• Chères lectrices, chers lecteurs,

      Suite à l’ajout il y a quelques semaines du mot « iel » dans notre dictionnaire en ligne Dico en ligne Le Robert (https://dictionnaire.lerobert.com/definition/iel), un débat animé nourrit les réseaux sociaux, débat qui a été repris par certains médias et par des personnalités politiques.

      Si une majorité d’entre vous a fait part de sa satisfaction à voir apparaître ce mot dans un dictionnaire Le Robert, d’autres ont pu se montrer surpris, sinon indignés. Positivons : que la controverse autour de notre langue, de son évolution et de ses usages, puisse parfois être vive, parfois houleuse, ce n’est pas nouveau, on peut même y voir un excellent signe de sa vitalité.
      Nous souhaitons néanmoins préciser ici pourquoi nous avons intégré ce mot dans Dico en ligne Le Robert et vous donner un éclairage sur les critères et les circuits de décision qui président à l’intégration d’un mot dans un dictionnaire Le Robert.

      Depuis quelques mois, les documentalistes du Robert ont constaté un usage croissant du mot « iel ». La fréquence d’usage d’un mot est étudiée à travers l’analyse statistique de vastes corpus de textes, issus de sources variées. C’est cette veille constante qui nous permet de repérer l’émergence de nouveaux mots, locutions, sens, etc.

      Le mot « iel » a été discuté début octobre en comité de rédaction Le Robert, au cours duquel il a été décidé de l’intégrer dans notre dictionnaire en ligne : si son usage est encore relativement faible (ce que nous avons souligné dans l’article en faisant précéder la définition de la marque « rare »), il est en forte croissance depuis quelques mois. De surcroît, le sens du mot « iel » ne se comprend pas à sa seule lecture – dans le jargon des lexicographes, on dit qu’il n’est pas « transparent » –, et il nous est apparu utile de préciser son sens pour celles et ceux qui le croisent, qu’ils souhaitent l’employer ou au contraire… le rejeter.

      Est-il utile de rappeler que Le Robert, comme tous les dictionnaires, inclut de nombreux mots porteurs d’idées, présentes ou passées, de tendances sociétales, etc. ? Ce qui ne vaut évidemment pas assentiment ou adhésion au sens véhiculé par ces mots. Dit plus clairement : ce n’est pas le sujet pour nos lexicographes. La mission du Robert est d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse, et d’en rendre compte. Définir les mots qui disent le monde, c’est aider à mieux le comprendre.

      Charles Bimbenet

      Directeur général des Éditions Le Robert

    • https://www.lesnouvellesnews.fr/iel-woke-et-le-ministre-de-leducation-nationale

      Un dictionnaire définit le pronom « Iel », Jean-Michel Blanquer s’insurge, Elisabeth Moreno y voit un progrès. Le Figaro magazine accuse l’école d’endoctriner les enfants, le ministre de l’Education tarde à réagir.

      « Iel Iels : Pronom personnel sujet de la troisième personne du singulier et du pluriel, employé pour évoquer une personne quel que soit son genre. L’usage du pronom iel dans la communication inclusive. » Depuis que Le Petit Robert a ajouté ce pronom dans sa nouvelle édition, les polémiques vont bon train. A tel point que les responsables du dictionnaire ont dû s’expliquer dans Le Figaro notamment : « On a constaté que ce mot prenait de l’ampleur et nous l’avons intégré » a expliqué Marie-Hélène Drivaud, lexicographe du Petit Robert qui se défend de tout militantisme.

      Au singulier l’usage du pronom est revendiqué par les personnes qui se définissent comme non-binaires (ne se reconnaissent dans aucun genre) et au pluriel il enthousiasme celles et ceux qui en ont assez que « le masculin l’emporte » et trouvent absurde de dire « ils » dans une assemblée comptant 99 femmes et un homme.

      Bronca dans les rangs des conservateurs. Le député de la majorité présidentielle François Jolivet, jusqu’ici peu connu, estime que les utilisateurs de ces nouveaux vocables sont des « militants d’une cause qui n’a rien de français », le « wokisme ». L’affaire est à ses yeux assez grave pour qu’il saisisse l’Académie française (qui a toujours été hostile à la féminisation des titres et fonctions). L’élu voit en cette mention dans le dictionnaire « le stigmate de l’entrée dans notre langue de l’écriture dite “inclusive”, sans doute précurseur de l’avènement de l’idéologie “woke”, destructrice des valeurs qui sont les nôtres ».

      Et la tirade du député a été boostée par le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports en personne qui a amplifié son message en tweetant son « soutien » au député, ajoutant : « l’écriture inclusive n’est pas l’avenir de la langue française. Alors même que nos élèves sont justement en train de consolider leurs savoirs fondamentaux, ils ne sauraient avoir cela pour référence » a affirmé Jean-Michel Blanquer.

      Elisabeth Moreno, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances ne partage pas l’avis de son collègue de l’Education nationale. Pour elle, « iel » est un progrès. Mardi 17 novembre sur France Info elle demandait : « Que l’on dise que potentiellement, on peut dire ‘iel’, parce que ça vient enrichir la langue et c’est un pronom neutre, pourquoi c’est si choquant ? », a-t-elle interrogé ?

      Le ministre de l’Education ne cesse de dénoncer le wokisme. Un courant venu des Etats-Unis signifiant être éveillé à la lutte contre les discriminations- qui a, comme tout courant, ses brebis galeuses. Mais le mot woke est beaucoup utilisé en France par les conservateurs pour disqualifier celles et ceux qui combattent diverses discriminations.

      Et quand le Figaro Magazine accuse l’école d’endoctriner « nos enfants », Jean-Michel Blanquer tarde à prendre la défense des enseignants et de l’école dont il est le ministre. La Une du Figaro Magazine du 12 novembre titrée « Comment on endoctrine nos enfants » accuse l’école de « dérive organisée » parce qu’elle prônerait, selon ce journal, « antiracisme » « idéologie LGBT+ » ou « décolonialisme ». De nombreux syndicats d’enseignants s’en sont indignés. Mais lorsque le ministre a été appelé à réagir le 17 décembre au Sénat, il a voulu pointer du doigt la fameuse idéologie woke.

      La sénatrice qui l’a interpelé, Laurence Rossignol, a été claire : « je pensais que l’antiracisme et la lutte contre l’homophobie faisaient partie des valeurs universelles, de celles que déclinent la devise de la République Liberté, Egalité et Fraternité » Et elle lui a tendu une perche : « les enseignants ont besoin de vous entendre leur dire que l’antiracisme, la lutte contre l’homophobie sont bien des valeurs que l’école a pour mission de transmettre ». Et la réponse du ministre fut poussive. Après un développement sur les missions de base de l’école et les valeurs qui doivent être transmises avec les parents, il a fini par rappeler que « la lutte contre le racisme, le féminisme, la lutte contre l’homophobie s’intègrent complètement dans la liberté, l’égalité, la fraternité ». S’il a dit très clairement, « je soutiens les professeurs qui sont dans cette transmission des valeurs », il a ajouté un bémol et voulu dénoncer « des courants venus de l’extérieur qui ont une influence » et « ce serait une erreur de ne pas les voir ». Reprenant la parole, Laurence Rossignol l’a remercié pour sa réponse mais a tenu à évoquer les priorités. Certes on peut discuter de ces nouvelles idéologies a-t-elle admis mais rappelant le récent suicide d’une adolescente victime de racisme et d’homophobie, elle a insisté : « aujourd’hui, ce dont il faut d’abord protéger nos élèves, c’est le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie, c’est ce qui les tue. »

      Exit le #sexisme comme d’habitude. "Iel" c’est pour lutter contre l’invisibilisation des femmes, mais on veut bien lutter contre le racisme dont sont victimes seulement les hommes, l’antisémitisme quant il touche les hommes et l’homophobie contre les gays uniquement mais les discriminations dont sont victimes les élèves filles le rôle de l’école c’est de les augmenter car on est au pays des droits de l’homme.

      Il parait que " Élisabeth Moreno estime qu’il n’est pas « choquant » d’utiliser le pronom neutre « iel »" selon le figaro mais je trouve pas la video
      https://www.lefigaro.fr/politique/c-est-un-progres-elisabeth-moreno-estime-qu-il-n-est-pas-choquant-d-utilise

    • J’ai une édition de 2002. J’y trouve par exemple les mots « négro », « bicot », « chinetoque » et « youpin ». Je pense que je vais écrire à Monsieur la Dame qui fait secrétaire à l’Académie* pour lui dire que je suis ravi qu’on respecte ainsi nos valeurs et traditions nationales.

      Note* : évidemment l’abruti qui a lancé l’« affaire » s’est fait un devoir d’adresser son courrier à « Madame le secrétaire ». Après il est allé changer de slip, parce que c’était trop fort comment il a humilié les mal-écrivants. (Si à 50 ans, tu n’as pas publiquement interpellé « Madame le ministre » ou « Madame le député », tu n’es pas vraiment un député de droite.)

      Note** : je pense que l’abruti en question a aussi repassé son courrier au correcteur orthographique (made in America mais tant pis), et a fait plancher tout son staff, l’a fait relire par tous les correcteurs de l’Assemblée, histoire qu’il s’y subsiste rigoureusement aucune faute d’orthographe, de grammaire ou de tournure, sinon après ça fait pingouin sur les réseaux sociaux.

    • Jean-Mimi soutient qu’« il est très bon de féminiser les noms de profession, c’est pas quelque chose de difficile à faire, et on le fait », alors que toute cette fadaise est partie d’une lettre adressée à « Madame le secrétaire perpétuel », laquelle Madame-le a une opinion très tranchée sur le sujet : Hélène Carrère d’Encausse, l’Académie française et le “politiquement incorrect”
      https://www.courrierinternational.com/article/vu-despagne-helene-carrere-dencausse-lacademie-francaise-et-l

      Sur la féminisation des titres et des fonctions, d’abord, à laquelle elle s’oppose. “Même si c’est une femme, elle est, et insiste en ce sens, secrétaire perpétuel (genre grammatical masculin) et non secrétaire perpétuelle

    • Violences policières, racisme : « Un puissant déni validé chaque jour par les politiques »

      Dans notre émission « À l’air libre », retour sur la vidéo de violences policières dans le XVIIe arrondissement, avec le journaliste #David_Perrotin, l’universitaire #Mame-Fatou_Niang et l’ancien footballeur #Lilian_Thuram.

      Au sommaire :

      ➡️ Un homme a été tabassé pendant vingt minutes samedi par des policiers dans le XVIIe arrondissement de Paris. Les images sont insoutenables. La victime s’appelle Michel, il est producteur et il est noir. Il affirme que pendant son passage à tabac, les policiers l’ont traité de sale nègre. Ces images ont été révélées par le média Loopsider et le journaliste David Perrotin, qui est avec nous ce soir.

      ➡️ Nous revenons également sur cette affaire avec Mame-Fatou Niang, professeure associée à l’université Carnegie-Mellon à Pittsburgh (Pennsylvanie), où elle enseigne la littérature française et francophone. Et avec Lilian Thuram, l’ancien joueur de football qui vient de faire paraître La Pensée blanche (éditions Philippe Rey).

      ➡️ Dialogue également avec une actrice et réalisatrice engagée, Aïssa Maïga, rencontrée mercredi 25 novembre.

      https://www.youtube.com/watch?v=ZkBSiSbqtwM&feature=emb_logo

      https://www.mediapart.fr/journal/france/261120/violences-policieres-racisme-un-puissant-deni-valide-chaque-jour-par-les-p

  • Les exilé·es chassé·es de la #République. #Violence d’un soir, continuité d’une politique

    Lundi soir, place de la République, les forces de police ont brutalement appliqué le principe "#zéro_tolérance" qui résume à lui seul la politique de #harcèlement méthodiquement menée contre les exilé·es qui tentent, faute de solutions d’hébergement, de survivre en s’installant dans les #interstices de l’#espace_public.

    Au cœur de #Paris, sur cette place symbole et sous le regard de témoins qui peuvent et savent se faire entendre, la violence de cette politique est devenue visible : les coups, les tentes arrachées et confisquées, leurs occupant·es pourchassé·es à coups de grenades lacrymogènes ou de désencerclement ont répliqué à la "constitution d’un campement" qui n’était tout simplement "pas acceptable" selon le communiqué par lequel la préfecture de police et celle de la région Île-de-France (Prif) ont tenté de justifier "la dispersion de cette occupation illicite ».

    Cette opération de police n’a fait que mettre en évidence le traitement que les exilé·es subissent, en réalité, depuis des mois sinon des années. En tout cas depuis que la doctrine du gouvernement repose sur un même credo : parce que leur seule présence n’est "pas acceptable", empêcher qu’ils se rassemblent, disperser tout regroupement, interdire la (re)constitution de tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à un lieu de vie. Et pour ce faire, entraver et discréditer l’action de toutes celles et ceux qui tentent de substituer l’entraide à l’isolement, la solidarité au dénuement.

    Que personne ne s’y trompe, ces #violences sont depuis longtemps le lot quotidien des habitants des #campements. À Paris et dans les environs de Paris où, par exemple, celles et ceux que la dispersion de celui de Saint Denis, le mardi précédent, avait laissé·es sans solution d’hébergement étaient, ces derniers soirs, systématiquement traqués jusque dans les fourrés où ils étaient contraints de se cacher.

    Si la brutalité policière de la place de la République justifie pleinement les condamnations indignées qu’elle suscite, elle n’a pour autant rien à envier à celle que subissent pareillement, à Calais et dans sa région, les centaines d’exilé·es qui tentent, depuis plusieurs années, de survivre dans le même dénuement et où sévit, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, la même politique d’éradication des "points de fixation". Dispersion systématique des campements, harcèlement policier permanent, confiscation des tentes et des effets personnels, coups, invectives, gazages, sont régulièrement constatés et documentés par les associations et bénévoles qui, dans une indifférence fataliste, s’épuisent à tenter d’inverser la logique du rejet.

    En confiant une enquête à l’IGPN sur les événements de la place de la République, le ministre feint d’ignorer que le mauvais scénario qui s’y est joué n’est que la réplique de l’action constante de ses forces de police et le produit d’une politique délibérée qui prétend faire du harcèlement une méthode de dissuasion. Aurait-il soudainement pris conscience des excès, voire même des impasses, de la guerre d’usure ainsi menée contre les exilé·es ?

    Ce serait un revirement spectaculaire de celui qui, après avoir reçu la maire de Calais le 10 septembre dernier, annonçait le renforcement des effectifs de CRS et avoir demandé au préfet du Pas de Calais de prendre un arrêté interdisant aux associations de distribuer de la nourriture aux exilé·es dans le centre de la ville [1].

    « Choquantes », c’est le qualificatif que Gérald Darmanin a choisi à propos des images et vidéos non floutées que les réseaux sociaux ont permis de diffuser et qui lui auraient ouvert les yeux sur les violences exercées par ses propres services.

    Si d’aventure il entendait convaincre de sa volonté de tourner le dos à la politique sur laquelle les événements de la place de la République ont jeté une lumière crue, le retrait du projet de loi sur la sécurité globale serait un premier test de sa sincérité.

    https://www.gisti.org/spip.php?article6508
    #violences_policières #asile #migrations #réfugiés #destruction #démantèlement #France #23_novembre_2020
    #place_de_la_République

    • Evacuation de la place de la République : le #rapport vite fait mal fait de l’#IGPN

      Dans son rapport de synthèse sur la soirée de lundi, rendu public sur décision de Gérald Darmanin, la « police des polices » n’évoque que trois scènes. Et concède d’éventuels #manquements dont deux sont déjà aux mains de la justice.

      C’est la copie médiocre d’un élève pris par le temps, mais obligé de rendre son devoir. Saisie d’une #enquête_administrative sur l’évacuation de la place de la République, lundi soir, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) explique qu’elle a fait de son mieux compte tenu du délai imparti et du cadre posé : « la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos et de messages évoquant des comportements inappropriés de policiers ».

      Dans un « rapport de synthèse » de deux pages adressé au préfet de police de Paris Didier Lallement et rendu public jeudi soir (à télécharger ici) – Gérald Darmanin s’y était engagé –, la directrice de l’IGPN s’excuse presque. « Dans le temps imparti (48 heures), je ne peux vous rendre compte que des conclusions provisoires qui sont contenues dans les trois rapports d’enquête joints. » Lesdits rapports restent confidentiels, les citoyens ayant seulement accès à leur substantifique moelle.

      Il faut souligner, d’abord, ce que le rapport de synthèse n’évoque pas. Rien sur le dispositif policier en lui-même, sa pertinence, sa proportionnalité, les ordres donnés, le recours à des BAC de nuit plutôt qu’à des unités spécialisées dans le maintien de l’ordre. Rien sur les nasses dans lesquelles se sont retrouvés piégés des manifestants et des élus, des avocats, des journalistes. Rien, surtout, sur les migrants vidés de leurs tentes comme des jambons, les affaires confisquées, les chaussures manquantes, la poursuite dans les rues puis la reconduite aux frontières de Paris.

      Invité sur France 2 pour une interview de sept minutes, jeudi soir, le ministre de l’intérieur n’a développé aucun discours critique sur le déroulement de l’opération, renouvelant son soutien au préfet de police. Gérald Darmanin a rappelé que la manifestation place de la République était « illégale » puisque sans « aucune autorisation ». « J’ai demandé qu’on évacue, bien sûr, cette place », a ajouté le ministre, appelant ses concitoyens à ne pas « toujours juger dans l’émotion » provoquée, selon lui, par les images.

      Le rapport de l’IGPN ne porte pas sur la soirée entière mais sur trois scènes, filmées et largement relayées sur les réseaux sociaux comme dans les médias traditionnels. Deux d’entre elles ont déclenché, mardi, l’ouverture d’enquêtes préliminaires menées par le parquet de Paris pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique ». C’est sur celles-là que le rapport s’attarde.

      La première scène montre le croche-pied d’un policier sur un migrant qui tombe au sol, interrompu dans sa fuite. L’auteur de ce croche-pied, un commissaire divisionnaire de la BAC nuit en Seine-Saint-Denis, a reconnu son geste, qu’il explique par la fatigue, la lassitude et un dispositif de maintien de l’ordre mal construit.

      Selon le rapport de synthèse, ce commissaire « avait reçu la mission d’empêcher les usagers d’emprunter la rue dont il tentait d’interdire l’accès ». « S’il est possible de comprendre qu’au regard de ces instructions, il ait envisagé un moyen pour ralentir ou stopper la progression des manifestants, […] le barrage qu’il constituait quasiment seul n’était ni efficace ni inviolé. »

      Compte tenu du risque de blessure grave, et puisque l’homme qui court ne représente aucune menace, l’IGPN conclut que ce geste, choisi « sans doute en une fraction de seconde », constitue « un manquement par un usage disproportionné de la force ». Le ministre a complété au 20 heures : pour cet acte « totalement injustifié », il réclame un conseil de discipline, l’organe interne à la police qui propose des sanctions.

      La deuxième scène, faisant également l’objet d’une enquête judiciaire, montre le journaliste de Brut, Rémy Buisine – même si le rapport prend soin de flouter son nom – recroquevillé au sol, contre un mur, un policier s’agitant au-dessus de lui. Le journaliste a fait savoir, par la suite, que le même agent s’en était pris trois fois à lui dans la soirée. Mais les vidéos de ce moment précis ne permettent pas de discerner, il est vrai, s’il reçoit des coups.

      À ce sujet, le rapport de l’IGPN souligne dans un langage administratif alambiqué que « les constatations réalisées sur la vidéo, malgré l’impression donnée par les images, ne font état d’aucun coup porté par le policier avec les poings ou avec la matraque ». Il résume l’audition du gardien de la paix, qui « nie tout acte de violence, ayant simplement cherché à se dégager d’une situation de corps à corps ».

      Les déclarations de ce policier n’étant « ni corroborées ni infirmées » par d’autres témoignages ou d’autres vidéos, l’IGPN promet de continuer ses investigations « pour compléter et déterminer s’il y a eu usage de la force, pour quelles raisons éventuelles et dans quelles conditions M. Buisine s’est retrouvé allongé au sol ».

      Au détour d’une phrase, le rapport souligne que « l’usager victime n’a pas répondu aux sollicitations de l’IGPN », ce qu’a répété le ministre de l’intérieur sur France 2. « C’est bien évidemment faux, je reste à disposition des enquêteurs dans les plus brefs délais », a répondu Rémy Buisine quelques minutes plus tard.

      Le gardien de la paix mis en cause par Rémy Buisine, appartenant lui aussi à la BAC de nuit du 93, est visible sur d’autres images au cours de la soirée. L’IGPN écarte tout manquement professionnel dans la troisième scène, tendue, où ce fonctionnaire écarte un manifestant d’un coup de pied à l’entrejambe. Car pour l’IGPN, il ne s’agit pas d’un simple coup de pied, mais d’un « chassé frontal », geste technique d’intervention enseigné dans les écoles de police.

      « La technique a été mise en œuvre avec un objectif à ce moment précis de maintien à distance. Le danger (attitude offensive et agressive des manifestants) était réel et de plus en plus imminent. » Ce policier sans casque ni bouclier, qui selon l’IGPN ne disposait pas non plus de gazeuse lacrymogène, « semble avoir utilisé la seule possibilité qu’il avait de repousser ses agresseurs. […] Il a atteint son objectif et n’a pas blessé d’usager ».

      Anticipant, peut-être, les critiques, voire les moqueries, l’IGPN prend soin de rappeler que « tout usage de la force, quelle que soit l’analyse technique et juridique que l’on puisse en faire, est par nature choquant pour des observateurs ». Mais qu’elle se doit de « décortiquer les images » pour en proposer une analyse légale et déontologique. Ce geste, le seul examiné dans son rapport à ne pas faire l’objet d’une enquête pénale, lui semble donc conforme aux canons de la profession.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/261120/evacuation-de-la-place-de-la-republique-le-rapport-vite-fait-mal-fait-de-l

    • #Fabien_Jobard, sociologue, à propos de l’#évacuation de la place de la #République

      #Fabien_Jobard, sociologue, à propos de l’#évacuation de la place de la #République : « Cela illustre la hantise des pouvoirs publics de tout mouvement qui s’installe. Les préfets aujourd’hui sont formés à craindre tout ce qui peut ressembler à une zone d’occupation temporaire ».

      https://twitter.com/_alairlibre/status/1331300451833274372

      Transcription :

      "La hantise de la part des pouvoirs publics de tout mouvement qui s’installe quelque part... Les préfets aujourd’hui sont formés en France à craindre tout ce qui peut, de près ou de loin, ressembler à une #zone_d'occupation_temporaire, voire le pire de tout, une #ZAD.
      En ce qui concerne les migrants, la #peur du #campement.
      Effectivement, on intervient le plus tôt possible, pour éviter que se mettent en place des #habitudes : apporter de la #nourriture, apporter de l’eau, mettre en place des toilettes sèches, que sais-je... qui transforment la Place la république et qui rendent, plus tard, l’évacuation médiatiquement plus difficile. Cela explique une intervention très précoce, brutale, quasi-instantanée, qui a l’avantage en plus, puisqu’on est dans une #bataille_de_l'image... la manifestation... c’est rendre manifeste, rendre visible les choses. Là, elle a l’avantage, en hiver, de se dérouler de #nuit, donc ça explique cette intervention très rapide. Bien sûr les migrants ne sont pas seuls, il y a autour d’eux depuis au moins les années 1970 tout un ensemble d’associations , y compris d’#élus, d’élus locaux, #Audrey_Pulvard, d’élus nationaux comme #Eric_Coquerel... et donc ça donne ces #images difficilement compréhensibles d’élus de la République ne pouvant être entendus, ne parlant presque pas la même langue que des policiers qui semblent exécuter des #ordres venus d’une #autorité très lointaine.

      #Place_de_la_république #points_de_fixation #fixation

    • La #violence comme seul horizon politique

      Inacceptable ; c’est le mot qu’a utilisé le préfet de police de Paris, à propos de l’« #occupation_illicite » de la place de la République après que des exilé·es y ont installé une centaine de tentes, pour justifier la violence rare avec laquelle a été menée, le 24 novembre, leur « #dispersion ».

      Sans doute estimait-il « acceptable » que plusieurs centaines de personnes qui n’avaient pas été prises en charge une semaine auparavant, lors de l’évacuation du campement dans lequel elles survivaient depuis plusieurs semaines porte de Paris, à Saint-Denis, soient privées de toit, contraintes à l’errance et exposées au harcèlement policier.

      Depuis des mois, les violences à l’égard des personnes exilées se sont amplifiées, que ce soit dans le nord-ouest de la France [1], le long de la frontière franco-italienne ou à Paris et dans sa périphérie. Celles infligées lors des opérations de démantèlement de leurs campements – au caractère hautement politique – sont particulièrement impressionnantes.

      Le 17 novembre, une énième expulsion – c’est le 65e démantèlement de grande ampleur en Île-de-France depuis 2015 – mobilise d’importantes forces de police dès 4 heures du matin. Il s’agit, comme chaque fois, de « mettre à l’abri » – provisoirement et dans des hébergements d’urgence [2] – des personnes survivant dans des conditions insalubres et contraires à la dignité humaine. Comme chaque fois, des centaines d’entre elles ne peuvent même pas grimper dans le bus qui les mènerait vers cet hébergement, juste pour souffler. Car, comme chaque fois, l’opération policière n’a pour but que de les faire disparaître. Cette fois encore, les forces de l’ordre ont pourchassé tou·tes ces recalé·es de l’hébergement en banlieue nord et jusque dans les rues de la capitale pour les empêcher de poser leur tente. Au cours des nuits qui ont suivi, la chasse à l’homme a continué avec une violence inouïe.

      Pour que leur sort ne reste pas dans l’ombre, des exilé·es, rejoint·es par des militant·es, ont installé un campement symbolique place de la République en plein cœur de Paris. Dans l’espoir que, leur situation étant ainsi exposée, des solutions de mise à l’abri pérenne leur soient proposées. Mais le préfet de police ne l’entendait pas ainsi et ses troupes, mobilisées en hâte, ne les ont pas lâché·es ; il ne leur a pas fallu plus d’une heure pour sortir les matraques, les grenades lacrymogènes ou de désencerclement et les LBD. Des vidéos, largement diffusées sur les réseaux sociaux, montrent des policiers soulevant des tentes et les secouant pour en faire tomber les occupants, et jetant dans un camion le peu d’affaires que les exilé·es avaient réussi à conserver… Tolérance zéro. Et à nouveau, la traque impitoyable et indigne a recommencé.

      Rarement mises en évidence et condamnées, les violences policières ont cette fois suscité de nombreuses réactions d’indignation, y compris de responsables politiques dont on pourrait attendre qu’ils mobilisent les moyens à leur disposition plutôt que de se contenter de protestations, aussi bienvenues soient-elles. Au demeurant, elles ne peuvent faire oublier que ces violences s’inscrivent dans la continuité de la politique d’éradication des « points de fixation » méthodiquement menée depuis plusieurs années tant à Paris qu’à la frontière britannique ; parce que leur seule présence n’est « pas acceptable », il s’agit d’empêcher que les exilé·es se rassemblent et d’interdire la (re)constitution de tout ce qui peut ressembler à un lieu de vie. Et, pour ce faire, d’entraver et de discréditer l’action de toutes celles et ceux qui tentent de substituer l’entraide à l’isolement, la solidarité au dénuement [3].

      Plusieurs actions sont en cours pour dénoncer ces violences commises devant des journalistes, des membres d’associations et des élu·es, comme la demande de mise en place d’une commission d’enquête parlementaire et le dépôt de plaintes pénales groupées pour violences volontaires et dégradations de biens. On espère qu’elles auront plus de succès que l’enquête confiée à l’IGPN par le ministre de l’intérieur qui s’est dit « choqué » par les événements de la place de la République… feignant d’ignorer qu’ils sont la réplique de l’action constante de ses forces de police et le produit d’une politique délibérée qui prétend ériger le harcèlement en méthode de dissuasion.

      Si le ministre a dû se résoudre à cette désapprobation minimaliste, c’est qu’il ne pouvait que s’incliner devant l’évidence après la circulation de vidéos montrant la violence des forces de l’ordre. Ces images, sans appel, font écho au délit que le gouvernement tente d’intégrer dans la proposition de loi sur la sécurité globale. Les diffuser pourrait, désormais, être passible d’emprisonnement ! En muselant les défenseurs des libertés publiques, le gouvernement veut imposer un monopole policier sur le récit des opérations dites de maintien de l’ordre.

      L’invisibilisation est de longue date un élément central des politiques ignorant les droits et rejetant a priori toute revendication des exilé·es, que les gouvernements voudraient isoler dans un face-à-face à huis clos avec les forces de l’ordre. En cherchant à priver l’ensemble des mouvements sociaux du « droit à l’image », le gouvernement franchit une nouvelle étape de son projet visant à étouffer les voix dissidentes sous la pression policière. Ne le laissons pas faire. Nous ne renoncerons pas à opposer la réalité vécue par les exilé·es aux « éléments de langage » institutionnels.

      https://www.gisti.org/spip.php?article6526

  • #François_Gemenne sur l’#appel_d'air : Ils ne vont pas venir pour une douche à Calais...

    3 minutes pour déconstruire magistralement une #idée_reçue...

    François Gemenne : « Je suis frappé de voir comment toute une série de concepts qui étaient réservées à l’#extrême_droite il y a quelques années encore, c’est le cas de l’appel d’air sont désormais passés dans le langage courant parfaitement acceptés dans le débat public, utilisés tant par la gauche que par la droite, et qu’on va, de surcroit, mener des politiques qui vont s’appuyer sur ces concepts. Et c’est absolument faux !
    L’idée de l’appel d’air c’est de dire que si on accueille des gens dans des conditions décentes, ça va les attirer, ça va faire venir davantage de gens. Or, pourquoi est-ce que ces gens migrent au départ ? Pourquoi est-ce qu’ils vont choisir d’abandonner leurs familles, leurs villages, de prendre tous les risques, de dépenser des milliers d’euro aux passeurs ? Parce qu’ils en ont absolument besoin pour sauver leur vie, pour nourrir leur famille, ou simplement pour accomplir le projet d’une vie meilleure. Ils ne vont pas venir pour une douche à Calais ou pour quelques centaines d’euro d’allocations familiales. Cela n’a aucun sens. Et très souvent ils ne savent pas avant de venir quelles sont les aides auxquelles ils auront droit et d’ailleurs beaucoup n’y prétendent même pas parce qu’ils ne savent pas qu’ils y ont droit. Et donc, vraiment, il y a ici quelque chose de complètement absurde que d’imaginer que les migrants viennent pour les conditions de réception dans le pays. Ce n’est pas ça du tout qui détermine le choix du pays de destination : ça va être la présence de membres de leur famille, d’anciens liens coloniaux, la langue qu’on y parle, l’état du marché du travail, mais pas du tout le niveau des aides disponibles pour les migrants. »

    Journaliste : "Le contre-argument utilisé : Allemagne, 2015, Angela Merkel ouvre les frontières, permet aux migrants de venir parce qu’il y a une crise énorme, et ils viennent. Et là du coup l’Allemagne est débordée...

    François Gemenne : "En réalité c’est un argument qui est assez fallacieux pour deux raisons. D’abord, en fait, parce que ça s’est assez bien passé, au final. Quand on fait le bilan 5 ans après, il est largement positif....

    Journaliste : Avec une poussée de l’extrême droite en Allemagne...

    François Gemenne : « Avec une poussée d’extrême droite en Allemagne, mais enfin soyons sérieux ! On a en France l’extrême droite à 30 ou 35% avec des frontières fermées et une politique complètement hostile aux migrants et aux demandeurs d’asile, en Allemagne ils ont une extrême droite à 10 ou 15% avec une politique bien plus généreuse. Qui sommes nous pour dire ’Ah, regardez en Allemagne, il y a un problème d’extrême droite !’
    Donc, d’une part ça s’est plutôt bien passé. Et d’autre part, les gens croient souvent que c’est la décision de Angela Merkel d’ouvrir les frontières qui a fait venir les réfugiés syriens en Allemagne. En réalité, c’est l’inverse : les réfugiés étaient déjà là et c’est Angela Merkel qui ouvre les frontières quelque part pour accompagner ce mouvement et donc c’est l’arrivée de réfugiés qui la décide à poser un geste humanitaire fort et à ne pas les renvoyer, mais ce n’est pas l’inverse. Au fond, la temporalité des événements... On imagine qu’il y a un lien de cause à effet entre l’ouverture des frontières et l’arrivée des réfugiés, alors qu’en réalité c’est tout l’inverse. »

    https://twitter.com/_alairlibre/status/1308104092745707521
    https://www.mediapart.fr/journal/france/210920/francois-gemenne-assiste-une-liberation-de-la-parole-raciste-et-xenophobe
    #frontières #ouverture_des_frontières #asile #migrations #réfugiés #ressources_pédagogiques #vidéo #Merkel #Angela_Merkel #Wir_schaffen_das

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