• #Pikpa... la mort annoncée d’une #utopie

    Ce n’est pas un lundi ordinaire en Grèce. Alors que tous les médias sont braqués sur l’annonce des peines encourues par les membres de l’Aube Dorée, PIKPA, le dernier #camp_ouvert pour l’accueil des migrants ferme ses portes, forcé par le gouvernement. Et ses quelques cent résidents du moment seront envoyés à Moria, ou à ce qu’il en reste. Pourquoi Pikpa dérange tant ?

    Le taxi me dépose sur la route côtière à mi-chemin entre Mytilène et l’aéroport, en face d’un hôtel désaffecté. J’avance sur un petit chemin qui s’enfonce dans la forêt de pin et suis rapidement devant le portail de Pikpa. Nous sommes fin juin 2014 et il fait déjà bien chaud à Lesvos. Je cherche #Efi_Latsoudi, l’une des responsables de Pikpa qu’on m’a recommandé de voir à Athènes. Quelqu’un me montre une femme d’une quarantaine d’années du doigt, mais il me faudra presque une heure avant de pouvoir lui parler, tellement elle est sollicitée. Adultes, enfants, volontaires, migrants, tout le monde à quelque chose à lui demander et Efi réponde patiemment à toutes les questions. Je lui explique mon projet de film pour lequel je fais des repérages et elle me pose des questions. A peine a-t-elle appris que je suis iranienne qu’elle me demande si je veux bien aller parler à O. un jeune iranien, qu’elle a réussi à sauver de l’enfer de #Moria. Parce qu’il s’agit de ça. Chaque migrant accueilli à Pikpa est un de moins dans l’enfer de Moria. O. est tellement traumatisé qu’il se méfie de tout, au point même de refuser de parler le persan. C’est un jeune homme grand et fin, avec une étrange allure : mi barbu, mi rasé, mi brun, mi blond, au regard vif et fuyant. Tout en lui est un cri pour affirmer sa différence. Il m’a fallu du temps avant de gagner sa confiance et basculer peu à peu de l’anglais vers le persan. A Pikpa, on avait réussi à lui offrir des cours d’Anglais, de dessin et un suivi psychologique. C’était le premier d’une longue liste de migrants, fragiles et remarquables, que j’ai rencontré à Pikpa à mesure de mes visites.

    La fois d’après, quelques mois plus tard, lorsque je franchis le portail, je trouve tout le monde en larmes. La raison : l’émoi d’une femme syrienne dont le fils de vingt ans alors à Damas, devait être opéré d’urgence, mais bloquée par manque de fonds. Pendant quelques heures, on a remué ciel et terre pour trouver les quelques centaines d’euros manquant et les envoyer par Western Union. Je me souviendrai toujours du visage d’Efi, du traducteur palestinien et des autres membres du bureau de Pikpa qui ayant reçu la nouvelle de la réussite de l’opération, éclatent de nouveau en larmes. Ça n’est jamais fini, disent-ils, jamais... Et c’est vrai. Les malheurs des migrants qui arrivent chaque jour semble ne jamais tarir.

    Une autre fois, ce sera un jeune afghan mutique qui retient mon attention. Il a l’air différent des autres résidents de Pikpa, semble appartenir à un autre espace-temps. J’engage la conversation et j’apprends qu’il vit à Paris depuis dix ans a déjà obtenu l’asile politique en France, mais qu’il reste à Pikpa le temps que le résultat de son test ADN arrive. Lequel prouverait son lien de parenté avec son jeune frère, noyé pendant la traversée. Je dois ramener son corps en Afghanistan, pour que ma mère puisse accepter sa mort.

    L’un des derniers miraculés de Pikpa : A. un petit afghan de cinq ans, ayant arrêté de parler après les traumatismes subis pendant la traversée, puis à Moria. Lorsque je rencontre sa mère en août 2020, ils sont à Moria depuis un mois et le petit ne communique qu’en produisant des sons inintelligibles. Je les revois mi-septembre, quand je retourne à Mytilène après l’incendie de Moria. Le petit a commencé une thérapie depuis peu et prononce déjà quelques mots en me montrant fièrement le sac à dos que tous les enfants de Pikpa ont reçu pour la rentrée des classes.

    Les petites cabanes en bois, les murs des bâtiments communs couverts de peinture d’enfant et les petits maraîchers cultivés par les réfugiés, le terrain de jeu des enfants entouré de pins, le lieu aspire un tel calme qu’on a juste envie d’y rester.

    Combien de personnes y ont retrouvé le sommeil et le calme perdus à Moria ou sur les routes sinueuses d’une migration hasardeuse vers l’Europe ?

    Ancienne #colonie_de_vacances pour enfants handicapés transformée en lieu d’accueil destinés aux migrants fragiles, Pikpa fonctionne avec des dons privés et l’aide des volontaires. Pikpa a accueilli, malgré sa petite taille, plus de 30000 personnes depuis sa création.

    La date de fermeture annoncée par le ministre grec de l’asile et de l’immigration, M. Mitarakis : fixée au 30 octobre initialement, a été avancée au 15, puis au 12 octobre. C’est donc aujourd’hui que Pikpa fermera ses portes et ses habitants seront renvoyés à Moria.

    Étrangement, c’est aussi le jour tant attendu de l’annonce des verdicts du procès de l’Aube Dorée sur laquelle tous les médias grecs sont braqués pour des raisons évidentes.

    Les résidents de Pikpa ont déjà ramassé le peu de bien qu’ils possèdent depuis vendredi. Les adultes tentent de garder leur calme mais les enfants ne peuvent pas cacher leur désespoir. K. une femme afghane, mère de deux enfants, me dit que son fils de neuf ans Omid (prénom qui signifie espoir en persan) lui a dit hier, plutôt mourir que de retourner à Moria.

    Au-delà du sort des résidents de Pikpa, pour qui le retour potentiel à Moria représente le cauchemar absolu, reste à savoir si c’est l’existence même d’un lieu d’accueil utopique des migrants, alors qu’on en manque si cruellement, n’est pas ce qui dérange le plus le gouvernement grec.

    Sauvons la dignité des migrants, sauvons Pikpa !

    #SAVEDIGNITY #SAVEPIKPA

    PS. Deux jours de sursis ont été accordés à Pikpa qui prend fin demain. L’équipe se bat comme elle peut. A suivre...

    https://blogs.mediapart.fr/moineau-persan/blog/121020/pikpa-la-mort-annoncee-dune-utopie
    #réfugiés #asile #migrations #camps #Grèce #accueil #Lesbos

    • Grèce : les autorités évacuent le PIKPA, centre pour réfugiés vulnérables à Lesbos

      Les autorités grecques ont commencé jeudi 29 octobre à évacuer le PIKPA, qui a accueilli plus de 30 000 réfugiés vulnérables depuis 2012. Les ONG s’inquiètent de la décision du gouvernement conservateur de regrouper tous les migrants dans une même structure semi-fermée aux conditions de vie difficiles.

      Le PIKPA était un « havre de paix » à Lesbos, dans un environnement de plus en plus hostile aux demandeurs d’asile. Située à 7 km de la capitale de l’île, cette ancienne colonie de vacances transformée en centre d’accueil pour les réfugiés les plus vulnérables en 2012 avait depuis reçu plus de 30 000 réfugiés, des femmes seules, des enfants, des personnes à mobilité réduite, des personnes LGBT et des mineurs non-accompagnés.

      Début octobre, les autorités grecques ont déclaré vouloir fermer ce centre pour satisfaire la municipalité de Mytilène et les associations d’hôteliers et de résidents en colère qui ne veulent plus accueillir de réfugiés sur l’île. Jeudi matin, l’opération d’évacuation a démarré de manière inattendue avec le déploiement de deux véhicules de police et d’un camion de l’armée pour transporter les plus de 70 demandeurs d’asile (dont 21 mineurs non-accompagnés) du PIKPA vers le camp municipal de Karatepe, à une dizaine de kilomètres, près du port de Mytilène.

      Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, la fondatrice du centre, Efi Latsoudi, s’est indignée de l’opération d’évacuation qui n’est « ni décente ni humaine » : « Nous avons demandé aux autorités un peu de temps pour informer les gens, dont de nombreux enfants, qui vivent ici depuis des mois ou des années. Mais ils ont débarqué avec la police et l’armée ». Stephan Oberreit, chef de mission de MSF en Grèce, a dénoncé aussi une « décision absurde » : « La priorité du gouvernement devrait être de mettre en sécurité les personnes les plus vulnérables. C’est tristement ironique que 74 personnes vulnérables reçoivent l’ordre de quitter PIKPA, lieu sûr et digne, alors que des enfants atteints de maladies chroniques restent dans l’horrible Moria 2.0 », le surnom donné au nouveau camp.
      Durcissement de la politique d’accueil des réfugiés

      « PIKPA est un domaine public qui depuis des années était squatté et qui fonctionnait sans aucun contrôle », a déclaré le ministère des Migrations pour justifier sa décision.

      Après les incendies, début septembre, qui ont détruit le camp surpeuplé et insalubre de Moria, les autorités grecques ne sont pas revenues sur leur projet de créer des centres fermés pour les réfugiés et d’accélérer les retours de personnes déboutées de l’asile. Le durcissement de la politique d’accueil des réfugiés s’est poursuivi avec l’annonce du recrutement de nouveaux gardes-frontières, la signature d’un accord de retours volontaires avec l’Afghanistan et le lancement d’une enquête contre des ONG dénonçant les refoulements de migrants vers la Turquie.

      Au mois de septembre, un nouveau camp a été construit en quelques jours pour remplacer le camp de Moria, mais déjà début octobre, les premières pluies ont inondé les tentes, tandis que les sanitaires et les douches restent insuffisants pour la population de près de 8000 personnes. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (HCR) a averti dès le début du mois de la nécessité d’« améliorer les conditions de vie » dans le camp en vue de l’hiver et des pluies : des « travaux d’évacuation des eaux » sont nécessaires et de « meilleures solutions d’hébergement pour les familles et les personnes vulnérables » doivent être trouvées.

      https://www.courrierdesbalkans.fr/Grece-les-autorites-evacuent-le-PIKPA-centre-pour-refugies-vulner
      #évacuation

    • À Lesbos, le camp emblématique de Pikpa pour migrants vulnérables contraint de fermer ses portes

      Les autorités grecques ont commencé à évacuer vendredi le camp auto-géré par des bénévoles « Lesvos Solidarity-Pikpa » où vivaient des dizaines de personnes vulnérables, en majorité des femmes et des enfants. La gérante du camp dénonce une action « inhumaine ».
      C’était un havre de paix et de stabilité sur une île devenue célèbre pour les conditions de vie déplorables des demandeurs d’asile. Le camp auto-géré « Lesvos Solidarity-Pikpa » a commencé à être évacué tôt dans la matinée, vendredi 30 octobre. Pour justifier leur action, les autorités ont dénoncé l’occupation illégale des lieux.

      « Le terrain est public et a été occupé ces dernières années par l’ONG qui fonctionne sans aucun contrôle », selon un communiqué du ministère des Migrations publié jeudi. Ce dernier a demandé aux bénévoles de « coopérer ».
      https://twitter.com/teammareliberum/status/1322088994944000000
      Un cordon policier a été formé autour du camp alors que les 74 personnes qui y étaient hébergées doivent été transférées dans un camp municipal près du port de Mytilène, chef-lieu de Lesbos.

      Pour les bénévoles qui avaient créé en 2012 ce camp et pour Efi Latsoudi, la gérante du lieu, ce démantèlement est une « action inhumaine ».

      « Nous n’avons pas été informés (...) nous avons demandé aux autorités un peu de temps pour informer les gens dont de nombreux enfants qui vivent ici depuis des mois ou des années », a déploré cette figure emblématique de l’aide humanitaire à Lesbos dans une vidéo publiée sur la page facebook de l’ONG.

      Vendredi matin, l’évacuation des résidents du camp se déroulait sans que la presse, des interprètes ou l’équipe psycho-sociale du camp ne soient autorisés à entrer en contact avec les migrants, ont rapporté plusieurs associations et des journalistes sur les réseaux sociaux.

      https://twitter.com/CollavoAC/status/1322083055583068160

      Depuis 2012, le camp bénévole et auto-géré de « Lesvos Solidarity-Pikpa » héberge personnes et familles vulnérables, handicapés ou femmes enceintes. Il a joué un rôle important durant la crise migratoire de 2015, Lesbos étant alors devenue la principale porte d’entrée en Europe de centaines de milliers de demandeurs d’asile. Pour son action, Efi Latsoudi a reçu en 2016 le prix Hansen décerné par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

      Le gouvernement de droite de Kyriákos Mitsotákis a décidé, contre l’avis des ONG et de la population de Lesbos, de créer un camp fermé « d’ici l’été 2021 » pour remplacer celui de Moria. Selon le milieu associatif, la fermeture du camp de Solidarity Lesbos-Pikpa était réclamée par certaines autorités ou habitants de l’île, une manière de tolérer le nouveau camp fermé.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/28224/a-lesbos-le-camp-emblematique-de-pikpa-pour-migrants-vulnerables-contr
      #auto-gestion

    • Commentaire de Vicky Skoumbi via la mailing-list Migreurop, le 01.11.2020 :

      Le comble de l’affaire est que le journal pro-gouvernemental Kathimerini, censément sérieux, prétend que la décision du Ministre grec de la politique migratoire Mytarakis fut prise car il y a eu un cas de contamination parmi le personnel du camp de PIKPA. Or c’est exactement le contraire qui est vrai, non seulement il y a eu aucun cas testés positifs ni parmi les volontaires et les solidaires ni parmi les habitants de camp, mais par contre, il y a bien eu le 29 octobre un cas détecté parmi le personnel dans l’ancien camp de Kara Tepe -voir en grec https://www.stonisi.gr/post/12529/o-koronoios-mphke-ston-palio-kara-tepe- où les familles et les enfants isolés du PIKPA ont été transférés de force -voir le dernier paragraphe de l’article
      https://www.ekathimerini.com/258630/article/ekathimerini/news/ngo-condemns-evacuation-of-refugees-from-lesvos-pikpa-camp
      L’intox ne connaît plus de limites......