Le Haut Conseil à l’Égalité femmes-hommes recadre la loi

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  • Le #Haut_Conseil_à_l’Égalité_femmes-hommes recadre la loi

    Le Haut Conseil à l’Égalité femmes-hommes établit une note Vigilance égalité lorsqu’une loi susceptible d’aborder ces problématiques arrive au Parlement. Avec la Loi de programmation pour la Recherche, le Haut Conseil était donc servi. À l’occasion d’une table-ronde qui s’est tenue le jeudi 10 septembre 2020, il a auditionné quatre chercheuses et un chercheur, en présence-absence du conseiller auprès de la ministre, en charge de la recherche, de l’innovation et de l’industrie, Jean-Philippe Bourgouin1.

    La LPPR ayant fait déjà l’objet de virulentes critiques, renouvelées avec l’épidémie, puis au moment des auditions à la Commission des Affaires culturelles, Academia attendait avec impatience l’analyse du Haut Conseil à l’égalité. Nous en publions le texte, ainsi que les liens vers les communications des participant·es à la table ronde.

    L’égalité entre les femmes et les hommes : un #impensé du projet de #loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche ?

    Alors que le projet de loi de programmation pluriannuelle de recherche 2021-2030 est discuté à l’Assemblée nationale, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (#HCE) a organisé une table ronde, le 10 septembre, avec des chercheur et chercheuses spécialistes du genre afin de pouvoir contribuer aux débats tant publics que parlementaires.

    Cette future loi-cadre poursuit l’objectif principal de réinvestir massivement dans la recherche et l’innovation pour juguler le décrochage de la France dans la compétition internationale. Si des retombées positives sont à attendre de cet investissement de 25 milliards d’euros sur 10 ans, pour les hommes comme pour les femmes, tant dans le financement des appels à projets que dans la lutte contre la précarité par l’instauration de nouveaux dispositifs contractuels et une revalorisation indemnitaire, les chercheuses et chercheur consulté.es font un constat unanime : l’impact de ces mesures sur les #femmes n’a pas été analysé que ce soit dans la configuration des carrières, la composition des instances, l’évaluation des dispositifs, ou encore dans l’accès aux financements, ou le contenu de la recherche, dans un contexte très inégalitaire entre les femmes et les hommes,

    Grâce à la contribution enrichissante des spécialistes interrogé·es, le HCE souhaite en publiant cette #Vigilance_égalité :

    - redonner toute leur visibilité aux #inégalités_professionnelles entre les femmes et les hommes dans le monde de la recherche et les incidences de certaines dispositions du texte de loi, apparemment neutres, mais qui risquent de segmenter plus encore le marché du travail et accentuer la #précarité des femmes ;

    – apporter quelques éclairages et pistes de réflexion sur une utilisation plus constructive des #financements_publics pour œuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ;

    – rappeler l’importance d’une dynamique paritaire des #comités_de_sélection pour les carrières et de distribution pour les financements ;

    – attirer l’attention sur une approche innovante de la recherche : soutenir les études de genre et adopter une approche de genre dans toutes les disciplines.

    Pour le HCE, une loi de programmation pluriannuelle ne peut faire l’économie d’inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur même de son texte, sans la renvoyer à des protocoles d’accord parallèles. C’est à ce prix que la France pourra retrouver le chemin de l’innovation.

    Le #HCE estime qu’il est urgent, au regard de la #défaillance de l’étude d’impact, que les parlementaires s’emparent de cette question en amont des discussions en séance de ce projet de loi et puissent solliciter l’expertise des chercheurs et chercheuses spécialistes du #genre ainsi que le HCE afin de pouvoir nourrir la rédaction de leurs amendements.

    https://academia.hypotheses.org/25730

    #LPPR #université #égalité #facs #recherche #France #inégalités

    • La LPPR, une loi sans chercheuses. Sur la note Vigilance égalité du #HCEfh

      Pour établir une note Vigilance égalité⁠ au sujet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a auditionné jeudi 10 septembre quatre chercheuses et un chercheur. Academia analyse pour vous le contenu de cette table ronde dont se dégage un message univoque :

      « Ni la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, ni celle d’une approche du genre dans la recherche, ni l’objectif prioritaire d’attirer les jeunes filles vers les sciences ne sont manifestement pris en compte » dans la LLPR⁠.


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      En cherchant dans tous les recoins d’un projet de loi où le mot « femme » n’apparait que deux fois et le mot « chercheuse » jamais, les auditionnées n’y trouvent qu’une poignée de mesures qui pourraient être vaguement favorables à l’égalité des sexes, parmi lesquelles :

      la revalorisation de l’entrée dans la carrière, la réforme des primes et la limitation du nombre de direction de thèses (si le lot de tout monde s’améliore un peu sur un point, celui des femmes aussi) ;
      la volonté affichée de renforcer le financement des sciences humaines et sociales, les femmes y étant plus présentes (mais qui peut y croire ?) ;
      la question du congé de maternité, le projet abordant la possible prolongation de certains contrats de travail de pré-titularisation.

      Sur ce dernier point, on ne peut que rejoindre⁠ Catherine Goldstein qui rappelle que « réduire la question de l’égalité à celle de la conciliation entre maternité et carrière (…) est peu réaliste, dépassé et même en soi discriminatoire⁠ ».

      Au bout du compte, les expertes comme le HCE n’ont de cesse de dire l’indigence d’un projet qui « au mieux ne corrigera pas [l]es inégalités ou, au pire, les renforcera » (Alban Jacquemard).

      Au programme de la LPPR au féminin : précarisation, exclusion et discriminations

      Les 5 chercheur·ses auditionné·es sont en effet unanimes sur les risques que la LPPR fait courir aux femmes dans le champ scientifique. Alors que ces dernières s’y trouvent déjà dans une position dominée (précarité, « plafond » et « parois de verre », inégalités de salaires, violences sexistes et sexuelles1 …), deux des mesures les plus controversées de la loi, la mise en en place des tenure tracks et des CDI de projet, leur seraient particulièrement néfastes.
      « Ni la préconisation ni la compétition ne sont favorables à l’excellence des chercheuses⁠ » (C. Goldstein)

      Si les tenure tracks « présentent un danger pour le recrutement des jeunes femmes à haut potentiel⁠ » (S. Rousseau), ce sont tous les personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (BIATSS) – à la fois les plus féminisés et les plus précaires – qui pâtiraient le plus de la loi : « les techniciennes, secrétaires, gestionnaires et ingénieurs (…) seront les grandes perdantes de la croissance des emplois précaires » (Sophie Pochic).

      Ces prédictions alarmistes s’appuient à la fois sur l’analyse d’expérimentations locales des tenure tracks (par exemple à Sciences Po Paris depuis 2009) et sur

      « [d]es exemples étrangers [qui] font craindre la pérennisation d’un continent de précaires, largement féminisé : aux États-Unis, en Allemagne et dans la plupart des pays anglo-saxons, ce modèle a produit un marché à deux étages, avec une main d’œuvre précaire majoritairement féminine au service de chercheuses titulaires principalement masculins⁠ » (A. Jacquemard).

      Autre facteur potentiel d’aggravation des inégalités genrées : la conception de l’excellence et l’accent mis sur la compétition et l’individualisation des carrières. « Toutes les mesures passées établissant des alternatives de prestige (…) ont été défavorables pour les femmes », rappelle C. Goldstein. Avec Fanny Gallot, elle souligne aussi à quel point la conception « darwinienne »⁠ de la recherche fait peu de cas de l’enseignement, des tâches administratives ou encore de la vulgarisation et de la médiation scientifiques – autant de tâches dévalorisées dans lesquelles les femmes s’investissent davantage.

      La place prépondérante que la LPPR accorde à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) est aussi directement visée : « concentrer les moyens supplémentaires sur des appels à projet compétitifs (…) signifie de facto alimenter le moteur de la fabrique des inégalités⁠ » (S. Pochic).
      Les violences sexistes et sexuelles à l’université ont de beaux jours devant elles

      Un accroissement conjoint la précarité féminine et la compétition dans le monde académique ne pourra que renforcer le pouvoir hiérarchique des chef·fes d’équipe ou coordinateurices de projets, et, avec lui, les risques de harcèlement moral. Pourtant, « la LPPR ne prévoit aucun dispositif pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la recherche. Au contraire, en valorisant les comportements compétitifs et individualistes, elle exacerbe les dominations systémiques, sexistes comme racistes⁠ » (F. Gallot).

      L’actualité récente⁠ nous ayant rappelé à quel point l’université est déjà le lieu d’un harcèlement sexuel et moral systémique, surtout en temps de crise⁠, la perspective d’une aggravation des rapports de pouvoir en défaveur des femmes fait froid dans le dos.
      Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? Des postes, de l’argent, du savoir et des quotas.

      Loin de se contenter d’identifier les aspects de la loi qui aggraveront les discriminations, la table ronde organisée par le HCE identifie aussi les actions qui, au contraire, favoriseraient l’égalité. Là aussi, les préconisations des expert·es se rejoignent.

      Tous souscrivent aux deux grandes revendications du monde universitaire en demandant la création de postes pérennes et des financements récurrents pour les équipes de recherche. Ils déplorent également l’insuffisante connaissance des mécanismes inégalitaires actuels et appellent à soutenir, financer et mener des études d’impact et évaluatives sérieuses. Les auditionnées rappellent par ailleurs l’importance des études de genre, qui doivent elles-aussi être financées et soutenues, notamment par des recrutements statutaires.

      Aux recommandations très précises concernant le fonctionnement de l’ANR ou du Crédit Impôt Recherche (S. Pochic) s’ajoutent la préconisation d’imposer de façon contraignante la parité ou la proportionnalité dans les comités d’évaluation, de sélection et de distribution de financement, mais aussi dans les équipes et les portages de projet grâce à la mise en place de critères de suivi et de sanctions en cas de non-respect des objectifs égalitaires.

      Le projet de loi prévoit que les établissements présentent chaque année au conseil d’administration un « rapport sur l’état de la situation comparée en matière d’égalité entre les femmes et les hommes », mais sans obligation de moyens ni de résultats. Au moins seront-ils aux premières loges pour constater le désastre annoncé.

      https://academia.hypotheses.org/25789