Il restera à jamais l’homme qui a interviewé trois fois le fondateur d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden. Une seule aurait suffi à établir une carrière de journaliste, mais trois, c’est aussi exceptionnel que dérangeant. Robert Fisk est mort vendredi 30 octobre à Dublin, à l’âge de 74 ans.
Icône du journalisme au Moyen-Orient, dont il a été l’un des meilleurs connaisseurs et l’un des conteurs les plus brillants, il était aussi un personnage controversé, aussi révéré par un public engagé que tenu en suspicion par ses confrères. Robert Fisk aimait à se présenter comme un homme sans peur, il n’a pas été sans reproche.
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La vie de Robert Fisk a été marquée par les guerres. Il est né le 12 juillet 1946 à Maidstone, dans le Kent, au sortir de la seconde guerre mondiale, dont son pays, le Royaume-Uni, est sorti vainqueur mais exsangue. Son père, William Fisk, a été très marqué par la première guerre mondiale, lors de laquelle il avait tenu le journal de sa compagnie.
Après des études de science politique à l’université de Lancaster, Robert Fisk s’engage au Sunday Express, qu’il quitte rapidement à la suite d’un désaccord avec sa hiérarchie, pour le Times. Il couvre pour ce quotidien les « événements » d’Irlande du Nord de 1972 à 1975, en tant que correspondant à Belfast.
Cette expérience irlandaise a durablement marqué Fisk et a probablement joué un rôle essentiel dans son engagement pacifiste et anticolonial. Le journaliste, très apprécié en Irlande, choisit par la suite d’acquérir une maison à Dalkey, dans la banlieue de Dublin, de passer une thèse en 1983 au Trinity College sur la neutralité de l’Irlande pendant la seconde guerre mondiale, et de prendre la nationalité irlandaise.
Il publie en 1975 son premier livre sur ses années de reportage de guerre en Irlande du Nord, The Point of No Return : The Strike which Broke the British in Ulster (« Le point de non-retour : la grève qui cassa les Britanniques en Ulster », non traduit). C’est aussi en Irlande que Robert Fisk a été inhumé lundi 2 novembre. Le président de la République d’Irlande, le poète Michael D. Higgins, qui joue un rôle honorifique, lui a rendu un hommage appuyé.
Monument du journalisme narratif
Après avoir couvert la « révolution des œillets » au Portugal en 1974, Fisk s’est installé à Beyrouth en 1976, où il a été le correspondant du Times au Moyen-Orient jusqu’en 1987. Il quitte le journal peu après la prise de contrôle du magnat australien Rupert Murdoch pour rejoindre The Independent, jeune quotidien de « gauche » et novateur. (...)