La matrifocalité caribéenne n’est pas un mirage créole

#tocto1n2

  • La matrifocalité caribéenne n’est pas un mirage créole
    https://journals.openedition.org/lhomme/24691#tocto1n2

    La matrifocalité a ainsi fait l’objet d’études menées par des scientifiques originaires des deux côtés de l’Atlantique et de la Caraïbe, ce qui a généré une littérature foisonnante pour tenter de comprendre l’originalité de ce modèle, ainsi que la nature des rapports de genre et le mode de construction des identités sexuelles qui lui sont corrélés au sein de ces sociétés. Associée à la créolisation au même titre que les langues, les systèmes religieux et les modes de représentations du monde, la matrifocalité caribéenne suscita un débat vif et passionné qui succéda à celui sur les familles noires américaines. Novateur au point d’avoir engendré un nouveau concept, celui de « matrifocalité », ce débat aboutit aussi, paradoxalement, à la négation de cette même forme familiale. Jusqu’à laisser croire que les phénomènes observés pendant des décennies n’étaient que purs mirages… L’évolution de la nature même de la production scientifique contribua largement au changement d’optique à l’œuvre dans l’analyse des modèles familiaux supposés être spécifiquement afro-américains. Cibles, par exemple, de certains travaux de philosophie politique sur l’articulation des rapports entre sexe, race et classe (Dorlin 2010), les familles matrifocales sont aujourd’hui perçues comme le produit de discours, d’idéologies ou de politiques sexistes et racistes. Elles sont alors niées dans leur réalité empirique, celle des effets des représentations et des interactions sociales inhérentes aux mondes postesclavagistes.

    3En un siècle, l’analyse des faits sociaux et culturels concernant les populations noires d’une part, la famille et le genre d’autre part, a connu bien des bouleversements, liés à la reconnaissance des droits civiques des Noirs aux États-Unis, à l’accès aux indépendances des pays de la Caraïbe, à la contestation des rapports de domination raciale, coloniale et de genre, ainsi qu’à l’évolution mondiale des formes familiales au gré des contextes économiques. Loin d’être obsolète, le débat sur la matrifocalité nous semble donc, au contraire, mériter une attention nouvelle, à la l