• Multilinguisme et hétérogénéité des pratiques langagières. Nouveaux chantiers et enjeux du Global South | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2017-2-page-251.htm

    Introduction
    Linguistes et anthropologues ont sillonné les terrains lointains ces deux derniers siècles. En même temps que leurs disciplines académiques s’établissaient en Occident, ils participaient à la définition et à la construction des langues et des cultures (Gal & Irvine 1995) dans un ailleurs, les Suds (dont les qualificatifs empruntent généralement à l’exotisme et à l’infériorité : ex-colonies, Tiers-Monde etc.), ayant servi de réservoir de « données brutes » (Comaroff & Comaroff 2012 : 113) pour des théorisations occidentales. Or, les Suds semblent préfigurer ce qui arrive dans tout pays en temps de récession ou de crise économique, tant dans le domaine des mouvements de population, de l’exclusion sociale, des émeutes que de la racialisation des rapports sociaux (Comaroff & Comaroff 2012). Si cette présentation peut faire croire à une division géographique du monde, il faut plutôt comprendre les Suds – ou le #Global_South  – comme « une métaphore de la souffrance humaine causée par le capitalisme et le colonialisme à l’échelle mondiale, et de la résistance visant à la surmonter ou à l’atténuer » (Santos 2011 : 39), que ce soit au Nord, comme dans les différents Suds.

    L’une des caractéristiques linguistiques majeures de ce Global South est le multilinguisme des territoires et le plurilinguisme de la population. D’un point de vue linguistique, cela se traduit par des #pratiques_langagières_hétérogènes pour lesquelles il a fallu adapter notre appareillage conceptuel. D’un point de vue social, ce multilinguisme, conçu comme la coexistence, dans un contexte ou sur un territoire donné, de langues, pratiques et variétés, aux statuts économiques et symboliques variés, se traduit par une répartition inégale des ressources au sein de la population. Cela pose en particulier des questions d’équité et d’accès aux soins ou à l’éducation de pans entiers de la population.

    Travailler sur ces terrains dans une perspective postcoloniale nécessite deux décentrements : d’une part l’abandon ou l’évolution des catégories descriptives traditionnelles, d’autre part un autre rapport au « terrain » et à l’expertise scientifique avec un recentrement sur les perceptions et points de vue endogènes pour faire entendre leurs voix. Les théorisations occidentales ont en effet confiné au silence l’expérience locale des populations et les théorisations alternatives. Un effet d’effacement massif caractérise ainsi les Théories du Sud (Connell 2007) laissées à la périphérie du système de production de connaissances. S’intéresser à présent au Global South nécessite de « révéler les silences épistémiques » des épistémologies occidentales en affirmant « les droits épistémiques de ceux qui sont racialement dévalués » (Mignolo 2009 : 4). Nous verrons comment des formes de visibilisation – de ces savoirs et de ces pratiques – sont possibles.

  • Les aventures de l’enquête militante, Davide Gallo Lassere, Frédéric Monferrand, Rue Descartes 2019/2 (N° 96), pages 93 à 107
    https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2019-2-page-93.htm

    Depuis la crise de 2008, on assiste à un retour en force de la notion de « capitalisme » sur la scène intellectuelle et dans le débat public, ce qui soulève au moins deux questions : que faut-il au juste entendre par « capitalisme » ? Et qu’est-ce qui en justifie la critique ? Dans une perspective marxienne, la réponse à la première question ne paraît guère problématique, même si elle peut faire l’objet de développements divergents. Par « capitalisme », on entend en effet un mode de production fondé sur la généralisation de l’échange marchand, l’exploitation d’une force de travail « libre » et l’accumulation indéfinie de survaleur. La réponse à la seconde question est en revanche moins évidente, ne serait-ce que parce qu’on trouve dans Le Capital différents modèles de critique du capitalisme.

    Dans les deux premières sections de l’ouvrage, Marx explique que l’échange marchand génère des illusions socialement nécessaires qui imposent aux individus des rôles sociaux unilatéraux en les transformant en simples « porteurs » d’un processus de valorisation anonyme. De la lecture des deux cent premières pages du Capital, on retire donc l’impression que le capitalisme doit être critiqué parce qu’il constitue un système opaque animé d’une tendance incontrôlable à élargir la base de sa reproduction.

    Or, une telle critique, menée du point de vue objectif du capital, resterait formelle si elle n’était complétée par une description, menée du point de vue subjectif du travail, des effets concrets de l’accumulation capitaliste sur l’expérience sociale de celles et ceux qui en assurent la continuité. Dès lors qu’on quitte la sphère de la circulation marchande pour descendre dans l’« antre secret de la production , le capital n’apparaît en effet plus comme un « sujet automate, mais comme une forme de #commandement sur le travail qui suscite des conflits portant sur le #temps et sur l’#organisation de l’activité, qui oppose différentes stratégies d’extraction du surtravail et de refus de l’exploitation et qui se traduit par des dégradations physiques et morales dont Marx, à la suite des inspecteurs de fabrique, fournit la patiente description . Dans cette seconde perspective, le #capitalisme ne doit plus être critiqué parce qu’il constitue un système irrationnel et autoalimenté, mais parce qu’il produit des effets négatifs sur la vie physique, psychique et sociale des subjectivités.

    L’objectif de cet article est de développer ce second modèle critique – qu’on peut qualifier de « critique par les effets » – en montrant qu’il a reçu dans la pratique de l’enquête militante un appui théorique et une continuation politique. Partant des élaborations pionnières du jeune Engels, nous soutiendrons la thèse selon laquelle l’enquête militante permet d’articuler la connaissance des rapports sociaux et l’organisation des pratiques visant à en accomplir la transformation. Car, comme nous tenterons de le montrer ensuite en parcourant la séquence menant des élaborations de Socialisme ou Barbarie en France à celles des _Quaderni rossi puis de Classe operaia en Italie, c’est bien la question de l’organisation qui fournit à l’enquête militante sa raison d’être et en détermine les différentes modalités.

    #enquête_ouvrière #enquête_militante #opéraïsme #stratégie #travail #subjectivité #refus #organisation_autonome #autonomie #barbarie

  • Adrian Daub, La Pensée selon la tech. Le paysage intellectuel de la Silicon Valley | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2023-1-page-441.htm

    La Pensée selon la tech est un livre passionnant pour qui s’intéresse aux influences intellectuelles et philosophiques des gourous de la tech américaine et aux stratagèmes des entreprises du secteur de la Silicon Valley. Il montre par quels procédés communicationnels la Silicon Valley transforme à son avantage une réalité souvent peu brillante. Elle n’invente pas nécessairement les idées mais les absorbe de manière très superficielle pour servir ses intérêts. Des lieux communs teintés d’académisme s’enracinent dans des traditions américaines anciennes et le tissu local. Leur banalité facilite leur recyclage, tandis que la passivité dispense de toute discussion. Entrepreneurs, bailleurs de fonds, leaders d’opinion, journalistes continuent à exporter les théories et le style de la Silicon Valley, grâce aux enseignements de la contre-culture des années 1960.


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    Observateur clairvoyant, A. Daub livre un témoignage vivant issu de son vécu professoral dans le campus de Stanford. Des anecdotes servent d’accroches à des propos plus généraux tout en les illustrant. Le lecteur est fréquemment pris à partie. L’essai tire sa dynamique de ces effets de style et de sa liberté de ton. Il est loin d’être neutre : l’auteur livre un regard sans concession sur des pratiques qui ont droit de cité mais qui sont tout sauf égalitaires. On devine une certaine indignation sous la dénonciation de la casse sociale qui touche les femmes et tout un pan invisibilisé de travailleurs démunis. C’est pourquoi A. Daub montre la voie vers une pensée critique sur cette partie du monde que beaucoup de pays envient et cherchent à copier sans prendre garde à ses spécificités et ses côtés sombres. Son livre sonne comme un avertissement à ne pas reproduire le modèle tel quel. Il pousse à faire évoluer la représentation que l’on s’en fait et la vision des professionnels du secteur.

    #Adrian_Daub #Pensée_tech #Silicon_Valley

  • Le Chancre du Niger, petit livre de 1939 – jamais réédité
    https://www.cairn.info/revue-roman2050-2006-4-page-17.htm

    Le Chancre du Niger n’a pas eu la fortune du Rôdeur, de L’Âge d’or ou de La Ligne de force. Ce livre de 1939 n’a jamais été réédité. « Ce petit livre », préfacé par Gide, s’inscrit dans une collection, Les Tracts de la NRF, où Gide a publié deux textes retentissants : Retour de l’U.R.S.S. (1936) et Retouches à mon « Retour de l’U.R.S.S. » (1937). Herbart, lui, s’attaque à l’Office du #Niger, un établissement public fondé en 1932 pour irriguer, « coloniser, mettre en valeur et exploiter », aux frais de l’AOF, la vallée du Niger dans ce qui était, à cette époque, le Soudan français et qui s’appelle aujourd’hui le Mali. Fidèle à l’esprit de la collection, #Pierre_Herbart y dénonce en 124 pages « la malfaisance […] d’un système » . Le Chancre du Niger ne se présente pourtant pas comme un pamphlet, mais comme une « étude », une « enquête » qui veut prouver à l’aide de documents et de chiffres. Ce texte tire sa force de la solidité de son information, et aussi, ce que je voudrais montrer, de sa mise en œuvre littéraire. [...]

    #colonisation # exploitation #impérialisme_français #curious_about

  • Recension : Jeunes de quartier. Le pouvoir des mots, Collectif Pop-Art, coordonné par Marie-Hélène Bacqué et Jeanne Demoulin, 2021, Caen, C&F éditions, 240 pages. | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2023-1-page-220.htm

    Jeunes de quartiers est un ouvrage important, car il marque le tournant participatif dans la recherche urbaine. Créé en 2017, le collectif Pop-Art réunit l’ensemble des participants – jeunes, acteurs locaux (animateurs, etc.) et/ou chercheurs (surtout chercheuses) – à une recherche participative innovante, d’abord par sa durée (4 ans), ensuite et surtout, par les outils utilisés  : groupes de parole, ateliers d’écriture individuelle et collective, cartes mentales, photographies et films vidéo, etc. Son sous-titre – «  le pouvoir des mots  » – exprime bien l’objectif de l’ouvrage  : donner à entendre la parole de ces jeunes. Ce point est essentiel à la fois pour les jeunes et pour les destinataires de leurs paroles. Il est aussi en cohérence avec les outils qui ont été privilégiés. La recherche porte sur les «  jeunes de quartier  », expression qui a été préférée à celle de «  jeunes de banlieue  », réservée aux jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville, trop facilement présumés délinquants.

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    Ici, il s’agit de jeunes vivant dans des quartiers populaires qui ne relèvent pas tous de la politique de la ville, dans Paris (18e arrondissement), dans la première couronne de la banlieue parisienne, mais aussi dans la seconde, plus «  rurale  ». Il y a des filles et des garçons, une fraction a fait des études supérieures, elle n’est pas la plus nombreuse, mais elle reste très attachée à son quartier. De nombreux jeunes viennent de familles d’immigration ancienne ou récente. La cohabitation pluriethnique s’impose, mais tous se plaignent du racisme de leurs voisins et surtout des institutions. L’islam est la religion majoritaire, mais l’ignorance est grande  : une jeune chrétienne s’est convertie à l’islam car, pour elle, à la différence du christianisme qui est très divisé, «  dans la religion musulmane, tout le monde a la même version  » (p. 183)  ! Tous parlent d’eux, de leur famille, de leur quartier, de leurs projets d’avenir et de leurs visions du monde. Celles et ceux qui ont la double nationalité la considèrent comme un atout et non comme un handicap.

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    Le fond et la forme sont bien entendu liés, mais je les présente ici successivement. Ces jeunes ne sont pas très différents des autres, à la fois attachants et surprenants. Leur place dans la société se structure autour de couples d’oppositions  : fille et garçon, petit et grand, premier et dernier de la fratrie, etc. Tous sont très attachés à leur quartier, considéré comme une «  grande famille  », un «  petit village  » et même un «  refuge  ». Mais ils apprécient l’anonymat de la capitale pour leurs sorties. Le quartier est une sorte de «  tiers-lieu  » entre la famille et l’école. Le sport est très important pour être connu et reconnu, pour les garçons, mais aussi pour les filles. Certains ont des projets un peu fous, comme créer une entreprise de luxe ou s’installer à Dubaï. Mais la majorité est d’une grande lucidité et sait reconnaître ses erreurs de jeunesse, le rêve débouchant sur un projet plus réaliste. Par exemple, après avoir rêvé de devenir une star du football, des jeunes sont devenus animateurs sportifs. Tous ont également un sens aigu des solidarités familiales et de voisinage, tout en étant critiques, et oscillent entre attraction et répulsion. Tous tiennent à la solidarité qui leur a été enseignée avec l’islam, mais ils, et surtout elles, aimeraient bien que leurs parents s’ouvrent à l’égalité entre les hommes et les femmes et ne leur imposent plus de mariage forcé. Tous expriment un fort désir d’engagement dans la cité, tout en craignant la «  récupération  » par la municipalité ou par les partis politiques. L’expression de Jacques Ion, «  l’engagement post-it  », n’est pas utilisée, mais correspond bien à leur démarche. Peut-être parce que la question de la santé n’était pas un problème majeur en 2017, elle est peu présente dans cet ouvrage.

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    Avec le collectif Pop-Art, Marie-Hélène Bacqué et Jeanne Demoulin s’affirment ainsi comme les pionnières du véritable «  tournant participatif  » dans la recherche urbaine et, plus largement, en sciences humaines et sociales. La contribution des participants dans la production et l’analyse des données est réelle et reconnue. Ce collectif innove aussi en matière de diffusion des résultats à la communauté scientifique, aux autres jeunes et au grand public. Espérons que d’autres suivront leur exemple.

    #Jeunes_quartier #Marie-Hélène_Bacqué #Jeanne_Demoulin

  • Mélanie BOURDAA, Les Fans. Publics actifs et engagés, Caen, C&F Éditions, coll. « Les enfants du numérique », 2021, 310 p. | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-reseaux-2022-5-page-285.html

    Les Fans. Publics actifs et engagés est un ouvrage tiré de l’habilitation à diriger des recherches de Mélanie Bourdaa, travail engagé en sciences de l’information et de la communication. Elle s’intéresse aux pratiques « faniques » ayant lieu autour des séries télévisées, notamment à l’heure d’internet, et plus particulièrement à l’identité des fans et à leur engagement social. L’objectif est alors de comprendre « les enjeux des activités et pratiques des fans en lien avec le monde social, politique et culturel » (p. 29), donc comment les activités des fans peuvent être des activités qui investissent des débats sociétaux, tels les mouvements féministes ou LGBTQ+. Son ouvrage est composé de deux parties, chaque partie étant divisée en trois chapitres. Une première partie intitulée « Politique(s) du et des fans : activisme et engagement social », réalise une revue de littérature sur ce que sont les fans studies et sur l’importance des représentations fictionnelles dans le cadre notamment des coming-out pour les publics non hétérosexuels. La seconde partie, « Pratiques de fans », analyse ce que font les fans, aussi bien à travers leur engagement dans un collectif que dans l’acquisition de compétences.

    #Fans #Mélanie_Bourdaa

  • Un assez court manifeste concernant le concept de révolution | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-ecorev-2022-1-page-15.htm?u=d9493d3f-54c6-41cb-a9a1-da7b918098cd&WT.ts

    Par David Graeber

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    Le terme « révolution » est si galvaudé qu’il signifie tout et son contraire. Il y a des révolutions chaque semaine aujourd’hui : des révolutions bancaires, des révolutions cybernétiques, des révolutions médicales, et une révolution Internet chaque fois que quelqu’un développe un nouveau logiciel ingénieux.

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    Cette sorte de rhétorique est seulement possible parce que la définition commune de la révolution a toujours signifié quelque chose qui était de l’ordre du changement de paradigme : une rupture claire et fondamentale dans la nature de la réalité sociale après laquelle tout fonctionne différemment et les catégories antérieures ne s’appliquent plus. C’est ce qui fait qu’il est possible, par exemple, d’affirmer que le monde moderne est issu de deux « révolutions » : la Révolution française et la révolution industrielle, malgré le fait que les deux n’aient rien d’autre en commun que de sembler marquer une rupture avec ce qui les a précédées.

    S’il y a une erreur logique à la base de tout cela, c’est le fait d’imaginer que le changement social ou même technologique a la même forme que ce que Thomas Kuhn a appelé « la structure des révolutions scientifiques ». Kuhn se réfère à des événements comme la transition d’un univers newtonien à un univers einsteinien : il y a une percée intellectuelle et l’univers n’est plus le même par la suite. Appliqué à n’importe quoi d’autre que les révolutions scientifiques, cela impliquerait que le monde correspond vraiment à la connaissance que nous en avons, et que dès que nous changeons les principes sur lesquels notre savoir est fondé, la réalité change elle aussi. C’est exactement la sorte d’erreur intellectuelle élémentaire que nous devrions, selon les psychologues du développement, surmonter au début de l’enfance, mais il semble que ce soit le cas de peu d’entre nous.

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    En fait, le monde n’est pas tenu de répondre à nos attentes et, dans la mesure où la « réalité » réfère à quelque chose, c’est précisément à ce qui ne peut jamais être totalement compris dans nos constructions mentales. Les totalités, en particulier, sont toujours des créatures de l’esprit. Les nations, les sociétés, les idéologies, les systèmes clos… rien de cela n’existe vraiment.

    Une révolution à l’échelle mondiale prendra très longtemps. Mais on peut aussi reconnaître qu’elle a déjà commencé. La façon la plus facile de l’appréhender est d’arrêter de penser à la révolution comme à une chose – « la » révolution, la grande rupture cataclysmique – et plutôt de demander « qu’est-ce que l’action révolutionnaire ? » Nous pourrions alors avancer qu’une action révolutionnaire est toute action collective qui rejette, et donc défie, une forme de pouvoir ou de domination et, ce faisant, reconstitue les relations sociales, même au sein de la collectivité, dans cette perspective. L’action révolutionnaire ne doit pas nécessairement avoir pour objectif de renverser les gouvernements. Les tentatives de créer des communautés autonomes en dépit du pouvoir (en utilisant ici la définition de Castoriadis, soit des communautés qui constituent elles-mêmes, qui décident collectivement de leurs propres règles ou principes de fonctionnement, et qui les reconsidèrent continuellement) seraient, par exemple, des gestes révolutionnaires presque par définition. Et l’histoire nous montre que l’accumulation continue de tels gestes peut (presque) tout changer.

    #David_Graeber #Révolution

  • Diplomaties gazières dans les Balkans : la Russie et l’Union européenne | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2014-2-page-83.htm

    la région du Sud-Est européen (Albanie, Bulgarie, Bosnie, Croatie, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Roumanie, Serbie) occupe une position stratégique sur la route des approvisionnements nécessaires à l’Europe occidentale. Les projets européens de gazoducs (Nabucco, Nabucco Ouest, l’Interconnecter Turquie-Grèce-Italie – ITGI, le Trans-Adriatic Pipeline – TAP, le projet de gaz naturel liquéfié en mer Noire Azerbaïdjan-Georgia-Romania Interconnecter – AGRI), qui visent à acheminer du gaz provenant de la mer Caspienne, passent tous par le corridor gazier Sud. Seul le gaz produit sur le gisement azerbaidjanais de Shah Deniz est accessible pour le moment. Or, ce gisement n’aura pas la capacité d’alimenter deux gazoducs et le consortium qui le gère a choisi TAP pour acheminer son gaz. Ainsi les projets dans le cadre du corridor énergétique Sud accroissent l’importance des pays des Balkans occidentaux car ceux-ci sont situés à l’intersection des axes d’influence de l’Union européenne, de la Russie et des États-Unis, là où une compétition accrue, par le biais des compagnies multinationales et institutions internationales, s’est engagée et où les tracés des tubes énergétiques évoluent au gré des situations géopolitiques. La région non seulement occupe une position stratégique sur la route des approvisionnements nécessaires à l’Europe occidentale mais aussi son potentiel de production d’énergie suscite toutes les convoitises. Les enjeux sont conflictuels et la « lutte » pour l’énergie fait rage, qu’il s’agisse de la sécurisation des approvisionnements énergétiques et des projets de diversification exigés par l’Union européenne ou des investissements russes ou chinois dans le secteur de l’énergie de ces pays.

  • Immigration, islam, « identité nationale » : vieux débats, vieux démons | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-topique-2011-1-page-93.htm

    HYGIÈNE RACIALE, HYGIÈNE PUBLIQUE ET DÉFENSE DE LA FRANCE

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    C’est dans ce contexte de politisation et de racisation des questions relatives à la présence des « indigènes » en France que le Dr. Martial rédige son Traité de l’immigration et de la greffe inter-raciale, salué par le sénateur Pierre Even comme « un travail d’une importance (…) considérable » qui « apporte au monde politique et médical un enseignement précieux. » Double consécration donc puisque l’auteur, reconnu comme un spécialiste éminent, en raison de sa légitimité scientifique, est élevé au rang d’expert capable d’éclairer les hommes chargés d’élaborer les orientations du pays en matière d’immigration. Si Martial estime que « le vieux fond français a toujours assimilé totalement (…) les éléments étrangers », cette proposition générale ne vaut cependant que pour les Européens puisqu’elle se conjoint avec l’existence d’une autre « loi » : plus les différences raciales sont importantes, plus le métissage devient problématique, plus l’assimilation est compromise voire impossible. La cause de ce phénomène singulier ? « Un antagonisme racial qui empêche toute greffe » réussie et cette situation appelle l’adoption de mesures restrictives en matière d’immigration car on ne saurait, sans danger pour la santé publique et l’intégrité des Français, favoriser la multiplication de « métis. » Le docteur plaide donc en faveur de l’instauration de « méthodes de sélection sérieuses » afin « d’éviter l’hétéromorphie due au métissage et à sa descendance

    • René Martial, 1873-1955. De l’hygiénisme à la raciologie, une trajectoire possible | Cairn.info
      https://www.cairn.info/revue-geneses-2005-3-page-98.htm
      https://www.cairn.info/vign_rev/GEN/GEN_060.jpg

      René Martial, auteur en 1934 de l’ouvrage La Race française et en 1943 du fascicule du Secrétariat général à la jeunesse Notre race et ses aïeux, est désormais [re]connu comme un jalon « essentiel » du racisme scientifique « à la française » (Schneider 1994 : 104-117 ; 1990 : 231 et suiv.) [1]
      [1]Dans cette histoire assez classique des idées, bien des…
      . Ce qui en revanche est moins connu, ou trop rapidement mentionné (Taguieff 1999 : 295-332), c’est son passé d’hygiéniste social, affichant ostensiblement son attachement au socialisme réformiste [2]
      [2]La trajectoire de R. Martial, « expert en raciologie », n’est…
      . Deux positions donc, que l’on pourrait hâtivement classer dans deux « familles » politiques essentiellement différentes (socialisme/racisme). Dans cette perspective, la trajectoire d’un individu entre ces deux points ne pourrait relever que de la « dérive » [3]
      [3]Dans ce registre, à propos d’autres cas d’espèce, voir Burrin…
      , pathologique et exceptionnelle, d’un électron entièrement libre. Or avec la trajectoire de R. Martial, ce sont deux projets qui prennent corps, l’hygiénisme du début du siècle et la raciologie dans les années 1930. Donc deux moments historiques pendant lesquels R. Martial trouve à la fois les ressources – et nous reviendrons sur ses relations complexes avec les élites médicales – et les limites de son ambition. En restituant ces éléments objectifs nous pouvons tenter de comprendre ses stratégies, ses (re)positionnements successifs, à l’aune de sa propre perception de la situation et de sa (re)présentation de soi. La corrélation de ces données objectives et subjectives nous permet de restituer l’histoire complexe d’une rencontre ratée entre un poste d’hygiéniste construit et un individu qui pense qu’il lui est loisible d’espérer s’arracher à la fonction qui s’y attache. La suite de cette histoire, loin de n’être qu’un épilogue ou une déviance, se construit au regard des ambitions contrariées de R. Martial et de la revanche que constitue ce nouvel espace qui commence à s’ouvrir dans les années 1930. La trajectoire de R. Martial offre un regard par le bas sur deux histoires en train de se faire, l’hygiénisme social et la raciologie.

  • Le peuple et la « France périphérique » : la géographie au service d’une version culturaliste et essentialisée des classes populaires | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2014-1-page-233.htm

    À la question : « Où est le peuple ? », certains auteurs ont récemment répondu en le situant dans la « France périphérique ». Christophe Guilluy, co-auteur du Plaidoyer pour une Gauche populaire, interrogé par de nombreux médias après la publication de son ouvrage Fractures Françaises paru en 2010, définit les classes populaires à partir d’une approche sociologique, mais aussi géographique ; les classes populaires correspondraient aux catégories socio-professionnelles « ouvriers et employés » de l’Insee, et résideraient, de plus en plus, dans la « France périphérique », c’est-à-dire dans la France périurbaine et rurale. Cette catégorisation spatiale, selon la typologie de l’auteur, s’oppose aux espaces métropolitains, composés des centres-villes et des banlieues. La définition sociale des classes populaires se double ainsi d’une désignation spatiale, celle de la « France périphérique », qui dépasse la catégorie de « périurbain », par ailleurs très mobilisée et discutée dans le champ de la géographie sociale et électorale (Lévy, 2003 ; Rivière, 2010).

    Le « peuple de la France périphérique » est ainsi devenu un objet de conquête politique pour la Gauche populaire, tandis que la Nouvelle droite y fait également référence de manière explicite. En témoignent les propos de Patrick Buisson lors d’une interview donnée au Figaro, le 13 novembre 2012 : la « France périphérique » chère à Christophe Guilluy – celle des espaces ruraux et périurbains – concentre aujourd’hui 30 % de l’électorat. On y rencontre simultanément les taux de pauvreté les plus élevés et une sous-consommation des prestations sociales, les taux de délinquance les plus faibles et la moins forte densité d’équipements publics. Les véritables territoires de relégation ne se trouvent pas dans les banlieues où vivent les minorités mais dans la Creuse, l’Aude, le Cantal ou l’Ardèche. Cette France-là n’est pas tapageuse. Elle ne revendique pas, elle défile peu. C’est une habituée du hors-champ, une recluse de l’angle mort, invisible sur les écrans radars médiatiques si ce n’est pour jouer, selon la formule de Philippe Muray, le rôle de « plouc-émissaire » (Buisson, 2012).

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    En opposant une « France périphérique » oubliée, où réside ce qui s’apparenterait à un « bon peuple », à la « France métropolitaine », où les « minorités visibles » (Guilluy, op. cit., p. 78) seraient survalorisées et médiatisées, Christophe Guilluy ne contribue-t-il pas à élargir les fractures qu’il prétend dénoncer ? Au nom d’un « retour au peuple », n’assiste t-on pas au renforcement d’une pensée conservatrice et réactionnaire, légitimée par la géographie ?

  • Daniel Oppenheim, Le désir de détruire. Comprendre la destructivité pour réduire le terrorisme, Paris, C&F éditions, coll. « Interventions », 2021. | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-journal-de-la-psychanalyse-de-l-enfant-2022-1-page-257.htm

    Comprendre… Projet impensable pour la destructivité qui s’acharne contre le sens dans la pensée.
    Daniel Oppenheim, psychiatre et psychanalyste, a travaillé dans les quartiers et lieux institutionnels, le mettant en résonance avec des enfants et des adolescents face au chaos… Il a été confronté à la mort et la destruction de la pensée avec les enfants souffrant de tumeurs cancéreuses à Villejuif ; et plus récemment à l’infirmité des amblyopes sévères.
    Il souligne dans cet ouvrage les racines personnelles, identitaires et historiques intergénérationnelles, et culturelles qui conduisent au choix de la jouissance de la toute-puissance destructrice.
    Après avoir dans un premier temps abordé en psychanalyste la question de la pulsion de mort avec Freud, les angoisses précoces de morcellement avec Winnicott, voire de vide et de perte des limites du corps et du temps, il s’interroge sur les conséquences de leur réactualisation à l’adolescence. Tout le monde, avec un tel processus d’organisation de son développement, ne devient pas terroriste, écrit-il. Dans certains cas, tuer combat la phobie de la mort !
    Le mérite de ce livre est de s’inscrire dans un processus qui donne sa place à différents auteurs littéraires et à des situations cliniques. Il privilégie le contexte historique, géographique, socioculturel du développement de l’adolescent et de sa famille, etc…

    #Daniel_Oppenheim #Destructivité #Psychanalyse

  • I.6. Alexandre Douguine, un heideggerisme à la fois assumé et dissimulé | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-revue-d-histoire-de-la-shoah-2017-2-page-115.htm

    En bonne logique heideggerienne, l’arsenal antijuif et anti-occidental explicitement mobilisé par Douguine l’est au prix d’une dissimulation de l’ampleur de cet antisémitisme et de sa radicalité, et notamment de sa portée antichrétienne, de ses incompatibilités avec la Tradition, et de son mépris pour le réel historique concret des civilisations slaves. C’est Heidegger lui-même qui, dans ses Cahiers noirs, a théorisé la nécessité de la trahison des proches dans le combat contre l’ennemi. Le penseur, selon lui, ne va pas en effet sans un ennemi contre lequel il se dresse, mais il s’agit aussi pour lui de reconnaître et combattre l’ennemi au cœur du proche :

    Voué à la philosophie, le penseur fait front face à un ennemi – l’anti-Être de l’étant (Unwesen des Seienden), qui nie sa présence en étantifiant – qui, sans jamais cesser d’être hostile, se révèle appartenir à ce qui doit être de fond en comble l’ami du penseur – l’essence de l’Être (Wesen des Seyns). Et parce qu’il n’est pas possible de se défiler devant l’ennemi, et parce que la fiabilité envers l’ami est tout, le penseur a une ambivalence insoutenable, mais qui lui est fondamentale, envers l’unique patrie.

  • #Patriarcat, #capitalisme et appropriation de la nature | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2021-2-page-6.htm

    1
    Quand James Brown, le fameux bluesman guère connu pour ses engagements féministes, chante ce « monde d’hommes », nous, féministes, ne pouvons qu’être d’accord – mais à notre manière. Les hommes ont produit en masse les voitures – et le CO2 qu’elles émettent –, dessiné les trains et les bateaux qui sillonnent la planète – et transportent des biens de consommation à bas prix économique, mais à haut coût environnemental –, apporté la lumière électrique – et son cortège de déchets nucléaires. Mais ce monde dans lequel nous vivons n’aurait pas de sens sans ce supplément d’âme – et de travail gratuit – que représente « une femme ou une fille ». Pour sûr, rapports de production, rapports d’appropriation et rapports de sexe sont intimement liés, c’est l’objet de ce Grand angle sur l’Androcène.

  • Alain de Benoist, du néofascisme à l’extrême droite « respectable » | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2017-1-page-128.htm

    Renoncer à unir les « comploteurs » et les « nostalgiques » est le fondement de la stratégie culturelle d’A. de Benoist. Tout comme la Nouvelle Gauche des années 1960 cherche à s’affranchir du poids mort que constituent à ses yeux les traditions communistes et sociale-démocrates, la Nouvelle Droite ne veut plus avoir à répondre de l’impuissance politique des extrêmes droites de l’époque. Cette stratégie, A. de Benoist lui donne un nom : « métapolitique », un terme aujourd’hui en vogue dans les milieux dits de la « Dissidence », organisés autour d’Alain Soral et Dieudonné. L’idée est simple : toute politique reposant sur une culture, quiconque est hégémonique dans la culture définit le spectre des politiques possibles. D’où l’idée qu’il faut agir sur ce qui se trouve en deçà (meta) de la politique, à savoir le langage et les catégories de la pensée. La métapolitique est une stratégie mise en œuvre par le plus faible contre le plus fort. Plutôt que de la combattre frontalement, le faible cherche à introduire patiemment ses catégories de pensée dans la culture dominante. Le résultat, nous l’avons sous les yeux aujourd’hui.La Nouvelle Droite se forme dans un contexte historique, les années 1960 et 1970, où les idées de gauche saturent l’espace public. D’où l’omniprésence des références à des penseurs révolutionnaires dans les écrits d’A. de Benoist, par l’entremise desquelles il cherche à convaincre son camp de l’importance de la reconquête intellectuelle. L’un des mythes savamment entretenus le concernant, énoncé par exemple dans ses Mémoires [10]
    [10]A. de Benoist, Mémoire vive, entretiens avec François Bousquet,…
    , est qu’il posséderait la plus grande bibliothèque privée de France. « Deux cent mille livres, ils sont dans une maison de campagne », m’assure-t-il lorsque je lui demande comment tous ces livres tiennent dans l’appartement dans lequel il me reçoit. La métapolitique absorbe l’air du temps. Elle se branche sur les débats dominants de l’époque de sorte à accéder au mainstream, et y faire passer en contrebande ses idées. Dans les années 1960, le mainstream intellectuel, c’est la gauche. L’appétence d’A. de Benoist pour la pensée de gauche persiste à ce jour « Je trouve qu’à la fois il y a un déclin de la gauche absolument terrible et, en même temps, c’est quand même la gauche qui a depuis quinze ou vingt ans écrit les choses les plus intéressantes. » Pendant notre entretien, il cite, pêle-mêle, Ernesto Laclau, Karl Marx, Toni Negri, Moishe Postone, ou encore Cornelius Castoriadis.L’ethno-différentialisme affirme que chaque peuple a un « droit à la différence », c’est-à-dire le droit de vivre comme il l’entend. Ce droit, il l’exerce chez lui, raison pour laquelle ce droit s’accompagne d’une hostilité de principe aux migrations. L’ethno-différentialisme est la version de droite du « multiculturalisme ». Le racisme biologique étant devenu intenable avec l’émergence de la « norme antiraciste » déjà évoquée, il s’est transformé en différentialisme culturel. Les « Européens » ont bien sûr eux aussi leur « droit à la différence ». Dans un texte paru en 1974 dans Éléments, intitulé Contre tous les racismes, A. de Benoist déclare : « Si l’on est contre la colonisation, alors il faut être pour la décolonisation réciproque, c’est-à-dire contre toutes les formes de colonisation : stratégique, économique, culturelle, artistique, etc. On a le droit d’être pour le Black Power, mais à la condition d’être, en même temps, pour le White Power, le Yellow Power et le Red Power [16]

    . » L’ethno-différentialisme, c’est la « décolonisation réciproque », autrement dit chacun chez soi. L’idée que les Blancs sont victimes de racisme, et doivent à ce titre être défendus, a fait son chemin depuis. En témoigne l’usage fait par la droite et l’extrême droite du thème du « racisme antiblanc » au cours de la dernière décennie.

  • La découverte impardonnable de Ferenczi | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2003-3-page-57.htm

    On raconte que lors de la visite de Ferenczi à Freud au 19 de la Berggasse, le 30 août 1932, pour lui lire ce qui s’est avéré être son dernier article, « Confusion de langue », qu’il s’apprêtait à prononcer au congrès de Wiesbaden, Freud en a été si bouleversé qu’il refusa ensuite de lui serrer la main (Bonomi, 1999, p. 512). Quelques jours plus tard, Freud écrivit à sa fille Anna : « Je l’écoutais, choqué. Le processus de régression où il est engagé le porte à entretenir les vues d’une étiologie à laquelle j’ai cru, mais que j’ai abandonnée il y a trente-cinq ans : à savoir que les névroses sont couramment causées par des traumatismes sexuels subis dans l’enfance » (Gay, 1988, p. 336)

    #freud_wars #théorie_de_la_séduction #Ferenczi #psychanalyse

    • Le concept ferenczien d’identification à l’agresseur signifiait quelque chose de tout à fait différent que la façon plus familière d’Anna Freud d’utiliser ce terme. Selon Ferenczi, il s’agissait de l’élimination par la victime de sa propre subjectivité pour devenir précisément ce que l’agresseur avait besoin qu’elle soit, afin d’assurer sa survie. Ce concept fait partie d’une théorie du trauma remarquablement contemporaine et subtile. Pour saisir pleinement ce concept et ses implications pour la technique analytique, il est nécessaire d’esquisser l’arrière-plan de certains aspects de sa façon ultérieure de penser le trauma.

  • La rééducation de la sociologie sous le régime de Vichy | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2004-3-page-65.htm
    https://www.cairn.info/vign_rev/ARSS/ARSS_153.jpg

    Outre l’épuration politique, syndicale et raciale, les réformes entreprises dès 1940 visent avant tout à mettre au pas l’enseignement primaire, à restaurer l’élitisme du secondaire et la primauté des humanités contre les sections modernes, le lycée devant demeurer « bourgeois, classique et traditionaliste [23] », et à renforcer l’influence de l’enseignement libre. Jérôme Carcopino, ministre de l’Éducation de février 1941 à avril 1942, maître d’œuvre des réformes dont les grandes lignes avaient été posées dès juillet 1940, voyait dans la gratuité du secondaire une conception « malsaine » de l’égalité, les classes se trouvant « encombrées d’éléments parasitaires inaptes aux études classiques, rejetés souvent vers les sections dites scientifiques [24] ».

  • Participations à l’#ordre
    Dossier coordonné par Guillaume Gourgues et Julie Le Mazier

    Ce numéro, dont vous trouverez ci-dessous la table des matières, regroupe des articles portant sur la #mobilisation de #volontaires, non professionnel·les, pour des #missions_de_sécurité ou de défense, qu’elle soit ou non tolérée, approuvée voire initiée par l’État. En explorant des contextes et des dispositifs différenciés, aussi bien au nord qu’au sud, et selon des méthodes et des approches théoriques plurielles, les articles montrent que loin de remettre en cause les prérogatives de l’État, la « participation à l’ordre » (et ses déclinaisons) constitue une #technique_de_gouvernement. Conçue pour retisser des liens sociaux, moraux ou politiques supposément défaits, en façonnant l’engagement, la « #civilité » ou le « #civisme », ou encore les #sociabilités_locales, elle vise à produire de « #bons_citoyens » ou de « #bonnes_citoyennes ». Entre logique gouvernementale et réappropriation des dispositifs par des participant·e·s à la recherche de rétributions matérielles et symboliques, cette #participation_à_l'ordre se présente comme un point nodal d’une forme de « #gouvernementalité_participative » en pleine expansion.

    « Introduction. Participations à l’ordre et participations conservatrices »
    Guillaume Gourgues, Julie Le Mazier

    « La #sécurité est-elle vraiment "l’affaire de tous" ? Les limites de la #participation_citoyenne en France dans un domaine typiquement régalien »
    Virginie Malochet

    « Quand la #gendarmerie devient participative : l’engagement des voisin·es dans les réseaux officiels de #vigilance en #France »
    Eleonora Elguezabal

    « La #surveillance a-t-elle une couleur politique ? Cercles de vigilance, capital social et compétition municipale dans des espaces périurbains en France »
    Matthijs Gardenier

    « Démocratiser le fusil. L’imagination composite d’une #citoyenneté_coercitive en #Ouganda »
    Florence Brisset-Foucault

    « #Policiers_vigilants et #vigilants_policiers. #Community_policing et division du travail policier en milieu urbain au #Malawi »
    Paul Grassin

    « Hiérarchies sociales, réforme morale et précarité économique au sein de l’#Oodua_People’s_Congress : de l’expérience vigilante radicale au travail de sécurité à #Lagos (#Nigeria) »
    Lucie Revilla

    « La certification d’un #citoyen_secoureur en #Chine contemporaine. Établir et représenter a posteriori la vertu d’un acteur au sein d’une arène de droit »
    Chayma Boda

    « Lecture critique. Participer à la modération sur les #réseaux_sociaux : définir, appliquer et contester les règles »
    Romain Badouard

    https://www.cairn.info/revue-participations-2021-1.htm
    #revue #ordre_public

    ping @davduf

  • Y a-t-il eu plus d’abus sexuels dans l’Église que dans le reste de la société ?
    https://fr.aleteia.org/2021/10/06/il-y-a-t-il-eu-plus-dabus-sexuels-dans-leglise-que-dans-le-reste-de-la-s

    Le rapport sur les abus sexuels commis au sein de l’Église depuis 1950, publié mardi 5 octobre met en évidence un taux de prévalence effarant. Cet indicateur permet de comparer le nombre de victimes mineures dans le milieu clérical à d’autres environnements sociaux …

    Nombre de victimes, nombre de prêtres prédateurs… Les chiffres du rapport sur les abus sexuels commis au sein de l’Église depuis 70 ans sont glaçants. Et il en est un tout particulièrement effarant : le taux de prévalence. Ce taux permet de comparer le nombre de victimes mineures dans le milieu clérical à d’autres environnements sociaux (l’école, la famille, les associations sportives…). L’Inserm a ainsi mené, dans le cadre du rapport de la commission indépendante chargée de faire la lumière sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) une enquête auprès de 28.000 personnes afin de situer la prévalence des abus sur mineurs dans l’Église catholique par rapport au reste de la population.

    Un taux de prévalence deux à trois fois supérieur
    Et il s’avère que l’Église catholique est davantage concernée par les violences sexuelles commises sur mineurs que d’autres institutions telles que les associations sportives ou encore les écoles…). Le taux de prévalence y est de 0,82%, soit deux à trois supérieur à celui d’autres milieux : 0,36% dans les centres et colonies de vacances, 0,34% dans l’école publique (hors internats) et 0,28% dans le sport. Il demeure néanmoins bien plus faible que le taux de prévalence dans les cercles familiaux et amicaux, principaux lieux des violences sexuelles sur les enfants.3,7% des personnes majeures vivant en France en ont été victimes.

    À noter que le taux de prévalence des abus sexuels commis sur mineurs au sein de l’Église a été calculée sur 70 ans, c’est-à-dire entre 1950 et 2020. Ce taux a progressivement baissé au fil des années jusqu’à approcher 0,30% depuis les années 1980.

    • On dirait un journal catholique
      Ca commence par l’euphémisme habituel : l’abus du mot abus. Si il y a des « abus sexuels sur mineurs » est-ce-que ca veut dire qu’il faut préféré une « modération sexuelle sur mineur » ? Ca me fait toujours pensé à ce slogan contre l’abus d’alcool, « l’abus sexuel sur mineur est dangereux pour la santé, consommez (le sexe sur mineurs) avec modération. »

      Sinon pour l’article qui conclue par cette phrase rassurante pour les catholiques ; « Ce taux a progressivement baissé au fil des années jusqu’à approcher 0,30% depuis les années 1980 » Mais le rapport dit que ce taux se remet à augmenté par la suite, les violences sexuels par les religieux sont très sous déclarées, les victimes priées de se taire et particularité de l’église les agresseurs sont soustraits à la justice et placés à nouveau auprès d’enfants et « condamnés » à faire un pèlerinage, autant dire des vacances gratuites. Le rapport souligne que dans l’éducation nationale par exemple les enfants sont plus écoutés et les agresseurs mieux écartés car il n’y a pas la même implication des fonctionnaires de l’éducation nationale vis à vis de l’institution que des clercs vis à vis de la « Sainte Eglise ».

      Enfin le titre est aussi biaisé car il fait dire ce qui n’a pas été dit aux personnes qui ont fait le rapport. Le rapport dit bien et à chaque fois que les violences sexuelles sur mineurs sont plus nombreuses que dans le reste de la société HORS FAMILLE et le rapport souligne les liens entre son objet et celui de la commission sur l’inceste.

      Je sais pas quel est ce journal mais je voit qu’il a un besoin pressant de décrédibilisé le rapport et d’atténué ce qu’il dit sur les catholiques, leurs religieux et leur institution.

    • Le site est effectivement catholique et s’en revendique clairement. Son nom aletheia signifie la vérité en grec.

      Qui sommes-nous ?
      https://fr.aleteia.org/qui-sommes-nous

      Notre histoire
      Depuis son lancement en 2013, le projet est soutenu par la Fondation pour l’Évangélisation par les Médias (FEM), créée à Rome en 2011, présidée aujourd’hui par S.A.S le Prince Nikolaus de Liechtenstein, et qui a pour but de promouvoir la présence de L’Église dans les médias.

      A partir de juillet 2015, le groupe français Média-Participations est devenu l’Opérateur industriel d’Aleteia. Media-Participations est un groupe multi-médias franco-belge, spécialisé dans l’édition (plus de 40 éditeurs), la presse (10 magazines), la production audiovisuelle et les sites internet. Depuis lors, Aleteia développe une nouvelle stratégie éditoriale, plus centrée sur l’information et le lifestyle.

      Aleteia a pour ambition de devenir un des dix plus grands sites internet au monde, pour le service du milliard et demi de catholiques qui peuplent notre Terre : pour leur offrir un média digne d’eux et de leur foi.

      Liens avec L’Église
      Aleteia est une initiative lancée par des laïcs catholiques indépendamment de la structure ecclésiale ; cependant, le lancement d’Aleteia a bénéficié de l’accompagnement du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales et du Conseil Pontifical pour la Nouvelle Évangélisation. Son activité éditoriale se développe en ligne avec le Magistère du Pape François, en collaboration avec le Secrétariat pour la Communication du Saint Siège. En outre, des conférences épiscopales, des ordres religieux et des communautés figurent parmi les membres du conseil d’administration de la FEM.

    • Médias-Participations, 4ème groupe éditorial en France (source WP) s’est constitué en regroupant un ensemble de petites éditions religieuses et est bien connu pour sa stratégie d’achats tous azimuts dans les années 80, à l’époque, on parlait du #Groupe_Ampère

      Média participations — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9dia_participations

      Média-Participations Paris est un groupe d’édition, de presse et de production audiovisuelle franco-belge fondé en 1986 par l’avocat d’affaires et ancien ministre Rémy Montagne. Né initialement de la fusion des éditions Fleurus et des éditions Mame, le groupe est en 2019 le quatrième plus grand groupe éditorial en France en termes de chiffre d’affaires après le rachat du groupe La Martinière.

      Le « groupe Ampère », ou la tentative avortée de reconquête catholique des esprits dans les années 1980 | Cairn.info
      https://www.cairn.info/histoire-secrete-du-patronat-de-1945-a-nos-jours--9782707178930-page-425.htm

      (article à péage)

    • La maison de la bonne presse (sic). Le Groupe Bayard Premier groupe de presse catholique et 5e groupe de presse en France par la diffusion,créé en 1873 par la congrégation religieuse catholique des Augustins de l’Assomption. Cette congrégation est aujourd’hui encore la propriétaire exclusive du groupe et du journal La Croix par exemple.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Bayard
      https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Croix
      https://seenthis.net/messages/506033

  • On n’a pas signalé ces deux captations d’interventions d’Aude Vidal sur son livre sur Égologie, dont une très longue par @latelierpaysan ici présent !

    Aude VIDAL - ÉGOLOGIE : écologie, individualisme et course au bonheur
    https://www.youtube.com/watch?v=ouEdpD9w5x0

    L’Atelier paysan s’attaque à l’autonomie technique des paysan-nes en leur proposant une alternative concrète : les former à autoconstruire leur matériel agricole.
    Est-ce suffisant pour enrayer l’industrie de la machine, qui impose de remplacer les paysan- nes par des robots, des drones, des capteurs informatiques ?
    Quelles sont les conséquences de ces « solutions technologiques » pour les communautés paysannes, pour l’environnement, pour le modèle alimentaire ?

    Aude Vidal nous parle ici des « alternatives », dans la suite de son ouvrage Egologie : les
    expérimentations écologistes sont-elles le laboratoire d’innovations sociales plus
    respectueuses de l’être humain et de son milieu ? ou accompagnent-elle un recul sur soi et ce sur quoi il est encore possible d’avoir prise dans un contexte de dépossession démocratique et économique ?

    Une belle manière pour l’Atelier paysan de questionner la limite des alternatives : l’expansion de pratiques alternatives peut-elle provoquer de la transformation sociale ? Les pratiques sociales parviennent-elles à infléchir les rapports sociaux ?
    A l’Atelier paysan, dont l’activité centrale est de proposer des alternatives concrètes et immédiates aux paysannes et paysans, nous pensons que non. Nous avons l’intuition qu’il nous faut dans le même temps tenter d’exercer un rapport de force avec les dominants (pour nous l’industrie de la machine et la techno-science).

    Et une autre plus récente :
    https://www.youtube.com/watch?v=lxqPsK2mkAY

    #Aude_Vidal #écologie #politique #écologie_politique #individualisme #libéralisme #bien-être #développement_personnel

    • Égologie. Écologie, individualisme et course au bonheur

      #Développement_personnel, habitats groupés, jardins partagés... : face au désastre capitaliste, l’écologie se présente comme une réponse globale et positive, un changement de rapport au monde appuyé par des gestes au quotidien. Comme dans la fable du colibri, « chacun fait sa part ».
      Mais en considérant la société comme un agrégat d’individus, et le changement social comme une somme de gestes individuels, cette vision de l’écologie ne succombe-t-elle pas à la logique libérale dominante, signant le triomphe de l’individualisme ?

      http://www.lemondealenvers.lautre.net/livres/egologie.html

      #livre

      #souveraineté_alimentaire #liberté_individuelle #alternatives #Nicolas_Marquis #capitalisme #jardins_partagés #classes_sociales #jardinage #justice_environnementale #dépolitisation #égologie

    • Du bien-être au marché du malaise. La société du développement personnel

      Des ouvrages qui prétendent nous aider dans notre développement personnel, à « être nous-mêmes » ou à « bien communiquer », et des individus qui déclarent que ces lectures ont « changé leur vie » : voilà la source de l’étonnement dont ce livre est le résultat. Comment comprendre ce phénomène ? Comment est-il possible que tant de personnes puissent trouver du sens au monde si particulier du « développement personnel », au point d’en ressentir des effets concrets ?

      Nicolas Marquis prend au sérieux cette expérience de lecture, en cherchant à comprendre ce qui se passe très concrètement entre un lecteur qui veut que quelque chose change dans son existence et un ouvrage qui prétend l’aider en lui parlant de ce qu’il vit personnellement. En procédant à la première enquête sur les lecteurs, il montre en quoi le développement personnel est l’une des institutions les plus frappantes des sociétés individualistes : son succès permet de comprendre les façons dont nous donnons, au quotidien, du sens à notre existence.


      https://www.cairn.info/du-bien-etre-au-marche-du-malaise--9782130628262.htm

    • Le Syndrome du bien-être

      Vous êtes accro à la salle de sport ? Vous ne comptez plus les moutons mais vos calories pour vous endormir ? Vous vous sentez coupable de ne pas être suffisamment heureux, et ce malgré tous vos efforts ? Alors vous souffrez sûrement du #syndrome_du_bien-être. Tel est le diagnostic établi par Carl Cederström et André Spicer.
      Ils montrent dans ce livre comment la recherche du #bien-être_optimal, loin de produire les effets bénéfiques vantés tous azimuts, provoque un sentiment de #mal-être et participe du #repli_sur_soi. Ils analysent de multiples cas symptomatiques, comme ceux des fanatiques de la santé en quête du régime alimentaire idéal, des employés qui débutent leur journée par un footing ou par une séance de fitness, des adeptes du quantified self qui mesurent – gadgets et applis à l’appui – chacun de leurs faits et gestes, y compris les plus intimes... Dans ce monde inquiétant, la bonne santé devient un impératif moral, le désir de transformation de soi remplace la volonté de changement social, la culpabilisation des récalcitrants est un des grands axes des politiques publiques, et la pensée positive empêche tout véritable discours critique d’exister.
      Résolument à contre-courant, ce livre démonte avec une grande lucidité les fondements du culte du corps et de cette quête désespérée du bien-être et de la santé parfaite.

      https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/le-syndrome-du-bien-etre

      #André_Spicer
      #Carl_Cederström

    • Rigolez, vous êtes exploité

      « Vous êtes éreinté ? Votre activité professionnelle vous plonge dans la #dépression ? Vous songez à mettre fin à vos jours ? Nous avons la solution : ri-go-lez ! » Voilà en substance le message de la direction des #ressources_humaines (DRH) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse au personnel de l’établissement. La solution arrive à point nommé, car la situation menaçait de devenir dramatique…

      Un peu comme France Télécom hier ou la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) aujourd’hui, le #CHU toulousain est confronté à une recrudescence de #suicides de salariés. Le rapport d’un cabinet de conseil établi en 2016 est formel : les quatre personnes ayant mis fin à leurs jours en quelques semaines la même année (dont une dans les locaux du CHU) l’ont fait à cause de leurs #conditions_de_travail. L’année suivante, dans un des 26 000 documents internes révélés par la presse (1), une infirmière en gynécologie décrit ainsi son quotidien : « Mise en danger de la vie des patientes, mauvaise prise en charge de la douleur, dégradation de l’image des patientes (patientes laissées plusieurs minutes souillées de vomis) (…) mauvaise prise en charge psychologique (annonce de cancer faite récemment, pas le temps de discuter). (…) Une équipe épuisée physiquement (même pas cinq minutes de pause entre 13 h 30 et 23 heures) et moralement (sentiment de travail mal fait et de mettre en danger la vie des patients). »

      Les choses n’ont guère progressé depuis. En février 2019, un patient meurt d’une crise cardiaque dans le sas des urgences. L’infirmier de garde cette nuit-là, en poste depuis 10 heures du matin, avait la charge de plus de quinze patients. Il n’a pas eu le temps de faire les gestes de premiers secours (2). Début mai 2019, rebelote au service de soins intensifs digestifs, en pleine restructuration, où un problème informatique a mené à la mort d’un patient.

      Depuis 2015, une soixantaine de préavis de grève ont été envoyés à la direction par les syndicats. Au moins quatorze grèves ont eu lieu (cinq rien qu’en 2019), sans compter les quelque vingt mobilisations collectives, la douzaine d’actions d’envergure et les chorégraphies parodiques de soignants vues six millions de fois sur les réseaux sociaux. « À l’hôpital des enfants, le nombre d’arrêts-maladie des quatre premiers mois de 2019 est de 20 % supérieur à celui de la même période en 2018, nous explique Mme Sandra C., vingt ans d’hôpital public à son actif, dont dix-sept à l’hôpital des enfants de Toulouse. Nous avons l’impression d’être traités comme des numéros par une direction dont le seul but est de faire appliquer les réductions de coûts et la baisse du personnel. Nous avons besoin d’au moins six cents embauches dans tout le CHU, et vite. »

      Embaucher ? Impossible !, rétorque la direction, largement convertie au lean management, le « management sans gras », une doctrine d’optimisation du rendement élaborée par les ingénieurs japonais du groupe Toyota après la seconde guerre mondiale et peaufinée ensuite dans les éprouvettes néolibérales du Massachusetts Institute of Technology (MIT). L’objectif ? Faire produire plus avec moins de gens, quitte à pousser les équipes à bout.

      Des conditions de travail déplorables, des contraintes de rentabilité qui interdisent d’améliorer le sort du personnel, des salariés qui préfèrent mettre fin à leurs jours plutôt que d’endurer leur activité professionnelle ? Il fallait réagir. C’est chose faite grâce à une initiative de la DRH : des séances de rigologie, cette « approche globale permettant une harmonie entre le corps, l’esprit et les émotions », comme on peut le lire dans le « Plan d’actions 2018 pour la prévention des risques psychosociaux et la qualité de vie au travail » du pôle hôpital des enfants du CHU de Toulouse.

      Yoga du rire, méditation de pleine conscience, techniques variées de relaxation et de respiration, sophrologie ludique… la rigologie vise à « cultiver les sentiments positifs et sa joie de vivre ». Sur la page d’accueil du site de l’École internationale du rire (« Bonheur, joie de vivre, créativité »), l’internaute tombe sur la photographie d’un groupe de salariés hilares faisant le symbole de la victoire. S’ils sont heureux, suggère l’image, c’est qu’ils ont tous décroché leur diplôme de « rigologue » à la suite d’une formation de sept jours en psychologie positive, yoga du rire et autres techniques de « libération des émotions », facturée 1 400 euros. Un rigologue estampillé École du rire, le leader du marché, se fera rémunérer entre 1 000 et 3 000 euros la journée. Il pourra éventuellement devenir chief happiness officer, ces responsables du service bonheur dont les entreprises du CAC 40 raffolent (3).

      La souffrance au travail est devenue un marché, et le service public apparaît comme un nouveau terrain de jeu du développement personnel. Ainsi des policiers confrontés à une vague de suicides (vingt-huit en 2019), auxquels le directeur général de la police nationale a envoyé, fin mai, une circulaire incitant les encadrants à favoriser « les moments de convivialité et de partage » comme les barbecues, les sorties sportives ou les pique-niques en famille (4). Ainsi des agents de la SNCF, une entreprise qui compte depuis le début de l’année 2019 un suicide de salarié par semaine. La direction lilloise de la société ferroviaire en pleine restructuration a fait appel au cabinet Great Place to Work (« super endroit pour travailler »), qui lui a conseillé de… distribuer des bonbons aux agents en souffrance, de mettre en place des goûters-surprises ou encore des ateliers de maquillage (5).

      « Au départ, nous explique Mme Corinne Cosseron, directrice de l’École internationale du rire et importatrice du concept de rigologie en France, je me suis formée pour plaisanter, comme un gag, au yoga du rire, une technique mise au point par un médecin indien, qui s’est rendu compte que ses patients joyeux guérissaient mieux que les sinistres. Le rire permet de libérer des hormones euphorisantes qui luttent contre la douleur », explique cette ancienne psychanalyste qui évoque les endorphines (« un antidouleur naturel qui agit comme une morphine naturelle »), la sérotonine (« la molécule du bonheur »), la dopamine (celle de la motivation) ou encore l’ocytocine (« l’hormone de l’amour »). « C’est un grand shoot gratuit. Beaucoup de grandes entreprises ont commencé à faire appel à nous (SNCF, Total, Suez, Royal Canin, Danone, etc.), car le rire répare point par point tout ce que les effets du stress détruisent. Non seulement le salarié va aller mieux (il ne va pas se suicider, il n’ira pas voir chez le concurrent), mais, en plus, l’entreprise va gagner en productivité. Donc c’est du gagnant-gagnant. »

      Novateur, le CHU de Toulouse a vu se mettre en place des séances de « libération émotionnelle » et de « lâcher-prise » dans le service des soins palliatifs dès 2017. Dans le cadre de ses propositions d’actions 2018-2019 pour prévenir les risques psychosociaux et pour la qualité de vie au travail, la DRH propose désormais d’élargir son offre à d’autres unités sous tension, comme l’hôpital des enfants, où, au mois de mars dernier, deux grèves ont éclaté pour protester contre le projet de réduction du nombre de lits et d’intensification du travail des soignants.

      On soumet ce projet de lâcher-prise à M. Florent Fabre, 31 ans, infirmier au service des urgences psychiatriques. Sa première réaction est de laisser éclater un long rire, générant probablement un apport non négligeable en bêta-endorphines — ce qui lui permet de dire avec une voix parfaitement détendue : « C’est grotesque et indécent. » Pour ce soignant, qui a participé à la lutte victorieuse des salariés de son service, lesquels ont arraché deux postes supplémentaires d’infirmier à l’issue de deux mois de grève durant le printemps 2019, « le niveau du mépris social affiché par la direction du CHU ainsi que par les cadres régionaux de l’agence régionale de santé est totalement aberrant. Dès lors qu’il s’agit d’entendre qu’il y a un vrai manque de soignants, le dialogue se rompt. La santé des agents hospitaliers est le moindre de leurs soucis ». Contactée, la direction du CHU a refusé de répondre à cet appel à embaucher, qu’elle qualifie de « théories de la CGT [Confédération générale du travail] ». « On assume totalement ce document de proposition de rigologie », nous a précisé le directeur de la communication avant de nous raccrocher au nez. On ne rigole plus.

      « Mais, s’agace Mme Maguy Mettais, la pharmacienne chargée de la prévention des risques psychosociaux, avez-vous déjà testé la rigologie ? Ça serait peut-être intéressant que vous essayiez une séance, non ? C’est génial, vous verrez. » Adeptes du journalisme total, nous acceptons la proposition. « Alors, vous mettez les mains droit devant vous et vous expirez en faisant “chah” ! On le fait ensemble ? C’est parti ! Après on met les bras sur le côté et on fait “chou” ! Et un dernier, les bras levés vers le ciel et on va faire un grand “chiii” sur le temps d’expiration. » Docile, nous nous exécutons, pour la bonne cause. « Au final, ce qui est rigolo, c’est que ça fait chah-chou-chi… Comme si ça faisait “salsifis” [elle éclate de rire]. Voilà, j’avais envie de vous le faire découvrir, ça peut être bien avant d’écrire votre article. »

      https://www.monde-diplomatique.fr/2019/07/BRYGO/60014

      #rire #thérapie_du_rire

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      Pour rappel, les #formations dédiées au personnel de l’#Université_Grenoble_Alpes :
      1. Gestion de #conflits (formation mise sous le thème « #efficacité_professionnelle »)
      2. Mieux vivre ses #émotions dans ses #relations_professionnelles (aussi mise sous le même thème : #efficacité_professionnelle)
      https://seenthis.net/messages/882135

      #QVT #qualité_de_vie_au_travail

    • La démocratie aux champs. Du jardin d’Éden aux jardins partagés, comment l’agriculture cultive les valeurs

      On a l’habitude de penser que la démocratie moderne vient des Lumières, de l’usine, du commerce, de la ville. Opposé au citadin et même au citoyen, le paysan serait au mieux primitif et proche de la nature, au pire arriéré et réactionnaire.
      À l’opposé de cette vision, ce livre examine ce qui, dans les relations entre les cultivateurs et la terre cultivée, favorise l’essor des valeurs démocratiques et la formation de la citoyenneté. Défi le alors sous nos yeux un cortège étonnant d’expériences agricoles, les unes antiques, les autres actuelles ; du jardin d’Éden qu’Adam doit « cultiver » et aussi « garder » à la « petite république » que fut la ferme pour Jefferson ; des chambrées et foyers médiévaux au lopin de terre russe ; du jardin ouvrier au jardin thérapeutique ; des « guérillas vertes » aux jardins partagés australiens.
      Cultiver la terre n’est pas un travail comme un autre. Ce n’est pas suer, souffrir ni arracher, arraisonner. C’est dialoguer, être attentif, prendre une initiative et écouter la réponse, anticiper, sachant qu’on ne peut calculer à coup sûr, et aussi participer, apprendre des autres, coopérer, partager. L’agriculture peut donc, sous certaines conditions, représenter une puissance de changement considérable et un véritable espoir pour l’écologie démocratique.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_democratie_aux_champs-9782359251012démocratiques

    • La #durabilité en pratique(s) : gestion et appropriation des #principes_durabilistes véhiculés par les #écoquartiers

      Dans cette contribution, il est question de la durabilité comme objet, dans sa dimension heuristique, en tant que moyen de compréhension voire d’explication des initiatives individuelles, collectives et politiques ainsi que des dynamiques. Il s’agit tout d’abord de se pencher sur la manière dont la durabilité est mobilisée et signifiée, aussi bien sur l’horizon du pensable qui l’accompagne que sur les « manières de faire » qu’elle véhicule, parmi des acteurs divers, pris dans des jeux d’échelles, d’intérêts et dans des engagements parfois contradictoires. Politiquement, la mise en œuvre de la durabilité se décline dans des contextes, pour des raisons et à des finalités diverses que peuvent être la transformation des comportements individuels, la modification de la législation et des cadres réglementaires nationaux et locaux, la redéfinition des stratégies communautaires, etc. Entre pratiques, éthique, fiscalité individuelle d’un côté et enjeux techniques, politiques et sociétaux de l’autre, ces multiples mobilisations de la durabilité rendent cette notion évasive, voire équivoque. Au-delà d’un recensement et d’une classification de cette multiplicité d’usage et de traduction « en pratiques » de la durabilité, c’est sur la base des multiples tensions qui caractérisent ces manières de voir, comprendre, mobiliser et opérationnaliser la durabilité que nous cherchons à venir éclairer les pratiques leurs implications mais aussi leurs conséquences. Pour ce faire nous nous appuyons sur les 37 entretiens (15 avec les concepteurs, 22 avec les habitants) réalisés lors d’une enquête menée en 2012 et 2013 sur l’écoquartier de Lyon Confluence dans le cadre de la thèse de doctorat de Matthieu Adam. Nous analysons les discours portant sur la durabilité. Ceux-ci ont toujours une portée normative et performative mais peuvent aussi être considérés en tant qu’embrayeur de sens permettant de saisir les modalités de réactions, passives (acceptation) et/ou actives (refus, adaptation, contre-proposition, etc.) face à cette quête de durabilité. En analysant les pratiques, les manières d’être, les attitudes ainsi que les représentations d’une part liées à l’injonction de durabilité et d’autre part à sa mise en pratique, nous mettrons au débat des éléments portant tant sur les décalages entre intentions et actions que sur les moyens utilisés pour tenter de les lever. De plus, en changeant de focale, l’analyse fine des discours permet de tirer des enseignements sur le développement durable en tant que valeur et idéologie dominante du projet urbain mais aussi en tant que modalités pratiques quotidiennes.

      https://books.openedition.org/cse/124

      #Georges-Henry_Laffont #Matthieu_Adam

  • Revue Hommes & Migrations 2020/3 | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-hommes-et-migrations-2020-3.htm?contenu=presentation

    L’année 1973 est certainement une des plus violentes de l’histoire de la Ve République en matière de racisme et violences contre les immigrés tout en étant l’une des plus riches en mobilisations des travailleurs immigrés et de militantisme en leur faveur. Ce numéro interroge l’idée que la crise économique serait la source unique du tournant de la politique d’immigration et expliquerait la décision de fermeture des frontières en 1974. Il permet de nuancer les temporalités et les causalités de ce virage décisif dans la gestion et la perception de l’immigration dans la société française.