Plutôt que de parler de la « taddeisation des esprits », il serait sans doute plus juste de rendre à César ce qui est à César et de parler d…

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    • Thread by Marie_Peltier on Thread Reader App – Thread Reader App
      https://threadreaderapp.com/thread/1304745937298952192.html

      Un peu de philo des réseaux sociaux après 10 ans de Facebook et 7 ans de Twitter. Sauvegardez le thread quelque part si il vous intéresse car je désactive ce compte tout à l’heure :) 1) N’écrivez jamais rien que vous ne pourriez assumer en live et devant les personnes concernées.
      2) Évitez les « transactions cachées ». C’est la toxicité de ces lieux : sous-entendre des choses plutôt que dire en face, faire mine de dire quelque chose à qqn pour en fait atteindre une autre personne, glisser des petits likes par ci par là pour affaiblir un tel ou une telle.
      3) Veiller tjs à checker vos propres intentions pour remettre continuellement du politique dans vos positionnements. Qu’est-ce qui me motive à écrire cela ? Une compétence que j’ai ? Le désir de nuire ? La comparaison avec un tel ou une telle ? Le désir de relayer ? D’invisibiliser ?
      4) A l’inverse, évitez toujours de prêter aux autres des intentions que vous ne connaissez pas. Jugez sur des actes, pas sur des suppositions. Remettez les faits au cœur et positionnez-vous par rapport à ceux-ci. Pas par rapport à ce que vous imaginez d’un tel ou d’une telle.
      5) Dépersonnalisez les débats. La confusion actuelle se nourrit du narcissisme ambiant. C’est un mix entre les élans réactionnaires et le tout à l’ego. Le problème n’est jamais un tel ou telle, le problème est toujours politique et/ou philosophique. Y revenir constamment.
      6) Fuyez les logiques d’intérêt et de copinage. Sachez d’avance qu’elles se retourneront contre vous. Ne pas oser dire tel truc pour ne pas heurter machin que je pourrais croiser ou que je connais : barrez-vous de ces petites lâchetés-là. On paye tjs ses compromissions.
      7) Taffez avant de donner un avis. Fuyez la posture, fuyez le naturel humain qui ns pousse à « faire partie » des gens qui « comptent » ou je ne sais quel bullshit social. Soyez honnêtes sur vos compétences. Dites qd vous ne savez pas. Assumez vos opinions. Dites d’où vs parlez.
      8) Débattez. Argumentez. Nommez. Ne discréditez pas. Faites toujours le crédit à l’autre de sa conviction. Non un facho n’est pas un imbécile, c’est quelqu’un qui a fait un choix politique. Ne combattez pas les personnes mais leurs choix politiques. Combattez-les frontalement.
      9) Soyez loyal. Souvenez-vous de ce que vous devez et à qui vous le devez. Ne vous croyez jamais assez important pour pouvoir faire fi de ces dettes et de cette loyauté. Les réseaux sociaux prospèrent sur la trahison. Honorez les soutiens que vous avez eus ou avez encore.
      10) Souvenez-vs que rien n’a de sens ni d’importance si cela n’impacte pas le réel. Le débat public et le politique, cela n’a d’intérêt que si cela change la vie et si cela rend heureux. Sans cela, c’est comme le porno : un prétexte à la branlette. Et nous valons ts mieux que ça.

    • Thread by Marie_Peltier : Donc dimanche alors que je voulais commencer 1 trêve Twitter, je tombe sur une manif anti-masques et je décide d’interpeller la police (avec…
      https://threadreaderapp.com/thread/1303372612190511104.html

      Donc dimanche alors que je voulais commencer 1 trêve Twitter, je tombe sur une manif anti-masques et je décide d’interpeller la police (avec qui j’ai parlé en live) sur cette question de non respect du port du masque. Parce que ça verbalise partout dans Bruxelles et là que dalle.
      Petite veille antifasciste habituelle. Cette manif est publique, les flics sont de très façons partout et ne comptent rien faire puisqu’ils observent sans broncher. Je relève leur manque de cohérence habituel : beaucoup plus prompts à réagir face à nos manifs que face aux conspi.
      Que se passe-t-il ? 1) Des groupes conspirationnistes partagent mes tweets sur Facebook en mode « regardez la collabo » 2) Des harceleurs compulsifs de la twittosphère belge en rajoutent une couche vu que je suis feministo-ecolo-islamo-gaucho (je rappelle).
      J’avais vu que cette manif était très puante politiquement (bah oui sorry de travailler sur ces questions depuis longtemps) : sémantique d’extrême droite partout, drapeaux Qanon, confusion au paroxysme entre références à « Gandhi » et le sempiternel « ON EST PAS DES MOUTONS ».
      Donc je savais que c’était une manif de fafs, même drapés de poncho péruviens et de tatouages peace and love. Je le savais mais ce que je ne réalisais pas, c’est à quel point ces gens ont réellement basculé dans leurs méthodes.
      Donc depuis 48h ces gens m’insultent, me menacent, contactent l’endroit où je travaille, m’envoie des mails tantôt psychologisants tantôt spiritualisants (Oui parce que c’est mystique aussi tout ça) pour dire à quel point le nazisme n’est rien par rapport à ce que je représente.
      Je n’ai franchement même pas envie de me justifier tant c’est absurde. Ce que je veux dire c’est : allô, y’a-t-il des gens pour réaliser que pour certaines d’entre nous, ns exprimer publiquement sur les questions sur lesquelles on travaille nous expose à ce harcèlement permanent ?
      Je le dis clairement : je suis à un point de rupture, comme d’autres. Parce que c’est intenable. Ce qui rend cela intenable c’est aussi la lâcheté face à ces comportements. Le nombre de personnes qui disent « vous avez raison mais ». En fait je commence à avoir peur.
      Je pense aux USA et à l’élection de Trump, je pense au Brexit, je pense à Jo Cox. Je pense très sincèrement que nous en sommes politiquement à ce point de rupture et de basculement. Et je comprends aussi beaucoup mieux ce qui a pu se passer là-bas et comment cela a pu se passer.
      Et clairement ce qui a pu permettre à un tel climat politique de triompher, c’est le manque de soutien, le manque de courage, le déni face à celles et ceux qui sont en première ligne et qui tirent la sonnette d’alarme. Perso je suis pas Jeanne D’Arc. Déso, pas déso.
      Je suis pas Jeanne D’Arc, j’ai une vie, mon bonheur passe avant la cause. Donc clairement là je suis en réflexion pour arrêter de travailler et de m’exprimer sur tout cela. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas assez de soutien. Qu’on hurle dans le désert alors que la menace est là.
      Ce sera pas faute de l’avoir dit clairement. Continuez à nous tirer dans les pattes ou à questionner nos « méthodes » si ça vous chante. Sachez juste qu’au bout du compte, on risque surtout d’arrêter tout court. Et donc de vous laisser gérer. En vous souhaitant bcp de courage.
      Ça par ex, ce déni, c’est vraiment ce qui va nous faire déserter. Je rappelle donc que je suis sous ma véritable identité, que ces gens contactent mon lieu de travail, que j’ai déjà dû être sous protection policière à cause de faits similaires. Mais un Twitto m’explique la vie.
      Ah et je vous ai partagé une super comptine. Ce qui me fait bien rigoler, c’est que 90% des mecs qui nous « raisonnent » feraient leur grande diva si ils recevaient 2% des menaces qu’on reçoit. Et ils auraient en sus le soutien de ts leurs potes mecs. Nous on fait des comptines.

      https://twitter.com/marie_peltier/status/1303348098404700161

      Dernier truc : le machisme mainstream c’est aussi soutenir les femmes « victimes » d’un rôle d’homme protecteur face aux petits êtres fragiles que nous sommes censées être. Perso, comme d’autres, je refuse cette identité de victime. Et je pense que c’est ça que bcp ns font payer.
      Update : j’évoque vraiment pas la question du « burn -out militant » ici (parce que je vois plusieurs ramener le truc à ça). Je suis en super forme physique et morale. Le problème est vraiment un problème global. Le harcèlement est devenu une arme politique. J’en reparle bientôt.
      Quand on dit « besoin de soutien », c’est pas un truc affectif en mode « j’ai besoin de petits cœurs et de reconnaissance ». On parle de soutien politique, de solidarité dans la lutte, de conséquence. On parle aussi d’arrêter les mesquineries qui plombent complètement nos luttes.
      Mes expériences dans le milieu militant et plus largement dans les milieux politisés m’ont appris une chose : fuir les jeux psychologiques et le triangle infernal « victime-persécuteur-sauveur ». Ce sont des dynamiques mortifères et profondément dépolitisantes.
      Pour moi tout ceci indique quelque chose dont je vais reparler : la fin des réseaux sociaux, en ce sens que nous avons touché aux limites du format. Aujourd’hui ce format ne sert plus que les forces hostiles à l’émancipation. Je pense vraiment qu’il est temps de déposer le bilan.
      Et je le vois notamment par la mise en abîme de ce thread : j’essaye de décrire une crise politique profonde et je perçois que ce n’est pas vraiment audible. En fait je suis pas une influenceuse, je parle politique. Mais ce malentendu est normal, ce n’est plus ici que ça se passe

    • Thread by Marie_Peltier : Plutôt que de parler de la « taddeisation des esprits », il serait sans doute plus juste de rendre à César ce qui est à César et de parler d…
      https://threadreaderapp.com/thread/1301217129669292032.html

      Plutôt que de parler de la « taddeisation des esprits », il serait sans doute plus juste de rendre à César ce qui est à César et de parler de « Ardissonisation des esprits ». Le vrai vulgarisateur du complotisme et de l’extrême droite à la TV, c’est Ardisson.
      Faites le test, prenez n’importe quelle personnalité douteuse en vogue actuellement, n’importe quelle idée nauséabonde encore inconnue il y a 25 ans et aujourd’hui sur toutes les lèvres : vous pouvez vérifier que la majorité du temps, c’est chez Ardisson que ça a commencé.
      En fait Ardisson a inventé le modèle (au niveau francophone) qui s’est imposé à la TV aujourd’hui et plus largement d’ailleurs : le fait qu’il fallait parler à tout le monde comme si on était au café (strass mondain en sus). Pourquoi ? Parce que ça fait le buzz.
      La 1ère raison est donc le buzz, le fric, le strass aussi, faut pas se mentir. Mais derrière cela, il y a évidemment un fond politique. Faut pas être grand clerc pour savoir que Ardisson a lui-même pas mal d’affinités avec les personnalités « controversées » qu’il aime inviter.
      C’est d’ailleurs la grande imposture de la posture anti-media car ce qui a porté l’imaginaire conspirationniste aux nues, banalisé la parole xénophobe, rendu fréquentable les « intellos fachos », c’est bien les médias dits « traditionnels », TV en tête, dès la fin des années 80.
      L’élève « modèle » de Ardisson, c’est Ruquier, le soi-disant « gauchiste » qui « aime le débat ». Ruquier qui a une responsabilité énorme non seulement dans l’ascension de Zemmour par exemple, mais de manière + grave encore dans la banalisation complète de sa pensée.
      Pas une semaine depuis 30 ans sans que ces présentateurs TV nous serve que le « débat avec l’extrême droite » est nécessaire, souhaitable, courageux. La réalité c’est quoi ? C’est que la TV est l’instrument par excellence de la popularisation des thèses de l’extrême droite.
      Le cas Zemmour est d’ailleurs très intéressant. Il y a 20 ans Zemmour savait que le rapport de force n’était pas en sa faveur : ré-écoutez ses interventions de l’époque et mesurez combien il était alors « nuancé ». Au fur et à mesure il a compris que les digues avaient sauté.
      Il y a derrière cela pas mal d’éléments qui peuvent être mis en perspective. On peut notamment évoquer une conception très machiste du débat (qui est aussi le fait de femmes, ce n’est pas la question) : l’imaginaire du combat de boxe. De la « figure héroïque » aussi.
      « On va régler cela entre mecs ». Il y a vraiment de cela. L’idée que le débat politique, c’est une joute. Que le spectateur est là pour bouffer des pop-corns et compter les points. Un gentil et un méchant qui s’écharpent. Chacun choisit son camp et mise son poulain.
      Pas mal de choses à dire aussi sur la configuration des débats, sur le choix des intervenants qu’ils soient d’extrême-droite censés incarner leurs opposants. Ce qui est frappant, c’est qu’au fur et à mesure du « débat télévisuel », c’est bien l’ED qui s’est imposée.
      Prenons Naulleau par exemple. Dans la configuration de ONPC, il était censé être le « pendant » de Zemmour, l’homme de gauche du plateau. Écoutez Naulleau aujourd’hui et demandez-vous lequel de ce duo a influencé la pensée de l’autre. A qui cela a profité.
      Nous sommes en 2020. Ardisson. A commencé à proposer ce modèle dans les années 80. Ensuite il y a eu Ruquier, Taddei, Hanouna, CNews et compagnie. Nous avons le recul, nous observons le fiasco. Et pourtant on a pas encore réussi à dézinguer l’imposture complète de ce modèle.
      On a pas encore réussi à dezinguer l’idée qu’un plateau TV est une arène politique où l’on combat la xénophobie et les élans réactionnaires. On a pas encore compris qu’un plateau TV c’est avant tout une vitrine, un porte-voix. Et que l’ED comme d’hab l’a compris bien avant nous.
      Alors rendons hommage à Ardisson et à son caractère visionnaire ; le garant de notre « courage » télévisuel, c’est lui. Il était pas con le gars : gagner du fric et faire avancer se idées pourraves sur le dos de notre posture. Faut avouer que ça pas trop mal marché.