• Empire  : 20 ans après, Michael Hardt, Antonio Negri - Le Grand Continent
    https://legrandcontinent.eu/fr/2020/03/12/empire-20-ans-apres

    Une version de cet article est parue le 5 décembre 2019 dans la New Left Review avec le titre « Empire, 20 years on », Url :
    https://newleftreview.org/issues/II120/articles/empire-twenty-years-onhttps://newleftreview.org/issues/II120/articles/empire-twenty-years-on

    « Plutôt que de créer un seul espace lisse, l’émergence de l’Empire fait proliférer les frontières et les hiérarchies à toutes les échelles géographiques, de l’espace de la métropole unique à celui des grands continents. »


    Il y a vingt ans, le processus de mondialisation était au cœur de la réflexion politique : alors que les relations économiques et culturelles à travers le monde devenaient de plus en plus mixtes et interdépendantes, tous pouvaient constater qu’une sorte de nouvel ordre mondial était en train d’émerger. Aujourd’hui, la mondialisation se retrouve à nouveau au cœur de nos débats, mais les journalistes, les hommes politiques et les universitaires de tous les horizons politiques en font l’autopsie. Les analystes politiques de l’establishment, en particulier en Europe et en Amérique du Nord, déplorent le déclin de l’ordre international libéral et la fin de la Pax Americana. Les forces réactionnaires qui arrivent au pouvoir, au contraire, célèbrent le retour de la souveraineté nationale, sapant les pactes commerciaux, annonçant des guerres commerciales, dénonçant les institutions supranationales et les élites cosmopolites, tout en attisant les flammes du racisme et de la violence contre les migrants. Même à gauche, certains annoncent un renouveau de la souveraineté nationale, dans le dessein de s’en servir comme arme défensive contre les prédateurs du néolibéralisme, des sociétés multinationales et des élites mondiales.

    Malgré ces prévisions, à la fois optimistes et angoissées, la mondialisation n’est pas morte ni même en déclin. Elle est simplement moins évidente à lire. Il est vrai que l’ordre mondial et les structures de commandement mondial qui l’accompagnent et qui se sont formées au cours des dernières décennies sont partout en crise, mais les différentes crises actuelles, paradoxalement, n’empêchent pas le maintien des structures mondiales en place. L’ordre mondial émergeant, tout comme le capital lui-même, fonctionne à travers les crises et même, à certains égards, s’en nourrit. Il fonctionne, à bien des égards, sur le mode de l’effondrement1. Le fait que les processus de mondialisation soient moins facilement lisibles aujourd’hui rend d’autant plus important d’investiguer et de révéler les tendances des vingt dernières années, concernant tant la constitution variée de la gouvernance mondiale, qui inclut les pouvoirs des États-nations mais s’étend bien au-delà, que les structures mondiales de production et de reproduction capitalistes.

    #empire #multitudes #classe #intersectionnalité