Catherine Hill, épidémiologiste, biostatisticienne, spécialiste causes du cancer

/Catherine-Hill

  • Covid-19 : « La situation est déjà hors de contrôle », estime l’épidémiologiste Catherine Hill - France - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/france/covid-19-la-situation-est-deja-hors-de-controle-estime-l-epidemiologist

    L’épidémiologiste Catherine Hill estime qu’il faut « reconfiner, le plus vite possible, et tester massivement la population, avec les grands moyens ».

    Lundi, on a eu l’impression de se réveiller avec un coup de massue sur la tête. Peut-on affirmer que la deuxième vague est arrivée et qu’elle est massive ?
    La situation est tragique. C’était prévisible depuis longtemps, et j’ai lancé l’alerte depuis plusieurs mois. Et oui, la deuxième vague est là. À propos des 52 000 nouveaux cas détectés dimanche, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, estime que la réalité est sans doute deux fois plus importante. Je pense que c’est plutôt quatre fois plus. En mars, c’est seulement 15 jours après le début du confinement que tous les indicateurs ont cessé d’augmenter. Donc, si on confinait demain, on aurait encore 15 jours d’augmentation en face de nous.

    Quelles mesures s’imposent : durcir le couvre-feu ? Fermer les écoles à la rentrée ? Imposer un confinement ?
    Se poser encore la question de savoir s’il faut étendre le couvre-feu, ou de fermer les écoles signifie que ceux qui la posent n’ont pas saisi l’urgence du moment ! On parle d’attendre les effets du couvre-feu ? Mais c’est terrifiant d’entendre cela. Je peux vous annoncer que les effets du couvre-feu, s’il en a produits, seront à la marge. On se demande s’il faut rouvrir les écoles ? Mais ces questions ne se posent même plus. Il est déjà trop tard. Il faut reconfiner, le plus vite possible, et tester massivement la population, avec les grands moyens.

    C’est l’appel que vous aviez lancé dans nos colonnes… le 17 juillet dernier ?
    Oui ! Il faut faire appel à l’armée pour effectuer les millions de tests qui doivent, à mon sens, être pratiqués chaque semaine. Les mauvais choix ont été faits. Il ne fallait pas attendre que les cas symptomatiques se déclarent pour tester. Il fallait prospecter, et trouver tous les porteurs du coronavirus, surtout les asymptomatiques. Ces derniers représentent au moins un cas sur deux. Il faut les trouver et les isoler. On a fait le contraire ! Quand on dépistait quelqu’un, il était déjà trop tard. Il n’était généralement plus contagieux, mais il avait déjà contaminé ses contacts. Il faut changer complètement de stratégie. Il faut réaliser 20 millions de tests par semaine. Il faut les grouper, ce sera moins cher et plus rapide, et affiner ensuite, si c’est positif.

    Cela signifie que la situation est, à vos yeux, déjà hors de contrôle ?
    Cela ne fait aucun doute. 52 000 nouveaux cas dimanche, cela veut dire au moins 100 000 contaminés, voire 200 000. Cela veut dire que, mécaniquement, dans cinq à dix jours, l’état d’une partie de ces contaminés va se dégrader, on le sait, et nécessiter une hospitalisation. Retenons 5 % : cela fait chaque jour 5 000 malades qui entrent à l’hôpital ! Les établissements ne tiendront pas. Pour la létalité, c’est 0,6 %, c’est-à-dire 600 décès par jour, contre 172 en moyenne ces derniers jours (et environ 800 par jour, au plus fort de la première vague, quinze jours après le confinement, fin mars). Voilà la situation, contre laquelle on ne pourra rien, dans dix ou quinze jours ! On est déjà dans le mur.