• Comment la Chine impose sa propagande sur les réseaux sociaux en France
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/28/la-propagande-chinoise-s-invite-sur-les-reseaux-sociaux-en-france_6047454_44

    « Taux d’engagement faible »

    « Notre analyse montre que les pages de médias d’Etat chinois connaissent une forte croissance, mais un taux d’engagement beaucoup plus faible que les médias américains, explique Vanessa Molter, chercheuse à Stanford et coautrice avec la spécialiste de la désinformation Renee DiResta d’une étude sur l’usage des réseaux sociaux par les médias chinois anglophones, publiée le 8 juin. Cette différence peut s’expliquer par des contenus qui suscitent moins de réactions, par une audience qui est moins active sur Facebook, ou être le signe d’une activité anormale de ces pages. Si ces “like” sont effectivement des faux, leur avantage serait que la plupart des gens considèrent qu’une audience importante est liée à un média légitime. Pour un utilisateur peu averti, plusieurs millions de “like” peuvent donner l’impression qu’une page est particulièrement fiable. »

    Dès 2007, les dirigeants du Parti communiste avaient officialisé leur campagne de promotion d’un soft power à la chinoise. Le groupe de télévision étatique national, China Central Television (CCTV), se voit à cette époque doté de moyens colossaux pour développer ses chaînes, préexistantes ou fraîchement lancées, en anglais, français, espagnol, russe ou arabe. Mais ces tentatives peinent à convaincre à l’étranger.

    Alors que la Russie théorise en 2013 sa « guerre hybride », qui se joue sur le théâtre conventionnel, mais aussi dans le cyberespace et l’opinion publique du pays ciblé, sur les questions de nature à déstabiliser de l’intérieur les pouvoirs en place, le régime chinois poursuit dans un premier temps un objectif bien plus nombriliste. Il s’agit de promouvoir la culture de l’empire du Milieu, mais surtout de tenter de faire accepter comme légitimes son modèle de parti unique et ses politiques.
    Projection de puissance

    Mais l’objectif évolue, aux mains d’un secrétaire du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, arrivé au pouvoir en 2012 et qui porte une politique bien plus assumée de projection de puissance. En chemin, le modèle ennemi, la démocratie américaine, perd de son ascendant moral sous l’exercice du mandat de Donald Trump.

    C’est alors que survient la crise du Covid-19. Oubliant au passage sa lenteur à donner l’alerte – du fait de la peur qui règne dans les échelons hiérarchiques locaux vis-à-vis de la direction du PCC –, la Chine voit une opportunité de valorisation de son modèle politique, dont sa capacité à contrôler strictement la population et son confinement, en miroir des errements constatés en Europe et, surtout, dans les Etats-Unis de Trump.

    En juin, un rapport de la Commission européenne blâmait pour la première fois la Chine, au côté de la Russie, pour une « déferlante » de « fake news » qui s’est abattue durant la crise sanitaire. Bruxelles faisait le constat d’un « effort coordonné » des sources d’information officielles chinoises pour rejeter toute responsabilité dans la pandémie et promouvoir sa réponse. Le 4 juin, Facebook a commencé à afficher un avertissement permanent sur les comptes de médias dont « la ligne éditoriale est contrôlée par un Etat » ; une mention en ce sens s’affiche désormais sur les pages de CGTN dans toutes les langues.

    Face à ces vecteurs de propagande, la tentation est forte de répliquer. Le régulateur de l’audiovisuel du Royaume-Uni étudie actuellement l’opportunité de bloquer la diffusion de la chaîne CGTN en anglais, pour avoir diffusé des aveux forcés de prisonniers politiques aux mains de la police chinoise contraires à la charte éthique de l’audiovisuel britannique. En février, l’administration Trump a enregistré les bureaux des médias officiels chinois sous le statut de missions diplomatiques. Mais le jeu est dangereux pour la liberté d’informer : Pékin renchérit et a expulsé le mois suivant tous les journalistes américains du New York Times, du Washington Post et du Wall Street Journal installés sur son territoire – réduisant encore les sources d’information sur la Chine.

    #Chine #Facebook #Télévision #Propagande #Liberté_expression