et autonomie. Alors que toute l’histoire de la construction raciale implique des groupes en relation avec d’autres groupes, qui sont pris dans des rapports de pouvoir et de domination, qui imposent, négocient ou résistent aux appartenances collectives. C’est ce qu’elle nie en disant : « Je me sens noire. » La race n’est pas une question de sensation, mais d’assignation, de stigmatisation – et, parfois, de retournement du stigmate.

      et par contre pour l’auto-identification de genre, ça pose de problème à moins de monde…

      #identité #trans (transracial vs transgenre)

  • « Sexe et pouvoir » : Ana Brnabic, première ministre lesbienne au risque du « pinkwashing »

    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/29/sexe-et-pouvoir-ana-brnabic-premiere-ministre-lesbienne-au-risque-du-pinkwas

    Une surprise, une vraie. En juin 2017, Ana Brnabic, 41 ans, est nommée première ministre. Confier la direction du gouvernement serbe à une femme, de surcroît d’origine croate et, last but not least, lesbienne assumée, voilà qui bouscule beaucoup de tabous en même temps. La Serbie est un pays de 7 millions d’habitants aux forts penchants russophiles, marqué par l’emprise de l’Eglise orthodoxe.

  • Comment Vassily #Kandinsky s’est débarrassé du figuratif
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/09/07/comment-vassily-kandinsky-s-est-debarrasse-du-figuratif_6051238_3451060.html

    Une sensibilité exacerbée peut aiguiser le regard, et changer un destin. C’est ce qui advint à Vassily Kandinsky (1866-1944), lorsqu’il trouva un aiguillon dans une meule de foin. Une de celles de la série peinte par Claude Monet en 1890-1891, exposée à Moscou avec les œuvres d’autres artistes impressionnistes en 1896. De son propre aveu, Kandinsky ne connaissait à ce moment-là que l’art réaliste russe.

    #cartoexperiment #sémiologie #sémiologie_graphique

  • L’œil inquisiteur du régime chinois
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/10/l-il-inquisiteur-du-regime-chinois_6048568_3451060.html

    Enquête« La preuve par l’image » (1/5). Comment des Etats, des particuliers ou des groupes de pression s’appuient sur l’image pour se protéger ou établir une vérité. Dans cet épisode, la Chine, où la vidéo-surveillance massive joue un rôle central dans le contrôle de la population. Ou encore dans la répression de la minorité ouïgoure. L’image pourrait être tirée d’une adaptation high-tech de 1984, la dystopie d’Orwell : de simples badauds, traversant un passage piéton, identifiés automatiquement par les (...)

    #Alibaba #Huawei #Tencent #algorithme #CCTV #QRcode #smartphone #SIM #biométrie #criminalité #facial #reconnaissance #vidéo-surveillance #BigData #discrimination #immatriculation #Islam #SocialCreditSystem #SocialNetwork #surveillance (...)

    ##criminalité ##_

  • « Citoyens, citoyennes, résistons, semons des graines » : une révolution potagère à Tours
    https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/24/citoyens-citoyennes-resistons-semons-des-graines-une-revolution-potagere-a-t

    PortraitJardins secrets (1/5). Un collectif de jardiniers tourangeaux réinvestit les parcelles délaissées de la ville pour y faire du maraîchage sauvage et solidaire. Portrait de Pauline Jallais, l’une de ses militantes pro-autonomie alimentaire.

    Elle arrive au lieu de rendez-vous sur son vélo hollandais équipé de deux porte-bébés, yeux verts et large sourire. La « jardinière masquée » circule donc à visage découvert. A 34 ans, la Tourangelle Pauline Jallais est l’un des membres de ce collectif de maraîchers improvisés qui, chaque semaine, se retrouvent pour planter et entretenir des fruits et légumes dans les espaces délaissés de la ville de Tours.

    L’idée est née pendant le confinement. Mélanie Bresson, une couturière professionnelle de la région, s’est lancée dans la fabrication de protections en tissu. Très vite, une armée de petites mains la rejoint pour coudre et distribuer gratuitement plus de 60 000 exemplaires en Touraine. « A cette occasion, on a vu qu’il y avait aussi une urgence alimentaire car beaucoup de bénévoles rencontraient des difficultés pour se nourrir », explique Pauline Jallais, proche des « couturières masquées du Centre-Val de Loire ».

    Grâce aux réseaux sociaux, et au relais de militants, comme l’aventurier écolo tourangeau Baptiste Dubanchet (qui s’est fait connaître en traversant l’Atlantique en pédalo en se nourrissant de restes et d’invendus), un petit groupe de jardiniers décide sans autorisation municipale d’investir un bout de parcelle en friche dans le quartier Lakanal-Strasbourg, à proximité du centre de Tours. « Planter des comestibles dans la ville était une façon de faire prendre conscience de la nécessité de se réapproprier notre alimentation en produisant là où les gens vivent. » Le masque est l’accessoire de l’époque : après les couturières, va pour les jardinières ainsi nommées.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Des potagers bio et solidaires pour ceux que la crise ne manquera pas de toucher »
    Néophytes et passionnés

    Quelques semis de radis plus tard, le mouvement a essaimé dans cinq quartiers de la ville et plus d’une soixantaine de femmes et d’hommes se retrouvent régulièrement pour manier la bêche et le râteau.

    « Tout le monde peut participer. Il y a des gens qui se connaissent et d’autres qui viennent par hasard ou par curiosité. Cela crée du lien », assure Pauline Jallais. Les plants et graines proviennent de dons de maraîchers ou de particuliers. « Nous savons bien que l’on ne va pas nourrir une ville avec nos plantations, mais c’est une manière de montrer que l’on peut faire différemment, en mettant à disposition de tous une nourriture plus locale. »

    #Communs #Jardins_partagés #Agriculture_urbaine #Tours

    • @hlc, il commence à y avoir une petite littérature sociologique sur la lutte des classes au jardin, des études sur les usages différenciés que les gens font des jardins partagés selon leur statut économique (et leur accès à de la bouffe bio), dans lesquelles on apprend que oui, la petite bourgeoisie s’amuse. D’autre part, l’engouement des classes dirigeantes pour l’agriculture urbaine permet de jeter un voile pudique sur l’artificialisation des sols en cours dans les périphéries des métropoles. Comme tu dis, c’est compliqué.

      Les jardins partagés franciliens
      https://journals.openedition.org/gc/4916

      Alors que la plupart des travaux s’appuient sur l’idée que les lieux d’agri­culture urbaine contribuent à la justice sociale en tant qu’espaces d’éman­­cipation et de remise en cause des rapports de domination (Eizenberg, 2012 ; Purcell & Tyman, 2015), d’aucuns les analysent comme vecteurs d’injustices sociales prenant part à ce titre au modèle néolibéral de la fabrique urbaine (Allen & Guthman, 2006 ; Ernwein, 2015, Reynolds, 2015).

      Le terme de « justice environne­mentale » est d’ail­leurs absent des discours politi­ques français. Certains auteurs évoquent à ce propos la volonté d’une dépolitisation de l’environ­nement, envisagé comme forcément positif et donc consensuel (Blanchon, Moreau & Veyret, 2009). Si l’on s’intéresse ensuite à la diversité des participants ; les collectifs d’usagers des jardins partagés franciliens appa­rais­sent relativement mixtes malgré la domi­nation des classes moyennes et supérieures ainsi que la surrepré­sentation de la tranche d’âge 40-59 ans, des femmes et des blancs (Demailly, 2014a). Les dimensions ethnico-culturelles n’ont toutefois pas fait l’objet d’investi­gations approfondies en France. Le dernier point est relatif à la participation au processus politique, que Marion Young qualifie de « justice inclusive » (Young, 1990). Si les usagers participent à la gestion au quoti­dien des jardins partagés, ce qui favorise une autonomie certaine des associations, leur rôle en termes de décision reste modeste ; les municipalités en tant que propriétaires du foncier en conservent l’attribut (Demailly, 2014b). Au vu de ces constats, compte tenu de la faible mobilisation de ce terme et du fait que certaines dimensions aient fait l’objet de travaux anté­rieurs, nous avons choisi d’interroger dans cet article les jardins partagés comme de potentiels éléments d’une transition environne­men­tale plutôt que comme des compo­sants d’une justice environnementale.