Le verdict final (incarcération immédiate de la presque totalité des prévenus, appel suspensif pour 12 d’entre eux seulement, notamment au motif du "jeune âge") est tombé hier après quelques journées d’audiences tumultueuses, qui ont notamment vu la procureure, représentante de l’État selon le droit pénal grec (calqué sur le droit français) réclamer pour tous les prévenus (à l’exception de l’assassin de Pavlos Fyssas, condamné à perpétuité) la liberté jusqu’au jugement d’appel. La partie civile du mouvement antifasciste, qui représentait lors de ce procès les pêcheurs égyptiens, a publiquement accusé (hors tribunal) la procureure de collusion avec le parti néonazi ; la question centrale de l’implication de membres et secteurs de l’appareil d’État dans le soutien à Aube Dorée a ainsi été portée à jour à un moment crucial. Le pari pouvait sembler risqué mais était parfaitement cohérent avec la démarche suivie depuis le début par ce collectif d’avocats : faire constamment le lien entre salle d’audience et mouvement politique, tribunal et société. La présidente du tribunal a le lendemain choisi de suivre sur ce point la partie civile - plutôt que les avocats d’Aube Dorée qui réclamaient des mesures disciplinaires contre les avocats des victimes (et en particulier contre Thanasis Kampagiannis). La procureure a été sommée de revoir sa copie, de revenir sur sa réclamation initiale et, en fait, sur les mensonges flagrants que ses réclamations contenaient. C’est une victoire réaffirmée, après le premier jugement du 7 octobre reconnaissant Aube Dorée comme une organisation criminelle. L’aboutissement d’une stratégie de long cours débutée au milieu des années 90 à l’initiative du mouvement antifasciste, stratégie qui a en partie constitué à porter systématiquement plainte contre les auteurs de violences du parti néonazi grec (lequel, prenant là pour modèle le parti nazi lui-même, a développé en parallèle à sa présence parlementaire des groupes chargés de semer la terreur dans les rues). Le processus ne s’est pas achevé hier (un des dirigeants de l’organisation est notamment en fuite, en tous cas "introuvable", malgré le "dispositif policier exceptionnel" que les autorités grecques sont censées avoir déployé depuis des jours...), les audiences reprendront pour l’appel, mais une victoire a été obtenue, à la fois juridique, politique et symbolique. La presse aux ordres paraissait hier soir sidérée, sonnée presque.
“How Do You Fight the Devil With a Lawyer ?” (Max Romeo)