Une enquête pour traite des êtres humains expose les pratiques de l’industrie du porno

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  • « J’ai fini par céder » : on a tous une histoire de violence sexuelle
    https://www.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/20171012.OBS5907/j-ai-fini-par-ceder-on-a-tous-une-histoire-de-violence-sexuelle.html

    « J’ai fini par céder » : on a tous une histoire de violence sexuelle
    Qui n’a pas une histoire de relation sexuelle qu’elle ou il aurait préféré éviter ? Attaquons-nous ensemble au concept de zone grise (qui nous pose problème).

    Ce mardi 6 mars est diffusé à 22h55 sur France 2 un excellent documentaire sur le consentement sexuel. Face caméra, intelligentes, belles, drôles et puissantes, des femmes racontent comment elles ont « cédé » à des rapports sexuels qu’elles ne désiraient pas.

    Les blessures que cela a laissées. On en pleure et on s’étonne de rire parfois aussi. A l’origine de ce documentaire Dephine Dhilly et Blandine Grosjean (ex-rédactrice en chef de Rue89).

    « Sexe sans consentement » : « Célia parle des mille voix qui résonnaient dans sa tête »
    Blandine a signé un texte dans Le Monde pour raconter son cheminement sur le controversé concept de la « zone grise ». Elle fait notamment référence à cet article donnant la parole à des jeunes femmes qui n’avaient pas consenti.

    Si ce documentaire est essentiel, c’est qu’il pousse à une prise de conscience majeure, pour les femmes comme pour les hommes. La seule critique qu’on puisse lui faire est d’avoir offert aux femmes un confort pour témoigner auquel les hommes interviewés n’ont pas eu le droit. Si les femmes racontent leurs histoires de leur canapés, chez elle ou dans leur salon, les hommes sont cueillis dans des festivals, ivres parfois. Dommage...

    Nous profitons de cette actualité pour vous proposer de relire cet article, publié en octobre dernier, dans lequel nous nous attaquons au concept controversé de « zone grise ».

    Il y a une histoire que Charlotte (un pseudo), une étudiante de 25 ans, raconte souvent à ses copines sur le ton de la blague.

    Ça s’est passé lors de son échange universitaire en Argentine, en soirée. Elle avait 20 ans alors, elle aimait faire la fête, et elle était à ce moment-là « vraiment ivre ». Un jeune homme l’a attrapée, emmenée jusqu’au balcon, lui a baissé le T-shirt et le soutien-gorge et s’est mis à lui lécher la poitrine.
    ""Je ne bougeais pas, j’étais plutôt inconsciente. J’ai vomi juste après.""

    Mais ça n’en est pas resté là :
    ""Il était toujours là, m’a embrassée et m’a traînée dans ma chambre. Un autre garçon me plaisait à l’époque, j’ai dit que je ne voulais pas.

    Je me souviens clairement d’avoir agrippé l’encadrure de la porte de la chambre pour ne pas qu’il m’y entraîne. Ma coloc française qui était là était bourrée aussi et aux prises avec un autre gars très ivre.

    Mon Argentin m’a dit que tout le monde était adulte ici et qu’il fallait laisser les choses se faire. J’ai abandonné la lutte.""

    Comme « ça n’était pas mauvais, physiquement parlant », c’est devenu une « anecdote » avec un fort arrière-goût de malaise. « Ce truc-là », que Charlotte range dans les « expériences sexuelles foireuses », lui est arrivé plusieurs fois.
    « Enormes malentendus »

    Pour elle, ce ne sont pas des viols, « plutôt des énormes malentendus » avec « des gens qui n’étaient pas violents, plutôt très axés sur eux et qui ne se posaient pas la question de mon consentement ».

    Charlotte a toujours raconté ces histoires en rigolant et avec une bonne dose de culpabilité. « Ils devaient se dire ’tant qu’elle est là dans mon lit c’est open bar’, et je n’ai pas bataillé beaucoup pour les convaincre de l’inverse. Parce que je me disais ’ça va être chiant, il va gueuler’, etc. »

    Ce que raconte Charlotte n’est pas anecdotique. Demandez autour de vous : qui n’a pas vécu une histoire similaire ?

    Nous en avons fait l’expérience en lançant un appel à témoignages sur la « zone grise du consentement ».

    Disons-le tout de suite. Ce terme nous pose un problème, car il sous-entend que le consentement est quelque chose de compliqué, alors que quand ce n’est pas oui, c’est non.

    On a utilisé ce terme parce que si on avait sollicité des témoignages de viols, tous ces cas considérés comme limites, flous, auraient été passés sous silence. Plus de 200 histoires nous sont parvenues, écrites dans une écrasante majorité par des femmes, dans des relations hétéros.

    C’est beaucoup (et beaucoup trop pour être lu d’une traite sans se donner mal à la tête et au bide) et cela nous fait dire que c’est une expérience aussi répandue que le harcèlement de rue.
    Méconnaissance du viol

    En parcourant les témoignages, on constate qu’on entre, à votre sens, dans la « zone grise » quand il y a un ensemble de « circonstances atténuantes » à l’agression sexuelle ou au viol – ce qui, dit comme ça, est problématique.

    La plupart des personnes qui témoignent n’utilisent pas le mot « viol » pour qualifier ces expériences-là.

    Elles disent « ce n’était pas vraiment un viol », « j’ai fini par céder », « je l’avais cherché », « il fallait y passer », « je l’ai fait par devoir conjugal », « par conformisme je suis allée jusqu’au bout » ou « pour lui faire plaisir »...

    Certains parmi vous, et c’est assez parlant, l’ont appelé « viol consenti ».

    « Cette histoire de zone grise, c’est très dangereux », nous a reproché une lectrice en colère. « A partir du moment ou ce n’est pas un oui clair, c’est non. Vous êtes dégueulasses et répugnants de parler de zone grise, ou de ’consentement flou’. »

    Parce qu’un viol est un acte sexuel non consenti, de très nombreux témoignages reçus pourraient être considérés comme tels au regard de la loi.

    On ne le dit peut-être pas assez : un viol n’est pas qu’un acte sexuel imposé face auquel la victime a crié « non ». Il peut y avoir viol sans manifestation explicite d’un refus, parce que la victime est paralysée par ce qui lui arrive, inconsciente ou pas en état de donner un consentement éclairé (droguée, alcoolisée...). Ce qui compte pour la justice est le consentement au moment des faits (et pas deux heures avant).

    Un viol n’est pas non plus ce qu’en dit l’imaginaire collectif (une ruelle sombre ou un parking souterrain, par un inconnu menaçant d’un couteau). 83% des femmes victimes de viol ou de tentative de viol connaissent leur agresseur.

    La zone grise, en creux, nous amène à la méconnaissance qui entoure la définition du viol et de sa représentation.
    Culture du viol

    Comme le dit la lectrice en colère, le consentement est clair et franc ou il n’est pas. Parce qu’elle établit une hiérarchisation, la zone grise peut être dangereuse car elle est une façon de se dédouaner pour les agresseurs.

    Jean-Raphaël Bourge, chercheur à Paris-VIII qui travaille sur le consentement sexuel, parle d’une « zone de refuge pour les violeurs, qui s’abritent derrière une ambiguïté ».

    Lana le dit autrement, à propos de son violeur auquel elle a dit non, « à demi-consciente », car ivre :
    ""Il devait être dans une zone grise, perdu entre sa stupidité et son érection ? Je lui ai clairement dit le lendemain que c’était un viol.""

    Pour Jean-Raphaël Bourge, la véritable « zone grise », ce flou du consentement concerne des « cas très rares », « mais elle est considérablement étendue par ceux qui veulent empêcher les femmes de disposer de leur corps, et on la laisse exister en rendant par exemple très difficile le fait de porter plainte pour viol ».

    Car la « zone grise » profite à la « culture du viol », et la nourrit. « J’en ai tellement marre des zones grises », lâche la réalisatrice féministe Lena Dunham, dans un génial épisode de la saison 6 de « Girls », illustrant la culture du viol.

    Hannah, le personnage qu’elle incarne, est chez un auteur qu’elle admire, accusé par plusieurs femmes d’abus sexuels. Quand il lui propose de venir près d’elle sur le lit, après une longue discussion, il sort par surprise son sexe et lui colle sur la cuisse. Comme par automatisme, elle le prend un instant dans sa main, avant de s’exclamer, en se relevant :
    " « Oh my fucking god ! » "

    Lena Dunham montre dans cet épisode qu’il peut y avoir agression sexuelle sans contrainte physique, relatait « les Inrocks », et que « les femmes se sentent obligées de rendre la pareille en faveurs sexuelles lorsqu’un homme, considéré plus puissant ou important, passe du temps à s’intéresser à elles ».
    « Résister pour mieux céder »

    La « culture du viol », c’est l’ensemble des représentations genrées de la sexualité et de la séduction qui permettent et encouragent les violences sexuelles. Laura (un pseudo), 26 ans, pour qui la zone grise n’existe pas, raconte distinctement comment la « culture du viol » a pu influer sur sa sexualité :
    ""Inconsciemment, je fonctionnais de cette manière : si un homme manifeste du désir pour moi, c’est que je l’ai provoqué, que je dois en être flattée et saisir l’opportunité. J’ai donc couché avec plusieurs personnes dont je n’avais pas réellement envie, à cause de ça.""

    Pour illustrer la culture du viol, Jean-Raphaël Bourge parle des manuels d’éducation à la sexualité du XIXe siècle, où on conseillait aux femmes « de résister pour mieux céder ». Citons aussi le porno ou les scènes de film et de série où « la fille finit par céder sous les baisers de son agresseur… hum... séducteur ».

    Tant que cette représentation existera, les cas de zone grise aussi. Car finalement, le consentement des femmes, dont la notion n’a émergé que très récemment, est encore un « assentiment au désir des hommes », explique Jean-Raphaël Bourge.

    Pendant longtemps, les femmes n’avaient pas voix au chapitre et le viol conjugal était institutionnalisé – le fameux « devoir conjugal ».

    Jean-Raphaël Bourge développe : « Il y a eu une première vague de prise de conscience avec le débat pour la vraie reconnaissance du viol dans les années 1970, et la lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps. Avant ça, le viol était une atteinte à l’honneur ou à la famille, bref au ’possesseur’ de la femme, mais pas à la victime. »
    Culpabilité

    Plus récemment, un assaut contre la zone grise est parti des campus américains. Des universités ont réglementé les relations sexuelles dans leurs établissements, après plusieurs affaires de viols en soirée étudiante, en obligeant chaque partenaire à vérifier le consentement de l’autre, avant mais aussi après la relation. « Ça peut paraître jusqu’au-boutiste, mais ça a été radical », complète Jean-Raphaël Bourge.

    Ce questionnement est arrivé jusqu’en France via les militantes féministes. Les affaires médiatiques (les affaires DSK, Baupin ou plus récemment les révélations sur Harvey Weinstein) contribuent aussi à faire émerger la question du consentement dans l’espace public.

    On pourrait donc conclure que la zone grise est un mythe et s’arrêter là, mais il ressort autre chose des témoignages lus et entendus.

    La « zone grise » est décrite, parfois, comme un refuge. Comme Fanny, 25 ans, qui parle « d’un mécanisme de protection » :
    ""Je voulais me dire que j’étais consentante, parce que je sentais que les choses pouvaient déraper, que je pouvais être violée." "

    Entrer dans des histoires de « zone grise » – la police judiciaire utilise le néologisme « miol » – nous amène vite en eaux troubles. « C’est le moment où on est mentalement engagée et où on ne se sent pas ou plus en capacité ou légitimité de dire non », résume Fanny.

    Viol ou rapport sexuel consenti ? Dans le doute, la police dit « miol »
    "C’est le moment où on dit oui parce qu’on n’ose pas dire non, où un silence ou une absence de réponse est interprété comme un oui", explique Lorene Carlin, sage-femme, qui a participé à une campagne sur le consentement à l’université de Bordeaux.

    Lucie (un pseudo) nous parle dans le questionnaire d’"un moment de fragilité et d’incertitude où le corps, le cœur et la tête envoient des messages contradictoires et où on ne parvient pas à dire son désarroi et où l’autre ne l’entend pas".

    Dénominateur commun de toutes ces histoires : un sentiment de culpabilité, où la victime a l’impression d’avoir en quelque sorte autorisé l’agression. Et donc de s’être privée du droit de se plaindre. Une des victimes d’Harvey Weinstein, l’actrice Lucie Evans, qui a subi une fellation forcée, l’exprime ainsi : « Je ne voulais pas le frapper ou me battre avec lui », puis « c’est un mec costaud, il était plus fort que moi », et enfin :
    " « J’ai en quelque sorte abandonné. C’est la partie la plus horrible de ça, et c’est pour ça qu’il a été capable de faire ça aussi longtemps à de si nombreuses femmes ; on abandonne et on a l’impression que c’est de notre faute. »"
    « Ça arrive avec mon conjoint »

    De nombreux récits reçus se situent au début de la vie sexuelle, en phase d’apprentissage.

    Ça peut commencer au premier baiser, celui dont on n’avait pas très envie, mais qu’on a fini par accepter, sous la petite pression des copains et copines ("allez, allez !").

    C’est la première fois « forcée », par le partenaire ou la pression sociale ("il faut le faire"). « J’avais 14 ans. Mon petit copain de l’époque savait parfaitement que je ne me sentais pas prête, et pourtant j’ai ’accepté’ pour qu’il reste avec moi », a-t-on lu par exemple.
    ""Je ne sais pas encore bien si cette relation évoquée juste au-dessus est incluse dans la zone grise ou si c’est carrément du viol.""

    Il y a tous ces cas où on « cède » pour être tranquille. Comme Amélie (un pseudo), hébergée chez un de ses collègues, qui s’est fait réveiller par des attouchements :
    ""Je commence à sombrer dans le sommeil, je pense même rêver qu’on me caresse et je trouve ça agréable... jusqu’à ce que je prenne conscience qu’il s’agit bien de la réalité.

    Je le repousse mollement, je n’ai que des bonnes raisons pour ne pas coucher avec lui mais j’en ai physiquement envie. Je finis par lui enfiler une capote, histoire d’avoir la paix.""

    Plus tard, Amélie, 24 ans, s’est mise en couple avec cette « relation malsaine », mais a fini par le quitter.

    Il y a aussi les pratiques imposées pendant un acte consenti. Il y a un an, bien après l’Argentine, Charlotte a été « sodomisée par surprise » par un plan de soirée « somme toute assez gentil ».

    Enfin, et c’est édifiant à la lecture, une majorité des expériences relatées prennent place au sein du couple. C’est Roxane, 30 ans, qui raconte :
    «  »Ça peut arriver avec mon conjoint, neuf ans de vie commune. Certains soirs où t’as pas tant envie que ça. Je le fais quand même mais en plein acte je me rends compte que j’ai qu’une envie, lui planter mes ongles dans le dos. Ça paraît bête mais en fait je n’avais pas envie."
    "

    Elle ajoute (et cela peut choquer) : « Ce n’est pas si grave, l’amour reprend le dessus. »

    Ou Catherine (un pseudo), 49 ans, prof : « Cela m’est arrivé de le faire ’pour faire plaisir’ à mon ou ma partenaire avant mes 30 ans. Cela m’arrive encore parfois parce que je n’ai pas envie de parler de mon absence de désir et que l’accord des désirs ça peut être compliqué (en fonction de l’état physique ou psychologique). »

    Bref, c’est gris, c’est flou, alors on se tait.
    « C’était pas agréable »

    Mais la notion de « zone grise », dans certains cas, déclenche une prise de conscience ("Il s’est passé un truc pas net pour moi").

    Certains nous ont remerciés d’avoir mis un mot sur leurs expériences, qu’ils ne veulent pas qualifier de « viol » ou même d’agression sexuelle, mais dont ils ne savaient pas quoi faire. C’est le cas de Charlotte, mais aussi de Victor (ce n’est pas son vrai prénom), dans le social.

    Cet homme de 41 ans s’est forcé avec sa partenaire actuelle, un matin où il n’en avait pas envie, mais où elle lui a sauté dessus ("gentiment, et avec beaucoup de tendresse", précise-t-il).
    " « J’avais honte de ne pas avoir su dire non, et c’était pas agréable. » "

    Coincé dans « les images de la virilité », il a hésité à nous appeler, mais avant de raccrocher, il nous glisse : « Votre zone grise, là, ça m’a tout de suite flashé. C’est chouette. »

    « Définir les différences entre zone grise et viol, c’est accepter que j’ai pu être violée », dit au téléphone Odile (un pseudo), une assistante de gestion de 38 ans, qui fait référence à une « relation malsaine » avec un ex-compagnon.

    Pendant ces moments, son corps tout entier exprimait son non-consentement. Il était rigide, sans élan, dans « une position d’acceptation mutique ». « N’importe quelle personne bien intentionnée devinerait facilement que je n’en avais pas envie. Il ne s’en souciait pas. »
    Banalité du mal

    « Cette notion de zone grise permet d’ouvrir la discussion et peut donc permettre de réaliser, de retravailler certaines situations pas/peu claires », résume Lorene Carlin, sage-femme à l’université de Bordeaux.
    «  »’J’ai été violée’ est une annonce qui peut être lourde de conséquence et stigmatisante.""

    Ça permet déjà d’en parler, comme un « marchepied ».

    Ella, 20 ans, le dit : « Pendant longtemps, c’était trop dur pour moi d’admettre que j’avais été violée et on ne pense pas à ce mot-là quand on a 15 ans. »

    Son premier petit copain la pressait de coucher pour la première fois. On le fait ? « Je lui avais répondu ’je ne sais pas’, il a insisté plusieurs fois, je l’ai laissé faire, paralysée. » La jeune femme a gardé peu de souvenirs du moment. « Je me suis sentie déchirée, c’était horrible. »

    A l’inverse, s’avouer à soi-même qu’on est un agresseur peut être très compliqué. Nicolas (un pseudo), 28 ans, cadre sup’, se souvient d’avoir lourdement insisté en lendemain de soirée, auprès de la fille avec qui il sortait.

    « J’estime avoir été dans cette zone grise, voire même plus car ne me suis pas posé la question de son consentement à ce moment-là », admet-il. « C’était purement égoïste, centré sur mon plaisir. »

    Plus tard, c’est en lisant un article sur la « zone grise » qu’il a identifié ce qu’il s’est passé. Récemment, Nicolas a envoyé à cette fille un mail d’excuses (resté sans réponse).

    Imaginer que le violeur est toujours un monstre pervers nous fait passer à côté de la banalité de la violence (Hannah Arendt disait « la banalité du mal »), de cette fameuse « zone grise ». Où il n’y a pas les méchants d’un côté, les gentils de l’autre.

    « Un acte de pénétration non consenti est un viol. Et ça peut arriver de façon involontaire de la part des différents individus au sein d’une relation. Il n’y a pas forcement volonté de malveillance », rappelle Lorene Carlin.
    Et la relation à soi

    Bref, pour faire reculer la zone grise, il faut que tous soient sensibilisés et éduqués au consentement.

    « Dans ma famille ou à l’école, personne ne m’a dit que si je disais oui pour un baiser ou un flirt en soirée je n’étais pas obligée d’aller jusqu’au bout et que ça ne faisait pas de moi une allumeuse », explique Fanny.

    Ella non plus ne se souvient pas avoir entendu ce mot à l’école. Pendant les cours d’éducation sexuelle, il était surtout question de « techniques » et d’apprentissage de la contraception.
    ""Il faudrait dans les cours d’éducation à la sexualité parler encore plus de consentement, de la relation à soi, à l’autre et du respect de tout ça", abonde Lorene Carlin. "

    Le consentement sexuel peut être simplement expliqué avec une tasse de thé, comme dans ce fantastique petit spot anglais. Est-ce qu’il viendrait à l’idée de forcer quelqu’un à en boire ?

    Le consentement peut être retiré à tout moment : on peut vouloir boire du thé mais changer d’avis ; on peut même proposer à l’autre de partager une tasse et pendant que l’eau bout, ne plus en vouloir. On peut accepter la tasse mais refuser le gâteau proposé avec. Cela va de soi : quelqu’un d’endormi ou d’inconscient n’a pas envie de thé. Consentir, c’est faire un choix libre et éclairé. Et « céder n’est pas consentir ».

    La plupart du temps, on apprend sur le tas, et à coups d’expériences douloureuses, à dire « non ». Fanny raconte qu’elle « date » beaucoup via des applications, et que ça lui permet de « s’entraîner » :
    ""Je m’affirme, je pose mes limites, c’est un apprentissage." "
    D’autres femmes sur l’épaule

    L’histoire d’une autre Fanny, 26 ans, surveillante, est parlante. Pendant ses années lycée, elle avait « une petite attirance » pour un garçon. Quand elle s’est retrouvée dans sa chambre, elle « ne savait plus » si elle avait vraiment envie de coucher avec lui.

    Si une copine l’avait appelée à ce moment, elle aurait eu une excuse pour partir, et s’il lui avait posé la question, elle aurait peut-être dit « non ». Mais elle s’est « mis la pression » pour « aller jusqu’au bout ». Le soir, elle a pleuré dans son lit :
    ""Je me sentais sale et je me demandais pourquoi je m’étais rabaissée à coucher avec ce type." "

    Pour la jeune femme, le féminisme, découvert plus tard, a été un déclic. Elle rit : elle a l’impression aujourd’hui d’avoir toujours une bande de meufs derrière son épaule qui l’avisent « ce n’est pas normal, ça ».

    Parce qu’elles sont là, Fanny ne se sent pas seule au moment de donner ou pas son consentement. Cet été, elle a d’ailleurs dit « non » (et ça s’est très bien passé). « Dire non, c’est faire confiance à l’autre. C’est aussi faire preuve de sincérité que de dire ’là je ne le sens pas, je n’ai plus envie »", ajoute-t-elle.
    Qui ne dit mot ne consent pas

    Mais c’est aussi OK de ne pas en être toujours capable. Et surtout, il ne s’agit pas seulement de savoir dire, mais avant tout d’entendre et de se soucier du consentement de l’autre.

    « Il y a du langage non verbal. Si je fais la gueule quand tu me souris dans la rue, ça veut dire que je ne veux pas que tu viennes me parler par exemple. Dans la sexualité, c’est la même chose », explique Jean-Raphaël Bourge. Qui ne dit mot ne consent pas par principe, contrairement à ce que dit le proverbe.

    En couple, on peut utiliser des codes qu’on a établis ensemble. Pour le reste, la première des choses est de parler, communiquer. « Avant de partir dans l’espace, on discute, on réfléchit », sourit Lorene Carlin, pour qui c’est faux de dire que discuter casse tout.
    " « Echanger, ça peut être romantique, doux, subtil, voire érotique. » "

    Au moindre doute sur les envies de l’autre, c’est pas compliqué : il faut poser la question.
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    #viol #culture_du_viol

    • Une enquête pour traite des êtres humains expose les pratiques de l’industrie du porno

      Deux producteurs français, et deux collaborateurs, ont été mis en examen pour « viols », « proxénétisme aggravé » et « traite d’êtres humains aggravée ». Dans leur ombre, les leaders du secteur : Dorcel et Jacquie & Michel. Mediapart révèle le contenu des réquisitions du parquet.

      Il s’est choisi un pseudonyme féminin passe-partout. Sa photo de profil est tout aussi sobre. Une jeune femme brune aux traits fins et légèrement maquillée, vêtue d’un manteau noir, dans l’habitacle d’une voiture. Le cliché est sans artifices, presque intime. En réalité, ce compte Facebook est utilisé par J. D., 39 ans, marié et père de deux enfants. Durant sa garde à vue, il a reconnu s’en servir pour engager la conversation avec des jeunes femmes. Son but : les convaincre de se prostituer, puis de tourner des films porno avec le producteur Pascal O., connu sous le surnom de « Pascal OP ».

      Depuis samedi 17 octobre, les deux hommes sont en détention provisoire, accusés notamment de « viols », « proxénétisme aggravé » et « traite d’êtres humains aggravée ». Deux autres personnes, le producteur porno Mathieu L., dit « Mat Hadix », ainsi que N. T. T., un assistant de Pascal O., ont également été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire, pour les mêmes chefs d’accusation. Tous bénéficient de la présomption d’innocence et, pour la plupart, nient les faits qui leur sont reprochés.
      Mathieu L. et Pascal O. © Capture d’écran, compte Instagram

      Dans ses réquisitions, consultées par Mediapart, le parquet de Paris décrit les méthodes de ce qu’il présente comme un petit groupe informel, impliqué à divers degrés dans la production de films porno, et gravitant autour de Pascal OP. Les accusations sont graves : viols répétés ; actrices alcoolisées ou droguées, parfois à leur insu ; mensonges et intimidations pour les inciter à tourner ; présentation de faux tests VIH ; racket quand elles souhaitent faire retirer les vidéos… Elles reposent sur les plaintes de cinq femmes, déposées entre 2016 et 2020, dont quatre impliquent directement les producteurs.

      À chaque fois, le même profil de plaignantes. Des femmes, nées dans les années 1990, avec des parcours de vie abîmés ou une vulnérabilité à un moment de leur existence. Et toujours le même système pour les inciter à faire du porno, comme J. D. l’a reconnu dans son interrogatoire de première comparution, en marge de sa garde à vue du 13 octobre 2020.

      Derrière son écran d’ordinateur, caché sous son pseudonyme, il raconte prendre contact avec elles sur les réseaux sociaux, en les complimentant sur leurs photos de profil. La prétendue jeune femme s’épanche sur de supposés problèmes familiaux ou financiers afin de gagner leur confiance. La relation d’amitié dure plusieurs mois, jusqu’à ce que l’appât virtuel confesse se prostituer occasionnellement et propose de les mettre, elles aussi, en relation avec des clients. Ses interlocutrices déclinent toutes, puis cèdent devant son insistance et les sommes proposées, entre 1 500 et 3 000 euros pour une soirée.

      Lorsqu’elles se présentent au lieu de rendez-vous, un hôtel de l’est de la France, payé par leurs soins, J. D. les retrouve, avec un autre pseudonyme, et se présente comme leur client. À l’une d’elles, il aurait imposé un rapport « marqué par la violence », ayant laissé la plaignante prostrée dans la chambre, selon les réquisitions du parquet. À son départ, il indique à ses proies qu’un coursier va arriver dans quelques minutes pour leur remettre une enveloppe avec la somme convenue. Un mensonge, qu’il a reconnu.

      Le stratagème est, d’après sa déposition, la première étape d’une manipulation au long cours qui vise à rabattre ces femmes vers des producteurs porno. Quand les victimes recontactent l’avatar Facebook pour lui faire part de leur détresse et de leurs difficultés financières, celui-ci leur promet d’arranger les choses. Il propose de leur présenter « son ami Pascal », un réalisateur de film X à la recherche de nouvelles actrices, pour des vidéos exclusivement diffusées au Canada. Les cachets sont alléchants.

      Dans son interrogatoire devant les gendarmes, J. D. indique avoir recruté une cinquantaine de jeunes femmes pour Pascal OP, ainsi que pour le producteur Mat Hadix. « Sans lui, ces femmes ne seraient pas entrées dans le monde de la pornographie », écrivent les enquêteurs, rapportant ses déclarations. A-t-il été rémunéré pour ce service ? Le rabatteur assure que non, ni même avoir rencontré les deux producteurs en personne. En contrepartie, cet éducateur spécialisé auprès de handicapés mentaux aurait bénéficié de vidéos sur mesure, produites par les deux hommes, ainsi qu’un abonnement gratuit au site de Pascal OP. Sollicité par Mediapart, l’avocat de J. D. n’a pas souhaité faire de déclaration.
      Des viols, de faux tests HIV et des somnifères

      Sur les tournages, un autre cycle d’abus commence, racontent les plaignantes. Au motif que son site internet est géré depuis le Québec, Pascal OP leur aurait assuré, à toutes, que leurs vidéos seraient inaccessibles depuis la France. Selon plusieurs témoignages, il promettait également de les payer entre 1 000 et 2 500 euros. En réalité, les cachets sont dérisoires, ce que certaines plaignantes assurent avoir découvert seulement après avoir tourné leur scène.

      L’une d’entre elles s’offusque de ne recevoir que 250 euros, alors que le producteur lui en avait promis 1 000. Elle raconte qu’il l’aurait contrainte à accepter la somme et à parapher un contrat de cession de droit à l’image, en la menaçant de ne plus la payer du tout, et de diffuser sa vidéo en France.

      Parfois, Pascal OP est accusé d’utiliser un autre moyen de pression. Il ne remettrait qu’une partie du cachet à ses actrices. Une manœuvre pour les obliger à une nouvelle rencontre, le lendemain, et leur imposer de nouvelles scènes qui conditionnent le versement du total de la somme.

      Les descriptions des tournages faites par les plaignantes sont glaçantes. Malgré leur refus exprimé, des pénétrations anales ou des éjaculations faciales sont systématiquement imposées aux jeunes femmes, qui s’effondrent parfois en larmes. Un matin de l’année 2017, à 8 heures, Pascal OP arrive sur le lieu d’un tournage, un appartement Airbnb où il loge également une plaignante. Il est accompagné de plusieurs hommes pour réaliser un gang-bang, une pratique mettant en scène une femme avec au moins trois hommes. La jeune femme aurait été prise au dépourvu.

      À chaque fois, les victimes déclarent céder, ne voyant pas d’autre issue. Subir est « la seule manière que cela s’arrête », dit l’une d’elles dans sa déposition aux gendarmes. Certaines « s’éteignent » ou s’obligent à sourire pour qu’on ne leur demande pas de refaire les scènes.

      Prise dans un engrenage où l’argent avait pris une place excessive et où son corps n’avait plus d’importance, une plaignante indique aux policiers avoir accepté de tourner un bukkake, malgré ses réticences. Cette pratique extrême désigne l’éjaculation de plusieurs hommes sur le visage d’une femme. La scène a lieu dans un hangar de Seine-Saint-Denis. En guise de lit, un caisson recouvert d’un drap. La plaignante a « envie de fuir ». Les participants cagoulés – une vingtaine – la tirent vers eux alors que son corps se rigidifie. Elle se décrit comme « anesthésiée », s’étant « mise en off pour ne pas craquer ».

      Dans son dépôt de plainte, elle raconte avoir découvert après le tournage qu’elle ne sera payée que 450 euros, à la place des 600 euros initialement prévus. Puis le producteur Mat Hadix, présent lors de la scène, lui administre une pilule d’azithromycine, un antibiotique contre les infections sexuellement transmissibles (IST), ce qu’il reconnaît lors de son interrogatoire de première comparution, en marge de sa garde à vue du 13 octobre 2020.

      Pour supporter les tournages, les plaignantes s’alcoolisent, parfois jusqu’à se sentir « détachées » de leur corps. Le producteur leur aurait également fourni de la cocaïne. Dans son interrogatoire, N. T. T., un des abonnés de Pascal OP devenu son assistant, reconnaît avoir acquis un générateur de faux tests sérologiques. Ce subterfuge devait permettre à ses acteurs, et au producteur, de tourner sans préservatifs, tout en n’ayant pas à réaliser de dépistages de maladies sexuellement transmissibles (MST).

      Le témoignage d’une des plaignantes est particulièrement éprouvant. Maintenue sous pression par le reliquat d’argent qu’il lui doit et le contrat qu’il lui a fait signer lors d’un précédent tournage, elle raconte que Pascal OP lui aurait imposé plusieurs nouvelles scènes. Lors de l’une d’entre elles, courant juin 2020, il lui aurait appris, une fois sur place, qu’une soixantaine d’hommes l’attendaient pour un bukkake. Face à son refus, elle raconte que le producteur lui aurait crié dessus, puis proposé un verre de jus de fruit, l’invitant à se détendre.

      Une analyse capillaire effectuée par les gendarmes révélera la présence de Zolpidem dans son organisme, un puissant somnifère détourné à des fins de soumission chimique, sans que la date d’ingestion ne soit néanmoins précisément déterminée. Pendant un précédent tournage où il lui avait également fait boire une boisson, elle s’était sentie dans « un état second » et Pascal OP aurait essayé d’en profiter pour lui demander d’avoir un rapport sexuel avec son chien, avant de réaliser une scène avec le producteur Mat Hadix.

      Lors du bukkake de juin 2020, la tête de la jeune femme est maintenue fermement par une autre actrice, qui lui impose de garder les yeux ouverts. « Pour la soulager, et non pour la bloquer », assure N. T. T., l’assistant de Pascal OP, dans son audition. La jeune femme est en sanglots puis entre en état de sidération, note le parquet dans son réquisitoire. Son beau-frère parviendra à faire retirer la vidéo du site web de Pascal OP, après lui avoir remis la somme de 4 500 euros, comme il l’indique dans sa déposition aux gendarmes de la section recherche.

      Dans son interrogatoire en marge de sa garde à vue, Pascal O. accuse les plaignantes de mentir, affirmant que certaines sont des « escorts ». Il assure qu’elles connaissaient à l’avance toutes les conditions de tournage, qu’elles n’étaient ni menacées, ni isolées, ni contraintes, que des dépistages de MST étaient systématiquement réalisés par tous et que les actrices recevaient un bonus pour simuler les pleurs ou le refus d’un acte sexuel.

      À chaque question susceptible de lui porter préjudice, « il se retranche derrière son droit au silence », ajoutent les enquêteurs. Sollicité par Mediapart, son avocat n’a pas souhaité faire de déclaration.
      Des accusations qui éclaboussent le porno français

      Les vidéos de Pascal OP sont principalement commercialisées sur son propre site web, French Bukkake. Ses abonnés peuvent participer aux scènes contre le versement de 29,90 euros par mois. Ce procédé alerte les gendarmes de la section Recherche de Paris, dans le cadre de leur activité de veille du réseau internet, qui ouvrent une enquête en mars 2020 pour des faits de proxénétisme. L’exploitation des centaines de vidéos du site suggère que des pratiques sexuelles sont régulièrement imposées aux femmes qui y participent.

      Ces constatations amènent les enquêteurs à verser à la procédure les cinq plaintes des plaignantes, déposées entre 2016 et 2020 indépendamment de cette nouvelle enquête. Trois d’entre elles avaient été initialement classées sans suite, comme à Bobigny en 2017, le parquet invoquant un « litige commercial » entre la plaignante et le producteur.

      Bien qu’il en tire des revenus confortables – 240 000 euros de bénéfice depuis 2015, d’après les gendarmes –, l’audience du site de Pascal OP reste confidentielle, avec 280 000 visiteurs par mois. Le producteur n’en est pas moins inséré dans le circuit du porno français. Jusqu’à peu, il bénéficiait de sa propre fiche sur le site Dorcelvision, la plateforme de VOD de Dorcel, le leader français du secteur.

      Dans un entretien réalisé en juillet 2018 (voir notre Boîte noire), un responsable du groupe reconnaissait d’ailleurs être en discussion avec lui pour distribuer ses productions. « Pour le moment, il n’est pas revenu vers nous mais s’il m’envoie un projet et que tout est aux normes, moi, je n’ai aucun problème à lui dire OK. »

      Des propos qui font écho à ceux du directeur général du groupe, Grégory Dorcel, à qui l’on demandait au printemps 2018 s’il s’intéressait aux conditions de tournage des films qu’il distribue : « Absolument pas, répondait-il. Nous ce qu’on réclame et qui est imposé contractuellement, c’est qu’on nous délivre un contenu légal et que cela corresponde à notre ligne éditoriale (…) Je ne peux pas m’occuper de savoir comment ça a été fait. »
      Marc Dorcel, un des leaders du porno en France, au festival de Cannes le 20 mai 2015. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

      Pascal OP a également collaboré avec le site Jacquie & Michel (J&M), l’autre locomotive du secteur. Il bénéficie même de son propre personnage récurrent, « l’abominable David Grumeau », camouflé sous une perruque années 1980 et ses lunettes de soleil aux verres polarisés. En toute discrétion, il leur a produit également des dizaines de vidéos, comme l’attestent ses échanges par écrit avec Michel Piron, le fondateur de J&M, que Mediapart a pu consulter.

      Son fils Thibault Piron, directeur général de J&M, minimisait maladroitement cette collaboration lors d’un entretien réalisé en mai 2018. « Ça fait plus d’un an que Pascal OP n’est pas apparu dans nos vidéos, admettait-il. Par contre, ce qui est vrai, c’est que s’il trouve une nana, il peut faire le tournage mais ce n’est pas lui qui dirige, ni ne joue l’acteur. On n’en veut pas pour notre image. Nous aussi, on évolue. Ça n’a aucun sens, après tout ce qui s’est passé récemment. » Une allusion à #MeToo et #BalanceTonPorc.

      Le profil du quatrième mis en examen, Mathieu L., dit « Mat Hadix », éclabousse aussi les deux leaders du secteur. Depuis 2013, il est l’un des principaux producteurs pour Jacquie & Michel, ses vidéos se comptant par centaines. Au point qu’en 2015, le groupe lui confie l’organisation de ses lucratives soirées en discothèque, puis le présente en 2017 comme « l’incontournable ambassadeur de la marque » dans un article de Jacquie & Michel Le Mag.

      En mai 2018, Thibault Piron, en disait plus sur son rôle. « On a toujours cinq ou six producteurs qui bossent en même temps mais Mat est vraiment le seul régulier qui n’arrête jamais, précisait-il. Les trois quarts du temps, ça se passe comme ça : il dégote une nouvelle nana, il nous envoie les photos en nous demandant combien de scènes on veut. Puis après, on fait une avance et une fois qu’il a filmé, la vidéo arrive chez nous et le monteur s’en occupe. »

      Mathieu L. est aussi l’un des principaux prestataires français de Dorcel, chez qui il dispose de ses propres labels. Des productions réalisées pour la marque « Porno chic », sur lesquelles n’apparaît jamais le nom Dorcel, pour des questions d’image. « Mais en théorie, et même en pratique, Dorcel est le producteur à 100 % de ses films », concédait, en juillet 2018, un responsable du groupe.

      Les enquêteurs estiment que le producteur mutualisait ses tournages avec Pascal OP, les deux hommes se partageant recrues, décors et caméras, depuis les années 2015-2016. « Mathieu L. était présent sur toutes les scènes qualifiées de casting et gang-bang et, de façon plus occasionnelle, sur les bukkake », indique le réquisitoire, rapportant des propos de Pascal O. Dans leurs témoignages, certaines plaignantes déclarent ainsi ne pas savoir si elles tournaient pour l’un ou pour l’autre, Mat Hadix déléguant parfois la production de ses scènes à Pascal OP, ce dernier le prenant à son tour comme cadreur ou acteur.
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      Le chef d’accusation de viol à l’encontre de Mat Hadix a été retenu pour une plaignante, contre quatre pour Pascal OP. Les deux producteurs sont également accusés de « diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne » et « d’exécution d’un travail dissimulé », en plus des chefs de « proxénétisme aggravé » et « traite d’êtres humains aggravée ». Pascal OP doit également répondre des chefs de « blanchiment d’un délit de proxénétisme » et « blanchiment d’un délit de fraude fiscale ».

      « Il n’est pas le seul qui mutualisait des dépenses avec Pascal O. et pour une raison qui m’échappe, lui seul est accusé, s’offusque Me Wilner, l’avocat de Mathieu L. Mon client est une victime collatérale. Il n’a jamais participé de près ou de loin à la production ou à la commercialisation des films de Pascal OP. »

      De son côté, Me Mugerin, l’avocat de N. T. T., opticien de profession et assistant informel de Pascal OP, indique que son client « a été extrêmement naïf en se rendant à ces tournages ». « Il n’avait pas pris la mesure de ce qu’il y avait derrière, et s’est rendu compte de la gravité pendant sa garde à vue. »

      Depuis septembre 2020, et l’ouverture concomitante d’une autre enquête du parquet de Paris impliquant Jacquie & Michel pour « viols » et « proxénétisme », les labels de Mat Hadix ont disparu de la plateforme VOD de Dorcel. Désormais, ce sont tous les films où il apparaît en tant qu’acteur, ainsi que ceux avec Pascal OP, qui ont été rayés du catalogue.

      « Depuis juin 2019, nous avons enquêté et commencé à stopper la distribution de plusieurs producteurs français dont les conditions de travail semblaient troubles, précise Dorcel, dans un communiqué adressé à Mediapart (à lire en intégralité sous l’onglet Prolonger). Ce travail est long et délicat, car tous ces producteurs ont des sociétés établies, sont diffusés historiquement par de nombreux diffuseurs français réputés et n’ont, à notre connaissance, jamais fait l’objet de décision de justice qui auraient pu justifier une rupture de contrat. »

      Sollicités par Mediapart, les représentants du groupe Jacquie & Michel ne nous ont pas répondu. Les dirigeants du groupe et la société elle-même n’ont jamais été soupçonnés ni inquiétés par la justice dans cette affaire.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/231120/une-enquete-pour-traite-des-etres-humains-expose-les-pratiques-de-l-indust

      J’ai déplacé ca ici pour des raison d’érgonomie et d’autonomie de mes contenus ainsi que moyen de lutte contre la censure masculiniste.

  • Une enquête pour traite des êtres humains expose les pratiques de l’industrie du porno - Page 2 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/231120/une-enquete-pour-traite-des-etres-humains-expose-les-pratiques-de-l-indust

    Il s’est choisi un pseudonyme féminin passe-partout. Sa photo de profil est tout aussi sobre. Une jeune femme brune aux traits fins et légèrement maquillée, vêtue d’un manteau noir, dans l’habitacle d’une voiture. Le cliché est sans artifices, presque intime. En réalité, ce compte Facebook est utilisé par J. D., 39 ans, marié et père de deux enfants

    #paywall hélas.

    #porcs.