Maradona : « Dieu et le diable »

/Maradona-Dieu-et-le-diable

  • Maradona : « Dieu et le diable » - paru dans De l’autre côté du papier , par Mickael Correia - CQFD
    http://cqfd-journal.org/Maradona-Dieu-et-le-diable

    Né le 30 octobre 1960 dans un bidonville de Buenos Aires, Diego Armando Maradona, au-delà d’avoir été un des plus grands génies du football, incarne aux yeux du peuple argentin le pibe, l’enfant malicieux des rues qui, pour survivre, doit ruser voire voler. Et quand il débarque en 1984 pour jouer à Naples, il devient l’objet d’un culte religieux populaire après ses exploits footballistiques qui redorent le blason de la cité déshéritée et stigmatisée du Sud de l’Italie.

    Alors que la presse argentine annonce le décès de Maradona, CQFD republie dans leur intégralité les pages consacrées au « Pibe de Oro » du livre Une Histoire populaire du Football (La Découverte, 2018) où notre camarade Mickaël Correia revient sur la dimension populaire du footballeur et in fine sa portée éminemment politique.

    « Et un beau jour la déesse du vent baise le pied de l’homme, ce pied maltraité, méprisé, et de ce baiser naît l’idole du football. »
    (Eduardo Galeano, Le Football, ombre et lumière, 1998.)

    *
    « J’ai grandi dans un quartier privé de Buenos Aires… privé d’eau, d’électricité et de téléphone », s’amuse Diego Armando Maradona en mars 2004, lors d’une visite en Bolivie. Parmi le flot de déclarations provocatrices, égocentriques ou affligeantes du célèbre footballeur, émergent de temps à autres des réminiscences de son enfance modeste à Villa Fiorito, un bidonville de la banlieue sud de Buenos Aires. Jusqu’au coucher du soleil, le jeune Diego, surnommé Pelusa (Peluche) à cause de sa touffe de cheveux, passait alors le plus clair de son temps à pratiquer le football sur les potreros, ces bouts de terrains vagues où les enfants aiment à jouer.

    En 1971, âgé de 11 ans à peine, le petit gaucher à la peau mate est repéré par Francis Cornejo, un recruteur des Argentinos Juniors, formation phare de Buenos Aires. Le club aux origines populaires – l’équipe se dénommait initialement les « Martyrs de Chicago », en hommage aux anarchistes morts suite au massacre de Haymarket Square en 1886 – intègre alors Maradona au sein des Cebollitas, son équipe junior. Aussitôt, les foules viennent admirer les dribbles ravageurs du talentueux pibe, le « gamin » des rues. Intriguée par ce phénomène sportif, la télévision elle-même viendra interviewer l’enfant prodige des bidonvilles alors qu’il n’a que 12 ans.