• Covid-19 : « Des biais amplifient artificiellement le nombre de cas positifs et faussent la perception de la gravité de l’épidémie »
    TRIBUNE, Didier Sicard, Médecin, Patrick Guérin, Vétérinaire
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/07/covid-19-des-biais-amplifient-artificiellement-le-nombre-de-cas-positifs-et-

    Le dépistage des cas de Covid-19 sans évaluation de la charge infectieuse est un non-sens épidémiologique.

    Tribune. Les meilleures décisions lors d’une crise sanitaire sont fondées sur des données scientifiques solides pour être ensuite arbitrées politiquement. Or, si les décisions concernant la gestion de la crise du Covid-19 depuis mi-mars reposaient sur le nombre de personnes admises en réanimation et le nombre de décès liés à ce virus, les autorités sanitaires ont changé d’indicateur pour s’appuyer essentiellement sur le taux d’incidence.

    Cet indicateur, diffusé et commenté chaque soir par les médias, recense le nombre de personnes testées « positives » au Covid-19 rapporté à une population donnée (100 000 personnes testées).

    Simplisme excessif

    Pour déterminer ce taux, les autorités sanitaires s’appuient sur le test dit RT-PCR. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/09/22/fonctionnement-fiabilite-alternatives-30-questions-sur-les-tests-pcr_6053146 De nombreux scientifiques, dont l’Ecole de santé publique de l’université Harvard, repris dans un article du New York Times du 29 août 2020 https://www.nytimes.com/2020/08/29/health/coronavirus-testing.html, ont mis en évidence ses limites, en raison du simplisme excessif de sa réponse – la personne est dite « positive » indépendamment de la charge virale (quantité de virus présent) et, par conséquent, de sa contagiosité.

    Or le coefficient d’amplification dit « CT », c’est-à-dire le chiffre à partir duquel apparaît la fluorescence, est essentiel. Plus le chiffre est bas, plus la charge virale est élevée, donc la contagiosité, et inversement.
    En effet, si la zoonose Covid-19 est due au virus SARS-CoV-2, l’inverse n’est pas vrai : la présence de fragments de SARS-CoV-2 dans les fosses nasales n’entraîne pas automatiquement la maladie, ni la contamination. Or, ce CT n’est pas harmonisé, variant de 20 à plus de 40, selon les laboratoires de biologie médicale et selon les pays, alors qu’il s’agit d’une politique de santé publique.

    Comme l’a signalé la Société française de microbiologie (SFM) le 25 septembre [à télécharger ici https://www.sfm-microbiologie.org/wp-content/uploads/2020/10/Avis-SFM-valeur-Ct-excrétion-virale-_-Version-Finale-07102020-V3., saisie pour avis par la direction générale de la santé et qui n’en a pas tenu compte ni ne l’a diffusé, cette hétérogénéité comporte un certain nombre de biais importants : elle identifie un fragment d’ARN et non un virus, a fortiori encore moins un « cas de Covid-19 » ; elle ne tient pas compte de la charge virale de la personne, donc de sa contagiosité ; la rémanence des fragments d’ARN, donc la positivité, peut être longue ; au-delà d’un nombre de cycles d’amplification supérieur à 33, il s’agit d’un « cas positif faible » ; l’interprétation du résultat doit prendre en compte les signes cliniques par un médecin, ce qui n’est quasiment jamais le cas.

    Communication anxiogène

    Ces biais ont conduit la SFM à indiquer dans son avis rendu à la direction générale de la santé qu’un « portage prolongé de l’ARN viral est possible après la phase de guérison et a été rapporté jusqu’à plus de soixante jours après le début des signes cliniques. La détection d’ARN viral par RT-PCR ne signifie pas forcément qu’il y a des particules virales infectieuses dans les échantillons biologiques » . Dit autrement, des personnes ont été confinées par milliers inutilement, alors qu’elles n’étaient plus contagieuses, et ce pour un coût exorbitant pour les finances publiques et l’activité économique.
    Dès le 25 septembre, une analyse menée sur les résultats positifs d’un laboratoire du Morbihan avait confirmé ces biais en montrant que, sur 786 échantillons de « cas testés positifs », un sur trois était « positif faible ». L’estimation de la réussite de la mise en culture des prélèvements, c’est-à-dire du risque infectieux de la personne testée « positive », était en outre inférieure à 45 %.

    Ces biais, connus depuis le mois d’août, ne sont pas pris en compte par les autorités sanitaires pour pouvoir interpréter tous les indicateurs dérivés du test RT-PCR, tels que le taux d’incidence communiqué chaque jour, ou le « R zéro » (nombre moyen de personnes qu’une personne contagieuse peut infecter) pourtant crucial afin de mesurer l’intensité d’une épidémie, ou encore le « contact tracing » [ processus d’identification des personnes ] et son efficacité pour lequel sont mobilisées plus de 4 000 personnes.

    Ces biais amplifient artificiellement le nombre de cas « étiquetés positifs Covid-19 », et faussent la perception de la gravité de l’épidémie et sa persistance, à travers une communication anxiogène. L’Espagne n’a d’ailleurs pas hésité à sauter le pas en réduisant le nombre de cycles d’amplification (CT) des tests RT-PCR, conduisant à une division des « cas positifs » de 50 % en une journée. L’Allemagne s’interroge aussi, en multipliant de nouveaux moyens de prélèvement pour standardiser en aval les mesures de charge virale.

    4 milliards d’euros

    La connaissance et la correction de ces biais sont essentielles si l’on veut piloter et décider de mesures de restrictions des libertés publiques proportionnées à l’ampleur de la crise et les faire accepter par la population. Les personnes testées « positives » doivent en outre être informées du « vrai » risque qu’elles encourent. C’est une exigence législative (loi du 4 mars 2002).

    De nombreux scientifiques avaient appelé le gouvernement à revoir la politique de tests pour la rendre plus efficace – la Sécurité sociale y consacre plus de 4 milliards d’euros en année pleine – en ciblant les personnes prioritaires, et accélérer l’obtention des résultats.

    Cette efficacité ne sera pas au rendez-vous tant que les tests RT-PCR ne seront pas standardisés au niveau national. Il est impératif que l’avis de la SFM soit appliqué dès à présent par les laboratoires de biologie médicale afin que la politique de santé publique de tests RT-PCR soit harmonisée. Il en va des intérêts sanitaires, économiques et financiers de la France

    Cette standardisation, le partage des résultats, la quantification virale des eaux usées permettraient l’analyse commune et les comparaisons entre territoires, puis éventuellement entre pays, tout comme une appréciation des risques réels de l’épidémie par les pouvoirs publics et la population.

    Patrick Guérin est le président d’OpenHealth Company ; Didier Sicard est l’ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé.

    #covid-19 #tests_RT-PCR #charge_infectieuse #eaux_usées

    • Oui, bien sûr.


      Et il faudrait y ajouter, les décès, les covid longs et les effets indirects invalidants ou mortels de la saturation du sytème de santé ("pertes de chance").
      Mais quand même, la batterie de moyens utilisables oblige à prendre en compte les difficultés posées par chacun d’entre-eux, tests PCR inclus. Ce qui est gênant dans l’article c’est le plaidoyer pour une vérification de la positivité au covid par examen clinique. On sait que ça suffit pas dans tous les cas. Mais chercher à comprendre ce qu’il en est de la charge infectieuse (ou de l’effet dose, par exemple), ou rappeler que le suivi des eaux usées (dont je ne vois d’écho qu’à propos de Marseille, ce qui parait incroyable) permettrait une autre approche du #taux_de_prévalence du virus

    • À lire en triant quelques commentaires sur la page d’origine, il était sans doute pas nécessaire de relayer cette tribune. Le journal offre un lot de consolation au réseau Mucchielli dont il n’avait pas publié la tribune avec un papier qui se pare de scientificité. Décidément, je ne suis pas vétérinaire. @kassem @vazi @die_brucke

      • Je suis franchement étonné du manque de connaissances scientifiques affiché par ces 2 auteurs, qui auraient du prendre la peine de faire relire leur texte par quelqu’un d’éduqué. 1/ le Ct n’est pas le coefficient d’amplification mais le nombre de cycles à partir duquel le signal devient supérieur au bruit de fond ("threshold cycle" = cycle seuil) ; 2/ Personne ne connait la relation exacte entre valeur du Ct et charge virale négligeable (ce que les auteurs disent eux mêmes), donc ou plasser le curseur pour les autorités de santé publique ? 3/ La solution proposée par les auteurs conduit à ce que des personnes venant juste d’être infectées et ayant donc encore une charge virale faible soient déclarées négatives alors qu’elles seront positives quelques jours plus tard, d’ou retard à la détection. Je n’ose même pas imaginer que ces auteurs ont ou aient eu des responsabilites décisionnelles touchant à la politique de santé publique en France.

      • Raisonnement pas faux sur le plan technique, mais totalement inadapté à la situation actuelle de gestion de l’épidémie. C’est la problématique bien classique en médecine du seuil diagnostique : plus on baisse le curseur moins on a de #faux_positifs, mais plus on a de #faux_négatifs. Débat classique en médecine depuis de nombreuses années par exemple dans la gestion de l’HTA, du diabète ou de l’hypercholestérolémie.
      A l’échelon individuel, un faux positif est ennuyeux pour le patient car on va isoler pour 7 à 10 j quelqu’un qui probablement pas contagieux. Par contre au niveau collectivité, un faux négatif est nettement dangereux car on va rassurer faussement et laisser se balader dans la nature quelqu’un qui est contagieux.

      • ...peu importe la méthode de détection tant qu’elle est constante : l’Espagne a vu ses cas divisés par deux dans les chiffres, mais l’épidémie n’a pas régressé pour autant, donnant à tort le sentiment d’une amélioration. Enfin, les auteurs recommandent de se baser sur le nombre de personnes hospitalisées ou admises en réanimation, sans préciser que ces indicateurs ont tout simplement 3 semaines de retard sur le taux de contamination. On ne peut pas se permettre 3 semaines de latence pour réagir. Bref, c’est un peu d’eau au moulin des complotistes et autres réfractaires, sans intérêt pratique pour les autres.

      • Un vétérinaire qui via sa socéité Open Health collecte analyse et vend des données de santé associé à un médecin de 82 ans qui a l’air à peu près dans le même état de clairvoyance scientifique que Luc Montanier (voir l’entrevue de #Didier_Sicart du 20 Juin sur public-sénat, bcp de délire !) tout ça pour nous raconter des choses évidentes que n’importe quel étudiant en thèse faisant de la PCR en routine peut expliquer à tout le monde. Tout ceci a déja été exposé sur un post précédent. La #charge_virale c’est le dénombrement des virus vivants ; détermination longue, très coûteuse car nécessitant du personnel et des locaux appropriés pour la culture cellulaire. Dans tous les cas cela dépendra toujours de la qualité du prélèvement et du moment où il est fait.

      #Patrick_Guérin est un des signataires de la tribune initiée en septembre par le sociologue #Laurent_Mucchielli, publiée par le Parisien, et qui prétendait qu’il n’y avait pas de deuxième vague.

      • Si on s’était retrouvé avec une augmentation exponentielle des cas sans saturation des hôpitaux, cette tribune aurait pu être une contribution utile. Hélas l’explosion des cas que l’on a mesurée (exacte ou pas) a bel et bien conduit à la saturation des hôpitaux au moment qu’avait indiqué l’institut Pasteur dès la fin Août. Le thermomètre est donc suffisamment précis. Mais nos gouvernements n’ont pas voulu le voir.