Erreur 404

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  • « Confinons vite, fort, mais le moins de temps possible » : l’appel du directeur médical de crise de l’AP-HP

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/09/confinons-vite-fort-mais-le-moins-de-temps-possible-l-appel-du-directeur-med

    Tous ces acteurs ont en fait un critère commun de jugement de gestion de la crise : la durée globale des mesures restrictives, quelles qu’elles soient. Or, de mi-décembre à début février, malgré les mesures restrictives prises, l’épidémie a continué à prendre de l’ampleur. Il faut en tirer la conclusion qui s’impose : malgré des efforts considérables, nous avons perdu des semaines précieuses, et vu s’éloigner l’objectif commun et final de retour à une situation plus proche de la normale.

  • « La crainte engendrée par le Covid-19 semble en relation inverse de sa létalité », Hervé Le Bras
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/09/herve-le-bras-la-crainte-engendree-par-le-virus-semble-en-relation-inverse-d

    Chiffres à l’appui, le démographe examine les conséquences de l’épidémie sur les statistiques de mortalité et d’espérance de vie. Ses calculs nuancent la gravité de l’épidémie.

    Tribune. En 2020, le nombre des décès a augmenté de 7,3 % en France. Les personnes les plus âgées ont été particulièrement frappées par l’épidémie de Covid-19. Selon l’Insee, au cours de la deuxième vague, la mortalité a augmenté de 19 % entre septembre 2020 et janvier 2021, pour celles qui sont âgées de plus de 75 ans.

    Selon Santé publique France, le site officiel du ministère, de la mi-mars 2020 à la mi-janvier 2021, 59 % des personnes décédées pour cause de Covid-19 étaient âgées de plus de 80 ans alors que cette classe d’âge ne représente que 6 % de la population totale. Ces données ont pesé dans les décisions prises par le gouvernement pour combattre l’épidémie.

    Ces chiffres ne prennent cependant de la valeur que lorsqu’on les compare à d’autres données. Prenons par exemple ce pourcentage de 59 % et comparons-le à celui de la mortalité habituelle. Cela est possible grâce à la répartition des décès par âge publiée par l’Insee. En 2018, dernière année disponible, 61 % d’entre eux provenaient de personnes de plus de 80 ans, soit, à 2 % près, la proportion des personnes âgées parmi les décédés du Covid-19 qui vient d’être citée. Le Covid-19 ne discrimine donc pas plus les personnes âgées que ne le font les causes habituelles de mortalité en son absence.

    Causes culturelles

    On peut penser que ce constat contre-intuitif résulte des mesures prises par le gouvernement pour protéger les personnes âgées. Pour le vérifier, il faudrait comparer la situation française réelle à un groupe contrôle où aucune mesure n’aurait été prise, mais cela est impossible car aucune partie du territoire national n’a été dispensée de ces mesures.

    Le seul moyen disponible consiste à étudier le comportement de pays proches. Deux groupes de pays apparaissent : en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas, la proportion de personnes âgées de plus de 80 ans décédées du Covid-19 excède de plus de dix points celle des décès de cette même classe d’âge en période hors épidémie.

    Inversement, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, les deux proportions sont voisines, à l’instar de la France. Les politiques de lutte contre l’épidémie menées dans les pays de chacun des deux groupes ont été tellement différentes qu’on ne peut pas déceler lesquelles auraient été plus favorables que d’autres aux personnes âgées.
    La liste des pays dans les deux groupes suggère plutôt des causes culturelles. Les pays où les personnes âgées ont été plus atteintes que d’habitude ont en commun des rapports familiaux plus fréquents entre générations. L’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas sont caractérisés par la « famille souche » où trois générations cohabitaient autrefois. Dans les pays où la mortalité des personnes âgées est demeurée à sa proportion habituelle, les rapports familiaux se concentrent traditionnellement au sein des familles « nucléaires » limitées à une ou deux générations. Or, la propagation de l’épidémie est fonction de la fréquence des contacts interpersonnels, en particulier entre générations.

    « Seulement » six mois et demi en moins

    Même si la surmortalité des personnes âgées n’est pas caractéristique de l’épidémie en France, la hausse générale de la mortalité causée par le Covid-19 reste inquiétante.

    A titre de repère, lors de deux des trois épidémies de choléra du XIXe siècle, la mortalité annuelle avait augmenté de 16 %. Les 7,3 % d’augmentation constatés en 2020 sont encore au-dessous, mais au train où l’épidémie pourrait se poursuivre, ils pourraient s’en rapprocher.

    On en déduit souvent que l’espérance de vie va chuter dans une proportion analogue à celle de la hausse de la mortalité. Ce n’est pas le cas. En 2020, les 7,3 % de décès supplémentaires ont entraîné seulement une baisse de 0,55 an, soit six mois et demi. Ce sera le recul le plus important depuis la Libération, mais un recul modeste quand on le compare aux vingt ans d’augmentation de l’espérance de vie depuis 1946.

    Comment 7,3 % de décès supplémentaires entraînent-ils seulement 0,7 % de baisse de l’espérance de vie (0,55 an sur 82,5 ans) ? Cela est dû au niveau élevé des risques annuels de décès des personnes âgées auxquelles il reste donc peu d’années à vivre.

    A 15 ans, le risque annuel de mortalité est de un pour 10 000. A 88 ans, il est de un pour dix, soit mille fois plus. A partir de l’âge de 50 ans, la hausse du risque annuel de décès est rapide et régulière, au rythme d’un accroissement de 12 % d’un âge au suivant. Les 7,3 % d’augmentation des décès en 2020 ne représentent donc que 60 % (12 % divisé par 7,3 %) de l’accroissement des risques de décès d’un âge au suivant.

    Plus un risque est faible, plus il fait peur

    Autrement dit, la conséquence de l’épidémie de Covid-19 aura été de décaler de 0,6 année vers les âges plus jeunes les risques de décès, donc de faire perdre 0,6 année à l’espérance de vie. Par exemple, le risque de décès d’une personne âgée de 75 ans est devenu le même que celui d’une personne de 75,6 ans quand le Covid-19 ne sévissait pas.

    Il est douteux que ce changement soit perceptible, étant donné toutes les autres causes de variation de la mortalité, que ce soit la condition physique, l’environnement, la classe sociale et, il ne faut pas l’oublier, le sexe (l’espérance de vie des femmes est encore supérieure à celle des hommes de 5,9 %, selon l’ Insee).

    Jusqu’ici, on a raisonné en moyenne sans tenir compte de l’observation de l’Insee sur les quatre derniers mois, rappelée au début, selon laquelle l’augmentation de la mortalité de 16 % en moyenne s’est élevée à 19 % au-delà de 75 ans (elle a été de 13 % entre 65 et 74 ans et faible en deçà). Dans le détail, cela signifie que les risques de mortalité ont à peine varié jusqu’à 65 ans. De 65 à 74 ans, au lieu de 0,6 an de décalage, il faut en compter les 13/16es, soit 0,5 an et, après 75 ans, les 19/16es, soit 0,7 an. Le risque de décès couru par une personne de 82 ans l’an passé a donc été le même que celui d’une personne de 82,7 ans en l’absence de l’épidémie de Covid-19, ce qui ne modifie pas les ordres de grandeur déjà fournis.

    Ces calculs nuancent la gravité de l’épidémie. Ils aboutissent à un paradoxe : la crainte engendrée par le virus semble en relation inverse de sa létalité. Mais on sait que plus un risque est faible, plus il peut faire peur car plus il semble injuste à celui qui est frappé alors que presque tous les autres en sortent indemnes. C’est l’une des raisons de la vogue du principe de précaution.

  • « Galvauder la notion de désobéissance civile, c’est l’exposer à toutes les récupérations »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/07/galvauder-la-notion-de-desobeissance-civile-c-est-l-exposer-a-toutes-les-rec

    La « désobéissance civile » est une expression forgée par un siècle de combats au nom de la justice pour tous et de la conquête de nouveaux droits. L’employer à tout propos procède d’une dangereuse équivoque politique, s’inquiète, dans une tribune au « Monde », l’ex-député écologiste Noël Mamère.

    Tribune. La colère et la détresse des cafetiers et restaurateurs, condamnés à l’inactivité par les mesures sanitaires du gouvernement liées au Covid-19, peuvent-elles être qualifiées de « désobéissance civile », comme nous le répètent certains médias ? Ne prennent-ils pas le risque de la confusion, de l’amalgame et, partant, de la manipulation politique en appliquant à une jacquerie – dont on peut comprendre les motifs – une expression forgée par un siècle de combats au nom de la justice pour tous et de la conquête de nouveaux droits ?

    Quel lien peut-on établir entre les grandes figures de la « désobéissance civile non violente », telles que Henry David Thoreau (1817-1862), Gandhi (1869-1948), Martin Luther King (1929-1968), pour ne citer que les plus célèbres, et les manifestations des restaurateurs d’aujourd’hui ? Se battent-ils pour la conquête de nouveaux droits ou pour la seule survie de leur activité ?
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    En procédant à de tels raccourcis, qui ignorent le poids de l’histoire et détournent le sens des mots, les médias et les réseaux sociaux méprisent sans le savoir des générations de militants politiques pour lesquels « désobéir » signifie « faire son devoir » quand il s’agit de répondre à ce que leur dicte leur conscience. Quel qu’en soit le prix. Gandhi et Luther King l’ont payé de leur vie.

    Le « devoir » au cœur de la philosophie de Thoreau

    La « désobéissance civile » s’inscrit en effet dans une longue histoire. Elle commence au XIXe siècle, avec l’Américain Henry David Thoreau, auteur d’un court texte intitulé « la désobéissance civile », écrit après une nuit passée en prison pour avoir refusé de payer ses impôts à l’Etat du Massachusetts, au motif qu’ils finançaient l’esclavage et la guerre américaine au Mexique. « Je conseille de rompre avec l’Etat tant qu’il hésitera à faire son devoir », écrivait-il.

    Le « devoir », au cœur de toute sa philosophie qui va inspirer des générations de désobéissants. Si Thoreau avait eu 20 ans en août 1914, quand les grandes puissances ont déclenché la première boucherie du XXe siècle, il aurait sans doute fait partie des insoumis ou des mutins, en obéissant au « devoir » de sa conscience, contre le « devoir » d’un Etat qui a envoyé toute une génération au cimetière.
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    S’il avait eu 20 ans au moment de la guerre d’Algérie, il serait devenu objecteur de conscience et aurait sans doute appartenu au réseau Jeanson, comme, en son temps, il fut un militant actif de l’« Underground Railroad », ce réseau d’aide aux esclaves fugitifs qui cherchaient à rejoindre le Canada voisin.
    Si Thoreau vivait aujourd’hui, il aurait été…

    Si Thoreau avait eu 20 ans en 1973, il aurait soutenu les femmes indiennes du mouvement Chipko Andolan, qui enlaçaient les arbres pour empêcher l’exploitation commerciale de leurs forêts, il se serait retrouvé aux côtés de la Kenyane Wangari Maathai (1940-2011), Prix Nobel en 2004, qui a passé sa vie à mener des actions de désobéissance civile non violente contre la déforestation, avec son mouvement de « la ceinture verte » et pour le droit des femmes.

    Il militerait avec Extinction Rebellion, ce mouvement international de désobéissance civile non violente né en Angleterre, qui mène des actions pour dénoncer les retards pris par les gouvernements dans la lutte contre le dérèglement climatique. Il serait « faucheur volontaire » d’OGM et aux côtés de Greta Thunberg et des lycéens grévistes du « vendredi pour le climat » qui réveillent nos consciences endormies.
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    On l’aurait vu dans les Alpes, avec Cedric Herrou et tous ces « désobéissants » venant, au nom de leur conscience, en aide aux migrants que nous refusons sur notre sol. Il serait en Méditerranée avec Carola Rackete, la capitaine allemande du « Sea watch 3 », qui a forcé l’interdiction d’accoster des garde-côtes italiens pour sauver 42 migrants épuisés et au bord de la mort…
    Les émeutiers du Capitole sont-ils des « désobéissants » ?

    De Thoreau à aujourd’hui, en passant par Gandhi, Luther King, Vaclav Havel (1936-2011), Rosa Parks (1913-2005) et d’autres plus anonymes, le fil de la désobéissance n’a jamais été rompu. Mais qu’a-t-elle à voir avec celle dont nous parlent aujourd’hui les médias ? Rien. Tant il est vrai que colère et indignation ne puisent pas aux mêmes sources.

    Dans son fameux Indignez vous ! (Indigène éditions, 2010), Stéphane Hessel (1917-2013) écrivait : « Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir motif d’indignation. C’est précieux ». Cette « indignation » qu’il considérait comme un « courant de l’histoire » qui a accouché de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, comme de la Convention européenne des droits de l‘homme, textes à la valeur juridique et morale supérieure aux lois ordinaires.
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    C’est dans ce courant-là qu’il faut situer la désobéissance civile et pas ailleurs. Les cafetiers et restaurateurs, ou d’autres corps de métier, ont le droit d’exprimer leur détresse, mais cette expression ne relève pas de la désobéissance civile. Galvauder cette notion, c’est l’exposer à toutes les récupérations, et procéder ainsi d’une dangereuse équivoque politique qui pourrait conduire à considérer les émeutiers du Capitole comme des « désobéissants » !

    En ces temps où les mots n’ont plus de sens mais seulement des usages au service de ceux qui leur tordent le cou pour la défense de leurs propres intérêts, il nous paraissait nécessaire de procéder à cette mise au point, ne serait-ce qu’en mémoire de toutes celles et ceux qui ont fait leur « devoir ».

    Noël Mamère(Ancien maire de Bègles/ 1989-2017 et député écologiste/1997-2017.)

    #Désobéissance_civile

  • L’oublieuse mémoire coloniale italienne

    Commencée avant le fascisme, galvanisée par Mussolini, la colonisation par l’Italie de la Libye, de la Somalie et de l’Ethiopie fut marquée par de nombreuses atrocités,loin du mythe d’une occupation douce. Longtemps refoulés, ces souvenirs commencent à ressurgir

    Tout commence dans le centre de Rome, sur l’Esquilin, la plus haute des sept collines antiques. Plus précisément dans la cage d’escalier d’un immeuble sans ascenseur, situé à deux pas de la piazza Vittorio. Dans ce quartier à deux pas de la gare Termini, les prix de l’immobilier sont beaucoup plus modestes que dans le reste du centre, si bien que l’Esquilin est devenu, depuis une vingtaine d’années, un lieu de concentration de l’immigration africaine et asiatique, ce qui n’est pas sans provoquer des tensions le squat, occupé depuis 2003 par les militants néofascistes de CasaPound, est juste à côté.

    C’est donc là, en rentrant chez elle, épuisée, dans la touffeur d’une après-midi de fin d’été 2010, qu’Ilaria Profeti se retrouve nez à nez avec un jeune homme arrivé d’Ethiopie par la route des migrants. Dans un italien presque sans accent, celui-ci lui assure, documents à l’appui, qu’il est le petit-fils de son père, Attilio, un homme de 95 ans qui est resté, sa longue vie durant, plus que discret sur ses jeunes années de « chemise noire » fasciste, en Abyssinie.

    Levons toute ambiguïté : la scène qui vient d’être décrite est tout à fait vraisemblable, mais elle est issue d’une oeuvre de fiction. Il s’agit en réalité des premières pages d’un roman, le superbe Tous, sauf moi (Sangue giusto), de Francesca Melandri (Gallimard, 2019), qui dépeint avec une infinie subtilité les angles morts de la mémoire coloniale italienne. Le fil conducteur de la narration est le parcours sinueux d’un vieil homme dont le destin finalement assez ordinaire a valeur d’archétype.

    Issu d’un milieu plutôt modeste, Attilio Profeti a su construire à sa famille une position plutôt enviable, en traversant le mieux possible les différents mouvements du XXe siècle. Fasciste durant sa jeunesse, comme l’immense majorité des Italiens de son âge, il est parti pour l’Ethiopie, au nom de la grandeur impériale. Après la chute de Mussolini et la fin de la guerre, il parviendra aisément à se faire une place au soleil dans l’Italie du miracle économique, jouant de son physique avantageux et de ses amitiés haut placées, et enfouissant au plus profond de sa mémoire le moindre souvenir de ses années africaines, les viols, les massacres, les attaques chimiques. C’est ce passé, refoulé avec une certaine désinvolture, qui revient hanter ses enfants, trois quarts de siècle plus tard, sous les traits d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, arrivé à Rome après une interminable traversée.

    Comme l’héroïne de Tous, sauf moi, Francesca Melandri vit sur l’Esquilin, au dernier étage d’un immeuble à la population mélangée. Et à l’image d’Ilaria, c’est sur le tard qu’elle a découvert ce pan escamoté de l’histoire italienne. « Quand j’étais à l’école, on ne parlait pas du tout de ce sujet-là, confie-t-elle depuis sa terrasse dominant les toits de la ville. Aujourd’hui ça a changé, il y a eu une prise de conscience, et de nombreux travaux universitaires. Pourtant cette histoire n’est jamais rappelée par les médias. Lorsqu’on parle du dernier attentat à la bombe à Mogadiscio, qui se souvient des liens entre Italie et Somalie ? Quand des bateaux remplis de migrants érythréens sont secourus ou coulent avant d’être sauvés, qui rappelle que l’Erythrée, nous l’appelions "l’aînée des colonies" ? »

    Le plus étrange est qu’à Rome, les traces du passé colonial sont légion, sans que personne n’ait jamais pensé à les effacer. Des stèles près desquelles personne ne s’arrête, des bâtiments anonymes, des noms de rue... rien de tout cela n’est explicité, mais tout est à portée de main.

    Comprendre les raisons de cette occultation impose de revenir sur les conditions dans lesquelles l’ « Empire » italien s’est formé. Création récente et n’ayant achevé son unité qu’en 1870, alors que la plus grande partie du monde était déjà partagée en zones d’influence, le royaume d’Italie s’est lancé avec du retard dans la « course » coloniale. De plus, il ne disposait pas, comme l’Allemagne qui s’engage dans le mouvement à la même époque, d’une puissance industrielle et militaire susceptible d’appuyer ses prétentions.

    Visées impérialistes

    Malgré ces obstacles, l’entreprise coloniale est considérée par de nombreux responsables politiques comme une nécessité absolue, à même d’assurer une fois pour toutes à l’Italie un statut de grande puissance, tout en achevant le processus d’unification du pays nombre des principaux avocats de la colonisation viennent de la partie méridionale du pays. Les visées impérialistes se dirigent vers deux espaces différents, où la carte n’est pas encore tout à fait figée : la Méditerranée, qui faisait figure de champ naturel d’épanouissement de l’italianité, et la Corne de l’Afrique, plus lointaine et plus exotique.

    En Afrique du Nord, elle se heurta vite à l’influence française, déjà solidement établie en Algérie. Ses prétentions sur la Tunisie, fondées sur la proximité de la Sicile et la présence sur place d’une importante communauté italienne, n’empêcheront pas l’établissement d’un protectorat français, en 1881. Placé devant le fait accompli, le jeune royaume d’Italie considérera l’initiative française comme un véritable acte de guerre, et la décennie suivante sera marquée par une profonde hostilité entre Paris et Rome, qui poussera le royaume d’Italie à s’allier avec les grands empires centraux d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie plutôt qu’avec sa « soeur latine .

    Sur les bords de la mer Rouge, en revanche, la concurrence est plus faible. La première tête de pont remonte à 1869, avec l’acquisition de la baie d’Assab (dans l’actuelle Erythrée) par un armateur privé, pour le compte de la couronne d’Italie. Cette présence s’accentue au cours des années 1880, à mesure du recul de l’influence égyptienne dans la zone. En 1889, est fondée la colonie d’Erythrée, tandis que se structure au même moment la Somalie italienne. Mais l’objectif ultime des Italiens est la conquête du my thique royaume d’Abyssinie, qui s’avère plus difficile que prévu.

    En 1887, à Dogali, plusieurs centaines de soldats italiens meurent dans une embuscade menée par un chef abyssin, le ras Alula Engida. Cette défaite marque les esprits, mais ce n’est rien à côté de la déconfiture des forces italiennes lors de la bataille d’Adoua, le 1er mars 1896, qui porte un coup d’arrêt durable aux tentatives italiennes de conquête.

    Seul pays africain indépendant (avec le Liberia), l’Ethiopie peut désormais se targuer de devoir sa liberté à une victoire militaire. Le négus Menelik II y gagne un prestige considérable. Côté italien, en revanche, cette défaite est un électrochoc. Ressentie comme une honte nationale, la déroute des troupes italiennes entraîne la chute du gouvernement Crispi et freine durablement l’im périalisme italien.

    Adoua est un tournant. L’historien et ancien sénateur de gauche Miguel Gotor est l’auteur d’une remarquable synthèse sur le XXe siècle italien, L’Italia nel Novecento. Dalla sconfitta di Adua alla vittoria di Amazon (« L’Italie du XIXe siècle. De la défaite d’Adoua à la victoire d’Amazon » Einaudi, 2019, non traduit). Pour lui, c’est là-bas, sur les hauteurs de la région du Tigré, par cette humiliation retentissante, que le XXe siècle italien a commencé.

    L’aventure coloniale italienne s’est ouverte de façon peu concluante, mais l’aspiration à l’empire n’a pas disparu. La décomposition de l’Empire ottoman offrira à Rome une occasion en or, en lui permettant, en 1911-1912, de s’implanter solidement en Cyrénaïque et en Tripolitaine. « Souvent la conquête de ce qui allait devenir la Libye est évacuée un peu vite, mais c’est un moment très important. Pour l’armée italienne, c’est une répétition, un peu comme a pu l’être la guerre d’Espagne, juste avant la seconde guerre mondiale », souligne Miguel Gotor. Ainsi, le 1er novembre 1911, un aviateur italien lâche quatre grenades sur des soldats ottomans, réalisant ainsi le premier bombardement aérien de l’histoire mondiale.

    « La conquête des côtes d’Afrique du Nord est importante, certes, mais la Libye est juste en face de la Sicile, au fond c’est du "colonialisme frontalier". La colonie au sens le plus "pur", celle qui symboliserait le mieux l’idée d’empire, ça reste l’Abyssinie », souligne Miguel Gotor. Aussi les milieux nationalistes italiens, frustrés de ne pas avoir obtenu l’ensemble de leurs revendications territoriales au sortir de la première guerre mondiale, continueront à nourrir le rêve de venger l’humiliation d’Adoua.

    Le fascisme naissant ne se privera pas d’y faire référence, et d’entretenir le souvenir : les responsables locaux du parti se feront appeler « ras », comme les chefs éthiopiens. A partir de la fin des années 1920, une fois le pouvoir de Mussolini solidement établi, les prétentions coloniales deviendront un leitmotiv des discours officiels.

    Aussi la guerre de conquête déclenchée contre l’Ethiopie en 1935 est-elle massi vement soutenue. L’effort est considérable : plus de 500 000 hommes sont mobilisés. Face à un tel adversaire, le négus Haïlé Sélassié ne peut résister frontalement. Le 5 mai 1936, les soldats italiens entrent dans la capitale, Addis-Abeba, et hissent le drapeau tricolore. Quatre jours plus tard, à la nuit tombée, depuis le balcon du Palazzo Venezia, en plein coeur de Rome, Mussolini proclame « la réapparition de l’Empire sur les collines fatales de Rome » devant une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes.

    « C’est bien simple, à ce moment-là, en Italie, il est à peu près impossible d’être anti fasciste », résume Miguel Gotor. Dans la foulée de ce succès, le roi Victor-Emmanuel III est proclamé empereur d’Ethiopie ; Benito Mussolini peut désormais se targuer d’avoir bâti un empire. La faillite d’Adoua avait été causée par un régime parle mentaire inefficace et désorganisé ? La victoire de 1936 est due, elle, aux vertus d’une Italie rajeunie et revigorée par le fascisme. La machine de propagande tourne à plein régime, l’assentiment populaire est à son sommet. « Ce moment-là est une sorte d’apogée, et à partir de là, la situation du pays se dégrade, analyse Miguel Gotor. Ar rivent les lois raciales, l’entrée en guerre... tout est réuni pour nourrir une certaine nostalgie de l’épopée éthiopienne. »

    Mécanisme de refoulement

    Le rêve impérial sera bref : il ne survivra pas à la défaite militaire et à la chute du fascisme. L’Ethiopie est perdue en 1941, la Libye quelques mois plus tard... Le traité de Paris, conclu en 1947, met officiellement un terme à une colonisation qui, dans les faits, avait déjà cessé d’exister depuis plusieurs années. Tandis que l’Ethiopie indépendante récupère l’Erythrée, la Libye est placée sous la tutelle de la France et du Royaume-Uni. Rome gardera seulement une vague tutelle sur la Somalie, de 1949 à 1960.

    Le projet d’empire colonial en Méditerranée et en Afrique, qui fut un des ciments de l’assentiment des Italiens à Mussolini, devient associé pour la plupart des Italiens au régime fasciste. L’un et l’autre feront l’objet du même mécanisme de refoulement dans l’Italie de l’après-guerre. Les dirigeants de l’Italie républicaine font rapidement le choix de tourner la page, et ce choix est l’objet d’un profond consensus qui couvre tout le spectre politique (le premier décret d’amnistie des condamnations de l’après-guerre remonte à 1946, et il porte le nom du dirigeant historique du Parti communiste italien Palmiro Togliatti). Les scènes de liesse de la Piazza Venezia ne seront plus évoquées, et avec elles les faces les plus sombres de l’aventure coloniale. Même la gauche transalpine, qui prendra fait et cause pour les mouvements anticoloniaux africains (notamment le FLN algérien) n’insistera jamais sur le versant italien de cette histoire.

    « Cela n’est pas étonnant, la mémoire est un phénomène sélectif, et on choisit toujours, consciemment ou non, ce qu’on va dire à ses enfants ou ses petits-enfants », remarque le jeune historien Olindo De Napoli (université de Naples-Frédéric-II), spécialiste de la période coloniale. « Durant l’immédiat après-guerre, ce sont les témoins qui parlent, ce sont eux qui publient », remarque l’his torien. Ainsi de la collection d’ouvrages L’Italia in Africa éditée sous l’égide du ministère des affaires étrangères, emblématique de la période. « Ces volumes sont passionnants, mais il y a certains oublis, qui vont vite poser des problèmes. »

    Parmi ces « oublis », la question la plus centrale, qui fera le plus couler d’encre, est celle des massacres de civils et de l’usage de gaz de combat, malgré leur interdiction par les conventions de Genève, lors de la guerre d’Ethiopie. Dans les années 1960, les études pionnières d’Angelo Del Boca et Giorgio Rochat mettront en lumière, documents officiels à la clé, ce pan occulté de la guerre de 1935-1936. Ils se heurteront à l’hostilité générale des milieux conservateurs.

    Un homme prendra la tête du mouvement de contestation des travaux de Del Bocaet Rochat : c’est Indro Montanelli (1909-2001), considéré dans les années 1960 comme le journaliste le plus important de sa géné ration. Plume du Corriere della Sera (qu’il quittera pour fonder Il Giornale en 1974), écrivain d’essais historiques à l’immense succès, Montanelli était une figure tutélaire pour toute la droite libérale.

    Comme tant d’autres, il avait été un fasciste convaincu, qui s’était porté volontaire pour l’Ethiopie, et il n’a pris ses distances avec Mussolini qu’en 1943, alors que la défaite était apparue comme certaine. Ra contant « sa » guerre à la tête d’une troupe de soldats indigènes, Montanelli la décrit comme « de longues et belles vacances », et qualifie à plusieurs reprises d’ « anti-Italiens » ceux qui font état de massacres de civils et d’usage de gaz de combat. La polémique durera des années, et le journaliste sera bien obligé d’admettre, à la fin de sa vie, que les atrocités décrites par Rochat et Del Bocaavaient bien eu lieu, et avaient même été expressément ordonnées par le Duce.

    A sa manière, Montanelli incarne parfaitement la rhétorique du « bon Italien » (« Italia brava gente »), qui sera, pour toute une génération, une façon de disculper l’homme de la rue de toute forme de culpabilité collective face au fascisme. Selon ce schéma, contrairement à son allié allemand, le soldat italien ne perd pas son humanité en endossant l’uniforme, et il est incapable d’actes de barbarie. Ce discours atténuant la dureté du régime s’étend jusqu’à la personne de Mussolini, dépeint sous les traits d’un chef un peu rude mais bienveillant, dont le principal tort aura été de s’allier avec les nazis.

    Ce discours trouve dans l’aventure coloniale un terrain particulièrement favorable. « Au fond, on a laissé s’installer l’idée d’une sorte de colonisation débonnaire, analyse Olindo De Napoli, et ce genre de représentation laisse des traces. Pourtant la colonisation italienne a été extrêmement brutale, avant même le fascisme. En Ethiopie, l’armée italienne a utilisé des soldats libyens chargés des basses oeuvres, on a dressé des Africains contre d’autres Africains. Et il ne faut pas oublier non plus que les premières lois raciales, préfigurant celles qui seront appliquées en 1938 en Italie, ont été écrites pour l’Ethiopie... Il ne s’agit pas de faire en sorte que des enfants de 16 ans se sentent coupables de ce qu’ont fait leurs arrière-grands-pères, il est seulement question de vérité historique. »

    Désinvolture déconcertante

    Malgré les acquis de la recherche, pour le grand public, la colonisation italienne reste souvent vue comme une occupation « douce », par un peuple de jeunes travailleurs prolétaires, moins racistes que les Anglais, qui se mélangeaient volontiers avec les populations locales, jusqu’à fonder des familles. L’archétype du colon italien tombant amoureux de la belle Abyssine, entretenu par les mémoires familiales, a lui aussi mal vieilli. Là encore, le parcours d’Indro Montanelli est plus qu’éclairant. Car aujourd’hui, si sa défense de l’armée italienne apparaît comme parfaitement discréditée, ce n’est plus, le concernant, cet aspect de sa vie qui fait scandale.

    En effet, on peut facilement trouver, sur Internet, plusieurs extraits d’entretiens télévisés remontant aux années 1970 et 1980, dans lesquelles le journaliste raconte avec une désinvolture déconcertante comment, en Ethiopie, il a « acheté régulièrement » à son père, pour 350 lires, une jeune fille de 12 ans pour en faire sa femme à plusieurs reprises, il la qualifie même de « petit animal docile », devant un auditoire silencieux et appliqué.

    Célébré comme une gloire nationale de son vivant, Indro Montanelli a eu l’honneur, à sa mort et malgré ces déclarations sulfureuses, de se voir dédié à Milan un jardin public, au milieu duquel trône une statue de lui. Au printemps 2019, cette statue a été recouverte d’un vernis de couleur rose par un collectif féministe, pour rappeler cet épisode, et en juin 2020, la statue a de nouveau été recouverte de peinture rouge, en lointain écho au mouvement Black Lives Matter (« les vies noires comptent ») venu des Etats-Unis.

    Indro Montanelli mérite-t-il une statue dans l’Italie de 2021 ? La question a agité les journaux italiens plusieurs jours, au début de l’été, avant que la polémique ne s’éteigne d’elle-même. Pour fondée qu’elle soit, la question semble presque dérisoire eu égard au nombre de témoignages du passé colonial, rarement explicités, qui subsistent un peu partout dans le pays.

    Cette situation n’est nulle part plus visible qu’à Rome, que Mussolini rêvait en capitale d’un empire africain. L’écrivaine italienne Igiaba Scego, née en 1974 de parents réfugiés somaliens, y a dédié un passionnant ouvrage, illustré par les photographies de Rino Bianchi (Roma negata, Ediesse, réédition 2020, non traduit).

    Passant par la stèle laissée à l’abandon de la piazza dei Cinquecento, face à la gare Termini, dont la plupart des Romains ignorent qu’elle a été baptisée ainsi en mémoire des 500 victimes italiennes de l’embuscade de Dogali, ou l’ancien cinéma Impero, aujourd’hui désaffecté, afin d’y évoquer l’architecture Art déco qui valut à la capitale érythréenne, Asmara, d’être classée au patrimoine de l’Unesco, la romancière fait une station prolongée devant le siège romain de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), construit pour abriter le siège du puissant ministère de l’Afrique italienne.

    Devant ce bâtiment tout entier dédié à l’entreprise coloniale, Benito Mussolini avait fait ériger en 1937 un obélisque haut de 24 mètres et vieux d’environ seize siècles, ramassé sur site d’Axoum, en Ethiopie. Il s’agissait, rappelle Igiaba Scego, de faire de ce lieu « le centre de la liturgie impériale .

    La république née sur les ruines du fascisme s’était engagée à restituer cette prise de guerre à la suite des traités de 1947, mais après d’innombrables vicissitudes, le monument est resté en place jusqu’en 2003, où le gouvernement Berlusconi choisit de le démonter en trois morceaux avant de le renvoyer à Axoum, à ses frais.

    En 2009, la mairie de Rome a fait installer sur la même place, à deux pas de cet espace vide, une stèle commémorative afin « de ne pas oublier le passé . Mais curieusement, celle-ci a été dédiée... à la mémoire des attentats du 11-Septembre. Comme s’il fallait enfouir le plus profondément possible ce souvenir du rêve impérial et de la défaite, la ville a choisi de faire de ce lieu le symbole d’une autre tragédie. « Pourquoi remuer ces his toires horribles ? Pensons plutôt aux tragédies des autres. Le 11-Septembre était parfait », note, sarcastique, Igiaba Scego.

    A une quinzaine de kilomètres de là, dans le décor grandiose et écrasant du Musée de la civilisation romaine, en plein centre de ce quartier de l’EUR où la mémoire du fascisme est omniprésente, l’ethno-anthropologue Gaia Delpino est confrontée à un autre chantier sensible, où s’entrechoquent les mémoires. Depuis 2017, elle travaille à fusionner en un même lieu les collections du vieux musée ethnologique de Rome (Musée Pigorini) et du sulfureux Musée colonial inauguré en 1923, dont les collections dormaient dans des caisses depuis un demi-siècle.

    D’une fascinante complexité

    Lorsqu’on lui parle de l’odyssée de l’obélisque d’Axoum, elle nous arrête tout de suite : « C’est bien simple : ce qui a été réalisé là-bas, c’est exactement l’inverse de ce qu’on veut faire. » Restituer ces collections dans leur contexte historique tout en articulant un message pour l’Italie d’aujourd’hui, permettre à toutes les narrations et à toutes les représentations de s’exprimer dans leur diversité... L’entreprise est d’une fascinante complexité.

    « Les collections du MuséePigorini ont vieilli bien sûr, comme tous ces musées ethnographiques du XIXe siècle qui véhiculaient l’idée d’une supériorité de la civilisation occidentale. Le Musée colonial, lui, pose d’autres problèmes, plus singuliers. Il n’a jamais été pensé comme autre chose qu’un moyen de propagande, montrant à la fois les ressources coloniales et tout ce qu’on pourrait en tirer. Les objets qui constituent les collections n’ont pas vu leur origine enregistrée, et on a mis l’accent sur la quantité plus que sur la qualité des pièces », expliqueGaia Delpino.

    Sur des centaines de mètres de rayonnages, on croise pêle-mêle des maquettes de navires, des chaussures, des outils et des objets liturgiques... L’accumulation donne le vertige. « Et ce n’est pas fini, nous recevons tous les jours des appels de personnes qui veulent offrir des objets ayant appartenu à leur père ou à leur grand-père, qu’ils veulent nous confier comme une réparation ou pour faire un peu de place », admet l’anthropologue dans un sourire.

    Alors que le travail des historiens peine à se diffuser dans le grand public, où les représentations caricaturales du système colonial, parfois instrumentalisées par la politique, n’ont pas disparu, le futur musée, dont la date d’ouverture reste incertaine pour cause de pandémie, risque d’être investi d’un rôle crucial, d’autant qu’il s’adressera en premier lieu à un public scolaire. « Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que parallèlement à ce difficile travail de mémoire, la population change. Aujourd’hui, dans nos écoles, il y a aussi des descendants de victimes de la colonisation, italienne ou autre. Nous devons aussi penser à eux », précise Gaia Delpino.

    Retournons maintenant au centre de Rome. En 2022, à mi-chemin du Colisée et de la basilique Saint-Jean-de-Latran, une nouvelle station de métro doit ouvrir, dans le cadre du prolongement de la ligne C. Depuis le début du projet, il était prévu que celle-ci soit baptisée « Amba Aradam », du nom de la large artère qui en accueillera l’entrée, appelée ainsi en souvenir de la plus éclatante des victoires italiennes en Ethiopie.

    Ce nom était-il opportun, alors que les historiens ont établi que cette victoire écrasante de l’armée fasciste avait été obtenue au prix de 10 000 à 20 000 morts, dont de nombreux civils, et que les troupes italiennes avaient obtenu la victoire en faisant usage d’ypérite (gaz moutarde), interdit par les conventions de Genève ? Le 1er août 2020, la mairie a finalement fait savoir que la station serait dédiée à la mémoire de Giorgio Marincola.

    Pour le journaliste Massimiliano Coccia, qui a lancé cette proposition avec le soutien de collectifs se réclamant du mouvement Black Lives Matter, « revenir sur notre passé, ce n’est pas détruire ou incendier, mais enrichir historiquement notre cité . Et on peut choisir de célébrer la mémoire d’un résistant italo-somalien tué par les nazis plutôt que celle d’une des pages les plus sombres de l’histoire coloniale italienne.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/05/libye-somalie-ethiopie-l-oublieuse-memoire-coloniale-italienne_6068846_3232.

    #Italie #colonialisme #colonisation #Mussolini #fascisme #Libye #Somalie #Ethiopie #atrocités #occupation_douce #mémoire #mémoire_coloniale #occultation #impérialisme #Corne_de_l'Afrique #baie_d'Assab #royaume_d'Abyssinie #Alula_Engida #bataille_d'Adoua #Menelik_II #Crispi #Adoua #Tigré #Cyrénaïque #Tripolitaine #colonialisme_frontalier #Abyssinie #Haïlé_Sélassié #propagande #traité_de_Paris #refoulement #mémoire #massacres #gaz #Indro_Montanelli #gaz_de_combat #bon_Italien #Italia_brava_gente #barbarie #humanité #lois_raciales #vérité_historique #culpabilité #viol #culture_du_viol #passé_colonial #Igiaba_Scego #monuments #toponymie #toponymie_politique #Axoum #stèle #Musée_Pigorini #musée #Musée_colonial #Amba_Aradam #ypérite #gaz_moutarde #armes_chimiques #Giorgio_Marincola #Black_Lives_Matter

    L’article parle notamment du #livre de #Francesca_Melandri, « #sangue_giusto » (traduit en français par « Tous, sauf moi »
    https://seenthis.net/messages/883118

    ajouté à la métaliste sur le #colonialisme_italien :
    https://seenthis.net/messages/871953

    ping @cede

  • Covid-19 : « Le pari du “trou de souris” d’Emmanuel Macron »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/01/covid-19-le-pari-du-trou-de-souris-d-emmanuel-macron_6068403_3232.html

    Le choix du président de la République, un durcissement des contrôles plutôt qu’un nouveau confinement, est d’abord un acte politique, l’affirmation de la prépotence présidentielle.

    Chronique. Même pas peur ! Pour la deuxième fois de son mandat, Emmanuel Macron a parié dans un contexte qui ne prête pourtant guère à la détente ni au jeu. En chargeant son premier ministre d’annoncer, vendredi 29 janvier, le durcissement des contrôles plutôt que le retour attendu au confinement, le chef de l’Etat savait qu’il allait surprendre et sans doute choquer : quelques jours plus tôt, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, avait préparé les esprits à un reconfinement « très serré », compte tenu de l’évolution de la situation sanitaire.

    La consultation, jeudi, des chefs des groupes parlementaires et, vendredi, des partenaires sociaux, la promesse d’un vote indicatif au Parlement participaient de la dramaturgie ambiante sur fond d’injonctions à agir du corps médical. Au bout du compte, tout le monde a été pris à revers par l’intervention du premier ministre, qui était totalement contre-intuitive. Certes, la situation est sérieuse, mais il existe encore « une chance » d’échapper au pire, a expliqué en substance Jean Castex, pourtant connu pour sa très grande prudence.

    L’opinion publique n’a pas été la seule à être prise à revers. Une partie des ministres qui, derrière Olivier Véran, chargé de la santé, jugeaient le reconfinement inéluctable l’a été tout autant. Et que dire des savants et des « sachants » qui se répandaient sur les ondes et devant les caméras de télévision ces dernières semaines pour clamer que le pays n’aurait pas d’autre solution que de se mettre à l’arrêt : la vitesse de propagation du variant anglais était telle que l’épidémie risquait de devenir rapidement hors de contrôle, au risque de saturer les services d’urgences.

    Le choix d’Emmanuel Macron est d’abord un acte politique, l’affirmation de la prépotence présidentielle, d’autant plus manifeste que c’est son premier ministre qui a dû avaler le morceau. Le message est clair : si l’exécutif est bicéphale, une seule tête commande, celle qui a été ointe par le suffrage universel, celle qui est responsable devant les Français.

    Sur le fil du rasoir
    Il faut remonter à la crise des « gilets jaunes » pour retrouver un pareil quitte ou double. Confronté à la colère du pays, le président de la République avait, le 15 janvier 2019, joué son va-tout sur le grand débat pour tenter d’apaiser la tension. Beaucoup, dans son entourage, avaient tenté de le dissuader de s’exposer directement, car si le dialogue échouait, si le face-à-face se terminait en émeute, si la figure présidentielle vacillait, c’est tout l’Etat qui risquait de s’effondrer. Emmanuel Macron était passé outre. A l’instinct, il avait trouvé « le trou de souris » par lequel s’extraire d’une crise qui menaçait de bloquer son quinquennat et de l’envoyer aux oubliettes de l’histoire.

    #paywall

    • Le pari du « trou de souris » révèle une personnalité prête au risque, ce qui n’est plus si fréquent dans un monde politique qui, confronté à la responsabilité pénale, s’autoprotège. L’ancien associé-gérant de Rothschild, fustigé comme tel au début de son quinquennat, n’a rien perdu de son agilité : si une occasion est à prendre, il faut la saisir. Son attitude tranche avec le principe de précaution qui imprègne désormais une bonne partie du corps administratif. A condition de ne pas devenir hasardeuse, la posture peut rencontrer un écho, notamment à droite, où la suradministration du pays est régulièrement critiquée et où l’atteinte aux libertés publiques est en train de devenir un thème de contestation.

      Le pari du « trou de souris » a tendance à se répéter, car il est devenu le mode de gouvernance d’un quinquennat sur le fil du rasoir, marqué par une succession inédite de crises. A un moment donné, l’impasse est telle que le président de la République n’a pas d’autre solution que de renverser la table pour tenter de retrouver un peu d’air.

      Préparer le rebond

      Dans le cas de la #crise_sanitaire qui dure depuis près d’un an, détruit l’activité, use les nerfs, sape le moral, l’objectif est de rester mobile le plus longtemps possible pour ne pas risquer l’enlisement définitif. A l’Elysée comme à Bercy, le reconfinement dur fait figure d’épouvantail, car il signifie la mise à l’arrêt d’un pays moralement épuisé et de moins en moins solidaire. Après les nombreuses contestations qui ont marqué le mandat, le risque de désobéissance civile n’est pas pris à la légère, au regard des émeutes qui viennent de secouer les Pays-Bas.

      On ne joue cependant pas impunément avec la santé des Français [ah bon, ndc] , c’est la limite de l’exercice. A tout moment, le gouvernement se tient prêt à opter dans l’urgence pour un reconfinement dur, si par malheur les indicateurs devaient s’emballer au point de saturer les hôpitaux. On imagine, alors, le concert des Cassandre sur l’air de « je vous l’avais bien dit ». On entend déjà la pluie de critiques de ceux qui, à droite comme à gauche, sans se mouiller sur le fond, ne cessent de dénoncer la verticalité du pouvoir et le manque de dialogue avec les élus locaux, grande antienne du quinquennat. « On n’y comprend rien ! », clament aujourd’hui les élus en attendant de voir de quel côté la pièce retombe.

      La proximité de l’élection présidentielle, prévue dans moins de quinze mois, n’incite guère à l’indulgence. Les oppositions guettent la faute politique, « le coup raté » du président de la République, l’hubris qui l’aurait poussé à croire que la France pouvait s’exonérer du traitement de choc que s’infligent ses voisins. C’est le propre d’un pari : on peut gagner ou perdre. Le tout est de préparer le rebond, quoi qu’il en coûte.
      Vendredi, le chef de l’Etat ne s’est pas médiatiquement exposé. Il a laissé le premier ministre monter au filet, façon de préserver une petite chance de rebond au cas où le scénario deviendrait franchement noir. Il faudra, alors, inventer une autre histoire.

      #story

    • Covid-19 : l’exécutif fait le pari des vacances scolaires pour ralentir l’épidémie
      https://www.bfmtv.com/politique/covid-19-le-gouvernement-fait-le-pari-des-vacances-scolaires-pour-ralentir-l-

      E.M. semble effectivement avoir pris en compte l’effet cumulatif des couvre-feux et des confinements qui s’enchaînent depuis le mois de mars dernier. Une manière de se protéger contre l’expression d’un ras-le-bol généralisé ? Aux Pays-Bas, au Danemark, en Espagne, ou encore au Liban, les émeutes contre les restrictions sanitaires se sont multipliées ces derniers jours tandis qu’en France, les réseaux sociaux ont vu éclore le hashtag #JeNeMeReconfineraiPas.

      #école #aveu

  • « Les musées sont sans doute les lieux où les interactions humaines et les risques de contamination sont les moins avérés »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/31/les-musees-sont-sans-doute-les-lieux-ou-les-interactions-humaines-et-les-ris

    Un collectif d’amoureux de la culture, parmi lesquels Florence Belkacem, Carla Bruni-Sarkozy ou Elsa Zylberstein, plaident, dans une tribune au « Monde », en faveur d’une réouverture immédiate des musées pour améliorer la santé mentale des Français.

    Tribune. La pandémie nous oblige à limiter les interactions entre personnes, mais pas celles entre les personnes et les œuvres d’art ! Les musées, les expositions et les monuments historiques sont fermés depuis novembre 2020 et un nouveau confinement risque de prolonger de plusieurs semaines voire de plusieurs mois cette impossibilité de voir une œuvre d’art autrement que sur un écran…

    Nous demandons qu’il soit mis fin à ce statu quo mortifère qui attaque de façon insidieuse notre santé mentale et que les lieux patrimoniaux accueillent de nouveau du public. Et ce, dès le mois de février.

    Oh, une tribune de people, comme c’est chic. (Le Monde se rend-il compte du grotesque de ce genre de tribune, ou bien pense-t-il que ça va plaire aux derniers pingouins qui achètent encore le journal.)

    Bon alors je suis très énervé par ce genre de considérations.

    Commencer par écrire qu’« un nouveau confinement risque de prolonger de plusieurs semaines voire de plusieurs mois… », c’est vraiment l’aveuglement du moment. Comme on voit bien que ça ne baisse pas tout seul tant qu’on ne prend pas de mesure pour diminuer drastiquement la circulation du virus, alors rien ne pourra rouvrir. Cet été, à ce rythme, tout sera encore fermé. Ce n’est pas « un nouveau confinement » qui « risque » de prolonger les fermetures : ce qui « prolonge » l’agonie de la société, ça a été la sortie précipitée du pseudo-confinement de novembre pour « sauver Noël » et le refus systématique depuis de prendre des mesures pour réduiraient efficacement les contaminations.

    C’est le gros problème de ces pressions corporatistes : prétendre qu’on ne se contamine pas « dans ce lieu spécifique », donc ça on doit rouvrir sans attendre, éventuellement en prenant quelques vagues mesures supplémentaires de jauge et de surveillance, et puis zut pour le reste. Ça consiste donc uniquement à transférer la merde sur quelqu’un d’autre, en permettant au gouvernement de ne jamais prendre les mesures efficaces pour sérieusement réduire les contaminations.

    Et en mettant bout à bout toutes ces tribunes, on se rend bien compte qu’il n’y a rigoureusement aucun lieu ou situation où l’on pourrait transmettre cette saloperie de virus. (C’est la magie du Covid.)

    Cette logique de fermer « le moins possible » à court terme, ça revient à faire en permanence des « arbitrages » : si on s’autorise 0.1 de plus de R_effectif avec telle activité, alors il faut récupérer 0.1 ailleurs. On prétend rouvrir les universités un jour par semaine, sans prendre aucune des mesures techniques (capteurs, aération…) réclamées par tout le monde, alors il faut fermer les magasins des centres commerciaux en plein milieu des soldes. On ouvre les « petits » commerces, parce que c’est Noël, alors on interdit le réveillon. On entasse les gens dans les transports en commun pour aller bosser, mais on confine tout le monde à 18 heures. On laisse les enfants aller à l’école et à la cantine, mais on interdit toutes les sorties scolaires. On laisse les entreprises organiser comme elles veulent le télétravail, mais on interdit toutes les activités des enfants et on ferme les salles de sport. Et c’est comme ça ad lib.

    C’est même la principale activité du gouvernement et de ses ministres depuis un an : négocier qui « gagne » un peu de relâchement du R_effectif dans son domaine, au détriment de quel autre ministère qui va devoir restreindre telles activités pour compenser.

    Tant qu’on ne prend pas des mesures sérieuses pour faire beaucoup baisser la circulation du virus (situation qu’on avait quasiment « gagnée » après le premier confinement, ce qui avait permis de retrouver une vie quasiment normale l’été), on restera à ces petits rééquilibrages, mais il sera rigoureusement impossible d’envisager des réouvertures généralisées. Même les investissements dans des capteurs et des aérateurs dans les collèges et universités, ça ne serait viable qu’à la condition de nettement réduire les contaminations en amont. Avec ce petit jeu de rouvrir un truc pour limiter ailleurs pour complaire à tel lobby professionnel ou telle tribune de people dans le journal, tout ce qu’on fait, c’est de maintenir la mortalité à un A340 par jour, et on se condamne à ne pas pouvoir redémarrer la moindre activité impliquant des contacts entre les gens.

    Un effet de la multiplication de ces tribunes sectorielles, c’est qu’elles tendent à rendre totalement illégitime ces arbitrages, en promouvant le « whataboutism » (de façon systématique : pourquoi on restreint cette activité spécifiquement, alors qu’on peut citer plein d’autres activités qui sont tout autant responsables des contaminations) ; alors même que le principe même de ces tribunes est que l’on reste dans une situation collective qui rend ces arbitrages inévitables.

    Alors les musées, oui ça me fait chier que ce soit fermé, parce que ce sont mes principaux clients, et qu’en ce moment, il n’y a plus aucune commande d’écrans tactiles parce qu’il n’y a plus d’expos organisées, ou que les expos prévues, c’est un peu à l’économie parce que personne ne sait si elles auront réellement lieu, ou si ce sera reporté aux calendes grecques… (Pour l’instant, ça va on a du travail sur des sites Web, mais la visibilité pour la suite, hé ben on sait pas.)

    Ce genre de tribune, à revient à écrire : « Rouvrons notre truc maintenant, ça soulagera la population des autres restrictions, et ça nous évitera de prendre des mesures fortes pour réduire la circulation du virus – mesures efficaces qui sont présentées, d’entrée de jeu et sans voir la contradiction, comme “prolongeant” les fermetures, alors que c’est au contraire l’absence de mesures sérieuses qui prolonge l’agonie de ces secteurs –, et puis si nous on rouvre grâce à notre lobbying, tant pis si tous les autres restent fermés jusqu’en février 2022. »

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    Et toujours ces considérations sanitaires totalement approximatives, sur la base d’une photo d’une salle immense et vide d’un des plus grands musées du monde : le Louvre.

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    Et puis merde, c’est quoi l’impression que ça donne, alors que tout le monde en chie et se prépare à en chier encore plus, de lire dans le Monde une tribune signée par « un collectif d’amoureux de la culture », « Florence Belkacem, Carla Bruni-Sarkozy ou Elsa Zylberstein », pour demander spécifiquement la réouverture des musées « pour améliorer la santé mentale des Français » ?

  • Vaccins : l’UE instaure un contrôle des exportations, l’OMS dénonce
    https://www.voaafrique.com/a/vaccins-l-ue-instaure-un-contr%C3%B4le-des-exportations/5757108.html

    Même si à la Commission, on se défend de viser une entreprise en particulier, le mécanisme est introduit sur fond de vif différend entre l’UE et le laboratoire suédo-britannique AstraZeneca, qui a annoncé réduire de trois-quarts ses livraisons de vaccins aux Vingt-Sept en raison d’un problème de « rendement » sur une usine en Belgique.

    L’argument ne convainc guère Bruxelles. L’UE rappelle que le contrat signé supposait une production sur quatre usines (deux dans l’UE et deux au Royaume-Uni), et que des difficultés sur le seul site belge incriminé ne peuvent expliquer l’ampleur des retards.

    D’autant que le contraste est flagrant avec sa promesse de fournir 2 millions de doses hebdomadaires au Royaume-Uni, où la campagne de vaccination continue de prendre de l’ampleur.

    #Vaccins anti-Covid : l’UE renonce à inclure l’Irlande du Nord dans ses contrôles d’exportations
    https://www.france24.com/fr/europe/20210130-vaccins-anti-covid-l-ue-renonce-%C3%A0-inclure-l-irlande-du-nord-

    Le #Royaume-Uni importe les vaccins anti-Covid de Pfizer et BioNTech d’une usine en Belgique.

    L’#UE a par ailleurs réclamé au laboratoire AstraZeneca de recourir à la production d’usines situées au Royaume-Uni pour fournir les doses promises aux Vingt-Sept.

    Cela pourrait affecter le programme de vaccination des autorités britanniques qui ont autorisé depuis plusieurs semaines ce vaccin, approuvé vendredi par le régulateur européen.

    #Guerre du vaccin : cessez le feu !
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/30/guerre-du-vaccin-cessez-le-feu_6068208_3232.html

    Il est déplorable que des intérêts politiques et des rivalités géopolitiques prennent le pas sur l’enjeu que personne ne devrait perdre de vue : vacciner le maximum de gens, en Europe et dans le reste du monde. C’était l’objectif initial de l’UE, qui voyait dans le vaccin un « bien commun mondial ». Il est temps d’y revenir, avec une coopération sans arrière-pensées entre gouvernements et industrie pharmaceutique.

  • « Il nous faut prendre garde à l’empilement des structures d’expertise, qui peut mettre à mal le programme national de vaccination »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/29/il-nous-faut-prendre-garde-a-l-empilement-des-structures-d-expertise-qui-peu

    François Bourdillon, ancien directeur de Santé publique France, considère, dans une tribune au « Monde », que le millefeuille institutionnel mis en place a généré des dysfonctionnements dans la campagne de vaccination.

    Tribune. L’épidémie de Covid-19 flambe. Depuis plusieurs mois, nous comprenons que nous aurons du mal à réguler l’épidémie avec les seules mesures de confinement et de distanciation, et les mesures barrières. Dans ce contexte, le vaccin apparaît comme un moyen de sortir de la crise, car il est supposé protéger les personnes les plus fragiles : les plus âgées et celles atteintes de comorbidités. La priorité est aussi donnée aux professionnels de santé : très exposés au virus, ils doivent être vaccinés pour réduire les risques de transmission nosocomiale, préserver l’accès aux soins et pour l’exemplarité puisque l’on sait que la vaccination du monde médical crée un très fort effet d’entraînement en faveur de la vaccination.

    Pour répondre à la pandémie, le gouvernement a fait le choix de s’appuyer sur un conseil scientifique. En outre, pour les questions relatives à la vaccination, il a mis en place un comité vaccin, un comité d’orientation de la stratégie vaccinale et une task force interministérielle pour les questions de logistique. Il dispose, de manière institutionnelle, d’un réseau d’agences spécialisées, dont les missions d’expertise et les champs d’action sont définis par la loi : la Haute Autorité de santé (HAS), autorité indépendante, contribue par ses recommandations à l’élaboration de la politique de vaccination. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) apporte son expertise pour la partie réglementaire et de pharmacovigilance ; et Santé publique France (SPF) intervient sur le champ de ses missions : surveillance, prévention et établissement pharmaceutique (approvisionnement et délivrance). La direction générale de la santé, enfin, élabore des « guides » pour aider à la mise en place de la vaccination en fonction des populations prioritaires. Les décisions sont prises en conseil de défense sanitaire, présidé par le président de la République, dont le mode opératoire est tenu secret. Il est vrai que l’enjeu est de taille, tant la vaccination est attendue. Cependant, ce millefeuille inquiète et pourrait, selon certains, être à l’origine des nombreux dysfonctionnements observés dans la conception et la mise en œuvre de la campagne vaccinale.

  • Ils ont dû phosphorer, au Monde, pour accoucher de ce titre : Covid-19 : face aux variants, l’exécutif fait le pari de ne pas recourir à nouveau au confinement
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/30/covid-19-face-aux-variants-l-executif-fait-le-pari-de-ne-pas-recourir-a-nouv

    Moi j’aurais au moins titré « face aux variants, le gouvernement ne fait rien », mais ça aurait pu donner une image négative du gouvernement.

    La trouvaille, c’est d’écrire « fait le pari », qui indique une décision courageuse de la part du gouvernement (avec « pari », on est dans le disruptif, coco, pas comme nos voisins allemands qui gèrent le truc sans prendre de risques…). Alors que le sens réel de la phrase, c’est qu’il n’y a ni action ni décision de la part du gouvernement (« ne pas recourir… »).

    « La REM : le courage de laisser mourir les gens »

    • Oui, mais les titres sont souvent plus propagandistes que les articles. Celui-ci laisse voir que c’est un pari intenable et perdu, une autre raconte que c’est le rescapé du covid Le Maire (l’économie) qui a eu le dernier mot.

      [Macron] vient à nouveau d’assumer une décision périlleuse. Contre toute attente [...] veut croire que l’épidémie peut rester sous contrôle sans imposer aux Français de nouvelles contraintes majeures.
      En conséquence, le chef du gouvernement n’avait pas grand-chose à annoncer lors de sa brève allocution télévisée, prononcée depuis l’Elysée, si ce n’est des « mesures complémentaires ».

      [M....] temporisait depuis une semaine afin de trouver le bon dosage entre mesures restrictives et maintien d’une activité économique et sociale. Avec un objectif : ne pas hérisser des Français que les sondages décrivent de plus en plus rétifs aux restrictions de libertés. Un souci décuplé par les images d’émeutes ou de manifestations dans d’autres pays européens.

      L’exécutif s’expose surtout à de sévères critiques des scientifiques. Depuis plusieurs jours, de nombreux médecins réclament un nouveau confinement, voire une fermeture des écoles, en pointant les risques d’une propagation très forte de l’épidémie, comme au Royaume-Uni. Arnaud Fontanet, épidémiologiste membre du conseil scientifique, avait notamment souligné que l’Angleterre et l’Irlande « n’ont réussi à contrôler le variant qu’à partir du moment où ils ont fait un confinement strict, comme on a connu en France au mois de mars [2020] ».

      « Si nous continuons sans rien faire de plus, nous allons nous retrouver dans une situation extrêmement difficile, comme les autres pays, dès la mi-mars », prévenait pour sa part, dimanche 24 janvier, le président du conseil scientifique, Jean-François Delfraissy. Mais Emmanuel Macron ne veut pas rester enfermé dans le carcan sanitaire. En mai 2020, déjà, il avait poussé en faveur d’un déconfinement rapide malgré les réticences des scientifiques et de son gouvernement.
      Jean Castex, partisan d’une ligne dure sur le plan sanitaire [sic, si c’était une série, ce serait le gars qui veut se racheter du déconfinement et de toute la suite, pour faire de l’audimat], doit donc en rabattre sur ses ambitions. Ses annonces de vendredi ont été expédiées en tout juste cinq minutes, sans entrain ni réel exercice de pédagogie.

      #média #récit #drametechnocratiquàlafrançaise

    • Le même journal qui a publié il y a 3 jours cette analyse : si le premier confinement avait été appliqué une semaine plus tôt, cela aurait évité 13 000 morts ; s’il avait été appliqué une semaine plus tard, il y aurait eu 53 000 morts de plus.

      Covid-19 : plus les mesures de lutte contre l’épidémie sont prises tôt, plus elles sont efficaces
      https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/01/27/covid-19-plus-les-mesures-de-lutte-contre-l-epidemie-sont-prises-tot-plus-el

      Selon leurs calculs, l’application du confinement national sept jours plus tôt aurait permis un gain significatif tant en matière de pression sur le système hospitalier que de mortalité. Ainsi, un confinement au 10 mars aurait abouti à un pic en réanimation à moins de 1 500 lits, nettement inférieur aux 7 019 lits de réanimation occupés le 8 avril. Et une meilleure anticipation aurait abouti à environ 13 300 morts en moins au printemps.

      A contrario, un confinement appliqué une semaine plus tard (le 24 mars) aurait eu des effets catastrophiques. Les chercheurs estiment que le pic en réanimation aurait atteint plus de 32 000 lits, ce qui dépasse de très loin les capacités hospitalières françaises. La surmortalité par rapport au bilan humain constaté au printemps aurait été de presque 53 000 vies perdues.

    • Chez LCI, choix exactement inverse : au lieu de « faire le pari », c’est « la prudence » :
      https://www.lci.fr/politique/video-pas-de-reconfinement-la-prudence-de-macron-2176970.html

      « La REM : la prudence de laisser mourir les gens »

      (Et pour ne pas changer, un surnuméraire de 78 ans ne porte pas de masque dans un lieu clos, parce que place aux jeunes !)

    • La semaine qui s’ouvre s’annonce donc cruciale. Si l’épidémie ne flambe pas au cours des prochains jours, une petite chance existe d’éviter un reconfinement dur : les vacances d’hiver qui démarrent le 6 février en zone A et se terminent le 1er mars en zone C contribueront ensuite à limiter les brassages, notamment dans les écoles. Tel est le pari de l’exécutif. A l’examen, il ne paraît pas si fou. Il aurait en revanche mérité d’être mieux explicité, car le citoyen a plus que jamais son mot à dire : une grande partie du combat se joue au quotidien dans le respect des gestes barrières. Il n’est jamais trop tard pour le rappeler. ( Le Monde, édito)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/01/covid-19-une-semaine-cruciale_6068357_3232.html

      Les média (jusqu’à France infos) finissent par évoquer le rôle de l’#école dans la contagion. Le Monde se garde de le faire explicitement et a publié le 28 janvier « Les [...] pédiatres opposés à la fermeture des écoles en cas de troisième confinement »

  • Pour ce chercheur de Harvard, c’est bien un vaisseau extraterrestre qui est venu nous voir en 2017
    https://www.ouest-france.fr/sciences/espace/pour-ce-chercheur-de-harvard-c-est-bien-un-vaisseau-extraterrestre-qui-

    En 2017, le passage d’un étrange corps céleste dans notre système solaire, baptisé Oumuamua (« le messager » en hawaïen), a mis les astronomes en émoi. À tel point que certains y ont vu l’émanation d’une vie extraterrestre. Une thèse évidemment controversée, mais qu’un scientifique réputé, Avi Loeb, défend toujours dans un ouvrage publié jeudi 28 janvier. Avec quelques arguments.

    « Si j’ai raison, c’est la plus grande découverte de l’histoire de l’humanité »​, avertit carrément Avi Loeb, directeur du département d’astronomie de l’Université de Harvard. La phrase claque sur le bandeau publicitaire rouge posé par l’éditeur français, Le Seuil, sur la couverture du livre, intitulé Le premier signe d’une vie intelligente extraterrestre.

    Un ouvrage publié jeudi 28 janvier partout dans le monde et consacré à Oumuamua, cet étrange objet en forme de cigare rougeâtre qui a traversé notre système solaire à toute vitesse, en 2017.

    Repéré le 19 octobre de cette année-là par le télescope Pan-Starrs1 à Hawaï, Oumuamua (qui signifie « le messager » en hawaïen) mesure 400 mètres de longueur et 40 mètres de largeur. Sa vitesse est si élevée qu’il ne peut provenir que d’une étoile distante – en l’occurrence Vega. Et surtout, c’est le premier corps céleste détecté venant d’un autre système stellaire.

    Une accélération bizarre et une forme insolite

    Question : comment qualifier cet étrange objet ? C’est un astéroïde affirment d’abord les astronomes. Avant qu’une équipe de l’Agence spatiale européenne estime qu’il s’agit plus probablement d’une comète venue de très loin.

    Mais ces deux hypothèses laissent quelques chercheurs sur leur faim. À commencer par Avi Loeb, donc, directeur de l’Institut de théorie et de calcul (ITC) du Centre d’astrophysique Harvard-Smithsonian et spécialiste des trous noirs. Selon lui, ces hypothèses ne permettent pas d’expliquer l’accélération de ce corps céleste, ni sa forme insolite, ni le fait qu’il n’ait dégagé aucune traînée – gaz ou poussières – en passant à proximité du Soleil.

    Avec un jeune associé de recherche, Shmuel Bialy, Avi Loeb publie alors un article dans la très sérieuse revue Astrophysical Journal Letters, avançant la théorie que Oumuamua ne peut être qu’une sonde propulsée par une civilisation extraterrestre.

    Leur publication est évidemment vivement critiquée. Aujourd’hui, écrit Avi Loeb dans son livre, « le débat se prolonge faute de preuves tangibles » et « quoi que l’on finisse par conclure au sujet de Oumuamua, force est de constater qu’il a été, et demeure, une anomalie en soi ».

    De curieux et surprenants mouvements saccadés

    En 270 pages, le physicien américano-Israélien expose ses hypothèses sur « ce premier visiteur interstellaire jamais identifié » et « explore la question de savoir si nous sommes seuls dans l’Univers », expliquent les éditions du Seuil.

    « Il nous faut garder l’esprit ouvert sur les possibilités de ce qui existe dans l’espace – en particulier la vie. Sinon, nous pourrions rater quelque chose d’étonnant, comme les responsables de l’Église du XVIIe siècle qui ont refusé de regarder à travers le télescope de Galilée. »

    Il est vrai qu’Oumuamua n’a rien de commun. Il a ainsi montré aux télescopes du monde entier de curieux et surprenants mouvements saccadés alors qu’il quittait notre système solaire.

    Certains astronomes ont alors conclu que ce corps céleste était une comète « étrange »​, accélérée, bousculée par des jets de gaz qui devaient s’évaporer à sa surface – sauf qu’aucun gaz de ce type n’a été détecté. Et qu’un curieux manteau organique nappe sa surface.

    Comme le raconte le New York Times , il est vrai que Loeb, élevé dans une ferme en Israël, fils de réfugiés de l’Holocauste et d’une Europe déchirée par la guerre, est l’un des scientifiques les plus imaginatifs de notre temps.

    Il écrit fréquemment pour Scientific American et sur un large éventail de sujets – de la cosmologie aux trous noirs en passant par l’opportunité d’inspecter les atmosphères des exoplanètes à la recherche de signes de pollution industrielle ou même de guerre nucléaire.

    Il est aussi président de la Black Hole Initiative, à Harvard, et président du comité consultatif scientifique de Breakthrough Starshot, un projet visant à envoyer de minuscules sondes à Alpha Centauri (système stellaire et planétaire le plus proche du système solaire), propulsées à un cinquième de la vitesse de la lumière par des voiles solaires.

    Rechercher des « bio-signatures »

    Ces voiles solaires n’ont rien d’une ineptie : voilà plus de trente ans que les scientifiques les plus sérieux construisent des prototypes d’objets mus par le vent solaire et ses photons.

    Plusieurs engins de petite taille, destinés à mettre au point les systèmes de déploiement et de contrôle d’orientation de ces voiles, ont été placés en orbite ou sont en cours de développement : Ikaros (173 m²) de l’agence spatiale japonaise, lancé en 2010, ou Sunjammer, voile solaire de 1 200 m² dont le développement a été conduit par la Nasa jusqu’en 2014.

    Pour Avi Loeb, les caractéristiques lumineuses et les capacités d’accélération d’Oumuamua à son passage au sein de notre système solaire plaiderait en faveur d’une sonde mue par la même énergie.

    La science académique moderne, se plaint-il, a surévalué des sujets tels que les univers multiples, pour lesquels il n’y a aucune preuve, et sous-évalué la recherche de la vie dans l’espace, « non seulement sous la forme de signaux radio extraterrestres, mais sous la forme de produits chimiques, de bio-signatures », ou même « des artefacts technologiques, comme Oumuamua »​. Il milite pour aller au-delà de la quête d’une vie microbienne sur Mars, objectif de la mission Perseverance de la Nasa.

    Et Loeb, cité par le New York Times, de poser cette conclusion douce-amère : « Dès que nous saurons que nous ne sommes pas seuls, que nous ne sommes pas la civilisation la plus avancée à avoir jamais existée dans le cosmos, nous comprendrons que nous aurons dépensé plus d’argent pour développer les moyens de détruire la vie sur notre planète qu’il n’en aurait coûté pour la préserver. »

    Et là, nul besoin de venir de l’autre bout de l’Univers ou de croire à l’existence d’E.T. pour apprécier la justesse de son analyse.

    https://media.ouest-france.fr/v1/pictures/MjAyMTAxNDQ1NzhkZTY2NjJhMzM5ZDZkZjJhMmFmNmI1MzE5OWQ?width=1260&fo

    • (2017 : le manteau en carbone)
      https://www.ouest-france.fr/sciences/espace/oumuamua-le-mysterieux-messager-interstellaire-porte-un-curieux-manteau

      Oumuamua, l’étrange corps céleste en forme de cigare venu d’un autre système stellaire, est protégé par un manteau fait de matériau organique riche en carbone. C’est ce qu’ont révélé les astronomes qui l’étudient alors que ce « messager » passe au sein de notre système solaire.

      Décidément, l’étrange « messager » (c’est la signification de son nom, Oumuamua, en langue hawaïenne) venu des confins de l’espace n’en finit pas d’intriguer les scientifiques. D’abord parce que c’est la première fois que l’on parvient à détecter un objet interstellaire en « visite » dans notre système solaire. D’où l’enthousiasme de la communauté des astronomes qui est parvenue à établir l’origine extrastellaire de l’objet en observant son orbite. Ensuite parce que sa couleur et sa composition restent mystérieuses.

      Repéré le 19 octobre par le télescope Pan-STARRS1 situé à Hawaï, Oumuamua, lors de son passage récent au plus près du Soleil, n’a montré aucun signe d’activité cométaire.

      Il navigue depuis des milliards d’années

      Les comètes sont composées de glace, de matériaux organiques et de roches. Leur orbite est très elliptique et, lorsqu’elles se rapprochent du Soleil, les glaces se transforment en gaz. Le mélange de gaz et de poussières éjecté forme la « chevelure » de la comète.

      Dans une étude publiée dans la revue scientifique Nature le 20 novembre, une équipe de chercheurs a estimé qu’Oumuamua était en fait un astéroïde, fait de roches et de métaux. Long de 400 mètres sur 40 de large seulement, il pourrait avoir été éjecté de son étoile hôte lors d’événements chaotiques il y a des milliards d’années.

      Oumuamua a été classifié comme un astéroïde interstellaire et s’est vu attribuer le nom scientifique de 1I/2017 U1 (I pour interstellaire).

      Un manteau d’au moins 50 cm d’épaisseur

      Dernier étonnement en date : lundi, dans la revue Nature Astronomy, une équipe de chercheurs estime que l’objet pourrait encore avoir un intérieur glacé. Ces astronomes ont établi qu’Oumuamua serait recouvert d’un « manteau » protecteur d’au moins 50 centimètres d’épaisseur, fait de matériau organique riche en carbone.

      « Ce manteau isolant pourrait avoir été formé par des réactions entre la surface originelle de l’objet, faite d’un matériau riche en glace et en carbone, et le bombardement par des rayons cosmiques pendant des millions ou des milliards d’années », déclare Alan Fitzsimmons, de l’Université Queen’s de Belfast.

      Ce revêtement aurait pu protéger un intérieur encore riche en glace de l’objet céleste, d’une évaporation lors de son passage près du Soleil.

      « Une composition interne glacée ne peut donc pas être exclue », en dépit de l’absence d’activité de l’objet lors de son passage près du Soleil, souligne l’étude.

      Une grande première

      Les astronomes estiment qu’un astéroïde interstellaire similaire à Oumuamua passe à l’intérieur du système solaire environ une fois par an. Mais on n’avait encore jamais réussi à en détecter un.

      De son côté, le programme Breakthrough Listen, dédié à la recherche d’une vie intelligente extraterrestre, a braqué la semaine dernière le puissant radiotélescope de Green Bank (Virginie-Occidentale) sur Oumuamua. « Il n’a pas été mis en évidence de signaux artificiels émanant de cet objet jusqu’à présent […] mais la surveillance et l’analyse des données se poursuivent », a annoncé jeudi dernier Breakthrough Listen.

      Les chercheurs vont poursuivre leurs observations de l’objet.

    • https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/pourquoi-la-recherche-sur-la-vie-extraterrestre-nest-elle-pas-prise-au

      C’est un essai bien à part dans la recherche en astronomie : « Premier signe d’une vie intelligente extraterrestre » du physicien renommé Avi Loeb, paraît en France (Seuil). Sujet très sérieux mais aussi très critiqué : pourquoi la recherche sur la vie extraterrestre n’est-elle pas prise au sérieux ?

      En 2017, un objet interstellaire est passé près du Soleil et nous révélait des caractéristiques encore inconnues… Trois ans plus tard, Avi Loeb, un physicien de renom autrefois directeur du département d’astronomie à Harvard, y consacre un essai : Premier signe d’une vie intelligente extraterrestre (Seuil).

      Sujet très sérieux mais aussi très critiqué, ce phénomène astronomique inédit serait la preuve, pour le physicien américain, qu’une civilisation intelligente est partie avant nous à la recherche de la vie dans l’univers…

      Intervenants

      Christophe Galfard
      physicien et écrivain

    • Faut-il y voir l’oeuvre d’une civilisation extraterrestre ? Le SETI est justement revenu sur cette délicate question dans une déclaration récente. L’institut reconnaît ainsi l’étrangeté du signal, mais il a également tenu à remettre la découverte dans son contexte et à rappeler que BLC1 était un candidat, et non un signal confirmé.

      Micka vous en parlait dans cet autre article évoqué un peu plus haut, mais de nombreux chercheurs pensent que le signal repéré pourrait avoir été produit… par la Terre.

      Nos équipements génèrent en effet de nombreux signaux radio et ces derniers ne restent pas sagement sur la Terre. Ils rayonnent en effet vers l’espace, à un point tel qu’ils ont même fini par former un cocon invisible autour de notre monde.

      Dans le communiqué publié par le SETI, Franck Marchis, l’astronome planétaire sénior de l’institut, rappelle ainsi qu’il est parfaitement possible que le signal capté par le Breakthrough Listen provienne en réalité de la Terre – et même qu’il s’agit de l’explication la plus probable.

      https://www.fredzone.org/signal-proxima-centauri-seti-443

    • Ce qui m’étonne toujours un peu, quand je lis les articles sur le sujet, c’est l’incapacité à imaginer autrement qu’à travers nos technologies. Pourtant on en connait les limites. Voiles solaires comme ondes radios par exemple. Avec une voile solaire on pense pouvoir un jour atteindre 1/6ème de la vitesse de la lumière. Ce qui permet d’aller sur Proxima Centauri B en 20 ans. Les ondes radios elles, mettent 4 ans pour y parvenir. Ce qui veut dire qu’au mieux on peut y envoyer une sonde automatisée et intelligente capable d’éviter les obstacles et calculer sa route toute seule vers la naine rouge Proxima Centauri, puis la planète Proxima B une fois arrivée autour du système à trois soleils, Alpha Centauri.

      Mais le hic, c’est qu’on n’en saura rien avant 4 ans. C’est surtout pour ces raisons que seuls quelques doux-dingues en rêvent encore. On peut imaginer facilement que si il existe une vie sur cette planète et qu’elle a atteint notre niveau technologique, la situation soit identique. Ou alors les doux-dingues y sont au pouvoir. Et ça craint car potentiellement ils ne sont peut-être pas si doux mais beaucoup plus dingues.

    • Mais le hic, c’est qu’on n’en saura rien avant 4 ans. C’est surtout pour ces raisons que seuls quelques doux-dingues en rêvent encore. On peut imaginer facilement que si il existe une vie sur cette planète et qu’elle a atteint notre niveau technologique, la situation soit identique. Ou alors les doux-dingues y sont au pouvoir. Et ça craint car potentiellement ils ne sont peut-être pas si doux mais beaucoup plus dingues.

      Et, deuxième effet « kiss cool de dingue », c’est que pour nous faire croire que « l’esprit pionnier » est la seule voie de salut vers un « avenir radieux », les grandes firmes et celles ou ceux qui les financent dépensent un « pognon de dingue » ...

    • un texte (googletraduit) de Avi Loeb Dans Scientific American du 21 janvier dernier

      Why Do We Assume Extraterrestrials Might Want to Visit Us ? - Scientific American
      https://www.scientificamerican.com/article/why-do-we-assume-extraterrestrials-might-want-to-visit-us

      Pourquoi supposons-nous que les extraterrestres pourraient vouloir nous rendre visite ?

      Il est présomptueux de supposer que nous méritons une attention particulière de la part des espèces avancées de la Voie lactée. Nous pouvons être un phénomène aussi inintéressant pour eux que les fourmis le sont pour nous ; après tout, lorsque nous marchons sur le trottoir, nous examinons rarement, voire jamais, toutes les fourmis sur notre chemin.

      Notre soleil s’est formé à la fin de l’histoire de la formation des étoiles de l’univers. La plupart des étoiles ont des milliards d’années de plus que les nôtres. Tellement plus vieux, en fait, que de nombreuses étoiles semblables au soleil ont déjà consommé leur combustible nucléaire et se sont refroidies en un reste compact de la taille de la Terre connu sous le nom de naine blanche. Nous avons également appris récemment que de l’ordre de la moitié de toutes les étoiles semblables au soleil hébergent une planète de la taille de la Terre dans leur zone habitable, ce qui permet l’eau liquide et la chimie de la vie.

      Puisque les dés de la vie ont été lancés dans des milliards d’autres endroits de la Voie lactée dans des conditions similaires à celles de la Terre, la vie telle que nous la connaissons est probablement courante. Si tel est effectivement le cas, certaines espèces intelligentes pourraient bien avoir des milliards d’années d’avance sur nous dans leur développement technologique. Lorsqu’elles évaluent les risques liés aux interactions avec des cultures moins développées comme la nôtre, ces civilisations avancées peuvent choisir de s’abstenir de tout contact. Le silence qu’implique le paradoxe de Fermi (« Où est tout le monde ? ») Peut signifier que nous ne sommes pas les biscuits les plus dignes d’attention du pot.

      Comme première approximation de ce à quoi les humains ressemblent, il est raisonnable de regarder le miroir. Cette approche repose sur l’hypothèse banale que chacun de nous partage une ascendance génétique commune avec toutes les personnes. Mais ce n’est peut-être pas le cas pour la vie qui s’est développée indépendamment sur d’autres planètes. Par exemple, les animaux et la végétation de l’exoplanète habitable la plus proche, Proxima Centauri b, pourraient être terriblement différents de ceux de la Terre. En particulier, les animaux pourraient posséder des yeux étranges, optimisés pour détecter le rayonnement infrarouge émis par Proxima Centauri, une étoile naine avec la moitié de la température de surface du soleil.

      Étant donné que Proxima b est 20 fois plus proche de son étoile que la Terre ne l’est du soleil, nous nous attendons à ce qu’elle soit verrouillée, montrant à tout moment le même visage à son étoile, car la lune nous montre toujours le même visage. Les espèces résidant sur son côté permanent permanent peuvent être complètement différentes de celles de sa nuit plus froide, présentant des modèles distincts de sommeil forcé. Toute végétation à la surface de la planète s’adapterait à la récolte de la lumière infrarouge, montrant un « bord rouge » à une longueur d’onde plus longue que les plantes sur Terre. En conséquence, l’herbe dans la cour de notre voisin peut être rouge foncé et non verte comme la nôtre.

      Il est encore plus difficile de prévoir à quoi ressembleraient des technologies vieilles de plusieurs milliards d’années. En les recherchant, nous devons signaler les anomalies vues à travers nos télescopes et ne pas balayer des signaux inattendus sous le tapis du conservatisme. Si nos instruments ne sont pas assez sensibles ou nos techniques de recherche inadéquates, nous ne découvrirons pas de technosignatures. Le traitement des données sans algorithmes d’apprentissage automatique appropriés peut ressembler à lancer un filet de pêche inefficace qui ne capture jamais de poisson parce que ses trous sont trop grands.

      Nous concevons nos recherches en fonction de ce que nous voyons dans le miroir. Après l’invention des radiocommunications et des lasers, nous avons commencé à rechercher des signaux radio et laser de l’espace extra-atmosphérique ; les considérations de recherche ont progressé de manière similaire avec la technologie des voiles légères. Alors que nous imaginons de nouvelles technologies, nous pourrions finalement trouver celle qui nous permettrait de détecter de nombreuses autres espèces qui l’utilisent.

      Cependant, nous devons être prudents avec des observations anecdotiques qui ne sont pas à la hauteur des normes de preuves scientifiques quantitatives. Cela inclut les théories du complot sans preuves à l’appui, qui apparaissent avec une certaine régularité, ou des rapports sur des objets volants non identifiés (OVNI), qui ne résistent pas à l’examen minutieux de la reproductibilité - la condition préalable pour être comptés comme des données scientifiques crédibles. Les rapports d’OVNIS fournissent des indices qui sont toujours à la limite de la détectabilité. Étant donné que nos appareils d’enregistrement se sont considérablement améliorés au fil du temps, on peut s’attendre à ce qu’une photo floue prise par un vieil appareil photo d’il y a 50 ans se transforme en une image nette dans les appareils photo avancés d’aujourd’hui, fournissant ainsi des preuves concluantes au-delà de tout doute raisonnable.

      Mais les indices sont toujours marginaux, ce qui implique que les ovnis sont très probablement des artefacts dans nos instruments ou des phénomènes naturels. Pour obtenir une crédibilité scientifique, toute découverte d’un objet inhabituel doit être suivie d’une étude quantitative de celui-ci ou d’autres objets de ce type au moyen de procédures scientifiques bien documentées. Les preuves scientifiques restreignent notre imagination et apportent le salut d’idées farfelues.

      Le paradoxe de Fermi est prétentieux en ce qu’il suppose que nous, les humains, avons une sorte de signification cosmique. La réalité est peut-être que nous sommes ordinaires et condamnés à périr, tout comme les dinosaures, à la suite d’une catastrophe. Pourquoi nos voisins galactiques se soucieraient-ils de la verdure de notre herbe ? Étant donné que les étoiles naines comme Proxima Centauri sont beaucoup plus abondantes que le soleil, la plupart des planètes habitables pourraient être couvertes d’herbe rouge foncé, ce qui serait aussi apaisant pour les yeux infrarouges de la plupart des exo-vacanciers que l’herbe verte l’est pour nous. En conséquence, les agences de tourisme interstellaire peuvent trouver Proxima b comme une destination plus attractive que la Terre. On peut se demander, comme l’a fait Enrico Fermi, pourquoi aucun exo-touriste n’est venu nous admirer. Mais mieux encore, nous pourrions entrer en contact avec Proxima b et inciter les habitants à visiter et partager une boisson à base d’eau avec nous.

    • Le bide du voyageur galactique (#paywall)
      https://www.liberation.fr/debats/2021/01/27/le-bide-du-voyageur-galactique_1818603

      En 2017, pour la première fois, un objet venu de l’extérieur du Système solaire a été détecté. Le chercheur Avi Loeb est convaincu, un peu seul contre tous, de son origine artificielle.

      Erwan Cario, auteur de l’article référence ci-dessus, @erwancario sur touiteur
      https://twitter.com/erwancario/status/1356325823855394816

      En gros, les 260 pages du livre sont là pour tenter de donner de la crédibilité aux quelques lignes qui suffisent à expliquer le cœur de la théorie. Et il va jusqu’à en faire LA vérité que les autres refusent de voir.

      Et vazy que j’invoque le rasoir d’Okham (ce qui relève ici de la supercherie), que je décris les autres scientifiques comme des gens obtus enfermés dans leurs préjugés et qui refusent “de regarder dans la lunette de Galilée”, et que je multiplie les arguments d’autorité.
      [nombreux relais média...]

      Mais pourquoi relayer une telle parole, sans filtre, avec tout au plus une citation dissidente pour “équilibrer” ? Parce qu’en vrai, personne n’y croit. Personne n’en a fait un événement à la hauteur de ce que ça devrait être si Avi Loeb avait la preuve de ce qu’il avance. [...]

      Et puis... j’y vais un peu de mon interprétation personnelle, mais je considère que ce courant de pensée (car c’en est un) tient d’une idéologie particulière, celle qui croit à un deus ex machina technologique attendu pour l’humanité.

      Ils sont persuadés que les civilisations extraterrestres avancées sont capables de capter l’intégralité de l’énergie de leur soleil (sphère de Dyson et autres "mégastructures"). Ceux qui s’inquiètent pour le climat et prônent les économies d’énergie, ILS ONT RIEN COMPRIS !

      Au contraire, c’est la course en avant technologique qui nous sauvera tou·te·s et nous permettra de franchir le cap du voyage interstellaire ! En commençant par Mars, bien sûr. Parce que tout problème a sa solution techno, n’est-ce pas Elon ? (...)

      ‘Oumuamua est-il la preuve d’une vie extraterrestre ? L’hypothèse non prouvée du scientifique Avi Loeb
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/28/y-a-t-il-une-vie-extraterrestre-l-hypothese-non-prouvee-du-scientifique-avi-

      Cependant, il y a un hic. Et de taille. L’astronome américain Carl Sagan (1934-1996), qui ne cacha jamais son attrait pour l’hypothèse d’une vie ailleurs dans l’Univers, disait qu’une affirmation aussi extraordinaire que l’annonce d’une civilisation extraterrestre nécessitait « des preuves extraordinaires ». Or, de preuve qu’‘Oumuamua soit un vaisseau venu d’une exoplanète, Avi Loeb n’en apporte aucune. Et il le reconnaît.

      Son livre s’apparente donc à un brillant exercice de rhétorique mais nullement à une démonstration scientifique. Tout y passe. La posture dite de Galilée – déjà adoptée par Claude Allègre quand il niait le réchauffement climatique – qui consiste à se poser en visionnaire seul contre un establishment borné. Mais être seul contre tous, comme le fut le savant toscan, ne garantit pas d’avoir raison.

  • Covid-19 : l’efficacité du couvre-feu n’est « pas suffisante », selon le gouvernement
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/01/27/covid-19-le-gouvernement-etudie-differents-scenarios-face-a-un-couvre-feu-pa

    Covid-19 : l’efficacité du couvre-feu n’est « pas suffisante », selon le gouvernement

    Ce n’est pas comme si des articles scientifiques avaient déjà, depuis des mois, relégué le couvre-feu parmi les mesures les moins efficaces, afin de faire baisser le taux de transmission...

    Ce n’est pas comme si le gouvernement ignorait comment l’expérience du couvre-feu s’était terminée en Guyane à l’été dernier.

    Ce n’est pas comme si ce journal ignorait tout cela, mais ne l’évoquait pas.

    En fait, le fact-checking, ça ne s’applique qu’à l’opposition, et avec le plus souvent une mauvaise foi à couper au couteau...

    • sans compter qu’à Nice, sous couvre feu depuis octobre, l’épidémie galope
      le journal se contente ici de jouer à l’Agence France Préfectorale, pour prendre ailleurs une hauteur jupitérienne

      Covid-19 : le risque de la fatigue démocratique

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/27/covid-19-le-risque-de-la-fatigue-democratique_6067764_3232.html

      Editorial du « Monde ». La France broie du noir. Elle n’est pas la seule. L’absence de perspective explique en grande partie l’état de mélancolie dans lequel se trouve plongé le pays.

      L’horizon se borne au jour d’après, (...)

      Quand la visibilité est nulle, le poids des épreuves compte double. La France déplore plus de 74 000 décès dus au Covid-19 ; des secteurs entiers de l’économie associés à l’art de vivre, restauration, bars, spectacles, remontées mécaniques, sont à l’arrêt ; les jeunes disent qu’on leur a volé leur jeunesse, les plus âgés redoutent de mourir avant d’avoir eu le temps de regoûter à la vie normale. C’est dans ce contexte que le président de la République doit décider de la date et de l’ampleur d’un reconfinement que le corps médical juge désormais inéluctable.
      Risque de désobéissance civile
      Ses hésitations sont compréhensibles : on n’impose pas d’un claquement de doigts à un pays au bord du burn-out un scénario qui semble le replonger un an en arrière. Le gouvernement a entre les mains des enquêtes d’opinion montrant que le taux d’adhésion au confinement a fondu de 85 % en mars à 40 % aujourd’hui.

      [le seul happy end possible] Ces derniers jours, deux mots ont cependant miraculeusement refait surface : « unité nationale ». Comme si tous sentaient que quelque chose de grave, de décisif, allait se jouer dans cette dernière étape : la capacité d’une démocratie à surmonter l’épreuve.

      #gouvernerlapandémie

  • Covid-19 : « Le passeport vaccinal européen, une idée au mieux prématurée, au pire irréfléchie »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/26/covid-19-le-passeport-vaccinal-europeen-une-idee-au-mieux-prematuree-au-pire

    L’idée d’accorder des privilèges spéciaux aux personnes vaccinées prend de l’ampleur en Europe. Proposé pour la première fois par le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, et soutenu par des dirigeants politiques d’autres pays à destination touristique, un « passeport vaccinal » à l’échelle de l’Union européenne (UE) viserait à faciliter les voyages dans l’ensemble de l’Union dans les mois à venir. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le considère comme une « exigence médicale » nécessaire pour maintenir les frontières ouvertes. Or, une telle mesure semble tout au mieux prématurée, et au pire irréfléchie. Reposant sur une logique fondamentalement erronée, tant juridique et territoriale que scientifique, elle produirait en effet une série de conséquences inattendues. De plus, plutôt que d’unir l’Europe – en assouplissant les restrictions de déplacement –, ce passeport vaccinal ne ferait que créer de nouvelles frontières, entre personnes « saines » et « contagieuses ».
    Premièrement, un tel certificat reposerait sur l’hypothèse que, vaccinés, les voyageurs ne seraient plus porteurs du virus. Les données scientifiques actuellement disponibles suggèrent toutefois que si les vaccins contre le Covid-19 arrêtent les symptômes, ils ne stoppent pas entièrement la transmission du virus et ne font que la ralentir. Par conséquent, la justification scientifique qui sous-tend cette proposition semble discutable.
    Importantes différences géographiques. Mais ce n’est pas seulement la science qui lui fait défaut. En subordonnant la libre circulation dans l’UE à la vaccination, la proposition part du principe que tout un chacun dispose de l’égalité d’accès aux vaccins. Nous savons pourtant très bien que ce n’est pas le cas. Le déploiement très différencié des campagnes de vaccination entre Etats membres rend aujourd’hui certains ressortissants plus susceptibles d’être vaccinés que d’autres : ainsi, les Danois seraient plus libres de circuler que les Français, les Allemands le seraient bien avant les Néerlandais, etc. Il y a également d’importantes différences géographiques au sein des Etats membres : les personnes vivant en dehors des grandes zones urbaines sont moins susceptibles d’avoir accès aux vaccins, et des disparités existent entre régions dans l’organisation de la première vague de vaccinations. Outre le « tri » des Européens en fonction de leur résidence territoriale, il existe aussi des différences importantes entre les Etats membres quant à leur stratégie de vaccination. Au-delà de la priorité accordée – à juste titre – aux groupes les plus exposés, tels que le personnel médical et les personnes âgées (ce qui crée en soi une inégalité intergénérationnelle), chaque Etat membre est libre de choisir les prochaines catégories de personnes concernées : les enseignants, les travailleurs des transports… Notons, au passage, que la définition des catégories de de travailleurs « essentiels » ou « de première ligne » n’est pas homogène au sein de l’UE.En outre, qu’en est-il des Européens dont le statut officiel, pour une raison ou une autre, ne correspond pas à leur lieu de résidence ou à leur citoyenneté actuelle ? Il s’agit ici des millions de migrants intra-européens et des autres millions de résidents irréguliers dans l’espace européen. Tous ces individus seront probablement exclus de la vaccination, au moins au cours des premiers mois, ce qui risque de mener à la création d’un marché noir des vaccins. En l’absence d’un accès public équitable, la demande privée pour le vaccin augmentera très probablement, notamment de la part des Européens mobiles.Compte tenu de ces diverses inégalités à toutes les échelles qui caractérisent l’accès actuel aux vaccins, la Commission européenne devrait plutôt collaborer plus étroitement avec les Etats membres, afin d’éliminer progressivement ces fractures et d’empêcher l’émergence d’un marché noir. Plutôt que de proposer un passeport vaccinal européen, l’accent devrait être mis sur la sécurisation de nouveaux stocks de vaccins et leur distribution équitable (interdiction de constituer des stocks nationaux et du « nationalisme vaccinal »), tout en trouvant des moyens de continuer à soutenir les Etats membres qui accusent un retard dans leur campagne de vaccination. Les objectifs de vaccination qui viennent d’être proposés par la Commission dessinent à cet égard une voie positive. Qu’il s’agisse du tourisme ou d’autres secteurs, le passeport vaccinal ne devrait pas être perçu comme une panacée pour les industries en difficulté. L’ouverture sélective des frontières au cours de l’été 2020, qui visait à sauver les destinations touristiques, n’a mené qu’à d’importants taux d’infection, causant de nouvelles zones d’inégalité pandémique, quand les destinations du sud de l’Europe, déjà confrontées aux difficultés de leurs systèmes de soins, étaient exposées à des vacanciers venus de tout le continent. Il est significatif que même le gouvernement grec, un des principaux partisans de la proposition, s’en soit finalement distancié, à travers une récente déclaration du ministre du tourisme, Haris Theocharis, notant qu’un certificat de vaccination « ne serait pas une condition préalable pour que quelqu’un se rende en Grèce ». La pandémie de Covid-19 a eu des effets profondément inégaux dans l’ensemble de l’UE, touchant certains endroits et certaines populations beaucoup plus durement que d’autres. Au lieu de contribuer à créer davantage d’inégalités par un mécanisme d’exclusion – ce qui serait le cas de ce certificat vaccinal –, l’UE devrait plutôt concentrer ses efforts sur le dépassement de ces inégalités. Le passeport peut sembler être une bonne solution pour gérer le risque pandémique, mais, comme pour toutes les formes de gouvernance des risques de nature biosécuritaire, il est fondé sur le profilage des individus. Un profilage qui, en l’espèce, a moins à voir avec le risque viral réel qu’à l’accès à un privilège.
    Alberto Alemanno, professeur à HEC Paris, titulaire de la chaire Jean-Monnet en droit européen, fondateur du mouvement citoyen The Good Lobby ; Luiza Bialasiewicz, professeure en gouvernance européenne au département d’études européennes de l’université d’Amsterdam.

    #Covid-19#migrant#migration#ue#sante#biosecurite#inegalité#vaccination#passeportvaccinal#gouvernance#droit#profilage#circulation

  • Alexeï Navalny et le nouvel avatar russe de la post-vérité
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/26/alexei-navalny-et-le-nouvel-avatar-russe-de-la-post-verite_6067585_3232.html

    Analyse. Interrogé après l’arrestation d’Alexeï Navalny, le 17 janvier, et le rocambolesque déroutage de son avion, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, haussait les sourcils : « Pardon ? Navalny a été arrêté… en Allemagne ! ? Je ne suis pas au courant… » La réponse, livrée comme une performance de stand-up, n’a rien à voir avec les habituels démentis compassés du porte-parole. Le message est clair : le sort du principal opposant russe, empoisonné cinq mois plus tôt, ne mérite guère plus qu’un sarcasme.

    Au même moment, à l’aéroport de Vnoukovo, où M. Navalny était initialement attendu, ses partisans sont maintenus hors du terminal par la police, certains arrêtés. A l’inverse, des « fans » d’une vedette de la télé-réalité, dont certains reconnaissent qu’ils ont été payés, sont autorisés à y manifester bruyamment. L’objectif est le même : la réception de l’opposant ne peut pas être un moment historique, ni même digne, mais seulement une farce.
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Entre Vladimir Poutine et l’opposant Alexeï Navalny, un duel sans merci

    Le ricanement et le trolling se sont depuis longtemps échappés des réseaux sociaux pour investir la « vraie vie ». La scène politique russe a toujours eu ses clowns. Et l’arme principale, face aux contestations, reste la répression et son corollaire, la peur.

    Mais il est ici question d’autre chose : d’une stratégie délibérée de l’Etat russe pour jeter le discrédit sur tout discours dérangeant, d’une façon d’utiliser le ricanement comme instrument d’effacement des faits au moins aussi efficace que la censure.

    #Fake_news #Post_verité #Russie #Censure #trolling

  • « On surveille l’individu non plus pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/25/fichiers-de-renseignement-on-surveille-l-individu-non-plus-pour-ce-qu-il-fai

    L’extension de la collecte des données relatives à « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale » a été conçue avec la volonté d’écarter toute opposition ou contradiction, estime l’avocat pénaliste David Curiel.

    Tribune. Le 4 janvier, le Conseil d’Etat a rejeté les demandes en référé de plusieurs associations et syndicats, qui entendaient faire suspendre l’exécution de trois décrets du 4 décembre 2020 modifiant le traitement de données à caractère personnel. Ces trois décrets ont élargi les données pouvant être collectées dans les fichiers de renseignements suivants : le PASP (prévention des atteintes à la sécurité publique) destiné aux policiers, le Gipasp (gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique), destiné aux gendarmes, et le EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique), relatif aux enquêtes administratives.

    Les requérants soutenaient que les décrets étaient entachés d’illégalité, du fait notamment de l’atteinte considérable aux libertés fondamentales. Toutefois, le Conseil d’Etat a soutenu que les arguments avancés par les associations et les syndicats n’étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ces dispositions. Il a en effet considéré que les trois décrets ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’opinion, de conscience et de religion, ou à la liberté syndicale.

    L’apport majeur de ces décrets réside dans les nouveaux articles R. 236-13 et R. 236-23 du code de la sécurité intérieure. Avant ces décrets, il était uniquement possible de ficher des données relatives à « des activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales ». Cependant, depuis le 2 décembre 2020, et confirmé depuis le rejet des référés du 4 janvier, il est désormais possible de ficher des données relatives à « des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale » et également « des données de santé révélant une dangerosité particulière ». Cette évolution a été qualifiée de « terminologique » par le ministre de l’intérieur.

    Un boulevard pour l’Etat

    En réalité, elle est beaucoup plus profonde et lourde de sens. Sur la forme, tout d’abord, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) déclare qu’elle ne s’est pas prononcée sur cette modification, qui ne figurait pas dans le projet qui lui avait été soumis. Il est, dès lors, surprenant que le gouvernement n’ait pas présenté cette modification substantielle à la CNIL, dont l’essence même est de veiller à la protection des données personnelles contenues dans les fichiers et traitements informatiques. Sur la forme, toujours, ce texte a fait l’objet d’un décret, échappant de facto au débat contradictoire du Parlement, dont l’une des missions est de contrôler l’activité gouvernementale. Il s’en est retrouvé privé.

    Ces deux modalités d’élaboration du texte ne sont pas hasardeuses : elles démontrent une réelle volonté d’écarter toute opposition ou contradiction. De plus, la CNIL a un pouvoir de contrôle, consistant à vérifier sur place la mise en œuvre concrète de la loi. Pourtant, la nouvelle rédaction de l’article R. 236-9 prévoit désormais que ce contrôle peut être restreint afin « d’éviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires ou d’éviter de nuire à la prévention ou à la détection d’infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l’exécution de sanctions pénales ».

    Disons-le clairement, c’est un boulevard pour l’Etat. La CNIL a été écartée a priori, elle l’est également a posteriori. Sur le fond, force est de constater que ces nouveaux décrets visent la collecte de données afin de lutter, notamment, contre la menace terroriste. A propos des lois scélérates, ces lois de 1893 et 1894 visant à réprimer le mouvement anarchiste, Léon Blum écrivait en 1898 : « Dirigées contre les anarchistes, elles ont eu pour résultat de mettre en péril les libertés élémentaires de tous les citoyens. »

    Changement de paradigme

    Car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui, si ce n’est que le terrorisme a remplacé l’anarchisme. Ces nouveaux décrets opèrent un changement de paradigme : la prise en compte de l’individu non plus pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est. L’individu est appréhendé comme suspect et comme celui qui risque de passer à l’acte. Car, gardons cela en tête, on ne fiche plus une activité avérée et incontestable mais une opinion politique, une conviction philosophique ou religieuse, une simple appartenance syndicale.

    De nombreuses questions doivent se poser sur ce nouveau fichage : la plus évidente, pourquoi collecter ces données ? Si un individu est interpellé pour avoir commis un délit, ce fichage peut-il être un argument supplémentaire pour le renvoyer devant un tribunal correctionnel ? Comment détermine-t-on si telle opinion politique ou telle conviction religieuse doit être fichée ? Comment ces fichiers vont être alimentés ? A ces questions, pourtant essentielles, nous n’avons aucune réponse.

    Cela interroge sur ce que l’on considère comme une information vraie, une source fiable, un renseignement utile, sur ce que l’on peut coder comme un danger potentiel, ce que l’on peut dire de son imminence alors même que celui-ci n’a pas encore eu lieu. Michel Foucault écrivait en 1975, dans Surveiller et Punir, que le simple fait de se savoir surveillé entraîne une forme d’obéissance. Les opinions, dès lors qu’elles sont examinées, recensées, fichées, servent une visée utilitariste, le contrôle de la population pour l’amener vers une forme de docilité. C’est en ce sens qu’il serait possible de penser un nouveau monopole conféré à l’Etat : celui de la surveillance légitime.

    David Curiel est avocat pénaliste au barreau de Paris

    #données #religion #EASP #Gipasp #Pasp #profiling #surveillance #syndicat #CNIL

  • Face à la Russie, il faut arrêter le gazoduc Nord Stream 2
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/25/face-a-la-russie-il-faut-arreter-le-gazoduc-nord-stream-2_6067495_3232.html

    Editorial. La chancelière allemande Angela Merkel et l’Union européenne doivent se rendre à l’évidence. L’affaire Navalny et l’attitude du pouvoir russe exigent une politique plus claire des Européens, et notamment l’arrêt des travaux du gazoduc.

    pas vraiment une surprise…

    • ... et rien de nouveau

      #Nordstream #Nord_Stream 2 #Russie #Allemagne #États-Unis
      #gazoduc #LNG #géopolitique #Navalny

      –---------------

      déjà pendant des années 1960 ...

      Röhrenembargo

      https://de.wikipedia.org/wiki/R%C3%B6hren-Embargo

      Das Röhren-Embargo war ein gegenüber den Staaten des Ostblocks – speziell gegenüber der Sowjetunion – verhängtes Embargo, das den Export von Großröhren für den Bau von Gas- und Öl-Pipelines ab 1963 nahezu komplett unterband. Das Röhren-Embargo wurde in der Bundesrepublik Deutschland am 18. Dezember 1962 verkündet und setzte einen Beschluss des NATO-Rates um, der in der Zeit des kalten Krieges die Politik der kleinen Nadelstiche verfolgte um die Entwicklung des Ostblockes so weit wie möglich zu behindern. Insbesondere sollte der Bau der Erdölleitung Freundschaft verhindert werden, die die DDR mit Rohöl aus der Sowjetunion beliefern sollte. Die Fertigstellung dieser und weiterer Pipeline-Projekte wurde allerdings nur verzögert.

      Das Embargo hatte für die Entwicklung der Ost-West-Beziehungen weitreichende Folgen, da es die wirtschaftlichen Beziehungen zu östlichen Handelspartnern extrem erschwerte, weil auch bereits unterzeichnete Verträge der Unternehmen Mannesmann, Phoenix-Rheinrohr und Hoesch nicht mehr erfüllt werden konnten. Das Embargo hatte Bestand bis November 1966, da es außer dem durch den Vertrauensverlust für die westliche Welt entstandenen Schaden keinen nennenswerten Einfluss hatte. Für westdeutsche Firmen kam der direkte Export von Röhren in die Sowjetunion wieder in Gang mit den 1970 begonnenen Röhren-Erdgas-Geschäften.

      #sanctions et #guerre_froide #USSR

  • « Jusqu’où ira l’affaire éruptive de l’interdiction des autocollants vendéen ou breton sur les plaques d’immatriculation ? »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/24/jusqu-ou-ira-l-affaire-eruptive-de-l-interdiction-des-autocollants-vendeen-o

    Un arrêt de la Cour de cassation récent est venu confirmer l’interdiction aux automobilistes d’apposer un autocollant régional sur leur plaque minéralogique. Le gouvernement serait bien avisé de se pencher sur la géopolitique des autocollants afin d’éviter une nouvelle fronde, estime l’économiste Jean-Pascal Gayant, dans une tribune au « Monde »

    Tribune. Une histoire d’autocollants apposés sur des plaques d’immatriculation va-t-elle relancer le mouvement des « gilets jaunes » ? Cette fois-ci, le gouvernement n’y est pour rien.
    Ce qui pourrait remettre le feu aux poudres est un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2020, faisant suite à un différent entre un fabricant de plaques et un marchand de logos, et qui confirme l’interdiction de coller toute forme de sticker sur les plaques minéralogiques.

    Les premiers à clamer leur mécontentement sont les Vendéens. Et ce n’est pas seulement en raison d’une relation « à fleur de peau » avec le pouvoir central républicain. L’origine de la fronde est plutôt à rechercher dans la constitution baroque des régions françaises en 1956.

    A l’issue d’un processus chaotique, la Vendée s’est trouvée englobée dans un ensemble territorial sans âme, médiocrement dénommé « Pays de la Loire ».

    Dès 1910, le géographe Paul Vidal de la Blache (1845-1918) avait proposé des regroupements de départements en envisageant la constitution d’une région épousant les contours de la Loire, de la Touraine jusqu’à son estuaire. Mais il avait pris soin de ne pas y inclure la Vendée, manifestement sans lien affirmé avec ce territoire.
    Sous le joug de Nantes

    En 1940, Walter Christaller (1893-1969), un géographe nazi, proposa un découpage régional de la France en application de sa fameuse « théorie des places centrales ». Ce découpage créait une Bretagne à quatre départements (dont la place centrale se situait à Brest) et reléguait Nantes dans un ensemble territorial incluant la Vendée, le Poitou et l’Aunis.

    Après de nombreux atermoiements (et la mise en place d’une commission des provinces à partir de mai 1941), un décret de juin 1941 sur les préfets de région instaura un premier découpage régional du territoire français. Ce décret validait une Bretagne à quatre départements et constituait une région autour de la Loire fidèle aux propositions de Vidal de la Blache – à cette nuance près qu’elle était amputée du sud de l’Indre-et-Loire par la faute de la position de la ligne de démarcation. Une fois encore, la Vendée était tournée vers le sud et non sous le joug de Nantes, l’une des deux capitales bretonnes.

    #paywall

  • « Le Covid-19 révèle les problèmes structurels de l’enseignement supérieur et, plus généralement, ceux de la jeunesse », François Vatin
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/21/le-covid-19-revele-les-problemes-structurels-de-l-enseignement-superieur-et-

    Les conditions d’existence difficiles des étudiants sont celles des 18 -25 ans, explique dans une tribune au « Monde » le sociologue François Vatin, pour qui la crise sanitaire met en évidence « la nécessité d’un grand service social de la jeunesse ».

    Tribune. La fermeture des établissements d’enseignement supérieur au cours de l’hiver et du printemps 2020, leur réouverture un peu chaotique cet automne suivie de leur nouvelle fermeture sine die ont soulevé de nombreuses interrogations. Celles-ci révèlent les problèmes structurels de l’enseignement supérieur français et, plus généralement, ceux de la jeunesse postscolaire.

    Commençons par l’incongruité, ô combien révélatrice, qui a conduit à ce que, depuis le second confinement, les universités soient fermées, mais pas les classes postbac des lycées, qui profitent de la protection accordée à l’enseignement secondaire. A l’instar des établissements culturels, l’université se voit alors rangée dans la catégorie du « non-essentiel », ce qui ne peut manquer d’alimenter un sentiment fondé de manque de considération des pouvoirs publics.

    Une vision myope

    Que penser d’une loi [celle de programmation de la recherche] promulguée le 24 décembre 2020, qui a conduit, par l’effet d’un amendement sénatorial de dernière minute, à bouleverser, sans concertation, les modalités du recrutement des universitaires ? Pourtant, sur deux points essentiels – la condition sociale étudiante et les modalités pédagogiques –, les idées les mieux partagées sur les effets désastreux du Covid-19 sur l’université me semblent témoigner d’une vision myope. Sur ces deux points, cette situation inédite devrait au contraire être mobilisée au profit de la résolution de problèmes antérieurs à l’épidémie et qui lui survivront.

    On souligne à raison les conditions d’existence, matérielles et psychologiques difficiles, voire parfois dramatiques, de nombreux étudiants. On aurait limité ces dégâts si l’on avait décidé dès le printemps de ne pas rouvrir les universités à l’automne, sachant que la reprise de l’épidémie était inéluctable et que la sociabilité étudiante ne pouvait que l’accélérer. Cela aurait évité aux intéressés d’engager des dépenses de logement, et permis de consacrer le maximum de moyens publics à l’amélioration des conditions matérielles de l’enseignement à distance.

    A vouloir à tout prix « sauver la rentrée », on a sûrement provoqué plus de problèmes qu’on en a résolus. Mais surtout, ces difficultés sociales ne sont pas celles des étudiants, mais de la jeunesse en général.

    Prise en charge

    Ce que l’épidémie met donc en évidence, c’est la nécessité d’un grand service social de la jeunesse. On imagine des solutions spécifiques pour la population jeune qui ne serait ni en formation ni en emploi. C’est ne rien comprendre à la sociologie de la jeunesse, car ce sont les mêmes qui partagent leur vie entre temps de formation, petits boulots, engagements associatifs, etc.

    Il faut arrêter de penser qu’un jeune de 18 à 25 ans, parce qu’il a une carte d’étudiant, rentrerait dans une catégorie spécifique dont la gestion sociale incomberait aux universités. Elles sont là pour former intellectuellement ceux qui en ont le désir, pas pour assurer la protection sociale de tous les bacheliers. On se préoccupe actuellement de l’accès des plus « fragiles » aux campus, autrement dit de ceux dont on sait que les chances d’obtenir leur diplôme sont extrêmement faibles, épidémie ou pas.

    La nation ne doit pas négliger la prise en charge sociale de sa jeunesse, de toute sa jeunesse. Pour ce faire, elle doit arrêter de masquer le problème en confiant celle-ci aux universités dès lors qu’elle est détentrice du baccalauréat. L’épidémie de Covid ne fait que révéler un problème connu de longue date.

    Il en est de même sur un plan pédagogique. Les étudiants se plaignent de passer leur journée devant un écran à écouter des cours soporifiques. Les enseignants ne se plaignent pas moins de les dispenser. Sur leur écran s’affichent des initiales qui témoignent de la présence théorique d’étudiants, qui peuvent se livrer en fait à de tout autres occupations. Mais croit-on que ce soit si différent dans un amphithéâtre où, cachés derrière leur écran, les étudiants peuvent s’adonner à leur jeu favori ou discuter avec leurs amis ?
    C’est le cours magistral, inventé à une époque où l’information était rare et difficile d’accès, qui est absurde à une époque où l’information est au contraire surabondante.

    Enseignement en petits groupes

    En revanche, excepté dans les domaines techniques qui exigent des manipulations, l’enseignement en petits groupes peut s’effectuer dans des conditions satisfaisantes à distance, dès lors que les étudiants travaillent avant le cours et sont stimulés pour prendre la parole. Ils maîtrisent parfaitement ces outils de communication, et leur prise de parole est moins bridée que dans la classe. Mais encore faut-il qu’ils soient, à quelque niveau d’études que ce soit, véritablement engagés dans leurs études, ce qui nous ramène à la question précédente.

    Bien sûr, l’enseignement universitaire à distance soulève des problèmes de natures diverses : qualité de l’équipement et des connexions, des étudiants et des enseignants, apprentissage des outils, imagination pédagogique… mais rien de tout cela n’est insurmontable et le contexte épidémique mérite qu’on s’attelle à résoudre ces problèmes.

    Les vrais problèmes sont ailleurs ; ils sont antérieurs à l’épidémie qui les a seulement exacerbés. Peut-être aussi ces événements vont-ils permettre enfin de les aborder sereinement et sérieusement. A l’université aussi, on peut rêver du monde d’après…

    #étudiants #jeunesse #jeunes #précarité #précarisation

  • « On a sous-estimé l’élément antisémite du soulèvement du Capitole », Pierre Birnbaum
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/19/pierre-birnbaum-on-a-sous-estime-l-element-antisemite-du-soulevement-du-capi

    Pierre Birnbaum, historien spécialiste de l’histoire des juifs de France, revient sur l’attaque du Capitole, à Washington, le 6 janvier, par des sympathisants du président Donald Trump.

    L’historien et sociologue Pierre Birnbaum, professeur émérite à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et spécialiste de l’histoire des juifs de France, travaille à un ouvrage à paraître sur l’histoire de l’antisémitisme aux Etats-Unis. Il commente l’assaut du Capitole par des groupes d’extrême droite enhardis par la rhétorique du président Donald Trump.

    Quelle est la teneur antisémite du soulèvement qui a eu lieu à Washington ?

    On a sous-estimé l’élément antisémite de cette mobilisation. Nombre de personnes arboraient des pancartes antisémites, brandissaient The Turner Diaries , la « bible » de l’alt-right américaine qui prévoit la destruction de Washington, l’enfermement des juifs et des Noirs dans de gigantesques camps de concentration. Les néonazis du NSC-131 étaient présents tout comme les Proud Boys qui revêtent parfois des tee-shirts sur lesquels figure « 6MWE » pour « 6 Millions Wasn’t Enough » (« 6 millions ne suffisaient pas », en référence au nombre de juifs tués par les nazis).

    On trouve plusieurs signes d’une présence antisémite très forte qui s’est illustrée depuis vingt ans par tout un ensemble d’attentats. La logique du défilé de l’extrême droite blanche néonazie de Charlottesville (Virginie), en 2017, est poussée à son extrême, et a menacé, durant ces quelques heures dramatiques, d’emporter les symboles de la démocratie américaine et de réduire à néant son exceptionnalisme.

    En quoi consiste cet exceptionnalisme américain ?

    La rencontre entre le puritanisme et le judaïsme a été harmonieuse, les Américains se voient longtemps comme « sortis d’Egypte », c’est-à-dire d’Angleterre, ils se reconnaissent dans l’Ancien Testament. Les Pères fondateurs ont proclamé haut et fort leur identification à l’histoire juive. Dès lors, c’est essentiellement un antisémitisme social qui se fait jour dans cette société dominée par une classe supérieure peu sensible au sort des immigrés et attentive à défendre ses privilèges. Socialement, les juifs étaient exclus des clubs, des universités de l’Ivy League, des fraternités étudiantes, de certains hôtels, de plages…

    Il existait aussi une rivalité économique. Mais aucun massacre ne s’est produit, aucun pogrom, aucune remise en question de leur citoyenneté : on trouve depuis la fin du XIXe siècle des députés et de sénateurs juifs, leur intégration à la cité est entière. Aucune loi ségrégationniste à leur encontre. La dimension violente, le rejet de l’espace public et les préjugés liés à la sexualité qui ont existé contre les Noirs américains n’ont pas concerné les juifs. Présents aux Etats-Unis depuis des siècles, les juifs n’ont jamais été tués en tant que tels.

    A quand remonte la fin de cet exceptionnalisme ?

    Les années 1930 voient une explosion de l’antisémitisme. Le New Deal, surnommé le « Jew Deal », mis en place par Roosevelt, fait figure d’une nouvelle « République juive » contrôlée par les juifs. Des penseurs français, comme Edouard Drumont (1844-1917), vont inspirer ce renouveau de la pensée d’extrême droite. Adoptant la vision complotiste de l’auteur de La France juive , nombreux sont ceux qui dénoncent le pouvoir omnipotent d’un Etat juif dominant cette fois la société américaine. On assiste donc à l’émergence d’un antisémitisme européen, avec pour la première fois, transposé sur la scène américaine l’antisémitisme politique issu d’une tradition contre-révolutionnaire catholique française ignorée jusque-là aux Etats-Unis tant elle lui est étrangère.

    A l’importation des fantasmes d’Edouard Drumont succède celle des délires d’Hitler. De manière symbolique, l’attentat de 1958 contre une synagogue à Atlanta marque cette mutation profonde de l’antisémitisme qui mène tout droit à Charlottesville, en 2017 et, un an plus tard, au massacre de Pittsburgh. On n’assiste pas aux grands mouvements extrémistes de la France de la fin du XIXe siècle ou des années 1930 ou encore de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, ces mouvements et partis recrutent peu de monde, mais leurs militants partagent des valeurs extrêmes. Et ils sont dangereux. La preuve en est qu’à Pittsburgh, en 2018, pour la première fois, un véritable massacre se produit, et nombreux sont ceux qui le rapprochent du pogrom emblématique de Kishinev, en 1903, tant la stupeur et l’effroi des juifs américains sont grands. L’événement semble mettre un terme à l’exceptionnalisme américain.

    Ces groupes sont d’autant plus dangereux que ce terrorisme suprémaciste intérieur focalise beaucoup moins l’attention des services de renseignement, alors qu’il fait bien plus de morts sur le sol américain que le terrorisme islamiste par exemple…

    Bien sûr, il est responsable de très nombreux morts, pensez à l’attentat d’Oklahoma City, en avril 1995, dont l’auteur se réclame lui aussi des Turner Diaries. Et ils ne visent pas que les juifs, mais aussi les Latinos et les Noirs. Le 17 juin 2015, Dylann Roof, un Blanc suprémaciste brandissant le drapeau de la Confédération assassine neuf Noirs américains ainsi que leur pasteur lors d’une prière collective dans l’église African Methodist Episcopal, à Charleston (Caroline du Sud), la plus ancienne église épiscopalienne de ce Sud profond qui a connu tant de lynchages.

    Encore plus meurtrier, celui, en août 2019, d’El Paso (Texas), où un suprémaciste blanc, Patrick Crusius, ouvre le feu et tue 23 personnes originaires de l’Amérique du Sud au nom de la théorie du « grand remplacement » élaborée par Renaud Camus et importée aux Etats-Unis. Camus a donné à ces mouvements radicaux leur mot d’ordre : « You will not replace us » (« vous ne nous remplacerez pas »), c’est ce que proclament les extrémistes qui défilent en uniforme à Charlottesville, cette nation nous appartient. C’est un slogan qui se comprend tout de suite, il entraîne la conviction et donne l’impression d’appréhender ce complot qui vise à éliminer les Blancs. Quelle surprise de voir le nom de Renaud Camus si souvent cité par ces extrémistes !

    Comment l’élection de Trump a-t-elle agi sur l’expression de l’antisémitisme ?

    Les discours de Trump sont émaillés d’allusions antisémites : dans son ultime discours de campagne présidentielle, il dénonce « le pouvoir global qui vole la classe ouvrière, dépouille le pays de ses richesses ». Dès son élection, des militants se réunissent à Washington, crient « Heil Hitler », font le salut nazi. Richard Spencer, l’un de leurs chefs lance : « Heil Trump, Heil au peuple, Heil à la victoire ». Puis il y a le 12 août 2017, le choc de Charlottesville. Dans cette région du Sud profond attaché à la Confédération, au [Ku Klux] Klan, plusieurs centaines de militants d’extrême droite se rassemblent pour protester contre le déboulonnement de la statue du général Robert Lee, un héros sudiste et esclavagiste qui menait les armées confédérées durant la guerre de Sécession. Ils crient « Jews will not replace us » (« les juifs ne nous remplaceront pas ») et « White lives matter » (« les vies blanches comptent »).

    Le renforcement impensable d’une extrême droite américaine reprenant ouvertement le flambeau des années 1930 éclate au grand jour. Le Klan est là mais aussi les groupes néonazis, les Confederate White Knights, ceux du Blood and Honor Club, de la Christian Identity, on distribue le Daily Stormer conçu sur son modèle hitlérien, on brandit les drapeaux nazis avec les svastikas. Le président Trump trouve qu’il y a des « gens bien » des deux côtés à Charlottesville et, peu après, lance un « Je vous aime » aux envahisseurs extrémistes du Capitole.

    Les actes antisémites avaient déjà explosé sous Obama. Pourquoi son élection avait-elle réactivé une rhétorique antisémite ?

    Pour ces mouvances extrémistes blanches, le choc de l’élection d’Obama est indescriptible. Il symbolise, aux yeux de l’alt-right, l’alliance entre les Noirs américains et les juifs qui renforcerait leur domination sur le gouvernement américain et leur règne sur la race blanche. Le New York Magazine l’a surnommé « le premier président juif », dénomination qu’il reprend à son propre compte. Il souligne « qu’il est le plus juif de tous ceux qui se sont assis dans le bureau Ovale ». Lorsqu’il met en place l’Obamacare, accentuant le rôle de l’Etat dans la gestion de l’économie, nombreux sont ceux à dénoncer, comme à l’époque du « Jew Deal », la présence à ses côtés de plusieurs conseillers juifs, la naissance d’une nouvelle « République juive ».

    On ne peut comprendre ce qui s’est passé à Charlottesville ou au Capitole, deux événements dramatiques liés étroitement l’un à l’autre, qu’en fonction de la réaction d’une Amérique blanche marginalisée par le Nord, dont les valeurs se trouvent remises en question. Une longue tradition ancrée dans le Sud n’accepte pas ce capitalisme du Nord, cosmopolite, symbolisé par « Jew York ». Le jour de l’attaque contre le Capitole, un drapeau confédéré flotte d’ailleurs sur le Museum of Jewish Heritage de New York !

    C’est toute l’ironie de cet assaut mené contre le Capitole au nom des emblèmes du Sud de se produire au moment même où, en Géorgie, un Noir et un juif viennent d’être élus au Sénat. Tous deux ont battu deux candidats réactionnaires dont l’un, David Perdue, a fait campagne à l’aide d’une rhétorique antisémite extrême, se moquant du nez de Jon Ossoff, le candidat juif démocrate, qui, symboliquement, fait basculer la majorité au Sénat. Au moment où le Sud se transforme socialement et abandonne peu à peu sa dimension hostile aux juifs et aux Noirs, ces militants s’emparent du Capitole et plantent le drapeau confédéré. Alors que Joe Biden a nommé beaucoup de juifs dans son administration, on peut craindre que l’histoire se répète.

    USA #extrême_droite #suprémacisme #antisémitisme

    • Lynchage antisémite en Géorgie
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Leo_Frank

      Leo Max Frank, né le 17 avril 1884 et mort lynché le 17 août 1915, est un directeur d’usine américain de confession juive. En 1913, une adolescente de 13 ans qui travaillait dans l’usine qu’il dirigeait à Atlanta, est retrouvée violée et assassinée. Il est interpellé comme suspect, ainsi que deux de ses employés. L’un de ces derniers, Jim Conley, avoue le crime et désigne Frank comme son complice. Frank est alors condamné à la peine capitale. Très médiatisé à l’époque, le jugement est également controversé, tandis que Leo Frank fait l’objet d’une campagne de haine à teneur antisémite.

      La peine de Leo Frank est commuée en réclusion criminelle à perpétuité par le gouverneur de Géorgie, convaincu de son innocence, mais un commando armé parvient à l’extraire de sa prison et l’exécute par pendaison à Marietta en Géorgie. Les chercheurs contemporains estiment dans leur majorité que Conley était seul coupable. Leo Frank fait l’objet d’une grâce posthume en 1986.

      Cette affaire conduit à la création de l’Anti-Defamation League en réaction à l’antisémitisme que ses fondateurs estiment régner alors aux États-Unis1.

      était-ce suprémacisme ordinaire, socialisme des imbéciles ?

    • Antisémitisme aux États-Unis
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Antisémitisme_aux_États-Unis

      Le 17 décembre 1862, pendant la guerre de Sécession, le général nordiste Ulysses Grant promulgua son ordre n° 11, qui expulsait les Juifs, considérés comme des colporteurs importunant les troupes et des contrebandiers, des régions qu’il avait conquises dans le Sud. Le président Abraham Lincoln révoqua l’ordre le 21 janvier 1863. L’ordre n° 11 reste la seule décision officielle antisémite de l’histoire de l’administration américaine.

      1913, lynchage de Leo Frank

      L’accusation se rapproche des leitmotiv de l’antisémitisme : le meurtre rituel d’enfant chrétiens, et la lubricité juive.

      Le véritable meurtrier n’était autre que Jim Conley qui avoua son crime à son propre avocat. Il y avait un autre témoin mais qui ne parle qu’en 1982 : Alonzo Mann, employé de l’usine qui n’avait que 13 ans à l’époque des faits.
      (...)Comme il était alors habituel, on fit des cartes postales des photos prises lors du lynchage, qui se vendirent très bien. Ce lynchage, en 1915, resta un des rares cas de violence sur des Juifs aux Etats-Unis, ayant provoqué la mort de la personne concernée, au xxe siècle, même s’il y eu les décennies suivantes des expulsions d’universités, de clubs, d’hôtels, etc.4, et des discours haineux.

      (...) Frank, grâce à la déposition d’Alonzo Mann (1982), fut définitivement innocenté et réhabilité en 1986 par la justice géorgienne.

      [...]

      Turner Diaries

      Il manquait à l’antisémitisme américain un ouvrage de référence. Le chef et fondateur de la National Alliance (un mouvement suprématiste blanc ouvertement raciste et adorateur d’Adolf Hitler) le lui donna en écrivant une nouvelle : les Turner Diaries (littéralement les Carnets de Turner). Le livre s’inscrit dans la plus pure tradition hitlérienne, en présentant les Juifs comme le deus ex machina du monde cherchant à éradiquer la race blanche. Pour l’auteur, il convient donc de les tuer tous.

      Le livre est interdit en France. Écrit en 1978, il ne connait qu’une diffusion limitée aux cercles d’extrême-droite jusqu’en 1994, quand une petite maison d’édition le réimprime. Le livre est un succès de librairie, qui atteint les 500 000 ventes (en l’an 2000).

      2018, fusillade de la synagogue de Pittsburgh
      Article détaillé : Fusillade de la synagogue de Pittsburgh.
      Le samedi 27 octobre 2018, pendant l’office matinal de chabbat, un tueur fait irruption dans la synagogue « Tree of Life » de Pittsburgh10. Selon KDKA-TV, le suspect est entré en criant : « Tous les Juifs doivent mourir » avant d’ouvrir le feu11, tuant ainsi 11 personnes. C’est la pire attaque antisémite de l’histoire des États-Unis.

      2019, fusillade de la synagogue de Poway et attaques dans le New-Jersey et l’état de New-York

      Le samedi 27 avril 2019, pendant l’office matinal de Chabbat et du huitième jour de Pessah, un tueur fait irruption dans la synagogue Chabad de Poway en Californie, dans la banlieue de San Diego, tue une fidèle qui s’était interposée entre le tueur et le rabbin, et blesse trois personnes.

      En décembre 2019, une fusillade contre les clients d’un supermarché cachère de Jersey City (en) (New-Jersey) et une attaque à l’arme blanche au domicile d’un rabbin de Monsey (état de New-York) font plusieurs morts et plusieurs blessés.

  • Immigration : « La crise liée au Covid-19 précipite des milliers de personnes dans un abîme de non-droit »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/18/immigration-la-crise-liee-au-covid-19-precipite-des-milliers-de-personnes-da

    Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, de nombreux pays, dont la France, ont documenté d’importantes inégalités face au virus. En particulier en Europe, aux Etats-Unis ou encore au Brésil, les personnes immigrées, et surtout celles qui appartiennent à des minorités ethno-raciales, ont eu des taux d’infection au virus SARS-CoV-2, d’hospitalisation et de mortalité accrus par rapport aux non-immigrés. En France, l’Insee a publié en juillet 2020 des données montrant qu’en mars-avril de la même année, les décès enregistrés chez les personnes nées à l’étranger ont augmenté de 48 %, par rapport à 25 % chez les personnes nées en France. L’excès de mortalité est particulièrement important chez les personnes nées en Afrique subsaharienne, en Afrique du Nord et en Asie.
    Il est par ailleurs frappant d’observer que, chez les immigrés, les décès ont été très élevés avant 65 ans (augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente, alors qu’elle n’était que de 3 % chez les personnes nées en France). Cet excès de mortalité résulte en large partie de décès considérés comme dus au Covid-19, d’après des données issues des certificats électroniques de décès en cours d’analyse.Comme décrit par l’étude nationale EPICoV menée auprès d’un échantillon représentatif de 135 000 personnes interrogées pendant le premier confinement, au printemps 2020, les immigrés d’origine non européenne cumulent plusieurs facteurs augmentant leur risque d’infection au coronavirus : 71,5 % vivent dans une commune très dense et 40,5 % occupent un logement surpeuplé ; 66,1 % ont travaillé en dehors de leur foyer au moins partiellement, notamment parce qu’ils sont surreprésentés parmi les personnes qui occupent des emplois dits « essentiels » (manutention, sécurité, santé, médico-social…).
    De plus, la prévalence de certaines maladies comme le diabète, qui induit un risque d’infection au coronavirus sévère élevé, est également augmentée dans certaines populations immigrées (d’après l’étude Entred 2007-2010 menée par Santé publique France, les immigrés représentent 23 % des personnes atteintes de diabète alors, que celles-ci figurent pour 10 % dans la population globale en France). En parallèle, parce qu’elles occupent de manière disproportionnée des emplois peu rémunérés et pour lesquels elles peuvent être surqualifiées, précaires, à temps partiel ou en intérim, et font l’expérience du chômage deux fois plus souvent que les personnes nées en France, les personnes immigrées sont parmi les plus durement touchées par les conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire.
    Aux difficultés inhérentes aux caractéristiques du marché du travail s’ajoutent actuellement des problèmes supplémentaires liés à l’obtention et au renouvellement des titres de séjour, aggravés du fait de la crise sanitaire. Bien sûr, il s’agit d’un problème ancien. En 2013, le rapport Fekl documentait une situation bien connue des étrangers et des associations qui les accompagnent dans leurs démarches, à savoir la délivrance très limitée des titres de séjour pluriannuels (en 2011, 2 % des titres de séjour délivrés), obligeant les personnes à demander des renouvellements régulièrement, conduisant à l’engorgement des préfectures, et engendrant des frais considérables et qui ont beaucoup augmenté dans le temps.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#minorite#droit#inegalite#economie

  • La « pulsion de mort » a cent ans et, pendant la pandémie de Covid-19, elle se porte bien…
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/13/la-pulsion-de-mort-a-cent-ans-et-pendant-la-pandemie-de-covid-19-elle-se-por

    En février, C&F éditions va publier un ouvrage du psychanalyste Daniel Oppenheim sur la destructivité...

    Histoire d’une notion. L’année 2020, qui a connu un monde à l’arrêt et des records de mortalité, a fait resurgir la mort au cœur de nos vies. Cette même année, la « pulsion de mort » a eu cent ans. Théorisée par Freud dans un texte appelé Au-delà du principe de plaisir (1920), cette notion, qu’il assume comme spéculative, vient « bouleverser l’édifice, explique le psychanalyste Jacques André. Contrairement à toute la première doctrine de la psychanalyse, qu’il construit autour du principe de plaisir, il introduit la mort au cœur de la vie pulsionnelle, faisant place à la part la plus âpre de la vie psychique ».

    Il y a d’abord un constat clinique : Freud observe chez certains patients une compulsion de répétition. Une force irrépressible, qui échappe manifestement au « principe de plaisir », qui fait que certains patients paraissent ne pas vouloir guérir, voire peut-être régresser jusqu’à engendrer leur propre destruction. « Certaines personnes donnent en effet l’impression d’être poursuivies par le sort, on dirait qu’il y a quelque chose de démoniaque dans tout ce qui leur arrive », écrit-il.

    #Psychanalyse #Pulsion_mort #Destructivité