Cet après-midi, sous un soleil cuisant mais à l’abri des frondaisons, à la Ferme en Coton, près d’Auch, avait lieu un rassemblement à la mémoire de José Jorge (46 ans) et son fils Alban (16 ans), tués vendredi par un automobiliste qui les a percutés de face, dans une ligne droite, alors qu’ils roulaient normalement sur une route de campagne. La nouvelle a provoqué chez celles et ceux qui les connaissaient la sidération.
De très nombreux ami·e·s avaient tenu à participer à cet hommage. Plus de 200 cyclistes et des centaines de jeunes et moins jeunes venus en fourgonnettes, en bus ou en voiture (les autorités avaient mobilisé police nationale et municipale pour réguler la circulation). On prend la mesure de l’amitié, de l’estime, des sentiments qui lient ces belles personnes, ce couple chaleureux, José et Odile, ainsi que leurs enfants, Alban, Mathilde et Louise, à d’innombrables personnes. Le père de José, venu tout exprès du Portugal, dit sa joie de voir combien son fils et son petit-fils avaient « de vrais amis ».
La cérémonie a lieu, sous les arbres, chênes et cerisiers, à la plantation desquels José a participé jadis. C’est Antoine qui anime : dans le civil, il est clown, sa compagne Servane également, qui témoigne au micro ("Bibeu et Humphrey"). Antoine, qui les connaissait bien, qualifie José et Alban de « beaux vivants ». L’ambiance est faite de recueillement, de tristesse et d’humour. Beaucoup de ceux qui interviendront au micro rappelleront des moments drôles avec José ou Alban, que ce soient des amis de José, ses collègues de travail, le secrétaire général de la CGT ou le directeur de la Caisse de Sécu (son patron) ou les copains et camarades d’Alban. L’assemblée rit parfois, mais les larmes sont là, à peine refoulées, le masque dissimulant l’émotion. Au micro, il faut la main secourable d’un ou d’une autre pour pouvoir lire sans défaillir son texte.
Les témoignages attestent tous que José était serviable, dévoué, intelligent, efficace, présent, actif, « roi de la débrouille », très proche de ses enfants, mari et père investi. Ce ne sont nullement des compliments de circonstance. C’était aussi « le roi des ordis » : informaticien de profession, il était très sollicité dans le privé. Damien Domenech, élu à la mairie d’Auch sous l’étiquette Alternative Front de G’Auch (comme le fut précédemment José), sollicite l’assemblée pour savoir qui a obtenu un ordi ou reçu des conseils informatiques venant de José, des dizaines de mains se lèvent. Idem pour l’aide au vélo. Les camarades d’Alban se relaient pour dire combien ils et elles appréciaient sa personnalité, son attitude apaisante : « on te garde une place dans la classe ».
Anne-Catherine (qui accueille généreusement sur la Ferme en Coton avec Nicolas) évoque : « je vais prendre ta douleur », et un murmure chanté l’accompagne.
La haie d’honneur aux cyclistes et ces cyclistes alignés devant le passage des cercueils ont été un moment d’une intense émotion. Cette cérémonie laïque est la plus belle des cérémonies qui soit. Le sourire d’Odile, de Mathilde et de Louise, servait sans doute à conjurer le malheur, mais peut-être révélait-il combien cet hommage est précieux pour les survivants d’une telle tragédie.