Mardi soir, MSNBC et NBC n’ont pas laissé le président américain terminer l’allocution au cours de laquelle il assurait avoir remporté l’élection.
En France, un tel acte ressemblerait à un crime de lèse-majesté. Pas aux Etats-Unis, où Donald Trump est connu pour ses embardées, ses outrances et ses mensonges. Mercredi 4 novembre tôt, heure française, alors que le résultat de l’élection présidentielle n’était toujours pas connu, deux chaînes d’information se sont permis d’interrompre le président américain, qui tenait pourtant une allocution très attendue.
« Nous écoutons le président qui parle depuis la Maison Blanche, mais nous devons nous arrêter car il y a plusieurs affirmations qui ne sont tout simplement pas vraies », a justifié l’animatrice de NBC News, Savannah Guthrie. Donald Trump venait d’affirmer avoir « gagné cette élection » , tout en certifiant que des « fraudes » avaient pu entacher le scrutin.
Même décision sur MSNBC, où Brian Williams a repris la parole alors que le candidat républicain parlait encore. Se disant « réticent » à l’idée de le couper, l’animateur s’est justifié en affirmant que ses déclarations n’étaient « pas fondées du tout ».
Cet acte de censure n’est pas une première depuis l’arrivée de l’homme d’affaires au pouvoir en 2016. CNN, qui a laissé mercredi le président aller jusqu’au bout, tout en précisant que « pratiquement tout ce qu’a dit le président Trump n’était pas vrai » , s’était rebellé un an plus tôt.
C’était le 18 juin 2019, lors du premier meeting de campagne de Donald Trump. Deux minutes après avoir pris la parole, le président embraye sur son sujet favori, la critique des médias. Les militants se mettent alors à scander « CNN sucks ! » (« CNN pue ! »). Six minutes après le début de la réunion, la chaîne coupe le signal. Du jamais-vu pour un président américain.
A l’époque, il s’agit d’une rupture pour la chaîne d’information, longtemps accusée, malgré sa couleur progressiste, d’avoir fait le jeu de Trump, « en le mettant plus à l’antenne que Fox News, sous prétexte qu’il faisait de l’audience » , analyse Alexis Pichard, auteur de Trump et les médias, l’illusion d’une guerre, paru le 6 octobre (VA Editions).
Désobéissance libératrice
La désobéissance de CNN s’avère libératrice. Le 13 avril, Donald Trump diffuse, lors d’un point presse, un clip de propagande de l’action gouvernementale sur le Covid-19. MSNBC et CNN interrompent la diffusion. L’attitude des chaînes fait ensuite tache d’huile sur les réseaux sociaux. Au printemps, « d’abord Twitter puis Facebook suppriment certains messages présidentiels » , poursuit le chercheur.
Si les chaînes d’information se permettent une telle insolence, c’est également parce que la mandature de Donald Trump les a remodelées en profondeur. Elles sont devenues beaucoup plus radicales. « Avant l’hystérisation des débats n’existait que sur Fox News. Maintenant, on la voit également sur les chaînes progressistes » , complète Alexis Pichard, qui en veut pour preuve ces journalistes de CNN qui n’hésitent pas à pleurer à l’antenne lors de certaines annonces du président des Etats-Unis, s’affranchissant complètement de leur obligation d’impartialité. Progressivement, la chaîne a « procédé à une purge des républicains pro-Trump, les remplaçant par des républicains qui lui sont hostiles. Les voix discordantes ont en partie disparu de l’antenne » , conclut le chercheur.
Conséquence, les chaînes progressistes n’attirent plus que des sympathisants démocrates. Que MSNBC ou CNN démentent Donald Trump n’a donc plus beaucoup d’influence sur le reste de l’opinion publique.