Erreur 404

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  • L’exode vénézuélien sans précédent en Amérique latine, possible levier de croissance de la région
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/30/l-exode-venezuelien-sans-precedent-en-amerique-latine-possible-levier-de-cro

    Les millions d’exilés qui ont fui le Venezuela et les politiques dévastatrices de son président Nicolas Maduro posent un défi énorme aux pays voisins qui les accueillent, mais sont peut-être aussi une chance.

    Analyse. Plus de 5,5 millions de personnes, selon l’ONU, ont quitté le Venezuela ces dernières années, soit près de 18 % de la population ; les experts voient leur nombre atteindre 6 millions à la fin de l’année 2021, 7 millions en 2022. L’exode des Vénézuéliens, sans précédent en Amérique latine, constitue un défi économique, social, sanitaire et politique énorme pour la région. Le pari que font certains économistes est qu’il constitue, à terme, un levier de croissance.

    La pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières ont freiné le flux migratoire sans l’interrompre. Premier pays d’accueil, la Colombie, qui se veut modèle en la matière, vient d’annoncer la régularisation de plus de 1 million de migrants vénézuéliens. Pour le FMI, qui s’en est félicité, cette mesure devrait « à moyen terme, augmenter le potentiel de croissance » du pays. Les migrants régularisés consomment, produisent, créent des entreprises, paient leurs cotisations sociales et leurs impôts.

    La Colombie a plus de 2 000 kilomètres de frontières communes avec le Venezuela. Première destination des exilés vénézuéliens, elle en a accueilli, à elle seule, près de 1,8 million en moins de cinq ans − près de 4 % de sa population. Le Pérou abrite près de 1 million de Vénézuéliens, le Chili 455 000, le petit Equateur 415 000.
    Vendeurs, livreurs…

    Dans l’immédiat, il faut assurer aux migrants une aide d’urgence, les soigner, les vacciner contre le Covid-19, leur trouver un logement et un emploi, scolariser leurs enfants. La pression sur les budgets publics est d’autant plus forte que le PIB de la région a chuté de 7 % en 2020. La coopération internationale reste limitée. Selon l’opposant vénézuélien David Smolansky, « un réfugié syrien a reçu, en moyenne, 5 000 dollars [4 150 euros] d’aide internationale, un migrant vénézuélien, 255 dollars ».

    L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) demandent, à la communauté internationale, une aide de 1,4 milliard de dollars [1,15 milliard d’euros] pour le Venezuela. Une conférence des donateurs doit avoir lieu en juin.

    La plupart des Vénézuéliens travaillent dans le secteur informel, comme vendeurs ambulants, serveurs, livreurs à vélo, employées domestiques, coiffeurs ou musiciens. Le coup de frein économique induit par la pandémie a précarisé un peu plus leur situation. Une étude menée en Colombie montre qu’ils sont jeunes (près de 60 % ont entre 15 et 39 ans) et en moyenne plus diplômés que la population locale. « L’arrivée sur le marché de ces migrants fait pression sur les revenus des travailleurs du secteur informel, qui sont les plus précaires », souligne Ana Maria Ibanez, économiste de la Banque interaméricaine de développement.

  • « Le terrorisme djihadiste n’est pas une menace existentielle, mais une nuisance durable »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/30/le-terrorisme-djihadiste-n-est-pas-une-menace-existentielle-mais-une-nuisanc


    Boris Séméniako

    ENTRETIEN Marc Hecker et Elie Tenenbaum, chercheurs à l’Institut français des relations internationales, dressent, dans un entretien au « Monde », le bilan de vingt ans de lutte contre le terrorisme djihadiste, sur les théâtres extérieurs comme intérieurs.

    Marc Hecker et Elie Tenenbaum sont chercheurs à l’Institut français des relations internationales. Dans _La Guerre de vingt an_s (Robert Laffont, 448 pages, 24,90 euros), ces deux spécialistes des questions de défense et de terrorisme font la rétrospective de deux décennies de lutte contre le terrorisme, en particulier sur les théâtres étrangers. Du début de la « guerre contre le terrorisme » américaine, après les attentats du 11 septembre 2001, à New York, à la fin du contre-terrorisme comme priorité stratégique revendiquée par les Etats-Unis.

  • Montaigne, la cérébrologie et le passeport bipolaire, Mathieu Bellahsen
    https://blogs.mediapart.fr/mathieu-bellahsen/blog/010521/montaigne-la-cerebrologie-et-le-passeport-bipolaire-episode-2

    En guise d’illustration de la mutation cérébrologique du champ de la psychiatrie et de la santé mentale, l’institut Montaigne et le site de FondaMental vantent une « radicalité » dans les décisions politiques à prendre. Radicalité fondée sur l’ubérisation de la psychiatrie.

    Le 29 avril 2021, la directrice déléguée de la santé de l’institut Montaigne s’inquiète dans une tribune parue dans Le Monde : de "l’absence d’une certaine forme de radicalité dans les décisions prises, la situation de crise profonde dans laquelle se trouve la psychiatrie" https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/29/face-a-une-offre-de-soins-en-psychiatrie-sinistree-il-faut-mener-une-reforme

    Depuis 2007, la cérébrologie a sa fondation soutenue et financée par ce même Institut Montaigne. FondaMental s’est progressivement infiltrée dans l’appareil d’État et sur les plateaux télés jusqu’à devenir un acteur incontournable de la santé mentale. Le délégué à la psychiatrie nommé par le pouvoir macroniste en est directement issu.

    Destruction explicite de la psychiatrie au profit de la cérébrologie, du big data et des start-up

    Pour illustrer ce que nous avons avancé dans le premier épisode https://blogs.mediapart.fr/mathieu-bellahsen/blog/290421/assises-de-la-psychiatrie-couchee-episode-1-la-consecration-de-la-ce, rien de plus facile car tout est dit, sans état d’âme, sur le site de FondaMental qui développe "le passeport bipolaire". Ce passeport bipolaire a fait l’objet d’un arrêté officiel publié au JO le 26 août 2019. FondaMental en fait la promotion sur son site. Sa directrice, Marion Leboyer, y dit sans ambage :

    « Cette expérimentation concrétise les transformations souhaitées par les cliniciens et les patients vers une prise en charge globale (psychiatrique et somatique) et spécialisée, au sein d’un modèle économique incitant à la qualité et à l’efficience. Elle préfigure des évolutions qui pourraient s’appliquer aux autres maladies psychiatriques comme la dépression ou la schizophrénie. »

    Le texte publié sur le site de FondaMental est organisé en trois chapitres : « l’innovation organisationnelle », « l’innovation technologique » et « l’innovation de tarification ».

    Rappelons, comme l’a montré Rachel Knaebel, que l’institut Montaigne et de nombreuses entreprises du CAC 40 soutiennent FondaMental. L’institut a d’ailleurs co-édité le livre "Psychiatrie état d’urgence". Au sein de la société française, l’institut Montaigne milite pour les réformes néolibérales des services publics. Il se réclame de « l’innovation », « l’égalité » et « l’efficacité » . Cette efficacité se présente comme altruiste et entend réduire les dépenses publiques et les coûts sociaux (ici les arrêts de travail).

    De la première à la dernière ligne du site, l’enjeu est clairement énoncé. Sans complexe.

    « En rupture avec le fonctionnement actuel de la psychiatrie française, Passport BP propose un parcours de soins spécialisé, spécifique aux personnes avec troubles bipolaires, en aval de leur passage dans un service de psychiatrie adultes (…) Passport BP propose d’expérimenter un nouveau mode de financement avec une bascule progressive d’un financement par la dotation annuelle de fonctionnement (DAF), budget global inégalitaire, inefficace et peu propice au déploiement de nouvelles organisations, à un financement forfaitaire au parcours, afin de dégager de nouvelles ressources pour la psychiatrie française tout en réduisant la dépense pour la collectivité par la limitation des hospitalisations et arrêts de travail. »

    [...]

    « Le projet Passport BP (Bipolaire) s’appuie sur une utilisation intensive des outils numériques et le traitement massif de données de santé pour piloter le projet de soin du patient (…). Inédite, la solution (MW...) permettra notamment un suivi rapproché des symptômes de la maladie facilitant la prise en charge rapide des crises et des événements somatiques. Au travers de l’utilisation de l’intelligence artificielle, MW permettra également d’introduire des logiques prédictives dans la prise en charge »

    Ni psychiatres, ni fous, ni soignants, ni lits, ra-di-cal.

    #psychiatrie #tarification #IA #données_de_santé #santé_publique #austérité #ambulatoire #Mathieu_Bellahsen

  • Migrants à la frontière franco-italienne : « La solidarité n’est pas un délit ! »

    Alors que se tiendront, le 22 avril et le 27 mai à Gap et à Grenoble, les procès de plusieurs personnes solidaires de migrants, les élus écologistes #Damien_Carême et #Guillaume_Gontard ont lancé un #appel pour demander au gouvernement français de cesser ses pratiques indignes.

    #Tribune. L’hiver est officiellement fini. Pas celui qui s’abat sur les personnes exilées et celles qui sont solidaires. Cet hiver-là est le plus rude de tous : indigne, violent, inhumain. À Montgenèvre (Hautes-Alpes), village au-dessus de Briançon encore sous la neige, la situation ne cesse de se dégrader depuis des semaines.

    A 1 800 mètres d’altitude, le gouvernement français militarise et montre les poings, pensant ainsi en mettre, des points, sur des « i » fantasmagoriques : il y aurait des migrants dangereux, il y aurait des personnes solidaires complices, il y aurait un flot d’arrivées massives. Et la seule solution serait de rejeter, humilier, édifier des murs.

    C’est un mensonge.

    Les personnes solidaires ne sont pas des coupables. Ils et elles ne sont pas des hors-la-loi. La Cour de cassation de Lyon l’a confirmé, le 31 mars, en relaxant définitivement Cédric Herrou.

    La solidarité n’est pas un délit !

    Les atteintes portées aux droits sont récurrentes

    Pourtant, à Montgenèvre, le gouvernement choisit la répression. Et, chaque semaine, il surenchérit dans cette voie inhumaine. Il bafoue les droits français, européen et international et les droits des êtres humains, en toute impunité, tout en distillant sournoisement l’idée que la solidarité sert de planque à de sombres desseins. C’est de la manipulation.

    Les faits, graves, sont dénoncés depuis des semaines par une vingtaine de parlementaires qui se sont rendus, et continuent de se rendre, sur place pour les constater et témoigner : droit d’asile piétiné, assistance médicale empêchée, mise en danger d’autrui, séparation de la famille, poursuites abusives de bénévoles, gardes à vue de journalistes, interpellations, amendes et interrogatoires abusifs, tentatives d’intimidations… Les atteintes portées aux droits sont récurrentes.

    Cette situation honteuse dans les Hautes-Alpes se déroule à l’identique dans les Alpes-Maritimes, à la frontière entre Menton et Vintimille : la criminalisation des personnes solidaires s’y exerce de la même manière, les personnes exilées y sont refoulées avec la même fermeté. Cette même situation vécue, avant, dans la vallée de la Roya ou que vivent, sur certains aspects, les Pyrénées à la frontière franco-espagnole.

    Une folie sécuritaire de la France et de l’UE

    Dans cette folie sécuritaire, l’Union européenne (UE) et le gouvernement déploient aux frontières intérieures et extérieures de l’UE des moyens financiers démesurés pour une politique qui, en plus d’être indigne et inhumaine, est inefficace. Aucun mur, rien ni personne, n’empêchera jamais un être humain de mettre un pied devant l’autre pour sauver sa vie.

    Cette folie est responsable de drames, de vies brisées au bout d’un parcours déjà jalonné de souffrances pour ces familles qui partent sur la route de l’exil avec des femmes enceintes, de jeunes enfants, des nourrissons, des personnes âgées. Le gouvernement français doit respecter le droit français, le droit européen, le droit international comme les droits d’asile et les droits humains.

    Les personnes exilées, les personnes solidaires et les associations d’aide doivent être traitées dignement. Elles ne sont pas des délinquantes.

    Les exilés ne doivent être ni victimes ni alibis de cette folie sécuritaire.

    La détermination des bénévoles

    N’en déplaise au gouvernement, la solidarité est partout sur le territoire français. Les bénévoles qui tentent, malgré les intimidations qu’ils subissent, de porter secours et assistance aux personnes en exil sont le visage de nos valeurs républicaines : la fraternité, la solidarité. Ces bénévoles n’ont pas renoncé à un Etat de droit capable d’accueillir et de protéger. Ils continuent d’agir, de jour comme de nuit, même quand l’hiver alpin sévit. Ils agissent par humanité.

    Pourtant, ces personnes risquent gros… Malgré la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 reconnaissant la fraternité comme un principe à valeur constitutionnelle, la mettre concrètement en œuvre peut encore mener derrière les barreaux. C’est ce que risquent plusieurs citoyens solidaires, ces prochaines semaines, au cours de deux procès qui s’annoncent :

    Le 22 avril, à Gap, contre deux citoyens solidaires briançonnais, poursuivis pour « aide à l’entrée illégale et à la circulation sur le territoire national de personnes en situation irrégulière » pour avoir porté secours à une famille afghane sur le territoire français.

    Le 27 mai, à Grenoble, contre sept citoyens solidaires briançonnais pour avoir participé, le 22 avril 2018, à une manifestation qui visait à dénoncer l’action de Génération Identitaire présente la veille au col de l’Échelle (Hautes-Alpes), ainsi que la militarisation de la frontière. Ce qu’il se passe aujourd’hui à nos frontières est insupportable.

    Pour le respect du droit national et international

    Les dénis de droits et les violences exercées ne peuvent être plus longtemps supportés.

    Nous, signataires de cette tribune, demandons au gouvernement français de cesser ses pratiques indignes, illégales, illégitimes et dangereuses à la frontière. Nous lui demandons de respecter le droit national et international. Nous lui demandons d’en finir avec son récit mensonger. Nous, signataires de cette tribune, demandons au gouvernement français d’ouvrir les yeux sur la réalité d’un territoire où les initiatives solidaires sont bien réelles.

    Il en va de la dignité de notre pays. Après l’hiver, le printemps.

    Les premiers signataires de cette tribune : Damien Carême, député européen (EELV), président de l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita) ; Elsa Faucillon, députée (Hauts-de-Seine, PCF) ; François Gemenne, chercheur, spécialiste des migrations internationales ; Guillaume Gontard, sénateur (Isère, EELV), président du Groupe écologiste-Solidarité & Territoires ; Cédric Herrou, Emmaüs Roya ; Martine Landry, Amnesty international, Alpes-Maritimes ; Aurélien Taché, député (Val-d’Oise, Les Nouveaux Démocrates) ; Sophie Taillé-Polian, sénatrice (Val-de-Marne), Génération. s, Groupe écologiste-Solidarité & Tterritoires ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS.

    Liste complète des signataires : https://europeecologie.eu/tribune-a-la-frontiere-franco-italienne-le-gouvernement-francais-doit

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/20/migrants-a-la-frontiere-franco-italienne-la-solidarite-n-est-pas-un-delit_60

    #asile #migrations #frontières #France #Italie #Briançon #Hautes-Alpes #Briançonnais #frontière_sud-alpine

    juste pour info, j’ai aussi co-signé la tribune...

    –-
    ajouté à la métaliste sur les Hautes-Alpes :
    https://seenthis.net/messages/733721

    • 03.02.2022, encore Damien Carême et encore A l’air libre :

      Considérer la #migration comme un problème n’a aucun sens. Faire croire qu’on peut l’arrêter non plus.

      Le vrai problème, c’est le mensonge.
      Le vrai problème, c’est la manipulation.
      Ce n’est pas l’accueil qui coûte cher, c’est la haine.

      #refoulement + inhumanité + manipulation = #budget « peur » décuplé.

      La maltraitance d’Etat, tout comme la maltraitance d’Europe, a un prix !

      De 2006 à 2021, le budget annuel de #Frontex est passé de 19 à 544 millions d’euros.

      Et l’augmentation continue

      Tout cet argent pour quoi ?

      Pour un mensonge : celui de la surveillance, de la militarisation, de la violence. Celui des murs et des barbelés. Celui de l’indignité.

      Au bout du compte, la seule qui prospère, c’est la mort.

      Le nombre de personnes migrantes décédées en mer en tentant de rejoindre l’#Europe a plus que doublé en 2021 : au moins 1146 personnes ont ainsi perdu la vie au cours du premier semestre 2021 …

      Et en #Manche ? Le drame continue.

      Triangle pointant vers la droite En 2021, 52000 chercheur•se•s de refuge ont tenté de passer de la France au Royaume-Uni (source ministère de l’Intérieur)

      Ces hommes, ces femmes, ces enfants embarquent désormais à bord de toutes petites embarcations insalubres.

      Les risques sont à la hauteur du désespoir : démesurés.

      Pourtant.

      Plutôt que de distribuer les #OQTF nous pourrions intégrer celles et ceux qui le souhaitent ardemment.

      🗣 Nous pouvons le faire !

      Nous pouvons organiser l’accès aux soins, à la langue, à l’apprentissage : intégrer à notre société plutôt que fabriquer des parias à qui l’on refuse tout.

      La peur, c’est nous qui la créons.

      Enfin, c’est eux surtout Visage avec yeux en spirales

      Depuis que la rhétorique de l’extrême-droite a été digérée par le débat public, c’est la surenchère.

      Le cercle est vicieux. Vicié.

      La mauvaise foi des gouvernements qui se succèdent est totale.

      Elle porte le poids de toutes les vies sacrifiées.

      La #migration ? On n’est pas pour ou contre : elle est là, depuis que l’humanité existe. Aucun mur n’a jamais empêché (n’empêchera jamais) un être humain de mettre unPieddevant l’autre pour sauver sa vie. Plutôt que des plaies béantes, faisons des frontières des cicatrices
      Sans #migration la population de notre #europe vieillissante aurait diminué d’1/2 million en 2019 (4,2 millions d’enfants sont nés / 4,7 millions de personnes sont décédées) - source @EU_Commission

      Le problème n’est pas la migration.
      Le problème, c’est la haine.

      Personne ne quitte son pays de gaité de cœur.

      Personne.

      Organisons l’accueil.

      https://twitter.com/DamienCAREME/status/1489252446975135751

  • Mauvaise nouvelle : #L'Economie est prête à repartir malgré la pandémie
    https://ricochets.cc/Mauvaise-nouvelle-l-Economie-est-prete-a-repartir-malgre-la-pandemie.html

    Contrairement aux analyses d’économistes sur le journal libéral Le Monde, on ne se réjouit pas du fait que l’Economie pourrait repartir à fond dès 2022. Non pas qu’on souhaite la misère et la précarité, mais parce qu’une économie en berne pourrait affaiblir les Etats et le capitalisme, les obliger à lâcher du lest, à nous lâcher la grappe, et pourrait inciter les peuples à se tourner vers autre chose que la reprise suicidaire du système techno-industriel (capitaliste & étatiste) qui détruit aussi bien le (...) #Les_Articles

    / #Résistances_au_capitalisme_et_à_la_civilisation_industrielle, L’Economie

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/20/l-etonnante-resilience-de-l-economie-pendant-la-pandemie_6077363_3232.html
    https://reporterre.net/Animaux-sauvages-et-domestiques-ils-attrapent-aussi-le-Covid
    https://laviedesidees.fr/Decapitaliser-les-consciences.html

  • Vaccin contre le Covid-19 : « L’opération Warp Speed, un succès américain »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/16/vaccin-contre-le-covid-19-l-operation-warp-speed-un-succes-americain_6077029

    « Warp Speed », que l’on pourrait traduire par « vitesse de l’éclair », est une expression tirée de l’imaginaire de la science-fiction : c’est la vitesse permettant de passer d’un espace-temps à un autre, en faisant fi, science-fiction oblige, des règles connues de la physique qui interdisent de voyager plus vite que la lumière. Tout est dit dans cette appellation. Urgence, urgence absolue. Oublier les contraintes, se bouger. Pragmatisme et vitesse.
    Trois idées-clés ont été mobilisées dans cette opération hors norme.
    Partir d’un large portefeuille de pistes de solution, d’où qu’elles viennent ; et les mener toutes de front en mettant le paquet – 11 milliards de dollars (environ 9,20 milliards d’euros) –, en pariant sur plusieurs chevaux. Il en sortira bien des gagnants, le plus vite sera le mieux.
    Certains grands industriels de la pharmacie n’ont pas d’expérience sur les vaccins ? Peu importe ! Qu’ils tentent leur chance, on les soutient aussi ! Il faut acheter une technologie étrangère ? Peu importe, on se la procure tout de suite. Pfizer n’est pas leader dans les vaccins, BioNTech est une start-up allemande, qui plus est fondée par deux biologistes turcs immigrés ? Et alors ? On les finance aussi ! (Pzifer refusera les financements, mais pas une précommande de 300 millions de doses). Moderna est une start-up américaine dirigée par un Français, et alors ? Peu importe qu’il y ait des échecs, y compris de Sanofi et de GlaxoSmithKline, pourtant eux aussi financés, si d’autres sortent un ou deux vaccins très vite.

    #Covid-19#migrant#migration#etatsunis#sante#recherche#innovation#entreprise#immigrant

  • #Robert_Boyer : « Le #capitalisme sort considérablement renforcé par cette #pandémie »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/02/robert-boyer-le-capitalisme-sort-considerablement-renforce-par-cette-pandemi

    https://robertboyer.org

    La « congélation » de l’#économie a accéléré le déversement de valeur entre des industries en déclin et une économie de plates-formes en pleine croissance – pour faire image, le passage de l’ingénieur de l’aéronautique au livreur d’Amazon. Or cette économie offre une très faible valeur ajoutée, un médiocre niveau de qualification à la majorité de ceux qui y travaillent, et génère de très faibles gains de productivité. J’ai longtemps pensé que ces caractéristiques allaient déboucher sur une crise structurelle du capitalisme, mais je reconnais aujourd’hui que je me suis trompé.

    [...]

    La contingence des événements devrait d’ailleurs inciter économistes et politistes à se méfier des prédictions issues des modèles théoriques auxquels la réalité historique devrait avoir le bon goût de se plier… car c’est rarement le cas. Cinquante ans de pratique de la théorie de la régulation m’ont appris qu’il faut toujours réinjecter dans l’analyse le surgissement des nouvelles combinaisons institutionnelles et politiques que crée de façon contingente la marche de l’histoire. Comme le disait Keynes [1883-1946] : « Les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière.

    [...]
    Je prendrais un seul exemple, pas tout à fait au hasard : l’économie de la santé. Pour les macroéconomistes, le système de santé représente un coût qui pèse sur la « richesse nationale », et il faut donc le réduire – et les politiques les ont suivis sur cette voie. Depuis vingt ans, les ministres de l’économie ont l’œil rivé sur le « spread », l’écart de taux entre les emprunts d’Etat des différents pays. Leur objectif est que l’économie nationale attire suffisamment le capital pour que celui-ci vienne s’investir ici plutôt qu’ailleurs. Ce n’est pas idiot en soi, mais la conséquence qui en a été tirée a été de limiter la dépense publique de santé, d’éducation, d’équipement…

    [...]

    Je voyage beaucoup au Japon, dont l’absence de croissance depuis plus de vingt ans, malgré la répétition des « plans de relance », est considérée par les macro-économistes comme une anomalie. Et si, au contraire, le Japon explorait un modèle économique pour le XXIe siècle, où les dividendes de l’innovation technologique ne sont pas mis au service de la croissance, mais du bien-être d’une population vieillissante ? Car après tout, quels sont les besoins essentiels pour les pays développés : l’accès de tous les enfants à une éducation de qualité, la vie en bonne santé pour tous les autres, y compris les plus âgés, et enfin la culture, car c’est la condition de la vie en société – nous ne sommes pas seulement des êtres biologiques qui doivent uniquement se nourrir, se vêtir et se loger. Il nous faut donc être capables de créer un modèle de production de l’humanité par l’humain. C’est ce que j’appelle dans le livre une économie « #anthropogénétique ».

    [...]

    La crise du Covid-19, en nous faisant prendre conscience de la fragilité de la vie humaine, pourrait changer les priorités que nous nous donnons : pourquoi accumuler du capital ? Pourquoi consommer de plus en plus d’objets à renouveler sans cesse ? A quoi sert un « progrès technique » qui épuise les ressources de la planète ? Comme le proposait Keynes dans sa Lettre à nos petits-enfants (1930), pourquoi une société où, la pauvreté ayant été vaincue, une vie en bonne santé ouverte sur la culture et la formation des talents ne serait-elle pas attirante et réalisable ? Puisque nous commençons à peine à prendre conscience que « les dépenses de production de l’humain » sont devenues la part majeure des économies développées ; le Covid-19 a donné pour priorité à l’Etat la protection du vivant et l’a contraint à investir pour cela, engageant de fait une « biopolitique », d’abord contrainte mais demain choisie.

    Mais il faudrait une coalition politique puis des institutions nouvelles pour faire de ce constat un projet. Il est malheureusement possible que d’autres coalitions – au service d’une société de surveillance, incarnée dans un capitalisme de plate-forme ou dans des capitalismes d’Etat souverains – l’emportent. L’histoire le dira.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/13/pourquoi-un-an-apres-des-pays-asiatiques-enregistrent-un-rebond-de-leur-econ

  • Historiquement, seules des violences de masses ont pu véritablement libérer les peuples des inégalités sociales
    https://ricochets.cc/Historiquement-seules-des-violences-de-masses-ont-pu-liberer-les-peuples-d

    Un livre d’historien iconoclaste, qui démolit l’idée qu’un Etat fort, du progrès technologique, des "démocraties" libérales et des programmes de redistribution des richesses pourraient suffire à réduire vraiment les inégalités sociales croissantes. La gauche "de gouvernement" devra donc se convertir à la révolution, au basculement radical et à l’anarchisme ? « Dans cet ouvrage, nous pouvons compter au moins trois grandes idées désagréables sur l’inégalité. La première est que, loin de s’opposer, civilisation (...) #Les_Articles

    / #Résistances_au_capitalisme_et_à_la_civilisation_industrielle, Révoltes, insurrections, débordements..., Révolution , #Catastrophes_climatiques_et_destructions_écologiques, Epidémies, gestion de crise, en temps de (...)

    #Révoltes,_insurrections,_débordements... #Révolution_ #Epidémies,_gestion_de_crise,_en_temps_de_catastrophe
    https://www.lalibrairie.com/livres/une-histoire-des-inegalites--de-l-age-de-pierre-au-xxie-siecle_0-676935
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/pandemie-le-monde-dapres-sera-t-il-plus-inegal


    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/12/une-histoire-des-inegalites-les-catastrophes-plus-efficaces-que-les-reformes

  • Morgan Large, journaliste victime de malveillance : “Je casse le roman agricole breton” | Louis Borel
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/morgan-large-journaliste-victime-de-malveillance-je-casse-le-roman-agricole

    Journaliste à Radio Kreizh Breizh, Morgan Large a subi insultes, menaces et sabotage : des tentatives d’intimidations pour avoir dénoncé les dérives de l’agriculture intensive en Bretagne. Aujourd’hui, la journaliste souhaite porter plainte. Et compte poursuivre ses enquêtes. Source : Télérama.fr

  • « Notre surconsommation d’engrais azotés de synthèse est un désastre écologique, social et économique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/08/notre-surconsommation-d-engrais-azotes-de-synthese-est-un-desastre-ecologiqu

    Les engrais chimiques sont une potion magique issue de la guerre. L’invention du chimiste Fritz Haber (1868-1934), qui a reçu le prix Nobel pour ses travaux sur la synthèse de l’ammoniac, avait deux objectifs : nourrir davantage d’êtres humains et fabriquer des explosifs. Cette découverte a permis d’augmenter rapidement les rendements agricoles au sortir de la seconde guerre mondiale, tout en offrant de nouveaux débouchés aux industries créées en temps de guerre. Depuis 1960, notre consommation mondiale d’engrais azotés de synthèse a été multipliée par neuf – pourtant les plantes n’absorbent que la moitié de l’azote produit. Alors, où va le reste ?

    Notre surconsommation d’engrais azotés de synthèse est un désastre écologique, social et économique. La fabrication de ces engrais, que nous importons à 60 %, est une bombe climatique : il faut l’équivalent en gaz d’un kilogramme de pétrole pour produire un kilogramme d’azote. Une fois arrivés dans nos champs, ils émettent massivement du protoxyde d’azote, un gaz 265 fois plus puissant que le CO2. L’azote qui n’est pas absorbé par les plantes pollue les cours d’eau et l’eau du robinet, et tue la biodiversité aquatique – le phénomène des algues vertes est désormais bien connu. De l’ammoniac s’évapore également dans l’air et contribue à produire des particules fines, qui génèrent des pics de pollution jusque dans les villes lors des épandages au printemps. L’adoption massive des engrais chimiques a provoqué une chute de la teneur en matière organique des sols et une augmentation des traitements pesticides car trop d’azote rend les plantes vulnérables aux pathogènes.

    #tribune_derrière_paywall

  • « Le pari sur le vaccin Spoutnik V aurait pu réussir. Ce qui lui a manqué définit les limites du poutinisme »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/07/le-pari-sur-spoutnik-v-aurait-pu-reussir-ce-qui-lui-a-manque-definit-les-lim

    Le vaccin russe contre le Covid-19 paraissait bien parti. L’hubris, la faiblesse industrielle et la méfiance en ont décidé autrement.

    Chronique. Le 4 octobre 1957, un signal sonore émis toutes les quatre-vingt-seize minutes au-dessus des Etats-Unis figea les savants américains : l’Union soviétique (URSS) venait de gagner la première manche de la course à l’espace. Le satellite Spoutnik 1 était le premier jamais lancé en orbite – et c’est Moscou qui avait réalisé l’exploit. En pleine guerre froide, Nikita Khrouchtchev marquait un point dont, en matière de propagande, personne ne pouvait sous-estimer la valeur.

    Les Russes aiment l’histoire et Vladimir Poutine vénère l’URSS. Six décennies plus tard, il a voulu rééditer l’exploit. Cette fois, ce n’est plus sur les satellites que porte la compétition mais sur les vaccins, seuls capables de vaincre la pandémie de Covid-19. Visionnaire, le président russe fait le pari, dès février 2020 : son pays sera le premier à produire le vaccin.

    La Russie a des atouts. En matière scientifique, elle a beaucoup perdu avec la fuite des cerveaux au moment de l’effondrement de l’URSS en 1991, mais elle a de beaux restes. L’institut de recherche épidémiologique et microbiologique Gamaleïa, qui a déjà travaillé sur un coronavirus, le MERS-CoV, apparu au Moyen-Orient en 2012, et sur le virus Ebola, se met sur le SARS-CoV-2.

    Surtout, Poutine confie la direction des opérations à un homme de confiance, Kirill Dmitriev, as de la finance formé à Stanford et Harvard, passé par Goldman Sachs et McKinsey. A 45 ans, Dmitriev dirige depuis dix ans le très puissant fonds souverain russe, le RDIF (Russian Direct Investment Fund), qui a quelque 10 milliards de dollars (8,4 milliards d’euros) à investir. Dominique Strauss-Kahn siège – seul étranger – à son conseil de surveillance et il arrive à Nicolas Sarkozy de venir célébrer la « puissance russe » à ses dîners de gala.

    A l’instar de Donald Trump avec l’opération Warp Speed aux Etats-Unis ou de Boris Johnson avec sa task force vaccins, confiée aussi à une financière de choc, Kate Bingham, Vladimir Poutine a « mis le paquet », comme dirait Emmanuel Macron en regrettant de ne pas l’avoir fait. Ce pari, le président russe aurait pu le réussir. Ce qui lui a manqué pour y parvenir définit, finalement, les limites de son règne.

    Insuffisance des capacités de production
    Dmitriev baptise le projet Spoutnik, en référence à la gloire passée et ajoute « V » pour vaccin, ou « victory ». Car à nouveau, dit-il en juillet 2020, les Américains découvriront avec surprise que « les Russes y sont arrivés les premiers ». De fait, en août, la Russie revendique le premier vaccin au monde contre le Covid-19.

    la suite des limites du poutinisme est derrière le #paywall :-(

    • C’est là que les ennuis commencent. En claironnant leur découverte alors qu’ils n’étaient qu’en phase 3 des essais, les Russes ont aussitôt suscité la méfiance. Cela fleure trop la propagande. D’autant plus que le même mois, la Russie fait parler d’elle pour un autre exploit chimique, nettement moins glorieux : l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny. Spoutnik V devient « le seul vaccin à avoir son propre compte Twitter », dit Dmitriev, qui l’a ouvert en août pour « dissiper les malentendus ». L’institut Gamaleïa a bel et bien mis au point un vaccin, mais il faudra des mois à Moscou pour l’imposer aux experts mondiaux. La reconnaissance arrive en février 2021 dans la revue scientifique The Lancet, qui en admet l’efficacité à plus de 90 %.

      Entre-temps est apparu un autre problème : l’insuffisance des capacités de production en Russie. En octobre, M. Poutine évoque lui-même, devant un forum d’investisseurs, des « problèmes liés à l’absence de certains équipements pour la production de masse ». Le président russe récolte ce qu’il n’a pas su semer en vingt ans : son pays n’a pas d’industrie pharmaceutique digne de ce nom.

      L’économiste russe Sergei Guriev, professeur à Sciences Po, rappelle un épisode révélateur, celui du refus par Moscou en 2013 de la vente de la firme russe Petrovax, créée par des scientifiques en 1996, à la société américaine Abbott Laboratories. Modernisée, elle aurait pu produire du Spoutnik V. Mais le secteur pharmaceutique russe est un secteur « captif », source de multiples trafics, comme celui qui a valu il y a deux semaines au gouverneur régional de Penza et au patron de la firme locale Biotek d’être arrêtés pour corruption.

      Des importations nécessaires

      Dmitriev s’active, vend le Spoutnik V dans plus de cinquante pays, noue des partenariats en Inde, au Kazakhstan ou en Corée du Sud pour le faire fabriquer à l’extérieur. Car la pénurie sévit. Non seulement la Russie n’arrive pas à livrer toutes les doses de Spoutnik promises à l’exportation, mais elle est obligée d’en importer pour ses propres ressortissants https://www.nytimes.com/2021/03/28/world/europe/sputnik-vaccine-russia.html?action=click&module=Top%20Stories&pgtype=Homepa. Non pas qu’ils se battent pour se faire piquer : à peine plus de 5 % de la population russe est actuellement vaccinée. Mais ils n’ont accès à aucun vaccin étranger, et les sondages montrent qu’eux aussi se méfient de Spoutnik V. C’est le troisième écueil.
      La dernière faille est d’ordre géopolitique. Le 7 novembre 2020, Poutine téléphone à Macron, évoque une coopération possible sur Spoutnik V. L’Elysée donne le feu vert à l’envoi d’une délégation, dirigée par la virologue Marie-Paule Kieny, présidente du comité vaccins français, qui se rend à Moscou les 27 et 28 novembre et offre ses conseils pour la procédure d’homologation par l’Agence européenne du médicament (EMA). Des jalons sont aussi posés avec l’Allemagne.

      Mais comme d’habitude, la Russie joue mieux la carte bilatérale que multilatérale ; trop contente de diviser l’Union européenne, elle livre en fanfare des doses à la Hongrie… avant de finir par déposer le dossier de Spoutnik V à l’EMA, fin janvier. Elle fournit la Slovaquie, où l’opération tourne au fiasco. Pendant ce temps, la Chine ramasse la mise en inondant de ses propres vaccins des pays où la Russie espérait marquer des points, comme la Serbie et la Turquie.

      Spoutnik V n’a pas dit son dernier mot – le Covid-19 non plus. Ni Poutine, qui vient de promulguer la loi lui permettant de rester au pouvoir jusqu’à 2036. C’est sa revanche sur Khrouchtchev.

      #covid-19 #vaccins #industrie_pharmaceutique #pénurie #géopolitique #Russie #Chine

    • La Russie n’a le monopole ni de la désindustrialisation, ni de l’incapacité à anticiper sur des besoins émergents. Aucun hexagonal ne devrait en douter. Tous les états qui le peuvent utilisent leur industrie comme arme de propagande. Sur les vaccins, les USA, et surtout la Chine, gagnent.
      Qu’un chef d’état se soit formé en école de commerce ou dans les services secrets, c’est pas la même peste.

  • « Il faut que l’air intérieur soit considéré comme un bien public », Isabella Annesi-Maesano

    Le SARS-CoV-2 a été retrouvé en suspension dans l’air pendant plusieurs heures, rappelle l’épidémiologiste Isabella Annesi-Maesano. Pour empêcher la transmission aéroportée du virus, il faut mettre en œuvre un plan d’assainissement de l’air intérieur dans les lieux publics.

    Tribune. En 2020, j’ai fait partie du groupe de 239 chercheurs qui ont publié une lettre d’alerte sur l’importance de la contamination par le SARS-CoV-2 en suspension dans l’air à l’intérieur des locaux https://academic.oup.com/cid/article/71/9/2311/5867798. Cet appel est resté lettre morte ! Plusieurs mesures sont proposées pour contenir la transmission du virus, mais paradoxalement, on oublie d’agir là où la transmission est la plus dangereuse.

    Nous savons maintenant que le SARS-CoV-2 se transmet principalement par aérosol, terme utilisé pour indiquer tout mélange de particules de taille inférieure à 5 micromètres, solides ou liquides, de nature chimique (métaux, diesel…) ou biologique (spores de moisissures, bactéries, virus…).

    70-130 nanomètres

    Plus ces particules sont petites, plus elles sont légères et restent facilement dans l’air en s’agrégeant sous la forme d’aérosols. C’est le cas du SARS-CoV-2 qui est très petit (70-130 nanomètres) et qui a été retrouvé en suspension dans l’air pendant plusieurs heures (jusqu’à 3 heures) après avoir été émis par des sujets porteurs, même asymptomatiques, qui parlaient, chantaient, exhalaient de l’air.

    C’est ce qui explique la contamination, par une personne présentant des symptômes bénins de Covid-19, des chanteurs d’une chorale dans le comté de Skagit (Etats-Unis) https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/05/18/etats-unis-deux-morts-du-covid-19-parmi-cinquante-deux-personnes-contaminees, qui initialement avaient respecté les mesures barrières, masques, gel hydroalcoolique, plusieurs mètres de distanciation, mais qui avaient enlevé le masque pour chanter. A la suite de la répétition, plus de cinquante personnes avaient contracté la maladie et deux étaient décédées dans les semaines suivantes.

    Ou encore plus spectaculaire, les clients d’un restaurant à Wuhan (Chine), contaminés par un individu porteur du virus assis à des étages de distance, par le biais d’un système de ventilation mal adapté.
    Désormais, la contamination par le SARS-CoV-2 en suspension à l’intérieur des locaux, accrue s’ils sont de petite dimension et mal ventilés, ne fait plus de doute.

    Le dioxyde de carbone indicateur

    En France, l’étude ComCor de l’Institut Pasteur https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-03155847/document montre que, dans le cas des contaminations extra-domiciliaires, 80 % des contacts avaient lieu à l’intérieur des locaux, fenêtres fermées, et cela en dépit du respect des gestes barrière. Aussi, l’OMS a reconnu que la transmission aéroportée était possible dans les espaces bondés, fermés ou mal ventilés. La récupération d’aérosols émis a démontré la présence de virions infectieux et réplicatifs, qui étaient intacts et ainsi capables d’infecter.

    Ainsi, il paraît évident que pour endiguer efficacement la propagation du SARS-CoV-2, il faut compléter les mesures actuellement adoptées (hygiène, port du masque, distanciation interindividuelle, confinement) par des mesures de prévention de la transmission des aérosols à l’intérieur des locaux. L’enjeu est de taille car, dans les pays industrialisés, les individus passent jusqu’à 90 % de leurs temps à l’intérieur.

    En plus de l’ouverture des fenêtres https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/10/16/covid-19-l-aeration-pilier-jusqu-ici-neglige-de-la-prevention_6056262_165068, qui n’est pas toujours possible, il faut augmenter la distanciation dans les espaces bondés, définir des jauges de fréquentation des locaux et installer des appareils capables de piéger l’aérosol en suspension contenant le virus (ventilations, hottes, purificateurs d’air et filtres, pompes à chaleur actuellement à l’étude).

    D’ailleurs, dans tous les lieux à fréquentation du public, il faudrait employer le dioxyde de carbone (CO2) comme indicateur d’alerte, car plus sa teneur augmente plus le risque de transmission du SARS-CoV-2 est important.

    L’exemple du Japon

    D’une façon plus générale, il faut établir et appliquer des règles de façon à contrôler la qualité de l’air dans les immeubles et ainsi prévenir des futures menaces infectieuses, mais aussi à diminuer la pollution de l’air intérieur, qui est responsable de plusieurs problèmes sanitaires graves. En somme, il faut que l’air intérieur soit considéré comme un bien public, car ayant un impact communautaire.

    Plusieurs raisons confirment l’urgence de la situation. Le confinement sans air purifié peut être vraiment délétère pour les individus des classes sociales défavorisées qui habitent des logements exigus, comme nous l’avons observé dans le Grand Paris où la précarité est associée à la sévérité et à la surmortalité par le Covid-19, où l’état des patients souffrant de maladies chroniques s’aggrave en raison de l’augmentation des expositions intérieures.

    Par ailleurs, le confinement parfait semble difficile à mettre en œuvre https://www.nature.com/articles/s41598-021-84092-1, comme indiqué par une analyse récente montrant que dans 98 % des quatre-vingt-sept études considérées, le confinement ne réduisait pas le nombre de décès par le Covid-19.

    D’autre part, le Japon nous a montré que le confinement pouvait être évité par le biais du contrôle de la transmission aérienne du SARS-CoV-2. A ce jour, le Japon fait état de 9 242 décès dans une population de 126 millions d’habitants, dont 26 % sont âgés de plus de 65 ans et présentent a priori un risque plus élevé de contracter le coronavirus (sources : https://covidly.com). Cela grâce à la politique des « 3 Cs » ( « closed spaces, crowded places, close-contact settings » ), à savoir l’évitement des espaces fermés, des lieux bondés et des contacts étroits.

    Manque de vaccins

    Assainir l’air intérieur est à entreprendre aussi car en raison des mutations du virus, du manque de vaccins pour les enfants, de l’existence au niveau mondial de poches de vulnérabilité où la maladie peut surgir et se propager à tout moment, l’immunité collective pourrait être plus difficile que prévu, voire impossible à atteindre. Même Israël, présenté comme l’exemple à suivre, ne peut rien contre le fait que les pays frontaliers vaccinent très peu.

    A cela, il faut rajouter des considérations de type contextuelles : le manque de vaccins pour les presque 8 milliards d’habitants de la Terre. Comme l’a indiqué le pape François, il faut qu’aussi les habitants des pays pauvres reçoivent la protection vaccinale requise.
    Dans ce contexte morose, empêcher la transmission aéroportée du virus constitue le défi à relever. Il faut mettre en œuvre un plan d’assainissement de l’air dans les lieux à fréquentation du public (écoles, universités, lieux de culture, hôtels, restaurants, cafés, magasins…), les bureaux, les transports, les logements, soit par intervention directe de la part de l’administration, soit par des aides directes et du support technique.

    C’est un beau chantier qui nous attend. En France, il y a tout le savoir-faire et l’expertise nécessaire à le réaliser. Cela va de soi que cela contribuerait aussi à créer de l’emploi.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/06/isabella-annesi-maesano-il-faut-que-l-air-interieur-soit-considere-comme-un-

    #aérosols #covid-19 #aération #prévention

  • « Nous refusons que nos vies soient délibérément sacrifiées » : l’appel de 27 associations de malades à risque de forme grave du Covid-19
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/06/covid-19-nous-personnes-souffrant-de-maladies-graves-refusons-que-nos-vies-s

    S’estimant « absentes des préoccupations des dirigeants », des associations de malades du cancer, du diabète ou de la mucoviscidose alertent sur les conséquences dévastatrices de la pandémie.

    Tribune. Mais où sont les patients vulnérables, ceux qui meurent par centaines chaque jour, dans une indifférence croissante ? Où sommes-nous, avec nos cortèges de soucis, de douleurs physiques et morales, d’inquiétudes, d’angoisses ? Où sommes-nous dans le système social citoyen qui est censé affronter cette grave crise ?
    Nous sommes quelques lignes parmi les tonnes de chiffres et les masses de commentaires qui bourdonnent sans arrêt. Nous sommes clairement absents des préoccupations politico-sanitaires des dirigeants. Nous sommes à peine des statistiques. Nous sommes une fatalité, nos morts sont devenues acceptables.

    Nous sommes dialysés, greffés, atteints de cancers, de pathologies chroniques, rares, mentales, auto-immunes, etc. Avant l’épidémie, nous devions vivre avec le fardeau déjà bien lourd de nos maladies. Puis nous avons été décimés par un virus qui pour nous est effroyable, à plusieurs titres.

    Nombre de greffes d’organes en baisse
    Qui sait que la mortalité en cas de Covid-19 des patients dialysés (17 %) et greffés (15 %) est sensiblement supérieure à celle des résidents en Ehpad (13 %), pourtant bien plus âgés ? Celles et ceux qui survivent ne sont pas épargnés par les séquelles et les Covid longs. Le nombre de greffes d’organes réalisées en 2020 était en chute de plus de 25 % par rapport à 2019, et 2021 s’annonce à nouveau dramatique, impliquant d’interminables attentes aux lourdes conséquences.
    Qui a mesuré que la tragédie du Covid-19 révèle au monde un brutal et mortel télescopage entre le coronavirus et l’obésité ? Les chiffres conjugués de ces deux épidémies sont accablants : une hospitalisation sur deux en service de réanimation et près d’un décès sur deux à l’hôpital concerne des personnes souffrant d’obésité. Après le premier confinement, une lettre ministérielle précisait : « Ces déprogrammations doivent être effectuées tout en garantissant que les patients atteints de cancer doivent être pris en charge dans les meilleures conditions possibles, soit en hospitalisation, soit en ambulatoire. »

    La réalité devant l’ampleur de l’épidémie dans certaines régions amène à déprogrammer des interventions pour des cancers qui nécessiteraient un passage en réanimation. Le droit à l’information n’est pas toujours respecté et le « tri » de patients a bien lieu entre les personnes soignées pour le Covid-19 et les autres, qui ne bénéficient plus de l’accès aux soins. Le nombre de diagnostics de cancer a chuté de 23,3 % en 2020 en raison des deux premiers confinements. Les morts provoquées par cette pandémie ne se limiteront pas à celles du Covid-19. Il conviendra d’y ajouter les décès, ces prochaines années, de toutes les personnes privées de soins ou de diagnostic.

    #paywall

    • « Nous refusons que nos vies soient délibérément sacrifiées », suite

      Autoconfinement

      Nous subissons tous les retards, les déprogrammations, les annulations, les pertes de chances, la dégradation de notre santé physique et mentale. L’autoconfinement auquel nous nous astreignons nous condamne à l’isolement, à la privation de lien social, à l’éloignement de nos vies professionnelles. Il confronte aussi nos proches à l’immense culpabilité liée au risque de nous contaminer.

      Enfin, alors que la menace tant redoutée des tris pour l’accès aux soins critiques se révèle plus aiguë que jamais, nous savons que le risque est grand que nos pathologies deviennent de bonnes raisons pour nous priver de nos maigres chances de survie.

      On devrait s’insurger contre cette hécatombe, ces drames humains, et tout faire pour les arrêter. Etre vulnérable aujourd’hui, en raison de son âge, ou de son état de santé, c’est être invisible dans l’antichambre de la mort. Telle est notre réalité. Certes, des associations de patients montent au créneau. Mais dans la cacophonie ambiante, qui entend leurs voix ? Nos représentants n’ont pu s’exprimer que de façon très exceptionnelle dans les médias, aux côtés des médecins omniprésents tout au long de la crise.

      Nous priver de parole audible, continuer à nous exclure de la chaîne opaque des décisions politico-sanitaires, c’est faire de graves entorses à la démocratie et aux droits humains. C’est aussi se tirer une balle dans le pied et laisser perdurer des systèmes de prise en charge désespérément médiocres, au mépris de ce que nous ont appris d’autres épidémies comme celle du VIH, et au prix de pertes de chances énormes. Qui mieux que nous peut dire si telle ou telle décision est appropriée à notre condition, et assez réaliste pour être suivie, et donc efficace ?

      Reprendre le contrôle

      Nous sommes des citoyens, des patients, des humains, dans une démocratie, une république, où nous sommes tous égaux, où la moindre des équités serait de s’occuper de ceux qui en ont le plus besoin. Nous vivons avec des maladies graves, des traitements contraignants, mais nous pensons, nous travaillons, nous aimons, nous appartenons pleinement à la société. Alors écoutez ceci : nous entendons bien rester vivants.

      Il est, pour nous, clair que les restrictions sanitaires actuelles ne permettent pas et ne sont pas destinées à nous protéger. A l’instar des médecins qui ont décidé de ne pas rester silencieux ces derniers jours, nous ne voulons plus nous taire. Alors nous le crions : nous n’acceptons pas que nos vies soient délibérément sacrifiées.

      Nous demandons que soient prises sans délai les mesures qui ont déjà fait leurs preuves et qui sont les seules à même de freiner rapidement l’épidémie. Le retour à un niveau faible de circulation du virus doit permettre une reprise de contrôle, l’instauration de dispositifs « tester-tracer-isoler » efficaces, et la poursuite d’une campagne de vaccination rapide et ambitieuse.

      Ces décisions, nécessaires pour notre protection, sont aussi les seules en mesure de venir à bout de l’épidémie, sans céder à la barbarie.

      Principaux signataires : Bertrand Burgalat, président de Diabète et méchant ; Yvanie Caillé, présidente de Coopération patients ; Pierre Foucaud, président de Vaincre la mucoviscidose ; Nicolas Giraud, président de l’Association française des hémophiles ; Axel Kahn, président de la Ligue nationale contre le cancer ; Agnès Maurin, présidente de la Ligue contre l’obésité ; Pascal Mélin, président de SOS hépatites et maladies du foie ; Nathalie Mesny, présidente de Renaloo (maladies rénales, greffe, dialyse) ; Philippe Thebault, président d’Alliance du cœur ; Nathalie Triclin-Conseil, présidente d’Alliance maladies rares. Liste complète sur renaloo.com

  • « Inscrire le nom de Valéry Giscard d’Estaing sur les frontons des musées d’Orsay et de l’Orangerie eût été une erreur et une injustice »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/02/inscrire-le-nom-de-valery-giscard-d-estaing-sur-les-frontons-des-musees-d-or

    Giscard, mort il y a quatre mois, souhaitait voir son nom accolé à Orsay. Sa famille s’est mobilisée, Rachida Dati et Valérie Pécresse aussi, les députés ont voté à l’unanimité une résolution en ce sens. Mais le nom Giscard d’Estaing ne sera pas inscrit sur les frontons desdits musées. Ni inclus aux logos. Il ne sera présent que dans les documents administratifs, le papier à lettres et les cartes de visite. Bref, Orsay change de nom sans en changer. Il est vrai que ses généreux donateurs américains, a révélé Le Canard enchaîné du 3 mars, ont dit : « Pas touche à la marque ! »

  • « La situation sanitaire dans les écoles met en danger l’ensemble de notre réponse à l’épidémie »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/30/covid-19-anticiper-les-vacances-de-paques-par-une-periode-d-enseignement-a-d

    Un collectif de médecins et de parents d’élèves, parmi lesquels Djillali Annane, Dominique Costagliola et Gilles Pialoux, estime que la fermeture des écoles « n’entraînerait pas mécaniquement une catastrophe éducative au pays des Lumières ».

    L’incidence des nouveaux cas de Covid-19 a doublé chez les enfants de moins de 9 ans au cours des deux dernières semaines. Chez les 10-19 ans, elle est plus élevée que la moyenne nationale pour la dixième semaine consécutive. Oui, les enfants sont contaminés par le coronavirus quand ils y sont exposés. Et ce au prorata de l’augmentation de la circulation du virus liée au variant anglais.

    Oui, ils sont ensuite contagieux au sein de leur foyer familial, et constituent un risque pour leurs parents et leurs grands-parents : toutes les publications scientifiques l’affirment de façon nette, même celles sur lesquelles se fondent ceux qui s’entêtent à nier ou minimiser la réalité du risque. Il n’y a donc pas de « cacophonie scientifique » sur ce point. Le consensus en la matière est clair.

    Persistance du déni

    Premièrement, les enfants et les adolescents sont susceptibles de s’infecter, puis de transmettre, quand ils sont exposés. Et exposés, ils le sont, à l’école, malgré le port du masque. Les cantines, bien sûr, mais aussi les classes de nos établissements scolaires sont des lieux à risque de transmission du virus. La circulation virale y est importante, la fréquentation des espaces est dense et prolongée, l’aération insuffisante.

    Deuxièmement, le système de surveillance et d’alerte existant ne répond absolument pas aux standards de fiabilité établis, et ne permet donc pas un pilotage réactif : le dépistage est insuffisant (0,03 test par enfant du primaire la semaine dernière), aucun effort n’est fait pour le rendre exhaustif là où il est conduit, les remontées sont opaques, il n’y a pas d’échantillon aléatoire d’élèves permettant un suivi non biaisé.

    Tester, tracer, isoler : à l’école, le compte n’y est pas.

    Troisièmement, cette situation met en danger l’ensemble de notre réponse à l’épidémie ; elle constitue, selon le mot de l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, membre du conseil scientifique du gouvernement, un « talon d’Achille » dont les conséquences ébranlent aujourd’hui la société tout entière. Et ce talon d’Achille, les mesures les plus récentes le renforcent !

    La décision du 18 mars d’autoriser à nouveau les cours d’éducation physique et sportive en intérieur révèle la persistance du déni. Certes, les fermetures de classe au premier cas sont une avancée positive récente, mais pourquoi les limiter aux dix-neuf départements sous restrictions renforcées ?

    Structurer une réponse adaptée

    Face à ces réalités, nous, acteurs de la société civile, scientifiques et médecins, nous avons alerté les autorités depuis plusieurs mois. Nous savions que l’euphémisation, voire le déni du risque nous conduiraient au pied du mur. Nos réanimateurs (voir la tribune du Monde datée du 28 mars) nous le disent à présent : nous y sommes !

    Oui, il était possible de structurer une réponse adaptée pour sécuriser l’environnement scolaire : capteurs de CO2 dans les classes pour assurer une aération intelligente, purificateurs d’air, démultiplication des lieux de repas, soutien pédagogique renforcé auprès des élèves à l’isolement, suppression totale des occasions de brassage (comme à l’étude par exemple), et diffusion d’outils didactiques pour soutenir les équipes éducatives dans leur rôle-clé de pédagogie et de prévention.

    Non, le protocole à lui seul, eût-il été aussi renforcé que le prétendait l’exécutif, ne permettait pas aux équipes d’assurer en première ligne la promotion des bons comportements auprès des élèves, du port correct du masque à l’auto-isolement en passant par l’adhésion au dépistage ou le respect des distances physiques dans les couloirs, les escaliers, les cours de récréation.

    Nous contestons que la décision soit présentée comme un dilemme entre le bénéfice sanitaire d’une fermeture des établissements scolaires, d’une part, et ses dégâts pédagogiques, psychologiques et sociaux, de l’autre. Non, contrairement à ce que suggère le ministre de l’éducation nationale, la fermeture des écoles n’est pas une option du « tout sanitaire » qui entraînerait mécaniquement dans son sillage une « catastrophe éducative » au pays des Lumières.

    Stress dangereux

    Ce débat est faussé. Comment l’enseignement à distance, que tant d’enseignants ont cherché à apprivoiser au printemps 2020 avec ténacité et ingéniosité, et dont les bonnes pratiques font l’objet d’une vaste littérature internationale depuis un an, a-t-il pu devenir aux yeux du politique un tel épouvantail ? Les risques pédagogiques, psychologiques et sociaux qu’il comporte peuvent être atténués. Quel est le poids de la culpabilité des lycéens ou collégiens impliqués dans les clusters familiaux ? Quel est l’impact de cette incertitude totale sur la date possible de sortie de crise et de la fin du « stop and go », éreintant pour toutes les générations ?

    Au collège, au lycée, mais aussi au primaire, anticiper dès maintenant les vacances de Pâques par une période d’enseignement à distance, ce serait protéger l’intérêt de l’école et celui de la société. La désorganisation des établissements atteint d’ores et déjà un niveau problématique.

    Absences d’élèves, isolés ou en quarantaine, absences d’enseignants et d’assistants d’éducation entraînant de nouveaux brassages d’effectifs : la communauté éducative est soumise aujourd’hui à un niveau de stress dangereux et évidemment préjudiciable à la santé des enseignants, au bien-être des élèves et à la qualité éducative.

    Ce dont nous aurions besoin aujourd’hui, c’est de soutien politique pour nous aider à relever ensemble ces défis. Impératif pédagogique et impératif sanitaire ne sont et ne doivent plus être en contradiction. Au contraire, l’intérêt des enfants et l’intérêt de la société doivent être alignés.

    Les signataires : Djillali Annane, chef du service de réanimation, hôpital Raymond-Poincaré, AP-HP ; François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France ; Dominique Costagliola, directrice de recherches à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie, membre de l’Académie des sciences ; William Dab, professeur émérite du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ancien directeur général de la santé ; Mélanie Heard, responsable du pôle santé au think tank Terra Nova ; Christian Lehmann, médecin généraliste ; Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses, hôpital Tenon, AP-HP ; et les collectifs Ecole et familles oubliées et Du Côté de la science.

    #covid-19 #école #crise_sanitaire

  • « Sommes-nous vraiment prêts à “trier” les enfants et adolescents suicidaires ? »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/24/sommes-nous-vraiment-prets-a-trier-les-enfants-et-adolescents-suicidaires_60

    Avec la crise sanitaire due au Covid-19, chez les plus jeunes, les actes ou idées suicidaires déferlent depuis l’automne, alerte un collectif emmené par Lisa Ouss, pédopsychiatre à l’hôpital Necker, et les membres du Conseil Scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines associées »

    Auteure : Lisa Ouss, Professeure Associée en pédopsychiatrie, Hôpital Necker, Paris, Membre du Conseil Scientifique de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, et des disciplines associées.

    Comment répondre à ce dilemme impossible : trier les enfants et adolescents que l’on va hospitaliser après un geste ou une intentionnalité suicidaire forte ? Si les actes ou idées suicidaires des jeunes ont diminué pendant le premier confinement, ils déferlent depuis l’automne, peut être à la faveur d’un discours fataliste sur une jeunesse sacrifiée. La seconde vague psychiatrique nous submerge, et nous les pédopsychiatres, psychiatres, psychologues, acteurs du soin psychique, avec l’aide précieuse des pédiatres, malgré les alertes lancées depuis longtemps, la mer qui se retire en alerte ultime avant le tsunami, écopons la catastrophe annoncée mais désormais quotidienne. Or, un geste ou une intention suicidaire, chez un enfant ou un adolescent, marque une détresse qui doit être immédiatement entendue, accompagnée, dans toute la complexité d’un environnement scolaire, familial, sociétal que le contexte actuel fragilise. Pour ce faire, il faut du temps, une écoute, un espace, et celui de l’hôpital est un nécessaire refuge, à l’abri des turbulences. Or, il devient extrêmement difficile, voire impossible d’hospitaliser rapidement un enfant ou un adolescent qui présente de telles pensées ou est passé à l’acte. Faut-il raconter la quête interminable et infructueuse d’un lit ? Faut-il raconter comment nous renvoyons chez eux ces adolescents et les revoyons tous les jours jusqu’à l’obtention du Graal, un lit en pédiatrie ou en pédopsychiatrie ? Faut-il détailler la réaction de leur environnement à l’annonce de leur retour à domicile ? Faut-il souligner le risque de transformer ce retour à domicile en un premier palier d’une escalade face à un acte qui n’est pas entendu dans toute sa gravité ? Faut- il raconter notre inconfort, notre inquiétude, et notre manquement à les laisser partir ? Faut- il rapporter les discussions pour savoir quelle « pire » situation nous allons choisir d’hospitaliser car nous n’avons qu’un lit et plusieurs patients ? Faut-il raconter que nous déprogrammons chaque semaine nos activités, depuis plusieurs mois, pour répondre à ces besoins urgents ? Faut-il rappeler que nous ne pouvons pas transférer en TGV vers des territoires meilleurs des adolescents qui doivent être, paradoxalement, éloignés de l’environnement qui a précipité leur geste, tout en en restant proches ? Faut-il attendre un inéluctable accident à venir, un autre fait divers, pour dire la souffrance et la détresse pourtant déjà si visibles qui étreignent notre jeunesse ? Nous ne voulons plus rentrer chez nous en nous disant que nous n’avons pas pu faire correctement notre travail.

    Koltes savait ouvrir ces horizons : « Je voudrais aller voir la neige en Afrique. Je voudrais faire du patin à glace sur les lacs gelés », dit la gamine. Une société qui ne laisse pas à ses adolescents le territoire du possible, à défaut de celui du rêve, est une société qui court à sa perte. Et nous, acteurs du soin psychique, qui sommes convoqués sans arrêt, pour soutenir les équipes médicales pendant la tempête déchaînée de la Covid, à chaque événement traumatique, face aux questions sociétales de la jeunesse, sans nous donner les moyens d’y répondre, refusons d’être les spectateurs muets d’une catastrophe que nous pouvons prévenir.

  • #Covid-19 : « Il n’est pas possible d’attendre 2022 pour qu’Emmanuel Macron et le gouvernement rendent des comptes », Barbara Serrano
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/29/covid-19-il-n-est-pas-possible-d-attendre-2022-pour-qu-emmanuel-macron-et-le

    Jugeant que leurs décisions ont permis à l’épidémie de s’intensifier, la sociologue Barbara Serrano appelle, dans une tribune au « Monde », les responsables politiques à justifier publiquement leurs choix par des données objectivables.

    Tribune. Il y a un an, le 17 mars 2020, la France était confinée pour faire face à la pandémie de Covid-19 devenue hors de contrôle. Fin janvier, le mot d’ordre du président de la République est désormais « Tout sauf le confinement ». Il rejette alors la proposition d’un confinement strict d’un mois défendue par le conseil scientifique.

    Seule cette mesure aurait permis de ramener la circulation du virus SARS-CoV-2 autour de 5 000 contaminations par jour – seuil fixé par Emmanuel Macron lui-même pour contrôler l’épidémie et déconfiner –, contre plus de 30 000 par jour actuellement. Elle nous aurait fait gagner du temps en reprenant la main sur le traçage des contaminations et en avançant la campagne de vaccination.

    Du fait du « pari politique » d’Emmanuel Macron, l’épidémie s’est intensifiée et, comme avaient mis en garde les modélisateurs, plusieurs régions à forte densité, telles que l’Ile-de-France et les Hauts-de-France, puis aujourd’hui le Rhône, l’Aube et la Nièvre, ont largement dépassé les seuils d’alerte de 250 cas hebdomadaires pour 100 000 habitants, seuils déjà moins stricts que ceux fixés dans les pays voisins (par exemple, 100 pour 100 000 en Allemagne).

    Dispositions aberrantes

    Dès lors, plus d’autre choix pour l’exécutif que de se diriger à reculons vers un durcissement des mesures en vigueur. Jean Castex, le premier ministre, a présenté chaque jour passé sans avoir pris des mesures contraignantes comme une victoire, le gouvernement aurait ainsi préservé la population de mesures d’exception. Mais à quel prix, humain et matériel ? Avec quels résultats sur la dynamique de l’épidémie ? Surtout lorsque les nouvelles dispositions sont soit cosmétiques (fermeture des magasins non essentiels, par exemple), soit aberrantes (reprise des activités sportives en salle pour les établissements scolaires).

    Au rythme actuel, sans mesures fortes de distanciation sociale, la vaccination ne suffira pas à faire reculer l’épidémie assez vite. Tout cela entraîne d’ores et déjà le sacrifice de milliers de vies supplémentaires, alors que la France déplore déjà plus de 90 000 morts.

    En s’émancipant du conseil scientifique et en refusant de tenir compte des alertes lancées par les épidémiologistes, le président a fait un choix qui n’a été ni justifié par des données sérieuses, ni fondé sur la comparaison éclairée des différentes options posées sur la table. Et, bien sûr, sans débat sur la place publique. Sa décision a été prise et maintenue, y compris, semble-t-il, contre l’avis de certains ministres, sans être expliquée aux Français. Cette situation ne peut plus durer. Il n’est pas possible d’attendre 2022 pour que le président de la République comme le gouvernement rendent des comptes sur leur gestion de cette crise majeure.

    Ne nous méprenons pas, cet appel n’est en rien un désir de vengeance, ni une invocation de la « carence fautive » et, plus généralement, de la responsabilité pénale des gouvernants. Alors que nous entrons dans la deuxième année de cette pandémie, il s’agit simplement de rappeler un principe fondamental de l’exercice du pouvoir dans les démocraties évoluées : les gouvernants doivent rendre compte de leurs décisions devant la représentation nationale et les citoyens. Des citoyens à qui ils sont « redevables ».

    Long déni de Jean-Michel Blanquer

    Rendre des comptes signifie justifier ses choix et ses changements de cap par des données objectivables. Le gouvernement doit expliciter ce que furent et ce que sont désormais les objectifs à atteindre (empêcher la saturation des services de réanimation ? Préserver l’économie du pays et maintenir les écoles à tout prix ? Sauver un maximum de vies ?), énoncer les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs, donner au public les éléments d’information pour comprendre les choix opérés, comme les options qui ont été écartées…

    La place de l’expertise, de la science, la question de la transparence des données sont ici fondamentales. Comment justifier que le ministère de la santé garde sous le boisseau, parfois jusqu’à un mois après les avoir reçus, les avis du conseil scientifique censés être rendus publics « sans délai » ? Comment légitimer l’absence de transparence sur l’état sanitaire des écoles et des classes (nombre de tests antigéniques pratiqués, nombre d’enfants positifs) ?

    Comment expliquer ce long déni du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, concernant les contaminations dans ses établissements, à rebours de toutes les études épidémiologiques internationales, faisant de la France le seul pays où les enfants n’étaient pas contaminants ?

    Rendre des comptes est aux fondements de la responsabilité des gouvernants. Et c’est peut-être Olivier Beaud et un certain Jean-Michel Blanquer, à l’époque professeur de droit public à Lille, qui en parlent le mieux dans leur introduction au livre collectif La Responsabilité des gouvernants (Descartes et Cie, 1999) : « La responsabilité est le passif qui vient équilibrer l’actif de tout pouvoir. Le terme même de “responsabilité”, dans sa polysémie, indique que le phénomène du pouvoir a toujours une double dimension, proportionnelle l’une à l’autre : le droit d’agir, le devoir de rendre compte. »

    Barbara Serrano est sociologue et conseil en stratégie de concertation, maîtresse de conférences associée à Paris-Saclay, cofondatrice du collectif #Du_côté_de_la_science, ex-commissaire de la Commission nationale du débat public.

    #débat_public #santé_publique #modélisations #confinement

  • Le Monde - Covid-19 : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite »

    La saturation des services de réanimation pourrait très prochainement obliger les soignants à faire un « tri » entre les malades. Dans une tribune au « Monde », un collectif de neuf médecins de l’AP-HP demande à l’exécutif « d’assumer devant la société tout entière sa stratégie » face à la troisième vague.

    Macron disait : « Nous sommes en guerre. » Chacun sait qu’il n’y a pas de guerre propre et que les dégâts collatéraux de cette crise dépassent la dimension sanitaire, puisque son impact est aussi économique, sociétal, psychologique et philosophique. Ce n’est pas tant la stratégie de réponse sanitaire qui est en cause. Ce qui est en cause, c’est l’absence de transparence sur ses conséquences. Le gouvernement a choisi une stratégie et il doit en assumer les arbitrages devant la société tout entière. En la matière, il se doit de prendre la responsabilité des conséquences de sa stratégie.

    Le Monde - Covid-19 : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite »

    Le Monde - Covid-19 : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/28/covid-19-en-imposant-aux-soignants-de-decider-quel-patient-doit-vivre-le-gou

  • #Covid-19 : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/28/covid-19-en-imposant-aux-soignants-de-decider-quel-patient-doit-vivre-le-gou

    La saturation des services de réanimation pourrait très prochainement obliger les soignants à faire un « tri » entre les malades. Dans une tribune au « Monde », un collectif de neuf médecins de l’AP-HP demande à l’exécutif « d’assumer devant la société tout entière sa stratégie » face à la troisième vague.

    Tribune. Alors qu’une troisième vague épidémique de Covid-19 frappe la France, plusieurs régions sont très fortement affectées par un afflux massif de patients vers les hôpitaux. Ces patients sont plus jeunes et présentent des formes plus sévères de la maladie que lors des deux vagues précédentes, peut-être en raison de la virulence des nouveaux variants. Pour ces raisons, les services de réanimation sont fortement sollicités et à nouveau au bord de la saturation. Jeudi 25 mars, en Ile-de-France, les lits de réanimation disponibles s’arrachaient en quelques minutes.

    On espère que, dans quelques mois, la proportion croissante de personnes vaccinées ou ayant été contaminées contribuera à terme à freiner l’épidémie. En attendant, en l’absence d’un freinage brutal créé par un véritable confinement accompagné d’une prise de conscience collective, les professionnels de santé sont confrontés à un problème majeur : comment prévenir la complète saturation des services de réanimation dans les jours ou semaines qui viennent ? Trois options s’offrent à nous.

    Transfert de patients, déprogrammation d’opérations

    La première consiste à transférer des patients en réanimation des régions en tension vers des régions moins touchées. Efficace ponctuellement lors de la première vague, cette solution n’a pu être mise en œuvre que très marginalement lors de cette troisième vague, notamment parce que les patients sont atteints de façon plus sévère et sont donc intransportables. De plus, leurs proches sont devenus extrêmement réticents à ces transferts, considérant qu’ils n’ont pas à faire les frais d’une politique sanitaire qu’ils jugent défaillante. Cela n’a pas empêché le gouvernement de médiatiser à outrance ces transferts. On a ainsi vu des communicants s’agiter sur des tarmacs d’aéroport plutôt que s’attaquer au vrai problème : le devenir de nos malades.

    La deuxième option consiste à ouvrir de nouveaux lits de réanimation, dits « éphémères ». Si les équipements existent, il faut, en revanche, aller chercher le personnel soignant dans d’autres services de l’hôpital, notamment en fermant les blocs opératoires, et donc en déprogrammant des opérations. Cela n’est pas sans conséquence : pour chaque patient Covid soigné durant une quinzaine de jours dans un de ces lits « éphémères », on estime qu’environ 150 patients ne seront pas opérés. Si certaines interventions peuvent attendre, d’autres le peuvent moins, notamment la chirurgie du cœur ou celle des cancers.

    En 2020, du fait de la déprogrammation, environ un tiers des cancers digestifs n’ont pas été diagnostiqués à temps, ce qui constitue, pour les patients concernés, une véritable perte de chance. Ceci est d’autant plus vrai que les déprogrammations d’aujourd’hui s’ajoutent à celles d’hier. Lorsqu’il est demandé aux hôpitaux de déprogrammer 40 % et jusqu’à 70 % des interventions chirurgicales, le gouvernement entérine une stratégie de priorisation qui ne dit pas son nom et qui consiste à privilégier les malades du Covid-19 au détriment des autres.

    Agir à l’opposé des règles éthiques

    La troisième option, conséquence de la stratégie de réponse sanitaire actuelle, consiste, en raison d’un nombre trop limité de places, à restreindre l’accès à la réanimation à des patients qui auraient pu en bénéficier. Ceci est très éloigné des règles élémentaires de l’éthique, qui préconisent que l’admission en réanimation soit évaluée au cas par cas, dans le seul intérêt du patient. Au contraire, la situation actuelle tend vers une priorisation, autrement appelée « tri », qui consiste, lorsqu’il ne reste qu’un seul lit de réanimation disponible mais que deux patients peuvent en bénéficier, à décider lequel sera admis (et survivra peut-être) et lequel ne sera pas admis (et mourra assez probablement). C’est bien vers cela que nous nous dirigeons.

    Les réanimations d’Ile-de-France sont saturées et il ne sera bientôt plus possible de créer de nouveaux lits dans ces services. Il faudra donc procéder à de tels choix. Pour cela, les soignants se tourneront vers les réflexions et recommandations de sociétés savantes et de comités d’éthique, lesquels suggèrent à demi-mot de privilégier, entre deux patients, celui auquel la réanimation fera gagner le plus d’années de vie en bonne santé. On voit bien à quel point cette estimation est subjective, nécessairement imprécise, et donc potentiellement source d’erreurs, de frustration et d’incompréhension pour les patients et leurs familles.

    Les soignants feront du mieux qu’ils peuvent mais se tromperont parfois, tant l’exercice est complexe. Enfin, parce qu’ils seront contraints d’agir de façon contraire aux règles élémentaires de l’éthique, ils n’en sortiront certainement pas indemnes. Il y a fort à parier que beaucoup en garderont à tout jamais des séquelles psychiques. A terme, il est bien probable que nombre d’entre eux se détourneront de leur métier de soignant, ce qui dégradera un peu plus la santé de nos hôpitaux.

    En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre et quel patient doit mourir, sans l’afficher clairement, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite. Il y a un an, Emmanuel Macron disait : « Nous sommes en guerre. » Chacun sait qu’il n’y a pas de guerre propre et que les dégâts collatéraux de cette crise dépassent la dimension sanitaire, puisque son impact est aussi économique, sociétal, psychologique et philosophique. Ce n’est pas tant la stratégie de réponse sanitaire qui est en cause. Ce qui est en cause, c’est l’absence de transparence sur ses conséquences. Le gouvernement a choisi une stratégie et il doit en assumer les arbitrages devant la société tout entière. En la matière, il se doit de prendre la responsabilité des conséquences de sa stratégie.

    Vis-à-vis de ses citoyens, tout gouvernement se revendiquant démocratique a un devoir de loyauté. Il est temps que l’exécutif assume clairement et publiquement les conséquences sanitaires de ses décisions politiques.

    Alexandre Demoule, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière, Paris ; Martin Dres, maître de conférences de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Francis Bonnet, professeur d’anesthésie – réanimation, médecine péri-opératoire, AP-HP Sorbonne Université, hôpital Saint-Antoine, Paris ; Alain Combes, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Jean-Michel Constantin, professeur d’anesthésie – réanimation, médecine péri-opératoire, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Muriel Fartoukh, professeure de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital Tenon, Paris ; Bertrand Guidet, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital Saint-Antoine ; Charles-Edouard Luyt, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Louis Puybasset, professeur d’anesthésie – réanimation, médecine péri-opératoire, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière.

    • Covid-19 en France : les directeurs de crise de l’AP-HP prévoient d’être dépassés « dans les quinze prochains jours »
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/28/covid-19-en-france-les-directeurs-de-crise-de-l-ap-hp-previennent-qu-ils-von

      Dans une tribune publiée dans « Le Journal du dimanche », une quarantaine de responsables disent se préparer à devoir « faire un tri des patients » pour faire face à la troisième vague qui submerge la région parisienne.

      #médecine_de_catastrophe #tri #déprogrammation

    • En 2020, du fait de la déprogrammation, environ un tiers des cancers digestifs n’ont pas été diagnostiqués à temps, ce qui constitue, pour les patients concernés, une véritable perte de chance. Ceci est d’autant plus vrai que les déprogrammations d’aujourd’hui s’ajoutent à celles d’hier. Lorsqu’il est demandé aux hôpitaux de déprogrammer 40 % et jusqu’à 70 % des interventions chirurgicales, le gouvernement entérine une stratégie de priorisation qui ne dit pas son nom et qui consiste à privilégier les malades du Covid-19 au détriment des autres.

      J’ai l’impression que personne ne suit les chiffres des morts par déprogrammation. Si coviiiiiiid tracker donnait aussi une estimation quotidienne des morts par effet domino, ptet que les communiquants au pouvoir auraient un peu plus de mal à utiliser le bouton « déprogrammer » non ?

    • C. sur Paris, à qui on a découvert une tumeur au cerveau il y a un mois, il devait être opéré d’urgence le 23 mars, opération finalement repoussée au 8 avril parce que même les lits de neurochirurgie ont été réquisitionnés pour les malades du covid. Il flippe chez lui en attendant.

      Et le tri est déjà en route depuis quelques semaines même dans des régions moins touchées.
      La mère d’un pote atteinte de covid, Narbonne, deux fois aux urgences, refus de prise en charge, renvoyée chez elle avec de l’aspirine. 82 ans.

      Je témoigne ici comme je suppose que nous connaissons maintenant tous et toutes un décès autour de nous ou le report de soins d’urgence. Donc, on ne peut plus nous la faire.
      #empire_du_pire