Au sud d’Hébron, Kafka dans le désert

/au-sud-d-hebron-kafka-dans-le-desert_18

  • Au sud d’Hébron, Kafka dans le désert
    Par Guillaume Gendron, envoyé spécial à Masafer Yatta (Cisjordanie) — 20 octobre 2020 à 17:04 - Libération
    https://www.liberation.fr/planete/2020/10/20/au-sud-d-hebron-kafka-dans-le-desert_1802922

    (...) « Empêcher ces expulsions, c’est déjà le combat d’une génération », tonne Hagaï El-Ad, le directeur B’Tselem, devant l’assemblée. Il parle du « cynisme » israélien, du « champ de tir » comme d’une tactique pour « déplacer les populations », techniquement un crime de guerre. Devant la vingtaine d’officiels, il prend date, donnant à la visite un air de veillée d’armes avant un énième bras de fer diplomatico-humanitaire : « On a emmené vos prédécesseurs ici et ailleurs. A chaque zone, son excuse légale. » Il y a deux ans, leur mobilisation avait stoppé la démolition du village bédouin de Khan al-Ahmar, à la sortie de Jérusalem. « Cet endroit, c’est votre Khan el-Ahmar ! », ajoute-t-il, avant de s’en prendre aux accords de paix israélo-arabes, ratifiés ces jours-ci. « La paix dont parle Nétanyahou, c’est voler en classe affaires jusqu’à Dubaï tout en prétendant que ces gens que vous voyez autour de vous n’existent pas ».
    Bulldozers

    Les édiles locaux vantent l’importance des Européens. Sans eux, pas de panneaux solaires, pas d’eau, pas d’abris. Ils se lamentent des confiscations hebdomadaires : citernes, tuyaux, véhicules. Pour les diplos, c’est le conflit dans son aspect le plus micro, le plus quotidien. Et pour l’UE, qu’on dit ici si molle, si impuissante, cette salle de classe, ces toilettes, ce sont de petites batailles qui peuvent encore se gagner. Avec sa tête d’aristo buriné, Sven Kühb Von Burgsdorff, le chef de la délégation européenne, assume : « Tout ça devrait être fait par Israël, en tant que puissance occupante. C’est leur responsabilité. Mais puisqu’ils ne la prennent pas… » Dans un coin, le consul français se fait plus discret. (...)