Heure d’été, heure d’hiver : le couvre-feu oublié de la Grande Guerre
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Au domicile d’Honnorat, les courriers affluent, lettres de soutien ou d’insultes, voire menaces de mort : « imbécile », « fainéant », « sale cochon », « député de merde », « on te crèvera la panse », « si seulement on était en Russie, on pourrait te faire ton affaire », etc.
Un débat parlementaire électrique
Quand le texte arrive enfin en discussion à la Chambre des députés, le 18 avril 1916, les esprits sont bien échauffés dans un hémicycle plein à craquer pour l’occasion.
À droite comme à gauche, les critiques fusent : le projet risque de troubler la vie nationale, de provoquer des catastrophes ferroviaires ou maritimes, de « détraquer le système solaire » et d’aller contre ce que certains parlementaires jugent être le « bon sens paysan ». On dépeint Honnorat en Josué, le héros biblique qui veut arrêter la course du soleil. On l’accuse surtout de vouloir mettre la France à « l’heure boche » : attentive aux débats, l’Allemagne a en effet pris de vitesse l’ennemi et, début avril 1916, adopté l’heure d’été (Sommerzeit).
La discussion parlementaire dure ainsi trois heures, dans une ambiance électrique dont la presse rend compte le lendemain :
« La Chambre des [députés] a tenu, hier, une grosse séance – une séance de crise gouvernementale –, au cours de laquelle on s’est interrompu, apostrophé, non de parti à parti, mais de banc à banc, souvent sur le même banc, de collègue à collègue. Il n’y avait plus, en effet, de droite, ni de centre, ni gauche. Tout le monde était confondu et divisé en partisans et adversaires de l’avance de l’heure légale […] [avec] une intensité comparable à celle qui se déchaîne dans l’hémicycle seulement dans les séances où les jours d’un ministère sont comptés » (L’Humanité, 19 avril 1916).