situation alarmante dans les centres de rétention administrative

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  • Crise sanitaire : situation alarmante dans les centres de rétention administrative
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/12/15/crise-sanitaire-situation-alarmante-dans-les-centres-de-retention-administra

    Dès la mi-novembre, la contrôleuse des prisons, Dominique Simonnot, a alerté le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dans un courrier, sur la situation sanitaire dans les CRA : « Malgré une deuxième vague que le ministre de la santé qualifie sans cesse de “plus forte que la première”, la capacité d’accueil des centres de rétention administrative, limitée à 50 % dans les derniers mois afin de freiner la propagation du virus, est, dans certains centres, progressivement passée à 60 %, 70 % voire 90 %. » Mme Simonnot appelle à leur fermeture temporaire ou, au minimum, à une baisse drastique de leur activité. Au sein des établissements, les cas de Covid-19 se sont multipliés ces dernières semaines. Un cluster a été identifié au CRA de Coquelles (Pas-de-Calais), avec vingt personnes diagnostiquées positives dans le courant du mois de novembre. A Lyon, 17 cas positifs ont été recensés fin octobre ; on en comptait encore 9 fin novembre. « Il y a trop de monde dans ce centre, les policiers font le maximum mais il est impossible de faire respecter les mesures sanitaires », a estimé Thomas Dossus, sénateur (EELV) du Rhône, au cours d’une visite surprise, le 21 novembre, où deux journalistes – dont un du Monde – l’ont l’accompagné en vertu de la possibilité donnée à tout parlementaire de s’inviter dans les lieux de privation de liberté.
    Côté ministère de l’intérieur, on insiste sur les efforts fournis pour assurer des conditions sanitaires satisfaisantes, avec la mise en place d’un protocole strict dès le mois de mars ; en outre, le CRA de Plaisir (Yvelines) a été réservé aux retenus positifs ne nécessitant pas de prise en charge hospitalière.Sur le terrain, néanmoins, les remontées relatant l’application impossible du protocole sont légion. A Lyon, Seny, un Sénégalais de 39 ans enfermé depuis cinquante jours, témoigne : « C’est vraiment très compliqué ici. On fait comme on peut, mais ce n’est pas possible quand on est trois ou quatre dans une chambre. » La contrôleuse des prisons déplore un « niveau d’hygiène chroniquement insuffisant ».
    Au début de la cise sanitaire, un vaste mouvement de désengorgement des CRA avait eu lieu. Le 26 mars, on comptait sur l’ensemble du territoire 152 retenus pour quelque 1 800 places disponibles. Comme à Rennes, neuf centres étaient totalement vides ; les autres n’accueillaient qu’un nombre très restreint de personnes. Le Conseil d’Etat avait rejeté, dans une ordonnance du 27 mars, la demande de fermeture temporaire des CRA formulée par plusieurs associations.
    « La position des juges des libertés et de la détention a complètement changé entre les deux confinements. Ils n’accordent plus de libération, estimant que la baisse des effectifs par rapport aux capacités du centre suffit à préserver les conditions sanitaires », analyse Elodie Jallais de Forum réfugiés, une association présente en permanence au CRA de Lyon.
    Romain, un Béninois de 47 ans enfermé depuis un mois et demi au CRA de Rennes, le 14 décembre. Si le taux d’occupation des centres de rétention repart à la hausse, l’exécution des mesures d’éloignement, néanmoins, s’avère toujours délicate. Du fait de la crise sanitaire, les expulsions vers certains pays sont bloquées. « Les frontières de l’Algérie sont fermées, pourtant il y a toujours des Algériens dans les CRA alors qu’on sait qu’on ne va pas pouvoir les renvoyer », dénonce Paul Chiron, chargé des actions juridiques à la Cimade. « L’absence de perspective d’éloignement prive la rétention de fondement juridique », souligne Mme Simonnot dans sa lettre au ministre.
    Bilan : le passage en rétention – douze jours en moyenne en 2019 – s’allonge sans toujours déboucher sur une expulsion. Au CRA de Rennes, Romain, un Béninois de 47 ans, affirme avec précision : « Je suis là depuis un mois et treize jours. » Il a perdu son titre de séjour après s’être séparé de sa femme. Sans information sur son avenir proche, il ressasse, attendant qu’on lui annonce le jour de son retour : « Mes rêves sont devenus un cauchemar au niveau des papiers, ça m’a dépassé, j’ai tout perdu. »
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Stress, angoisse et tensions » au centre de rétention du Mesnil-Amelot depuis le départ de la Cimade Depuis la succession d’attentats sur le sol français, Gérald Darmanin multiplie les annonces et les déplacements. Fin septembre, il a notamment encouragé les préfets à rendre plus effectives les mesures d’éloignement, leur demandant « d’appliquer strictement la loi et de reconduire systématiquement dans leur pays les étrangers qui, par leurs agissements, constituent une menace grave pour l’ordre public ». Et d’ajouter : « Vous me rendrez compte trimestriellement et personnellement des éloignements (…) auxquels vous avez procédé. »
    Si le ministère de l’intérieur indique que le rythme des reconduites d’étrangers en situation irrégulière « reprend progressivement », les renvois effectifs concernent surtout les personnes « dublinées » – qui relèvent d’un autre Etat membre de l’Union européenne pour leur demande d’asile – et les ressortissants albanais et géorgiens. Pour certains pays – comme ceux du Maghreb – où un test Covid-19 négatif est exigé, les renvois sont plus difficiles : un certain nombre de retenus s’opposent aux tests, de crainte d’être expulsés plus rapidement. D’après plusieurs associations ainsi que la contrôleuse des prisons, certains d’entre eux seraient poursuivis pour obstruction à l’exécution d’une mesure d’éloignement. Au CRA de Rennes, la Cimade indique qu’au moins huit personnes ont été condamnées pour ce motif.

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