Entre le Canada et les Etats-Unis, une frontière aussi interminable que l’attente de sa réouverture

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  • Entre le Canada et les Etats-Unis, une frontière aussi interminable que l’attente de sa réouverture
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    Mais en raison d’un virus dépourvu de la plus élémentaire connaissance administrative, qui impose communément de ne pas quitter un territoire sans autorisation, cette interminable frontière a été fermée le 18 mars, une première historique. Depuis, pour tenter d’endiguer la pandémie de Covid-19, particulièrement virulente aux Etats-Unis, les autorités politiques des deux pays reconduisent mois après mois son verrouillage. Pour les habitants de Stanstead, une petite ville de 2 800 âmes à cheval sur le Québec (Canada) et le Vermont (Etats-Unis), cette fermeture change tout. La frontière, symbolisée par une ligne noire peinte au sol, traverse la bibliothèque municipale Haskell : les livres côté américain, les sièges côté canadien, et des lecteurs des deux pays pour en profiter. Depuis toujours, les Canadiens de Stanstead mènent une double vie, profitant d’un boulot plus rémunérateur en dollars américains de l’autre côté de la ligne, et de maisons moins onéreuses côté québécois, avec des restaurants cosy comme
    Les attentats du 11 septembre 2001 poussèrent les autorités américaines à renforcer les mesures de sécurité et exiger un passeport pour traverser la rue Canusa (pour Canada et USA) qui partage la localité en deux, mais désormais, la vigilance commandée par la peur sanitaire est surtout canadienne : des officiers de la Gendarmerie royale du Canada, aux aguets dans leurs gros SUV noirs stationnés dans la localité, appréhendent systématiquement – quoique fort courtoisement – tout imprudent touriste qui s’approche un peu trop de la ligne fatidique, et empêchent les résidents de Stanstead d’effectuer leurs traversées quotidiennes.Quelques rares et rutilants camions de marchandises poursuivent leur va-et-vient au poste frontière, afin d’assurer la survie de l’économie nationale. Le Canada a exporté en 2019 pour 447 milliards de dollars canadiens (environ 290 millions d’euros) de marchandises vers son grand voisin du sud et importé 300 milliards de dollars de produits en provenance des Etats-Unis.
    A un millier de kilomètres à l’est de Stanstead, et en raison de ces allers-retours incessants, autorisés pour les seules marchandises et travailleurs essentiels, le pont Ambassadeur, qui relie Windsor en Ontario à Detroit au Michigan, n’est pas loin de gagner le surnom du « pont de la mort ». Car le « feu Covid » embrase cet Etat américain limitrophe (472 780 cas à lui seul au 15 décembre, autant que le Canada tout entier avec 472 820 cas recensés), et la province canadienne ne sait comment circonscrire l’incendie. Chaque jour, 1 500 Ontariens enjambent la rivière pour aller travailler dans les services de santé du Michigan, débordés. Comment empêcher que le virus rentre avec eux le soir ? Mais la crainte du virus est parfois moins forte que le désir d’échapper au grand froid canadien. Des « snowbirds », ces retraités québécois avides de chaleur et de soleil qui opèrent une migration annuelle vers la Floride à l’approche de l’hiver, ont choisi de profiter d’une incongruité pour échapper à leur sédentarité imposée : si la frontière terrestre entre les deux pays est bien fermée, il reste autorisé de se rendre aux Etats-Unis… par les airs ! Quelques-uns de ces « oiseaux des neiges » ont donc choisi de s’envoler vers Miami ou Orlando en empruntant les lignes aériennes régulières. Une entreprise de transport de la région de Montréal a même mis sur pied un ingénieux système qui leur permet de récupérer leurs « véhicules récréatifs » – « camping-car » comme on ne dit pas en bon québécois – de l’autre côté de la frontière : munis d’un permis de transport commercial en bonne et due forme, des chauffeurs routiers convoient ces « home sweet home » sur roues, moyennant la somme d’un millier de dollars. Une facilité réservée aux seuls plus aisés, quand tous au Canada, amoureux séparés, familles éclatées, travailleurs et simples voyageurs, rêvent de retrouver la porosité habituelle de leur immense frontière. Celle dont ils avaient presque oublié l’existence, en vivant jour après jour, un pied d’un côté, un pied de l’autre.

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