Pourquoi un cours de rue ?
Les « signaux » qui remontent du terrain sur la situation des étudiant.e.s sont de plus en plus affolants et inquiétants.
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Pourquoi un cours de rue ? Parce que l’image la plus partagée par les étudiant.e.s suite aux annonces de Castex de ce Jeudi, c’était celle-là.
Pourquoi un cours de rue ? Parce que les prières de rue ont permis d’ouvrir les églises. Quoi d’autre ? Et qu’un référé de la conférence des évêques de France a suffi pour que le conseil d’état oblige le gouvernement à exploser le seuil de 30 personnes pour le ramener à un nombre de personnes au mètre carré. Mais que notre référé à nous, universitaires, n’a rien donné. Parce que le jeune président de la startup nation qui était en fait un vieux con comme les autres a décidé que 2,5 millions d’étudiant.e.s seraient les derniers de sa putain de cordée. J’ai juste besoin de comprendre pourquoi des gens démographiquement plutôt bardés de comorbidités et de fragilités diverses (sociologie de la messe hein, pas de jugement) peuvent se retrouver à plus de 6 par mètre carré pour chanter et manger des osties distribuées à la main dans des églises mal ventilées, et pourquoi des jeunes gens et jeunes filles de 18 à 25 ans ont interdiction jusqu’en Février de se retrouver dans des amphis ou dans des salles de cours avec les mêmes jauges et l’ostie en moins, et avec des conditions sanitaires déjà efficaces (la rentrée de Septembre l’a démontré). C’est en gros la réponse à cette question que je vais aller chercher (et j’espère n’être pas le seul) en faisant mon cours de rue devant l’église Saint-Louis à La Roche sur Yon.
Juste pour vous donner une idée de mon niveau d’incompréhension au lendemain de l’annonce par Emmanuel Macron de la réouverture des universités en février, soit presque deux mois après l’ouverture des messes et autres lieux de culte, j’en suis venu au point où j’ai carrément écrit aux diocèses de Loire-Atlantique et de Vendée pour leur demander de me prêter une église pour y accueillir mes étudiant.e.s. La preuve avec la réponse (mignonne) du curé local.
Pourquoi un cours de rue ? Parce que seul.e.s près de 2,5 millions d’étudiantes et d’étudiants sont privés de sociabilités essentielles. Tout le monde, absolument tout le monde a repris une activité quasi-normale, les commerces - essentiels ou pas essentiels, les lycéens et collégiens, les salariés (qui sont très loin de tous télétravailler), les employés, les professions libérales, tout le monde vous dis-je. Sauf les étudiantes et les étudiants, qui sont littéralement en train d’en crever avec leurs maux à elles et à eux, qui s’appellent dépression, angoisse, isolement, perte de repère, de confiance, de sommeil, de poids, niveau de stress constant, et tant d’autres maux encore.
Pourquoi un cours de rue ? Parce qu’en tant qu’enseignant c’est absolument insupportable de n’avoir rien d’autre à leur offrir que de longues heures de cours en visio, des partiels de fin d’année et un peu de commisération. Et que leur détresse est uniforme : elle les touche tous et toutes, les très bons et les plus fragiles, les plus motivés et les plus démotivés, les mieux confinés et les plus isolés, de la 1ère année de licence à la dernière année de master. Tous et toutes.
Pourquoi un cours de rue ? Parce qu’il va finir par y avoir un drame et que ce jour là il faudra être capable de continuer de se regarder en face dans une glace. Parce que nous, leurs parents, leurs enseignants, leurs aînés, nous nous devons de faire autre chose que de les regarder crever à petit feu. Et si vous pensez que j’exagère vous êtes très loin du compte. Y compris dans des lieux d’études plutôt protégés comme Sciences Po, près de la moitié des étudiants présentent aujourd’hui des symptômes dépressifs graves au regard de l’échelle HAD (la méthodologie et les résultats complets de l’étude sont disponibles en ligne) Tous les enseignants chercheurs travaillant sur le sujet sont unanimes, la santé mentale des étudiant.e.s est en danger grave et imminent. Et ils et elles le disent, l’écrivent, le hurlent partout et tout le temps. Ils et elles n’ont pas besoin de psychologues mais ils et elles ont besoin de se voir et de se retrouver.
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▻https://www.nouvelobs.com/idees/20201211.OBS37400/les-facs-sont-fermees-faisons-cours-dans-la-rue.html