• Pour la rentrée, Jean Castex offre au patronat ce qu’il a demandé - Page 1 | Mediapart
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    Le premier ministre a réservé ses premières annonces au Medef. Baisse de l’impôt de production, prolongement d’assouplissements de normes décidés durant l’état d’urgence, absence de mesures sur l’écologie.

    Une rentrée politique, c’est une mise en scène destinée à donner du sens à un discours et une action. Mercredi 26 août, Jean Castex, le premier ministre, a choisi en toute conscience de s’adresser aux chefs d’entreprise en priorité.

    D’abord, par la magie de la programmation radiophonique, le matin sur France Inter, où il était l’invité de la matinale quelques minutes après Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. L’après-midi en se rendant à l’ouverture de l’université d’été de l’organisation patronale, intitulée cette année la REF (Renaissance des entreprises françaises).

    Au sein du chic hippodrome de Longchamp, au cœur du bois de Boulogne, où chacun peut se régaler d’une coupe de champagne offerte sur la belle pelouse verte, le premier ministre a longuement, et lentement, présenté sa politique et divulgué quelques éléments du plan de relance. Son dévoilement a été reporté d’une semaine pour cause de rentrée sous la menace d’une reprise active de l’épidémie.

    Dans ce contexte, le gouvernement a d’ailleurs imposé le port du masque dans toutes les entreprises, provoquant l’ire du Medef devant cette annonce « un peu brutale », selon les mots du patron de l’organisation patronale.

    Message reçu à Matignon avec la saisine du Haut Conseil de la santé publique par le ministère du travail pour évaluer les possibles adaptations et la confirmation par Jean Castex lui-même que rien n’est encore figé. « Je crois pouvoir vous dire qu’il y aura la place pour des solutions pragmatiques », a-t-il concédé, s’attirant ainsi quelques applaudissements.

    Tout au long de son discours, ils seront d’ailleurs discrets, jusqu’à l’acmé du propos et la liste de l’ensemble des mesures de relance pour « faire en sorte que l’on retrouve d’ici à la fin du quinquennat le niveau de richesse de 2019 ».

    Et la liste est longue des annonces qui confirment cette politique pro-entreprises caractérisant le mandat d’Emmanuel Macron. Lors de son discours de politique générale, à la mi-juillet, Jean Castex avait d’ailleurs inscrit la sienne dans ce sillon macroniste. « La priorité va donc au soutien assumé à l’offre et au soutien productif. [...] Le plan opérera d’abord par l’offre et l’investissement. »

    Pas d’ambivalence donc devant le Medef : l’essentiel des 100 milliards d’euros ira directement en soutien aux entreprises puisque, selon le premier ministre, la consommation des Français se porte bien et que, visiblement, les inégalités sociales et la pauvreté peuvent attendre. À peine est évoquée la question de la participation pour l’ensemble des salariés « sans obligations nouvelles ». De salaires, jamais il n’est question.

    De la transition écologique non plus. Jean Castex, autopromu champion de l’écologie depuis une tribune intitulée « Tous écologistes ! », n’a pas une seule fois fait allusion à ce qui devait pourtant être la priorité des priorités du gouvernement. Rien sur le réchauffement climatique, rien sur la réduction des gaz à effet de serre, rien sur une probité en matière de transport, rien sur le rôle des entreprises en termes de rénovation thermique des bâtiments. Rien.

    À la plus grande joie intérieure des dirigeants du Medef, dont le président avait auparavant, et comme une ritournelle bien connue, indiqué que « la décroissance n’est pas une option » et évoqué les « problèmes de coûts, les problèmes d’efficacité, les problèmes de normes ». Juste avait-il insisté sur un dialogue nécessaire avec les ONG... Bien peu pour changer la donne.

    En revanche, pour relancer l’économie, tout est bon à prendre aux yeux des patrons réunis, et Jean Castex est venu les bras chargés de cadeaux. Confirmation de la baisse de l’impôt sur le revenu, diminution des impôts de production de 10 milliards d’euros dès le 1er janvier 2021 – tout en restant très flou sur la compensation envers les collectivités territoriales –, et « davantage de simplifications », selon ses mots.

    Concernant cette dernière annonce, il s’est fait plus précis, indiquant que nombre de mesures prises durant l’état d’urgence sanitaire sur le droit du travail et l’urbanisme notamment seront prorogées et même « amplifiées ». Sans surprise, il confirme que le provisoire dure souvent en matière de régression des droits sociaux et de l’environnement. Ce sera donc le cas, par exemple, pour la précarisation des contrats courts qui autorise les employeurs à déroger aux règles habituelles régissant les CDD.

    Quelques minutes auparavant, Geoffroy Roux de Bézieux avait rappelé au bon souvenir du premier ministre la vieille demande du Medef sur le « travailler plus ». « Depuis, j’ai cru entendre certains responsables politiques, et pas des moindres, parler de travailler davantage [...] », s’est-il réjoui.

    Grand promoteur des accords collectifs de performance – qui permettent à des entreprises d’augmenter le temps de travail tout en diminuant les salaires sous prétexte de sauver l’emploi –, Jean Castex a fait un pas en direction du Medef sur ce sujet. Aucune annonce mais une formule : « Pour réussir il n’y a pas de secret, il faut travailler. »

    Il en appelle à l’implication de toutes et tous pour relever le pays par le travail, s’arrogeant même le droit de réécrire la devise nationale en « Liberté, égalité, fraternité, responsabilité ».

    Dans les coursives et à l’abri des tentes des exposants, les participants portent pour un certain nombre de faux panamas, chapeaux élégants distribués gratuitement par l’organisation. On parle affaires et état du monde. Parfois vacances au bord de la mer. Le premier ministre vient d’annoncer que la casse des droits sociaux n’est pas terminée.

    Obscène...

    #patronat #caniches #casse_sociale #capitalisme