Tout le monde s’en souvient, lors de l’été 2016, la polémique a fait rage en France autour du burkini, une tunique de bain utilisée par des personnes de confession musulmane, qui recouvre le corps et les cheveux à la manière du hijab. Tout avait commencé le 13 août avec une rixe entre deux bandes rivales sur la plage de Sisco, en Corse, causant plusieurs blessés et des véhicules incendiés. L’« information » circule alors rapidement dans les médias : il s’ agirait d’un affrontement entre jeunes musulmans radicalisés et Corses racistes, qui aurait pour origine le fait que « plusieurs femmes qui se baignaient en burkini étaient prises en photo par des touristes ». Or, on verra par la suite qu’il n’en était rien, et que cet incident relevait plutôt d’une logique de caïdat – deux bandes rivales s’étant battues pour s’ approprier la plage en question. L’ affaire toutefois prend de l’ ampleur, dans le contexte post-attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, mais aussi après la récente interdiction du burkini dans plusieurs villes du Sud de la France. Des gens manifestent ainsi à Bastia aux cris de « on est chez nous ! ». Des hommes politiques, en particulier d’extrême droite, s’emparent de l’ affaire pour affirmer que le pays est menacé dans son identité, à cause de ce vêtement et des violences qu’il engendre. Florian Phillippot (FN) réclame « l’ordre » contre la « violence islamiste ». Deux jours après, le maire PS de Sisco prend un arrêté pour interdire le burkini sur les plages de la commune. L’ arrêté est soutenu par le Premier ministre en personne, Manuel Valls, estimant qu’avec ce vêtement la laïcité et les valeurs de la République sont bafouées. Les médias s’ affolent, les réseaux sociaux aussi : c’est l’ affaire la plus importante de l’été. Alors que les journalistes américains, anglais et allemands se moquent abondamment de cette histoire, tout s’interrompt brutalement à la suite de la décision du Conseil d’Etat, qui suspend l’exécution des arrêtés anti-burkini, au motif que les risques de trouble à l’ordre public invoqués par les municipalités ne sont pas établis par les faits présentés. Et, du jour au lendemain, l’affaire du burkini disparaît du paysage médiatique. Cette petite histoire est édifiante : elle constitue un parfait exemple de panique identitaire.
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