• Profession philosophe Épisode 62 :
    Bernard Stiegler : « Il ne faut pas rejeter les techniques mais les critiquer et les transformer » Le 11/06/2020 dans les chemins de la philosophie
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/profession-philosophe-6262-bernard-stiegler-il-ne-faut-pas-rejeter-les

    L’invité du jour :

    Bernard Stiegler, philosophe retraité de l’université de Compiègne-utc, enseigne la philosophie en Chine à l’université de Nanjing et à l’école d’art de Hangzhou, président de l’IRI (institut de recherche et d’innovation) et président de l’association des amis de la génération Thunberg

    Pratiquer la philosophie en philosophe
    En prison, j’ai commencé à pratiquer la philosophie comme je crois doivent le faire les philosophes. Je pense qu’on peut étudier l’histoire de l’art sans se vouloir artiste, je ne crois pas qu’on puisse étudier la philosophie de l’extérieur sauf à faire ce qu’on appelle l’histoire des idées… il faut se mettre sur le même plan que celui qu’on lit, on tente d’en refaire l’expérience de pensée, d’abord on lui fait crédit sur ce qu’il dit : il faut dire oui à ce qu’on est en train de lire, c’est ma position dans la vie… et en philosophie c’est une position requise.
    Bernard Stiegler

    L’expérience du silence
    Pendant des années, en prison, j’étais enfermé avec moi-même, je ne pratiquais que l’écriture. Un des aspects très importants pour moi de l’expérience carcérale c’est l’expérience du silence absolu. Ça m’est arrivé de rester silencieux pendant des mois, sans dire un mot. J’y ai découvert un phénomène qui, je crois, a peu été étudié par les philosophes, davantage par les religieux, et parfois par des philosophe religieux comme saint Augustin : l’expérience du silence dans lequel tout à coup, ça se met à parler.
    Bernard Stiegler

    Soigner ce qui est menaçant dans la technique
    Trump semble chercher la guerre civile : pour en être arrivé là, il faut vraiment que l’humanité soit tombée très bas dans ce que j’appelle la “dénoétisation”. Je crois que le rôle de la philosophie, et plus largement des savoirs, même des savoirs empiriques y compris le savoir de la mère par rapport à l’enfant, c’est toujours de cultiver la possibilité de penser par soi-même et soigner ce qui, dans la technique, est toujours menaçant, et qui le sera toujours, car la technique ne peut pas être bonne.
    Bernard Stiegler

    Combattre la toxicité de la technologie en se l’appropriant
    Rien n’est plus effrayant aujourd’hui que la gouvernementalité algorithmique et cependant je pense que l’humanité ne peut pas éviter de développer des moyens qui passent par la cybernétique. Je pense qu’il ne faut pas rejeter ces techniques mais il faut les critiquer, ce qui ne veut pas dire simplement les dénoncer mais les transformer. "Stopcovid" est une application qui pose beaucoup de problèmes, et m’en pose à moi aussi… Quand on veut combattre le côté toxique d’une technologie, il faut commencer par se l’approprier…
    Bernard Stiegler