• « Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à la recherche des sources d’un journaliste de Libération qui a enquêté sur l’action des services de renseignement avant l’assassinat de Samuel Paty. »

    Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, l’a demandé ; le parquet a donc obtempéré, le procureur a donc acquiescé, la police a donc obéi. C’est cet état des faits qui a conduit vendredi 6 novembre Willy Le Devin, chef adjoint du service Enquêtes de Libération, à être entendu comme suspect par la Division nationale des enquêtes de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

    Les faits qui sont reprochés à notre journaliste sont de l’ordre du « recel de violation du secret professionnel », à la suite de la publication sur le site de Libération, le 17 octobre, d’un article sur l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, dans lequel était citée une note du service du renseignement territorial (RT) des Yvelines, décrivant précisément les événements qui se sont déroulés au collège du Bois-d’Aulne de Conflans dans les jours qui ont précédé l’assassinat de Samuel Paty.

    L’article en question illustre de façon magistrale l’importance du principe constitutionnel de la #liberté_de_la_presse puisqu’il questionne les efforts des services du ministre de l’Intérieur pour éviter à temps le meurtre de Samuel Paty. Si notre journaliste est poursuivi pour avoir reproduit des extraits de cette note, la vocation première de l’enquête initiée par Gérald Darmanin est bien d’identifier la ou les sources de Libération.

    Cette vocation est contraire aux principes même de la liberté de la presse, telle que le définit de façon très claire l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Si Darmanin en venait à savoir, par cette convocation d’un journaliste remplissant son devoir civique et professionnel, quelles sont la ou les sources ayant alerté le journal sur les faits autour de l’attentat de Conflans, d’autres hésiteraient forcément à écouter leur conscience à l’avenir.

    C’est précisément pourquoi le secret des sources a fait l’objet d’une jurisprudence encore plus protectrice de la Cour européenne des droits de l’homme, qui le définit comme une « condition essentielle au libre exercice du journalisme et au respect du droit du public d’être informé des questions d’intérêt général ». A l’évidence, le but de l’enquête initiée par le ministre de l’Intérieur n’est pas de préserver l’intérêt général, qui est de laisser les journalistes enquêter sur l’une des affaires les plus douloureuses de notre société.

    Dov Alfon

    https://www.liberation.fr/amphtml/france/2020/11/08/journaliste-de-libe-mis-en-cause-par-l-igpn-une-atteinte-a-la-liberte-de-
    #dérive_autoritaire