• Covid-19 : les rêves brisés des Français expatriés en Inde
    https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/27/covid-19-les-reves-brises-des-francais-expatries-en-inde_6057591_3210.html

    ... Pauline de Muizon et Giacomo Rotigliano, 32 ans tous les deux, ont regagné l’Europe en juin. Elle était arrivée à Bombay, la capitale financière, en 2012, comme programmatrice culturelle dans un club privé ; lui en 2014, comme consultant dans le secteur de l’éducation. « L’Inde, c’est l’énergie, le vivant, le chaos, c’est un pays qui vous prend », assure Giacomo. « Pour moi, poursuit Pauline, c’est le pays de l’authenticité, la vie sans filtre, des relations directes, chargées d’affect, d’émotion, de sensibilité. » Le couple attend la fin de l’année pour savoir s’il referme définitivement la page de l’Inde. Les ambassades redoutent une seconde vague de départs, car la situation dans les écoles complique singulièrement la vie des familles. A New Delhi, l’école et le lycée français sont fermés depuis sept mois, et le chef de l’exécutif local vient d’ordonner la prolongation de cette mesure au moins jusqu’à la fin octobre. Même chose à Bombay.
    « Je vis en Inde depuis vingt ans, je suis mariée à un Indien, ma vie est ici, mais pour la première fois, je commence à me dire qu’il serait peut-être plus sage de rentrer pour scolariser notre fille de 9 ans », confie Iris Strill, la quarantaine, arrivée en Inde à la suite de ses études aux Beaux-Arts pour un stage dans le textile à Jaipur. Pourtant, économiquement, cette Française s’en sort bien. Avec son mari, elle a lancé il y a deux ans à New Delhi un projet écologique et solidaire, un atelier de fabrication de poupées réalisées par une quinzaine de réfugiées afghanes à partir de chutes de tissu provenant de fabricants de vêtements. Les poupées de chiffon Silaiwali continuent de s’exporter, et Iris travaille parallèlement en free-lance comme designer pour des entreprises textiles. « La fermeture des écoles est extrêmement handicapante. Je fais l’école à ma fille moi-même. Ça remplit la moitié de mes journées. » Les exemples de rapatriement provisoire se multiplient. Mathieu Josso, entrepreneur dans la communication numérique, et sa femme, Bhawna Sharma, styliste de mode, ont scolarisé leur fille près de Nantes. Elodie Le Derf, créatrice de Born, une marque de vêtements pour bébés et enfants, et son mari, Salil Awchat, webdesigner, ont fait de même avec leur fils en région parisienne.
    Pour ceux qui sont restés, le quotidien a complètement changé. La peur du virus est dans tous les esprits. L’atmosphère, dans les quartiers huppés des grandes villes, Delhi et Bombay, est empoisonnée. Les riches Indiens, obsédés par le virus, surveillent les allées et venues, interdisent les visites dans leur immeuble, soupçonnent le voisinage. Le climat politique aussi s’est alourdi. Profitant du confinement, le gouvernement n’a cessé, depuis six mois, de pourchasser ses opposants, de procéder à des arrestations sans décision de justice.
    « Avec les nationalistes hindous au pouvoir, l’ambiance devient vraiment pesante. On se demande d’ailleurs si le gouvernement ne fait pas son affaire du départ des étrangers, avouent en soupirant Stéphane et Christophe [les prénoms ont été changés], gérants d’un hôtel de charme dans le Tamil Nadu. Déjà, avant le coronavirus, on pensait prendre nos distances avec ce pays, dont on était pourtant tombés follement amoureux. La crise sanitaire et économique accélère notre projet de réinstaller notre base en Europe et de ne plus résider en Inde que six mois en hiver. » Le Covid-19 est en train de refermer l’Inde sur elle-même.

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