Le procès d’un homme maudit, enfant victime dans l’affaire Ranucci, puis deux fois meurtrier

/2929047-20201213-toulouse-proces-homme-

  • Toulouse : Le procès d’un homme maudit, enfant victime dans l’affaire Ranucci, puis deux fois meurtrier
    https://www.20minutes.fr/justice/2929047-20201213-toulouse-proces-homme-maudit-enfant-victime-affaire-ranuc

    Cintia Lunimbu, 21 ans, menait une vie tranquille de jeune fille. Elle est morte le 21 juillet 2017 dans son studio de la place des Tiercerettes à Toulouse quand, alors qu’elle rentrait d’une matinée de travail, un parfait inconnu a frappé à sa porte. Lorsque six jours plus tard son père, inquiet de n’avoir pas de nouvelles de sa fille unique, a prévenu les pompiers, ils ont découvert une scène effroyable : Cintia gisait nue face contre terre, égorgée, presque décapitée.

    Grâce à l’ADN retrouvé sous les ongles de la jeune femme de ménage, les enquêteurs arrêtent le 9 août, dans le Var, un certain Jean-Baptiste Rambla. Pour la justice, cet homme de 49 ans, habitant la Ville rose mais réfugié chez sa sœur, était tout sauf un inconnu. Il est en libération conditionnelle depuis dix-huit mois, après avoir été condamné à dix-huit ans de réclusion pour le meurtre de Corinne Beidl. A l’époque des faits, en 2004, elle était l’épouse de son patron. Jean-Baptiste Rambla avait une liaison avec elle et l’a étranglée lors d’une dispute avant d’enfouir son corps dans un sac et de le cacher dans un cabanon de jardin où il n’a été retrouvé que sept mois plus tard.

    Mais Jean-Baptiste Rambla c’est aussi pour l’opinion publique cet enfant de 7 ans dont le visage a surgi sur toutes les télés de France en juillet 1974. Il est le petit frère de Marie-Dolorès, enlevée au pied de son immeuble à Marseille puis tuée. Il était avec elle quand un homme leur a demandé de rechercher son chien. Dans ce retentissant fait divers popularisé par le livre Le pull-over rouge, Christian Ranucci a été condamné à mort, devenant l’avant-dernier homme exécuté en France et pour beaucoup l’étendard de la nécessité d’abolir la peine capitale. Jean-Baptiste Rambla a grandi dans un foyer dévasté. Il est à la fois le petit frère qui n’a pas pu protéger sa sœur, « mais aussi l’enfant instrumentalisé durant des années par son père qui menait sa croisade » contre Christian Ranucci, dit son avocat d’aujourd’hui, Frédéric David.

    « Toute ma vie j’ai dû me justifier », dira l’accusé à une psychologue avant sa libération conditionnelle. Alors, cet enfant victime, traumatisé, a-t-il eu un rôle dans la construction du meurtrier d’aujourd’hui ? L’affaire Ranucci va-t-elle planer sur le procès qui s’ouvre ce lundi devant les assises de la Haute-Garonne ? « Mon client est un bouchon sur l’océan, cette affaire l’a empêché de prendre son chemin de vie, explique Frédéric David, il souffre d’un ressentiment au sens pathologique du terme ».

    « Mais cet homme a un frère et un sœur, des parents qui ont vécu le même drame et qui je sache ne sont pas devenus des assassins, tonne Simon Cohen, l’avocat de la famille Lunimbu. Christian Ranucci a déjà été exécuté, puis il a servi d’alibi dans un premier meurtre, va-t-on le tuer trois fois ? »

    Jean-Baptiste Rambla, décrit comme affable mais timide, a expliqué le meurtre de Cintia par un genre de crise de paranoïa. Il avait été agressé le matin même par un couple, menacé quelques jours avant devant le service de probation. Ses avocats, Frédéric David et Aurélie Joly, pensent que ces circonstances ont pu « exacerber son sentiment victimaire ». Que quand il s’en prend à Cintia, qu’il a pu assimiler à sa fenêtre à un de ses agresseurs du matin, « il s’en prend à tous ceux qui lui ont fait du mal ».

    Simon Cohen n’y croit pas. « Je pense qu’en réalité, il n’est pas sorti au hasard et il n’a pas tué fortuitement, expose-t-il. J’ai la conviction qu’il avait, en partant de chez lui l’intention d’agresser quelqu’un et de préférence une femme (…) C’est pour cela qu’il s’est préalablement armé d’un cutter, qui est une arme, mortifère, horrible, mais également d’un équipement de protection, de surchaussures, de tout ce qui lui était nécessaire pour effacer ses traces. Il a donné la mort consciemment, consciencieusement, et puis, il a effacé ses traces. »

    Jean-Baptiste Rambla ne se fait « aucune illusion sur la peine » qui l’attend. Et c’est seul qu’il va affronter ce nouveau procès. La première fois, ses proches le soutenaient, son fils venait le voir fréquemment en prison. Mais ils se sont éloignés. Ils n’ont pas eu le courage de croire deux fois à la malédiction.