• Des niveaux alarmants de pesticides mesurés dans les #sols et les #vers_de_terre
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/29/des-niveaux-alarmants-de-pesticides-mesures-dans-les-sols-et-les-vers-de-ter

    Conclusion : la totalité des prélèvements analysés contiennent au moins une des substances recherchées, et 90 % contiennent un mélange d’au moins un #insecticide, un #fongicide et un #herbicide. Si un tel constat est inédit, c’est que les auteurs ne se sont pas arrêtés aux surfaces cultivées. Ils ont prélevé leurs échantillons sur des parcelles agricoles conduites en #agriculture conventionnelle, en agriculture biologique, mais aussi sur des #prairies et des #haies n’ayant jamais reçu de traitements. « Dans 40 % des cas, on retrouve plus de dix #pesticides différents », explique l’écologue Vincent Bretagnolle (CNRS) et coauteur de ces travaux.

    sous #paywall

    Residues of currently used pesticides in soils and earthworms : A silent threat ?
    https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167880920303534

    • Des niveaux alarmants de pesticides mesurés dans les sols et les vers de terre
      https://archive.ph/2023.09.28-222322/https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/29/des-niveaux-alarmants-de-pesticides-mesures-dans-les-sols-et-les-vers-de-ter

      Bio-accumulation des substances dans les lombrics
      De telles données de contamination sont « étonnamment rares », soulignent les chercheurs. « Nous n’avons trouvé aucune donnée sur la contamination, par différentes classes de pesticides couramment utilisés, des éléments du paysage distincts des champs, formant des habitats semi-naturels comme les haies, les bosquets, les marges des parcelles, ou encore les champs biologiques non traités », écrivent les auteurs.
      Newsletter
      « Chaleur humaine »
      Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
      S’inscrire
      Les quatre substances les plus fréquemment retrouvées sont le diflufenican (un herbicide), l’imidaclopride (un insecticide néonicotinoïde) et deux fongicides, le boscalide et l’époxiconazole. Au moins une de ces quatre substances est détectée dans plus de 80 % des sols analysés.
      Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les néonicotinoïdes, « l’arbre qui cache la forêt » de la crise de la betterave en France

      Ajouter à vos sélections
      Les chercheurs ont également cherché ces trente et une substances sur des vers de terre (Allolobophora chlorotica) prélevés dans les sols des mêmes parcelles. Dans vingt-cinq cas, aucun ver de terre n’a pu être trouvé et ainsi seuls 155 échantillons ont été étudiés.
      « C’est à notre connaissance la première fois qu’on cherche des résidus de pesticides sur des vers de terre prélevés dans des milieux agricoles et semi-naturels, dit l’écologue Céline Pelosi (Inrae), première autrice de ces travaux. Nous suspections une potentielle persistance de certaines molécules en raison d’une utilisation récurrente, fréquente et massive, à large échelle. Mais nous pensions aussi possible de n’en trouver aucune trace. »
      La réalité s’est révélée aux antipodes. « Les taux d’imidaclopride que l’on retrouve dans les vers de terre sont faramineux, estime ainsi l’écologue Vincent Bretagnolle. Ils indiquent un phénomène de bio-accumulation. » Sur près de 80 % des vers de terre analysés, on retrouve cette substance, le principal néonicotinoïde sur le marché. « Les concentrations retrouvées sont spectaculaires : 43 % des vers de terre présentent un taux d’imidaclopride de plus de 100 ppb [parties par milliard] et 8 % en ont plus de 500 ppb », précise M. Bretagnolle. Le maximum enregistré pointe à près de 780 ppb. Soit, par exemple, une concentration presque 400 fois supérieure à ce qui est mesuré dans le nectar du colza, lorsque celui-ci est traité à l’imidaclopride.
      Testez gratuitement
      Un risque élevé pour les oiseaux
      « Cette étude fournit des éléments de preuve montrant que des “néonics” peuvent se bio-accumuler dans les vers de terre, confirme l’entomologiste John Tooker, professeur à l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis), qui n’a pas participé à cette étude. En effet, les concentrations relevées dans les vers de terre sont plus élevées que ce qui est mesuré dans les sols. Je ne connais pas d’autres travaux montrant que des “néonics” peuvent s’accumuler dans la faune, et je suis curieux de connaître les mécanismes ou les explications à ce phénomène. »
      En 2008, lors de sa dernière réautorisation, l’imidaclopride avait été considéré comme « à faible risque de bio-accumulation » par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Le produit est interdit depuis 2018 – mais bénéficie encore de dérogations, comme en France sur la betterave.
      Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Après l’alerte des scientifiques, un recours en justice pour interdire les pesticides SDHI

      Ajouter à vos sélections
      Non seulement l’imidaclopride est retrouvé à des concentrations très fortes sur les lombrics, mais il est fréquemment détecté en compagnie d’autres produits. Le niveau d’exposition de ces organismes essentiels à la bonne santé des sols présente fréquemment « un risque de toxicité chronique élevé », écrivent les chercheurs. Une situation jugée par M. Tooker « très inquiétante, non seulement pour les lombrics eux-mêmes, mais pour l’intégrité des chaînes alimentaires et la santé environnementale en général ».
      Des résultats préliminaires, non encore publiés, suggèrent que la chaîne alimentaire est impactée. « Nous avons commencé à faire des mesures sur les micromammifères, et celles-ci semblent cohérentes avec ce que l’on trouve sur les vers de terre, notamment », dit Mme Pelosi. « Pour certains oiseaux qui se nourrissent presque exclusivement de vers de terre à certaines périodes de l’année, les concentrations d’imidaclopride que nous retrouvons laissent suspecter des effets quasi létaux », explique, de son côté, M. Bretagnolle.
      Lire aussi la tribune de Christophe Gatineau, en 2018 : Article réservé à nos abonnés « Il y a urgence à sauver le ver de terre »

      Ajouter à vos sélections
      « La contamination généralisée des sols censés être exempts de substances de synthèse soulève des questions sur l’ampleur réelle de la pollution de l’environnement par les pesticides et ses répercussions », juge M. Tooker. De fait, écrivent les chercheurs, ces travaux illustrent « le potentiel des pesticides comme agents de changement global ».
      Stéphane Foucart

  • Epidémie de #Covid-19 : « Nous allons être face à des situations humaines impossibles »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/10/29/epidemie-de-covid-19-nous-allons-etre-face-a-des-situations-humaines-impossi

    Xavier Lescure, spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, redoute une saturation des services de réanimation et critique le manque de lien entre le terrain et la prise de décision.
    Propos recueillis par Chloé Hecketsweiler

    Xavier Lescure, spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, estime que les hospitaliers ont « multiplié les mises en garde », mais qu’ils n’ont pas été entendus.

    Dans son allocution mercredi soir, Emmanuel Macron a annoncé près de 9 000 personnes en réanimation au 15 novembre. N’est-ce pas trop tard pour sauver l’hôpital ?

    Depuis plusieurs semaines, nous avons perdu le contrôle de l’épidémie. Ce nouveau confinement est un coup de frein à main, qui ne nous empêchera pas de partir dans le décor. Les politiques et les citoyens considèrent que les hôpitaux sont solides, mais ils ne peuvent pas absorber de tels à-coups.

    Quand les « réas » seront débordées, il faudra bien choisir entre tel ou tel malade. On n’ose pas le dire mais c’est une réalité. Si on est complètement sous l’eau, nous allons être face à des situations humaines impossibles.

    Comment en est-on arrivé là ?

    Dès la mi-août, j’ai alerté sur la dégradation des indicateurs. Il y avait bien trop de clusters, signe que le virus circulait déjà beaucoup. Les CPAM [Caisses primaires d’assurance maladie] étaient à la peine pour tracer les cas. Du jour au lendemain, on a demandé à leurs agents de faire quelque chose qui n’a rien à voir avec leur métier : cela ne pouvait pas marcher. Il ne suffit pas de passer un coup de fil aux gens en leur expliquant qu’il faut s’isoler. Il faut aller sur le terrain, faire de la pédagogie, de l’accompagnement.

    Pourquoi avoir attendu que les réas soient à moitié pleines pour agir ? Il faut maintenant prendre des mesures qui auront un impact social et économique majeur. Cela fait neuf mois que nous sommes sur le pont, en première ligne pour voir ce qui se passe. Nous avons multiplié les mises en garde, mais nous ne sommes pas entendus. Il n’y a pas assez de lien entre le terrain et la prise de décision.

    Les politiques se sont-ils montrés trop optimistes ?

    Je comprends qu’il ne faille pas crier au loup trop tôt, qu’il faille que les mesures soient acceptées, mais entre « tout va bien » et « il faut confiner tous les Français », des mesures proportionnées auraient pu être prises avant. Les politiques réagissent quand le dernier rempart – la réanimation – est menacé. Dans certains hôpitaux la quasi-totalité des lits sont déjà occupés par des malades du Covid-19. Pour faire face à cette envolée, le ministre de la santé [Olivier Véran] affirme qu’il va armer 12 000 lits : c’est illusoire ! On peut toujours faire des effets d’annonce, nous dire qu’on est extraordinaire, mais où va-t-on trouver les soignants pour s’occuper de tous ces malades ?

    La pénurie de soignants est le « talon d’Achille » de la France…

    A la suite de la première vague, le salaire des infirmières a été revalorisé de 180 euros. Sur un petit salaire, c’est une revalorisation importante, mais cela ne permet pas de rattraper notre retard : nous sommes toujours bien au-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques]. Il faut donner aux gens l’envie de travailler dans le public ! Le risque, sinon, est de créer un système de santé à deux vitesses, avec d’un côté des dispensaires, de l’autre des cliniques de luxe. La tâche qu’on nous demande d’accomplir est trop épuisante, les gens vont partir. Nous n’alertons pas pour sauver « notre » hôpital mais l’hôpital de tout le monde.

    Comment l’hôpital fait-il face à cette deuxième vague ?

    Certains services d’urgence ne savent déjà plus où mettre les malades. Les urgentistes doivent les faire dormir sur des brancards. Dans mon service, un étage entier – soit la moitié des lits – est occupé par des patients atteints du Covid-19, tous des cas graves. Nous avons tout fait pour faciliter le retour à domicile et renforcer les structures de soins de suite. Et, malgré cela, la réanimation prend de nouveau l’eau, et nous sommes proches d’un point de rupture.

    Quels sont les scénarios auxquels il faut s’attendre ?

    Il faut s’attendre à une succession de vagues plus ou moins rapprochées, au moins pendant quelques mois. Tout l’enjeu est qu’elles montent le moins haut possible. Et l’on ne pourra pas y arriver sans une implication de tous les citoyens.

    Le Covid-19 n’est pas une maladie grave – moins de 1 % de létalité – mais il est très transmissible, et peu visible. Environ la moitié des contaminations sont le fait de personnes « asymptomatiques », ou « présymptomatiques ». La seule solution est que nous agissions tous comme si nous étions porteurs du virus : il ne faut pas attendre d’être contact avéré ou symptomatique pour respecter partout et tout le temps les mesures barrières.

    Comment susciter un tel changement ?

    Toute la question est de savoir où mettre la contrainte pour qu’elle soit acceptée dans la durée. Faut-il imposer le port du masque dans la rue toute la journée, quand on sait que cela a une efficacité, certes, mais limitée ? Face à des informations un peu contradictoires, les gens sont perdus. Il faudrait davantage mettre l’accent sur les changements de comportements en simplifiant les mesures, en les expliquant.

    Il faudrait aussi tenir plus compte du terrain sur lequel nous menons ce combat. Cette épidémie débarque sur un terrain social fragile. Nous avons une recrudescence de personnes blessées grièvement à l’arme blanche. C’est un signe. Cette épidémie révèle les fragilités de notre société, attise les tensions. Nous sommes arrivés à un point de bascule, mais j’ai peur que les politiques soient un peu dans le déni.

    #crise_sanitaire #hôpital #soignants