Erreur 404

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  • « A l’heure où le Tricastin fuit, la commission européenne va classer le nucléaire comme énergie verte sous la pression de Macron.
    Il ne reste plus qu’à classer les déchets en engrais bio et on cultivera du quinoa à la Hague pour les bobos californiens… »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/28/la-commission-europeenne-s-apprete-a-classer-le-nucleaire-comme-energie-vert

    Bruxelles devrait parallèlement accorder au gaz le label d’énergie de transition, à l’issue de négociations en faux-semblants avec Paris et Berlin.

    Ce devait être tranché avant la fin de l’année. Lors du conseil européen des 21 et 22 octobre, les chefs d’Etat et de gouvernement européens avaient pressé la Commission de décider, d’ici à la fin novembre, du sort qui serait réservé au nucléaire et au gaz dans la taxonomie, ce classement des activités économiques en fonction de leurs émissions de CO2 et de leurs conséquences sur l’environnement. Ursula von der Leyen, la présidente de l’exécutif communautaire, avait promis que ce serait chose faite avant leur prochain rendez-vous, prévu le 16 décembre.

    A l’heure où les Européens ont décidé d’atteindre la neutralité carbone en 2050, où la dépendance au gaz russe inquiète, et où les prix de l’énergie flambent, il s’agit là d’un enjeu crucial

    Il n’en a finalement rien été. L’ancienne ministre d’Angela Merkel, qui gère le dossier en direct avec Paris et Berlin depuis qu’elle s’est fait bousculer par les Vingt-Sept, n’a en effet cessé de repousser son arbitrage, qu’on attend désormais pour janvier. Elle devrait finaliser sa proposition d’ici au 30 décembre, afin de la soumettre (pour simple avis), comme le veut la procédure, à un groupe d’experts. Et, si tout se passe comme prévu, la Commission présentera son projet le 18 janvier.

    De la décision de Bruxelles dépendra la capacité des secteurs du nucléaire et du gaz à financer leurs futurs investissements. A l’heure où les Européens ont décidé d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément à l’accord de Paris, où la dépendance au gaz russe inquiète de plus en plus, et où les prix de l’énergie flambent, il s’agit là d’un enjeu crucial.

    « Nous sommes très proches de la finalisation de notre travail sur [la taxonomie], qui inclura à la fois le gaz et le nucléaire », a affirmé le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, dans un entretien au quotidien allemand Die Welt, le 17 décembre. Dans les grandes lignes, « l’arbitrage politique est arrêté », abonde un diplomate. Il semble, en effet, acquis que l’atome sera considéré comme une énergie verte et le gaz comme une énergie de transition. Mais à certaines conditions, qui, elles, restent encore à caler et qui s’apparentent à un véritable casse-tête chinois pour Ursula von der Leyen.

    Une affaire stratégique pour la France

    La taxonomie, « c’est un tout petit sujet », a voulu minimiser Olaf Scholz, lors d’une conférence de presse commune avec Emmanuel Macron, à l’issue du conseil européen du 16 décembre. Le chancelier allemand a confié à l’un de ses interlocuteurs qu’il ne « va pas embêter Emmanuel avec ça ». Le président français, lui, est à la manœuvre depuis des mois pour défendre la cause du nucléaire, arguant sans relâche qu’il s’agit là d’une énergie bon marché, à bas carbone et stable, ce qui est précieux, en ces temps de lutte contre le réchauffement climatique et de flambée des prix de l’énergie. Pour la France, qui se prépare à renouveler son parc nucléaire, l’affaire est stratégique.

  • Pour relancer son économie, le Vietnam tente de remédier à une pénurie d’ouvriers due à la pandémie de Covid-19
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/12/02/pour-relancer-son-economie-le-vietnam-tente-de-remedier-a-une-penurie-d-ouvr

    Pour relancer son économie, le Vietnam tente de remédier à une pénurie d’ouvriers due à la pandémie de Covid-19
    Les usines peinent à faire revenir les travailleurs migrants qui ont quitté la région d’Ho Chi Minh-Ville après un confinement éprouvant de début juillet à fin septembre. Fortement ralentie par la vague de variant Delta de cet été, la locomotive vietnamienne, l’une des économies les plus performantes de 2020 (2,9 % de croissance), cherche à reprendre de la vitesse. L’un des nouveaux ateliers du monde (avec ses usines textiles, d’électroménager, etc.) pour les pays occidentaux a été fortement perturbé par le confinement strict de la région d’Ho Chi Minh-Ville début juillet, puis par le manque de travailleurs quand les restrictions ont été levées, fin septembre. Pour cause, 1,3 million de travailleurs migrants venus des campagnes ont rejoint leur région natale de juillet à septembre, selon le gouvernement. Beaucoup ont été traumatisés par les restrictions très strictes qu’ils ont dû subir : à Ho Chi Minh-Ville, personne n’était autorisé à sortir, l’armée livrant les repas. Les salaires ont été réduits et amputés des heures supplémentaires, et des ouvriers disent avoir dû s’en tenir pour leurs repas à quelques aliments de base. Les seules usines autorisées à rester ouvertes étaient celles qui avaient choisi de loger leurs ouvriers sur place – dans des conditions spartiates. Or, certaines se sont ensuite retrouvées avec des clusters…
    Le pays de 97 millions d’habitants, dont les exportations ont doublé de 2015 à 2020, atteignant 283 milliards de dollars (250 milliards d’euros), a connu le choc du Covid-19 en différé : il n’avait comptabilisé que 35 décès jusqu’à… avril 2021. Mais le variant Delta a fait flamber les contaminations à partir de juillet, poussant le gouvernement à abandonner fin septembre sa politique de zéro Covid. Le nombre de décès a dépassé, lundi 29 novembre, les 25 000. Après un recul de l’épidémie en octobre, celle-ci a rebondi début novembre, avec 13 000 contaminations par jour – pour une population de doublement vaccinés d’un peu plus de 50 %. Les ouvriers qui ont quitté Ho Chi Minh-Ville et les régions industrielles du Sud rechignent à revenir. « Les usines ont beau offrir des salaires et de meilleurs avantages sociaux pour attirer les travailleurs alors que leurs carnets de commandes de fin d’année s’emplissent, elles reçoivent peu de candidatures dans un contexte de crainte persistante de Covid-19 », s’inquiétait, le 29 novembre, VnExpress International, la version anglaise du premier site vietnamien d’information. L’agence Bloomberg rapportait en novembre qu’un sous-traitant de Nike offrait 100 dollars par mois de bonus à ses ouvriers – soit le quart du salaire – et qu’un fournisseur de New Balance promettait le transport gratuit pour ceux qui rentrent à Ho Chi Minh-Ville. Des sociétés interrogées par la presse vietnamienne déclarent offrir 100 % du salaire pour les deux premiers mois à l’essai des nouvelles recrues – contre 80 % en temps normal – et des allocations pour les femmes enceintes et les mères d’enfants de moins de 6 ans. Selon un sondage de la Chambre de commerce américaine au Vietnam publié le 15 novembre, 45 % des membres interrogés disent fonctionner à 80 % et plus de leurs capacités, seuls 18 % d’entre eux se considérant à 100 %. Outre Nike et New Balance, les marques Puma et Adidas dépendent du Vietnam pour une bonne partie de leur production. Samsung y fabrique des réfrigérateurs et des lave-vaisselle. Entre 80 % et 90 % des ouvriers seraient revenus, mais la pénurie de main-d’œuvre au dernier trimestre 2021 serait encore de près de 50 000 personnes pour Ho Chi Minh-Ville et autant pour la province de Binh Duong, au nord de la ville.
    Phan Thi Thanh, la vice-présidente de l’Association vietnamienne du cuir, des chaussures et des sacs à main, expliquait récemment à l’agence Reuters que de nombreuses commandes de Noël en provenance de pays étrangers ne seraient pas satisfaites. Les différences de régime entre les régions, et l’imposition de quarantaines pour les ouvriers vaccinés diagnostiqués positifs à l’usine, entravent la reprise. Les usines peuvent désormais ne suspendre qu’une fraction de leurs opérations quand elles découvrent une contamination, chaque région appliquant toutefois des jauges différentes.
    L’attractivité du Vietnam, et le conflit commercial sino-américain, qui a poussé une partie des sous-traitants taïwanais, sud-coréens et japonais à délocaliser de Chine, font du pays un nouvel atelier du monde – encore à échelle réduite. 3,4 % des importations américaines venaient du Vietnam en 2019, en hausse de 20 % sur l’année précédente. 2 % seulement des importations européennes étaient sourcées dans le pays en 2020, contre 22,4 % de Chine.Les téléphones, ordinateurs et composants constituent 33 % des exportations vietnamiennes, le textile et la chaussure 19 %. Le premier ministre vietnamien, Pham Minh Chinh, nommé en avril par l’Assemblée nationale, a entrepris à la rentrée une tournée internationale pour promouvoir les atouts de son pays. Il était à Paris début novembre, où il a rencontré le président de la République, Emmanuel Macron, et au Japon fin novembre pour promettre des « réformes de l’administration et des conditions de sécurité » dans les usines « favorables aux investisseurs » – et, veut croire le quotidien économique japonais Nikkei Asia, « une amélioration des droits de l’homme ».

    #Covid-19#migrant#migration#vietnam#migrantinterne#sante#economie#retour#travailleurmigrant#usine#cluster

  • Les conférences pour le climat COP 21, 26... n’échouent pas du tout, en réalité elles réussissent parfaitement à enfumer et ...à ne rien changer
    https://ricochets.cc/Les-conferences-pour-le-climat-COP-21-26-n-echouent-pas-du-tout-en-realite

    Et si l’objectif des conférences COP n’était pas en réalité de changer la donne, mais plutôt d’enfumer avec de la politique spectacle pour permettre à la civilisation industrielle écocidaire de continuer encore un peu ? Le Monde parle de l’ouverture de la COP 26 à Glasgow, quelques citations commentées : Le patron de l’ONU appelle les chefs d’Etat à « sauver l’humanité » Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé les participants à la COP26 à « sauver l’humanité » face au changement climatique, (...) #Les_Articles

    / #Catastrophes_climatiques_et_destructions_écologiques, #Le_monde_de_L'Economie

    https://www.lemonde.fr/planete/live/2021/11/01/cop26-les-chefs-d-etat-et-de-gouvernement-annoncent-leurs-engagements_610055
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/02/a-glasgow-les-dirigeants-de-la-planete-promettent-de-stopper-la-deforestatio
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/02/le-monde-est-encore-assoiffe-d-huile-fossile_6100670_3234.html
    https://mars-infos.org/c-est-la-nature-qui-se-defend-5990
    https://reporterre.net/Francois-Gemenne-Aucune-COP-n-a-le-pouvoir-d-arreter-le-changement-clima

  • Comment l’URSS aurait fait « imploser » le système social US
    https://fr.sputniknews.com/20211020/grandeur-decadence-todd-urss-us-1052249180.html

    Et si le déclin de l’Empire américain était avant tout social ? Et si c’était feu l’URSS qui avait précipité cet affaiblissement, remportant une victoire posthume sur son adversaire de la Guerre froide ? C’est la thèse, paradoxale en apparence, qu’a développé Emmanuel Todd lors d’une conférence qu’il a animée le 14 octobre à Paris pour le Dialogue franco-russe.

    https://www.youtube.com/watch?v=DgCZj_jHUOs

    Alors que les États-Unis semblaient être sortis grands vainqueurs de leur confrontation avec l’Union soviétique au début des années 1990, ils portaient déjà en eux le germe de leur effondrement social. Pour en arriver à de telles conclusions, l’anthropologue et historien s’est penché sur des « indicateurs très simples » de la santé de la société étasunienne. Les mêmes que ceux qui lui permirent de prédire l’implosion de l’URSS dans son premier ouvrage, La chute finale (Éd. Robert Laffont, 1976) quinze ans avant qu’elle n’advienne.

    Mortalité infantile élevée (5,6pour 1.000 aux États-Unis, contre 4,9 en Russie), recul de l’espérance de vie aux États-Unis alors qu’elle progresse en Russie. Un recul dopé par la progression du taux de suicide tout au long des années 2000 outre-Atlantique (14,5 pour 1.000 habitants contre 11,5 en Russie), ainsi que par l’envolée des overdoses d’opioïdes et de l’alcoolisme.

    Évolution « négative » aux USA Vs « stabilité » du système social russe
    « Des morts qui, en fait, reflètent la destruction de la classe ouvrière américaine », estime Emmanuel Todd, qui oppose à cette évolution « frappante » et « négative » au pays de l’Oncle Sam… la « stabilité » du système social russe.

    « La persistance d’un discours négatif sur la Russie est étonnante, alors qu’il est si facile de sortir des évolutions positives spectaculaires », lance l’anthropologue. Et pour cause, le constat chiffré qu’il pose prend le contrepied du portrait régulièrement dépeint d’une société russe où le niveau de vie ne cesserait de se dégrader https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/13/russie-riche-russes-pauvres_6098099_3234.html .

    Ces chiffres sont d’autant plus honteux pour les États-Unis que les dépenses sociales y sont proportionnellement plus élevées : 16,5% du PIB, contre 10 à 15% dans les pays ayant un niveau de développement comparable. Autre statistique que brandit l’anthropologue : celle de la population carcérale, qui bat tous les records en Amérique. Une situation, là encore inverse à la tendance en Russie, où le nombre de personnes incarcérées a été divisé par deux en vingt ans https://blogs.mediapart.fr/daniel-ac-mathieu/blog/230520/baisse-du-nombre-des-detenus-en-russie . « En 2016, nous avons 655 incarcérés pour 100.000 habitants aux États-Unis et 328 seulement en Russie. C’est le taux le plus élevé du monde, ce n’est pas une société normale ! », juge Emmanuel Todd.

    Lutte contre l’URSS : âge d’or et effondrement du modèle US
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    "Il faut être capable de voir que le système social américain n’est plus le même. Cette transformation n’a pas été aussi violente que l’implosion du communisme, qui a créé des niveaux de souffrance instantanée beaucoup plus élevés. Mais quand même, obtenir dans le pays qui à la fin des années 1920 pesait 44,8% de la production industrielle mondiale une mortalité infantile absolument minable, une baisse de l’espérance de vie, c’est bien qu’il y a eu destruction de quelque chose.
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    #emmanuel_todd #démocratie #inégalités #Santé #racisme #politique #todd #usa #Russie #état #histoire #Démocratie #mortalité #mortalité_infantile #russophobie

  • La République tchèque en quête désespérée de main-d’œuvre
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/08/la-republique-tcheque-en-quete-desesperee-de-main-d-uvre_6097583_3234.html

    La République tchèque en quête désespérée de main-d’œuvre
    Si son économie est en plein essor, le pays d’Europe centrale manque de bras. Face à ce défi, le patronat plaide pour plus d’immigration. Une posture aux antipodes de celle du premier ministre sortant, Andrej Babis, candidat à sa réélection aux législatives des 8 et 9 octobre.Quand on visite les lignes de production d’Alcaplast, leader tchèque des sanitaires et de la salle de bains en kit, implanté à Breclav, dans le sud-est du pays, on est frappé par la rareté des ouvriers qui s’activent. « On a plus de machines que d’employés. Elles travaillent sans arrêt et sans besoin de repos », se félicite Frantisek Fabicovic, le PDG de cette entreprise familiale employant 850 personnes, qu’il codirige avec sa femme depuis sa fondation, en 1998. En ce lundi 27 septembre, ils ne sont que quelques-uns à empaqueter les tuyaux en PVC, tandis que des techniciens veillent au ballet des impressionnantes machines qui modèlent en cadence des chasses d’eau et des montants de douche.« Il est très difficile de trouver un opérateur qualifié à Breclav », explique le patron, d’autant que le siège de son entreprise est accroché à la frontière autrichienne, où les salaires restent toujours bien meilleurs qu’en République tchèque. Sa société, en pleine expansion, propose pléthore d’offres d’emploi sur son site Internet. « Comme il faut jusqu’à six mois avant de trouver de bons opérateurs et qu’on prévoit d’ouvrir une nouvelle chaîne de production, on recrute déjà », souligne M. Fabicovic. Il croise les doigts : « Jusqu’ici, on a pu maintenir la production, même pendant la pandémie. »
    Si toute l’Europe post-Covid est en surchauffe, l’économie tchèque est, elle, en plein essor. Le pays d’Europe centrale a affiché en juillet un taux de chômage de 2,7 %, le plus bas de toute l’Union européenne (UE). Selon le Pôle emploi local, plus de 360 000 postes sont vacants, soit davantage encore qu’en France, pourtant six fois plus peuplée que cette nation d’à peine 10,7 millions d’habitants. « C’est simple : le manque de main-d’œuvre est le problème numéro un de l’économie tchèque. On doit refuser des contrats, car on ne peut pas produire ou respecter les délais », résume Radek Spicar, vice-président de la Confédération des industriels tchèques.
    Alors si M. Fabicovic vante la mécanisation de ses usines, il fait dorénavant comme nombre de ses homologues : chercher des immigrés. « Chez nous, ils représentent environ 10 % de la main-d’œuvre non qualifiée. On a beaucoup de Slovaques, mais aussi des Hongrois et des Ukrainiens. La pandémie a encore accéléré cette tendance, quand beaucoup de nos employés se sont mis en arrêt. » Devant l’usine, deux grands dortoirs ont été construits pour accueillir ces bras venus de toujours plus loin à l’Est. Choyés pour leur simplicité d’embauche, les citoyens européens, en effet, ne suffisent plus depuis longtemps à combler les besoins d’Alcaplast, comme ceux de toute l’économie tchèque.
    Désormais, il faut aller à l’extérieur de l’UE. En plus de l’Ukraine, particulièrement appréciée en vertu de sa proximité linguistique et géographique, les Tchèques recrutent dans les Balkans ou en Moldavie, voire plus loin, comme aux Philippines ou en Inde. « L’Ukraine est elle-même au bout de ses efforts, d’autant que la Pologne lui est beaucoup plus ouverte », affirme M. Spicar, en appelant le gouvernement tchèque à ouvrir davantage les portes. « Chaque recrutement hors UE dure trois mois et demande trop de bureaucratie », se plaint de son côté M. Fabicovic, qui se souvient encore avec colère d’une récente descente de l’inspection du travail dans ses usines. Nombre d’entreprises tchèques bricolent en employant des Ukrainiens sous permis polonais, ce qui est officiellement interdit.Ce plaidoyer unanime du patronat contraste avec les messages anti-immigration du pouvoir. Actuellement en pleine campagne pour sa réélection lors des législatives des vendredis 8 et samedi 9 octobre, le premier ministre, Andrej Babis, ne cesse de vilipender les « migrants », en fustigeant l’Europe de l’Ouest, où, selon lui, « les autochtones deviennent minoritaires ». Ce milliardaire « antisystème », lui-même patron d’un complexe allant des médias à la pétrochimie, en passant par l’agroalimentaire, ne précise jamais que ses propres entreprises recourent souvent à la main-d’œuvre étrangère, parfois dans des conditions douteuses, comme l’a révélé une enquête de la radio allemande Deutsche Welle en 2019 sur des travailleurs vietnamiens employés dans l’un de ses abattoirs de volailles. « Des choses inventées par les médias pro-immigration », avait alors réagi M. Babis, 67 ans.Dans la bouche de M. Babis, « les migrants » désignent uniquement les musulmans et les gens de couleur. Il caresse ainsi une opinion publique particulièrement rétive
    Depuis qu’il est premier ministre, 2017, le nombre de résidents étrangers en Tchéquie a pourtant bondi d’un peu moins de 500 000 à plus de 630 000. « En vérité, les négociations ne sont pas mauvaises avec son gouvernement. On s’est entendu pour ouvrir les frontières », assure même Radek Spicar. « C’est juste un peu plus difficile en ce moment à cause des élections. » Sur le site Internet du gouvernement, les maigres quotas restants sont mis à jour en permanence : 54 pour les Philippines, 0 pour la Mongolie, 1 pour la Moldavie…« On va négocier chaque année avec le gouvernement et les syndicats », raconte aussi Tomas Prouza, ancien secrétaire d’Etat (social-démocrate) aux affaires européennes, et désormais président de la Confédération du commerce et du tourisme, l’autre secteur qui affiche un besoin critique de main-d’œuvre. « On a essayé avec le Kazakhstan, mais c’était trop loin culturellement. Par contre, cela marche bien avec les Philippins dans l’hôtellerie-restauration et la santé ». En revanche, « l’Afrique, c’est tabou », ne cache-t-il pas, en confirmant que « les musulmans » restent majoritairement non désirés par la société et le gouvernement.Dans la bouche de M. Babis, « les migrants » désignent en effet uniquement les musulmans et les gens de couleur. Il caresse ainsi une opinion publique particulièrement rétive. Contrairement aux Polonais partis en masse vers le Royaume-Uni après l’élargissement de 2004, les Tchèques n’ont, eux, jamais été aussi mobiles. « Nous avons une histoire assez protectionniste. Beaucoup de Tchèques ont peur de devenir un pays d’immigration ou qu’on ait des ghettos », remarque Andrea Tkacukova, qui dirige Foreigners.cz, l’une des plus grosses agences d’aide à l’enregistrement de travailleurs étrangers.Même elle d’ailleurs exprime ses réticences : « J’ai été étudiante Erasmus à Nanterre pendant les émeutes [de 2005] et j’ai vu des voitures brûler. Cela ne m’a pas semblé une réussite. » « Pour autant, plaide-t-elle, on est bien obligés de se demander à quel moment on a trop de problèmes économiques faute d’immigration… » Elle réfléchit donc, avec ses clients, à faire venir des familles entières pour éviter les problèmes des travailleurs immigrés masculins esseulés, typiques du modèle de Gastarbeiter (« travailleur invité » en allemand) auquel la Tchèquie voudrait encore croire. Ce scepticisme est aussi relayé par les partis de gauche et les syndicats. « Les Tchèques ne sont pas par principe contre l’immigration, mais certaines entreprises veulent remplacer les travailleurs tchèques par des étrangers et elles ont recours à des agences d’intérim qui font de la traite d’êtres humains avec des salaires trop bas », dénonce Josef Stredula, président de la Confédération tchéco-morave des syndicats. »

    #Covid-19#migrant#migration#repucliquetcheque#sante#immigration#economie#pandemie#croissance#travailleurmigrant#interim#balkans#moldavie#philippines#inde

  • La timide reprise du tourisme au Pérou
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/07/la-timide-reprise-du-tourisme-au-perou_6097459_3234.html

    La timide reprise du tourisme au Pérou
    Au cœur de la place d’Armes de Cuzco, ceint par la majestueuse cordillère des Andes, de petites grappes de touristes immortalisent leur séjour, devant la statue de l’« Inca ». Une foule éparse, sans commune mesure avec celle qui battait autrefois le pavé du centre historique de l’ancienne capitale de l’Empire inca, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco et porte d’entrée vers le Machu Picchu. Le célèbre sanctuaire attirait à lui seul 1,5 million de visiteurs en moyenne chaque année. Dans le monde d’avant la pandémie.Entre-temps, la crise sanitaire a ravagé le secteur : six mois de fermeture stricte des frontières (d’avril à septembre 2020), puis les restrictions, ont vu le nombre de touristes s’évanouir. Quand le Pérou enregistrait 4,5 millions de voyageurs étrangers en 2019, il en dénombrait moins de 900 000 en 2020. Les derniers chiffres du mois de juin 2021, montrent à quel point la reprise est timide : elle équivaut à 8 % des entrées deux ans auparavant.Si d’autres pays ont fait le choix de préserver l’économie touristique à tout prix, comme au Mexique, ici, l’extrême prudence l’a emportée face à une situation sanitaire dramatique et l’effondrement des hôpitaux. Le Pérou est un des pays au monde qui a le plus souffert de la pandémie avec des taux de mortalité record en rapport à sa population (quasiment 200 000 morts). Les touristes latino-américains, nord-américains et européens, qui fournissaient le gros des troupes de vacanciers, sont encore largement absents. Un rapide coup d’œil sur la place d’Armes le confirme : la majorité d’entre eux sont des nationaux.
    Dotel et son compagnon, la petite quarantaine, un couple de médecin venus de République dominicaine, 3 500 kilomètres plus au nord du continent, sont parmi les rares étrangers en cette mi-septembre : « On adore voyager ! Nous voulions voir la 7e merveille du monde [le Machu Picchu] et goûter la délicieuse gastronomie péruvienne, se réjouit Dotel, devant l’imposante cathédrale coloniale. Nous sommes vaccinés donc nous ne sommes pas inquiets. »Mais la récupération est lente. L’activité touristique de Cuzco tourne à environ 30 % de ce qu’elle était en 2019. Un manque à gagner conséquent pour ce secteur qui représente environ 15 % du PIB de la région. Au niveau national, il engendrait 4,7 milliards de dollars de devises en 2019 (environ 4,2 milliards d’euros). Au premier trimestre 2021, il peine à atteindre 141 millions. Aussi, les conditions d’entrée sur le territoire changent constamment, ce qui n’incite pas les voyageurs à anticiper les réservations. Si la quarantaine n’est plus obligatoire, tout comme la présentation d’un cycle de vaccination complet, un test PCR négatif de moins de 72 heures est requis.A quelques encablures de la place d’Armes, une ruelle escarpée, à plus de 3 300 mètres d’altitude offre une vue imprenable sur la ville et ses toits de tuiles orangées. Autrefois très animée, elle offre un spectacle de calme étonnant : rideaux tirés, pancartes « A louer ». L’unique agence ouverte, spécialisée dans les séjours d’aventures en Amazonie, semble bien seule. Aux murs, les photos de promesse de nature sauvage prennent la poussière. « Avant nous partions avec des groupes de 20 personnes. Aujourd’hui quand on en a 4 ou 5 nous sommes contents. Cela permet de payer le local et faire à peu près vivre ma famille, soupire Lourdes Huamani, dont l’agence tourne avec une clientèle 100 % étrangère. Cette pandémie a tout gâché ! » Comme elle, dans un pays où 75 % des travailleurs le sont de manière informelle, donc sans contrat, et où l’assurance chômage n’existe pas, beaucoup d’agenciers, de guides, de porteurs, ont dû se reconvertir pour survivre. Certains, définitivement. « C’est un effondrement dramatique ! Avant la pandémie, l’offre avait explosé : hôtels, restaurants, agences, guides, artisans… 75 % des habitants vivent directement ou indirectement du tourisme, Cuzco dépend excessivement de ce secteur, estime Marco Ochoa, directeur des Associations des agences de tourisme de Cuzco. Aujourd’hui, l’unique marché qui nous sauve est le tourisme intérieur. »Avec les limites que cela pose. L’offre est si grande qu’elle ne peut pas être absorbée par un tourisme intérieur qui n’est pas toujours rentable pour les opérateurs. Le touriste national dépense en moyenne de 500 à 1 000 soles (environ de 105 à 210 euros) pour un voyage de quatre ou cinq jours, selon Promperu, l’agence de promotion du tourisme. Bien peu par rapport au budget moyen d’un étranger : plus de 930 dollars (environ 800 euros).Gilet kaki et drapeau péruvien miniature à la main pour mener son groupe, Cristofer Mesa, 30 ans, guide professionnel, accompagne des touristes d’Arequipa, deuxième ville du pays. Au plus fort de la crise, il a ouvert un lavomatique automobile. Aujourd’hui, il reprend doucement ses activités : « Je gagne 30 soles [6 euros] pour une sortie de deux heures et demi. Avant, c’était plus proche du double », lâche-t-il avant de monter dans un bus panoramique sur deux étages.Certains estiment que la crise est une aubaine pour Cuzco et sa région. Les installations touristiques anarchiques et la saturation des sites archéologiques, en particulier celui du Machu Picchu, étaient source de préoccupation. Alors que l’Unesco préconise 2 500 touristes par jour pour protéger les terrasses incas, la jauge était régulièrement dépassée avec de 5 000 à 6 000 personnes.Valerio Paucarmayta, ex-directeur du Centre d’études andines Bartolomé de Las Casas et gérant des hôtels du même nom, porte la voix encore timide d’un changement de fond dans le secteur. « La pandémie est l’occasion de réfléchir à un tourisme différent, qui soit plus respectueux de l’environnement, avec de meilleures retombées pour les communautés villageoises. » Une transition nécessaire mais qui se fera à long terme, concède-t-il, car pour l’instant les opérateurs n’ont qu’un souhait : réactiver au plus vite le secteur. Et qu’importe la manière.

    #Covid-19#migrant#migration#perou#sante#tourisme#vaccination#economie#frontiere#pandemie#circulation

  • Automobile : bataille autour de la future norme antipollution Euro 7
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/03/automobile-bataille-autour-de-la-future-norme-antipollution-euro-7_6096891_3

    Quand un ministre de l’économie admet que l’industrie de son pays est incapable d’innovation, sait depuis des années que ses produits sont toxiques, mais ne fait rien depuis des années.

    C’est un aveu majeur !!!

    En fait, ils sont donc là pour la « rente », un réflexe incroyable pour une start-up nation :-))))

    Le ministre de l’économie français, Bruno Le Maire, a déjà annoncé la couleur. « Des négociations sont en cours sur la prochaine norme Euro 7. Soyons clairs : à ce stade, cette norme ne nous convient pas. Certaines propositions qui circulent sont excessives. Nos constructeurs ne pourront pas suivre », avait-il annoncé, mi-avril, au quotidien Le Figaro dans un entretien croisé avec Carlos Tavares, le patron de Stellantis. La norme Euro 7 devrait, en effet, être beaucoup plus exigeante que le standard actuel (Euro 6), en vertu du pacte vert pour l’Europe qui vise le « zéro pollution » d’ici à 2050.

    #Pollution #Diesel #Automobile #Bullshit

  • Les voyages intérieurs des Chinois laissent le tourisme mondial orphelin
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/01/les-voyages-interieurs-des-chinois-laissent-le-tourisme-mondial-orphelin_609

    Les voyages intérieurs des Chinois laissent le tourisme mondial orphelin
    Les 150 millions de touristes chinois, qui avaient alimenté la croissance du secteur avant le Covid-19, voyagent désormais à l’intérieur de leurs frontières. Leur retour, en France notamment, n’est pas attendu avant plusieurs années.
    Le tourisme international s’est remis en mouvement, mais le carburant manque. Depuis bientôt deux ans et le déclenchement de la pandémie de Covid-19, le secteur s’habitue à vivre sans les visiteurs chinois. Ils nourrissaient sa croissance effrénée (5,1 % par an entre 2010 et 2019) par la force d’une classe moyenne grandissante attirée par le monde. Les vacances de la « Golden Week », la semaine de congés qui suit la fête nationale chinoise du 1er octobre, étaient le point culminant de cette frénésie migratoire. Mais cette année, comme en 2020, l’événement devrait être marqué par des déplacements en forte baisse et uniquement à l’intérieur du pays. La volonté des Chinois de voyager reste intacte, y compris pour de longs déplacements transprovinciaux. Les aéroports locaux, comme Canton ou Chengdu, ont détrôné Dubaï, Londres ou Paris en matière de fréquentation. Dès l’été 2020, le tourisme intérieur a retrouvé des niveaux d’activité approchant ceux de la période prépandémique, qu’il s’agisse des déplacements professionnels ou des vacances dans l’île tropicale de Hainan.Pendant les congés de la mi-automne, trois jours à partir du 19 septembre, la Chine a enregistré 88 millions de voyages, soit 87 % du nombre de trajets enregistrés en 2019, avant la pandémie. Les dépenses des touristes ont atteint 37 milliards de yuans (5 milliards d’euros), soit 79 % de leur niveau de 2019. La reprise n’est entravée que par les mesures d’isolement prononcées dès l’émergence d’un foyer de Covid-19, comme en août, ou par les freins posés par le gouvernement, comme à l’occasion de la Golden Week. A Shanghaï, par exemple, les établissements de santé et les écoles imposent à leur personnel et aux élèves de ne pas voyager « sauf nécessité », et d’effectuer un test avant la reprise. Face au risque qu’un nouveau foyer apparaisse, les Chinois ont tendance à privilégier les voyages à proximité et à réserver à la dernière minute. Les frontières extérieures devraient de facto rester fermées bien au-delà des Jeux olympiques (JO) d’hiver de Pékin, en février 2022. Encore engagée dans sa stratégie de tolérance zéro face au virus, la Chine continue d’imposer deux à quatre semaines de quarantaine à l’entrée sur son territoire.« C’est la nouvelle normalité : cela risque de durer très longtemps, met en garde Jin Dongyan, professeur de virologie à l’université de Hongkong, territoire lui aussi concerné par des restrictions drastiques. En ce moment, la Chine vit dans son propre monde, avec sa politique zéro cas. Le prix à payer est très élevé, puisque les frontières sont presque complètement bloquées. Mais il va bien falloir apprendre à vivre avec le virus, parce que je crains qu’il ne s’installe, pour devenir aussi courant que les rhumes. »Pour l’instant, rien n’indique que les autorités chinoises soient prêtes à rouvrir le pays. D’autant que l’année 2022 sera marquée par des rendez-vous importants. Après les JO d’hiver, le Congrès national du Parti communiste chinois, à l’automne, qui devrait être l’occasion de prolonger de cinq ans le mandat de secrétaire général de Xi Jinping, président du pays, est un événement au cours duquel les autorités verrouillent encore plus la société.Prudents chez eux, les Chinois ne sont donc pas près de revenir faire les boutiques en Europe. Quelques chiffres donnent la mesure du manque à gagner pour l’industrie touristique. Les dépenses des voyageurs chinois à l’étranger avaient atteint 227 milliards d’euros en 2019, soit l’équivalent des touristes allemands, britanniques, français et russes cumulés. Sur la décennie 2009-2019, le nombre de Chinois voyageant à l’étranger avait augmenté chaque année de 13 %, pour atteindre 155 millions.

    #Covid-19#migrant#migration#chine#sante#tourisme#religion#deplacementinterne#frontiere#pandemie

  • « Il va falloir se rendre compte que les gens ne sont plus corvéables à merci » : dans l’hôtellerie-restauration, les départs de salariés se multiplient

    Entre février 2020 et février 2021, le secteur, déjà sous tension, a perdu 237 000 employés. La crise sanitaire a fini par accentuer le malaise de professionnels peu reconnus.


    COLCANOPA

    Où sont-ils passés ? Cuisiniers, serveurs, réceptionnistes, gouvernantes manquent à l’appel dans l’hôtellerie-restauration. Dans une note publiée mardi 28 septembre, la Dares a fait les comptes : en un an, entre février 2020 et février 2021, les effectifs du secteur sont ainsi passés de 1,309 million d’employés à 1,072 million, précise le service statistique du ministère du travail. Soit un solde de 237 00 employés « disparus », résultant de la différence entre 213 000 nouveaux entrants et 450 000 sortants. La Dares précise que ces derniers temps, plus de 400 000 employés majoritairement jeunes arrivaient chaque année dans ces métiers tandis qu’environ 370 000 personnes abandonnaient.

    Interrogés par Le Monde, ceux qui ont rendu leur tablier ont spontanément répondu à une autre question : « Pourquoi suis-je parti ? » « La passion vous porte un temps mais les contraintes finissent par prendre le dessus », a dit l’une. « Il va falloir se rendre compte que les gens ne sont plus corvéables à merci ! », a dit une autre. Issus d’établissements divers, ils témoignent à l’unisson des raisons qui les ont poussés à abandonner ce qu’ils qualifient souvent de « métier passion ».

    Vingt ans de métier et payée 88 centimes au-dessus du SMIC

    Fabienne l’aura exercé vingt-quatre ans (la plupart des personnes interrogées ont requis l’anonymat). Diplômée d’un BTS, elle a été réceptionniste, employée polyvalente, puis assistante gouvernante. Un poste en CDI dans un 5-étoiles dont elle a démissionné en juillet. A un mécontentement latent s’est ajoutée une réouverture post-Covid-19 compliquée.

    Dans l’hôtellerie, la reprise s’est parfois faite en équipe réduite, une partie restant au chômage partiel. « Ils ont privilégié la rentabilité à la qualité. Or, moi j’ai fait le choix d’un 5-étoiles par souci du détail », déplore Fabienne. « On nous a demandé beaucoup de polyvalence pour reprendre avec le minimum de personnel, raconte Malik, 24 ans, ancien réceptionniste dans un 4-étoiles à Paris. Cette période-là nous a tous un peu pourris. »

    « Les clients, c’était comme une Cocotte-Minute dont le couvercle a sauté. On faisait face à des colères injustifiées, raconte encore Bénédicte, 36 ans, ancienne chef de brigade en réception dans une chaîne hôtelière. De plus en plus, les gens s’adressent à nous comme à des machines devant délivrer une prestation. » « Et tout ça pour quoi ? », s’est interrogée Fabienne. « Je veux bien rendre service mais c’est donnant-donnant. Or, il n’y a aucune reconnaissance du travail. Et ce n’est pas que des “mercis”, ça passe par du salaire ! »

    Embauchée en 2012, elle n’a jamais été augmentée. Sur la grille de la convention collective, qui compte cinq niveaux de trois échelons, elle était niveau 3, troisième échelon : payée 11,13 euros brut de l’heure. Soit 88 centimes au-dessus du smic malgré vingt ans de métier et jusqu’à vingt personnes à superviser. L’écart se réduira encore vendredi 1er octobre, quand le smic, indexé sur l’inflation, sera revalorisé à 10,48 euros : elle n’aurait alors gagné que 65 centimes de l’heure de plus qu’au salaire minimum.

    « Management de la terreur »

    « Notre convention collective date du Moyen Age », peste Jeff Fabre, 24 ans, ancien réceptionniste dans un hôtel parisien. De 1997 en réalité. Employeurs et salariés s’accordent sur le fait qu’elle doit être dépoussiérée. D’abord, la grille de classification. En 2010, les partenaires sociaux s’étaient engagés à ce que le premier échelon soit toujours 1 % au-dessus du smic. Il est aujourd’hui bien en dessous. Le 1er octobre, les cinq premiers échelons seront même sous le minimum légal. Dans ce cas, les salariés touchent le smic. Une part croissante se tasse donc au salaire minimum (44 %, selon l’économiste Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques) ou quelques centimes au-dessus, ce qui annihile toute progression.

    Ce déséquilibre croissant entre exigences de flexibilité et montant des salaires a motivé beaucoup de départs. La crise a été un détonateur

    « Là où je travaille, nous avons perdu un tiers des effectifs et beaucoup de cadres : chef de cuisine, gouvernante, chef barman… C’est une terrible perte de compétence pour un hôtel 4 étoiles. Mais un niveau 4 à 11,30 euros de l’heure, ce n’est pas attirant pour les salariés qualifiés », détaille Arnaud Chemain, secrétaire fédéral CGT pour l’hôtellerie-restauration.

    Pour Jeff Fabre, le déclic est venu juste avant la crise. « On subissait un management de la terreur, des changements de planning du jour au lendemain. Mais, en retour, rien ! Le soir de Noël 2019, je me suis dit : “Mais qu’est-ce que je fous là ? A bosser pour des clopinettes, sans majoration du travail du dimanche ni des jours fériés, avec une amplitude horaire énorme, alors que d’autres sont payés pareil pour faire 8 heures-17 heures ?” » Laurianne Pereira était serveuse. « Je finissais parfois à 1 heure du matin, je reprenais de 9 heures à 16 heures et recommençais à 18 heures. On te dit bien que c’est un métier où on ne compte pas ses heures. Mais tout ça pour 1 400 euros net ? »

    Représentants des employeurs indignés

    Ce déséquilibre croissant entre exigences de flexibilité et montant des salaires a motivé beaucoup de départs. La crise a été un détonateur. « Cela fait des années que j’entends des collègues dire “je vais arrêter”, ce n’était que des paroles en l’air. Cette fois, ils sont passés à l’acte », raconte Bénédicte.

    Jusqu’à peu, Xavier, 50 ans, était directeur de restaurant : « On m’embauche pour monter une équipe. » Cet été fut celui de trop. « Il y a vingt ans, le patron était souvent le chef de cuisine. On parlait menu, service, clientèle… Aujourd’hui, je n’ai plus affaire à des restaurateurs mais à des businessmen. On parle marge, coût RH[ressources humaines], rentabilité. Ils sont parfois propriétaires de quinze restaurants, c’est donc que ça marche ! Mais sur quoi on marge ? Pas sur les charges. Sur la matière première ? On ne peut pas descendre au-delà d’un certain point. Donc, le dernier levier, c’est sur les RH. »

    Il rappelle que les salariés sont parfois partiellement payés au noir – ce qu’on nomme le « travail au gris ». « Quand ils ont touché le chômage partiel sur le salaire déclaré, ils ont vu la différence ! » Et évoque l’échec de la baisse de la TVA décidée en 2009 dans la restauration, censée permettre des revalorisations. Une étude de l’Institut des politiques publiques a montré que les gains avaient été majoritairement captés par les patrons.

    Sans nier les difficultés, les représentants des employeurs s’indignent de ce portrait de « nouveaux esclavagistes du XXIe siècle » que l’on fait d’eux. « Nos entreprises ce n’est pas le bagne ! Il y a des mauvais partout, mais il ne faut pas stigmatiser toute la profession. Moi, dans les Alpilles, je paye bien au-dessus de la grille ! », insiste Emmanuel Achard, président de la commission sociale du Groupement national des indépendants.

    Bientôt la fin du « quoi qu’il en coûte »

    Ces dernières semaines, alors que sonne la fin du « quoi qu’il en coûte » pour ce secteur très soutenu pendant la crise, le premier ministre, Jean Castex, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et la ministre du travail, Elisabeth Borne, l’appellent à régler d’urgence son manque d’attractivité.

    Mme Borne a même convoqué les partenaires sociaux le 17 septembre. Une « mise en scène » que le patronat n’a guère appréciée. « On n’a pas besoin qu’on nous fasse la leçon, on est conscient de ce qu’on a à faire. Notre calendrier nous appartient », assène Thierry Grégoire, président de la commission sociale de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Il prévoit d’aboutir d’ici au 15 décembre sur la revalorisation de la grille. « On part sur une moyenne de 6 % à 7 % d’augmentation », précise-t-il. Les syndicats attendent plus. « Si on veut que le salarié voit la différence, il faut plutôt augmenter de 10 points », insiste Stéphanie Dayan, secrétaire nationale de la CFDT-Services.

    Lundi 27 septembre, Emmanuel Macron a exaucé un vœu du patronat en annonçant la défiscalisation des pourboires payés en carte bancaire. « On ne demande pas la mendicité », a rétorqué la CGT dans un communiqué. « Ce qu’on veut ce n’est pas des pourboires mais des augmentations de salaires », martèle Arnaud Chemain.

    Un second volet de négociation, d’ici fin mars 2022, doit élargir la discussion. « Il faut faire accepter à nos chefs d’entreprise un meilleur partage de la valeur, acte Thierry Grégoire. Je ne suis pas indisposé à discuter d’un treizième mois, d’intéressement… Mais majorer la rémunération le dimanche, c’est non ! » « Il faut aussi avancer sur les conditions de travail, la coupure en milieu de journée, le travail du week-end…, rappelle Stéphanie Dayan. Peut-être sacraliser un week-end par mois ? »

    Changement de vie

    Dans leur restaurant triplement étoilé à La Rochelle, Christopher Coutanceau et Nicolas Brossard ferment déjà deux jours par semaine. Ils sont aussi propriétaires de deux autres établissements. Avant même la pandémie, ils avaient instauré une septième semaine de congés payés pour compenser les heures supplémentaires. Malgré cela, ils ont vu partir 10 % de leur centaine d’employés. « La question du maintien de nos équipes on se la pose depuis dix ans, mais le phénomène s’est accentué avec la crise, témoigne Nicolas Brossard. Comment faire ? Les clients sont-ils prêts à entendre qu’il faut réduire les amplitudes horaires ? Lorsqu’ils déjeunent à 14 heures, il faut les servir jusqu’à 17 heures, ce qui oblige les employés à enchaîner avec le service du soir. »

    Ancien chef de réception, Cédric Barbereux, 40 ans, est devenu facteur : « Même paye mais beaucoup moins de pression ! »
    « Ceux qui sont partis sont aussi allés chercher des plannings plus carrés ! », opine Stéphanie Dayan. « Le Covid a rappelé aux salariés qu’ils avaient une famille », ajoute Arnaud Chemain. Ancien chef de cuisine, Johann Timores, 51 ans est devenu ouvrier en usine à Niort : « Je gagne 100 euros de moins, mais je ne travaille plus les soirs ni les week-ends. C’est bien mieux en termes de mode de vie. » Selon la Dares, un tiers des salariés partis ont rejoint un autre secteur (commerce, distribution, logistique…). Les autres se sont inscrits à Pôle emploi ou ont amorcé un changement de vie : retraite, création d’entreprise ou formation professionnelle.

    Laurianne Pereira suit ainsi une formation de commerciale dans l’automobile. Jeff Fabre travaille dans un cabinet dentaire : « Je gagne autant qu’un chef de réception avec des horaires de bureau, week-ends et jours fériés ! » Fabienne est formatrice professionnelle pour adulte : « J’ai un meilleur salaire horaire, j’emmène mes enfants à l’école, j’ai des vacances en août et à Noël et je peux télétravailler deux jours par semaine. C’est tout bénef ! »

    Ancien chef de réception, Cédric Barbereux, 40 ans, est devenu facteur : « Même paye mais beaucoup moins de pression ! » Bénédicte prépare les concours de la fonction publique territoriale : « La période du Covid nous a permis de sortir la tête du guidon et de construire un autre projet. »_Fabienne renchérit : « Le Covid a révélé à beaucoup d’employés qu’ils pouvaient faire autre chose, aux patrons d’ouvrir les yeux. »_

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/29/dans-l-hotellerie-restauration-le-covid-a-revele-a-beaucoup-d-employes-qu-il

    Décidément ça les fume que des salariés usent de leur mobilité plutôt que de la subir. Pour en parler on prend ce qu’on trouve : à part une serveuse, c’est restos étoilés, hôtels chics, chef de brigade, chef de réception, directeurs. Le prisme luxe et salariés à responsabilité. L’angle mort du Monde ressemble souvent à celui d’un semi-remorque qu’aurait ni rétros ni caméras et radars de détection, et un pare-brise tout riquiqui.

    #travail #salaire #restauration #hôtellerie #conditions_de_travail #management

  • Procès suite à une autoréduction : appel à solidarité offensive
    https://paris-luttes.info/proces-suite-a-une-autoreduction-15366

    Suite à une action d’autoréduction en janvier dernier à Paris dans un Carrefour, deux camarades sont convoqué.es pour un procès le 14 octobre. À cette occasion, nous vous proposons quelques réflexions sur la période actuelle et les raisons qui nous animent dans nos luttes au quotidien. Nous appelons à faire circuler ce texte et à venir en solidarité le jour du procès !

    Jeudi 14 octobre à 9h, se déroulera au tribunal judiciaire de Paris le procès de deux de nos camarades, dont l’identité a été contrôlée lors de l’autoréduction qui a eu lieu au Carrefour Market de la rue Nationale, dans le 13e arrondissement de Paris, le 30 janvier dernier. Il leur est reproché d’avoir « frauduleusement soustrait des biens de consommation (denrées alimentaires, alcool, hi-fi etc…) pour un montant total estimé à 16 449,75 euros au préjudice de Carrefour Market, avec cette circonstance que les faits ont été commis en réunion ». Au-delà de ce montant fantasque dont on ignore la méthode de calcul, il est important de rappeler ce qu’il s’est passé.

    Le samedi 30 janvier 2021, nous avons été une soixantaine de militant·e·s à remplir nos caddies de produits alimentaires et hygiéniques dans ce supermarché. Après avoir distribué des tracts tant aux salarié·e·s qu’aux client·e·s, déployé deux banderoles, bloqué les caisses et expliqué au mégaphone les raisons de notre action, une négociation a été entamée entre nous et le directeur du supermarché. Contacté par le directeur, le siège de Carrefour a accepté de céder la marchandise s’il s’agissait, selon leurs critères, de produits de première nécessité. Au bout d’une heure et demie d’une discussion qui a principalement porté sur la qualité et la nature des produits que l’on nous autorisait à emporter, nous sommes parti·e·s avec donc l’accord de la direction.

    Dans les jours qui ont suivi cette autoréduction, différents collectifs de la région parisienne engagés dans des actions de lutte contre la précarité ont redistribué les produits alimentaires et hygiéniques. Ce sont les liens tissés depuis le premier confinement qui ont permis à des cantines populaires, des réseaux de maraude, des associations de femmes, des collectifs de travailleur·euse·s sans papiers, mais aussi à des mères isolées de récupérer ces produits.

    Pour en finir avec la charité

    En mars 2020, alors que l’État abandonnait les plus précaires d’entre nous (mères isolées, étudiant·e·s, travailleur·euse·s sans papiers, etc.) et que les structures associatives fermaient, nous avons été nombreux·euses (voisin·e·s, militant·e·s, etc.) à nous mobiliser en distribuant nourriture et produits d’hygiène, partout en France : les brigades de solidarité populaire dans différentes villes, la Casa de Toulouse, l’Île Égalité de Cusset à Villeurbanne, le McDo autogéré de Saint-Barthélémy à Marseille, parmi tant d’autres exemples. Depuis, nous voulons faire perdurer et développer ces actions d’entraide mises en place durant le premier confinement.

    Pour alimenter l’entraide, nous allons par exemple à Rungis récupérer les fruits et légumes invendus, et ce n’est pas par bonté de cœur que les grossistes nous les donnent : en plus de bénéficier d’avantages fiscaux, cela leur permet de ne pas avoir à s’occuper de leurs déchets. De la même manière, quand nous organisons une collecte devant un supermarché, les entreprises de la grande distribution y trouvent leur compte, cela leur permet d’augmenter leur chiffre d’affaires, tout en faisant peser le poids de la solidarité sur celles et ceux d’entre nous qui ont encore les moyens de consommer au supermarché et de payer pour les autres. Ainsi, un directeur de Leader Price à Montreuil a contacté l’un d’entre nous pour nous inciter à organiser des collectes devant son magasin plutôt que devant le Monoprix, ou comment se faire de la publicité sur le dos des initiatives de solidarité. Face à cette hypocrisie, nous partageons un constat : les dons et la récupération de produits invendus ne suffisent pas. Plutôt que de nous contenter des miettes, des restes et des invendus de médiocre qualité, nous avons choisi l’autoréduction, afin d’en finir avec la charité et de prendre selon nos besoins.

    #autoréduction #justice #précaires #brigades_de_solidarité_populaire #entraide #Carrefour

    • « Il y a de la casse chez les salariés » : la grande distribution essorée par un an et demi de Covid-19 (cité par l’article ci-dessus)
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/07/06/il-y-a-de-la-casse-chez-les-salaries-la-grande-distribution-essoree-par-un-a

      Les hôtesses de caisse des hypers et des supermarchés conservent un souvenir amer, voire traumatisant, de leur expérience d’« employées de la deuxième ligne » durant les divers confinements liés à la pandémie.

      « Bonsoir à toute l’équipe, merci d’avoir été autant disponible cette semaine. Journée très, très, rude aujourd’hui, qui, sans vous, aurait été encore plus un enfer. » Ce vendredi 13 mars 2020, à 21 h 30, Carole Amanou, la responsable du secteur caisse et de l’accueil du supermarché Casino de Marseille Valmante, envoie un SMS à ses collaborateurs. Depuis plusieurs jours, partout en France, les clients s’arrachent papier toilette et pâtes dans les rayons. A 47 ans, elle a beau travailler « au pied des calanques », une fois le message envoyé, ses nerfs lâchent.

      A cette heure, elle ne sait pas encore que le premier ministre d’alors, Edouard Philippe, annoncera, le lendemain, la fermeture, « jusqu’à nouvel ordre », de tous les « lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays »

      Le début d’une année éprouvante pour les salariés de la grande distribution, contraints de se rendre sur leur lieu de travail malgré le risque sanitaire. Une année que Carole Amanou résume ainsi : « Au premier confinement, on avait du personnel, mais pas les protections. Et, au deuxième, on avait les protections, mais pas le personnel. » Pour tous, « c’était difficile, émotionnellement, nerveusement et physiquement ».

      Mme Amanou fait partie de ces 632 957 salariés du commerce à prédominance alimentaire, d’après l’Observatoire prospectif du commerce. Et de ces 4,6 millions de salariés du privé, hors secteur médical, dans « dix-sept professions, qui ont continué à travailler sur site durant la crise sanitaire, pour continuer à apporter à la population les services indispensables à la vie quotidienne, avec un risque potentiel d’exposition au Covid-19 », précise la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, dans un document paru en mai.

      « Déficit global de qualité de l’emploi et du travail »

      Des travailleurs « de la deuxième ligne » qui « souffrent d’un déficit global de qualité de l’emploi et du travail, observable avant la crise à partir d’un ensemble de sources statistiques concernant six dimensions : salaires et rémunérations ; conditions d’emploi ; conditions de travail ; horaires et conciliation vie familiale-vie professionnelle ; formation et trajectoires professionnelles ; dialogue social », écrit l’organisme public. Mais aussi, comme le raconte Carole Amanou, du regard de clients qui ne se retiennent plus en caisse de lancer un « regarde, si tu ne vas pas à l’école, tu seras caissière comme la dame ».

      « On était en deuxième ligne. Pas en première ligne, comme les personnels soignants, mais les inquiétudes étaient là », déclare Nadia Ayad, 53 ans et « vingt-deux ans de Carrefour », tient-elle à préciser. Malgré son tempérament bien trempé, cette vendeuse au rayon multimédia du magasin d’Ollioules (Var), à côté de Toulon, « terminait les journées sur les nerfs, lors de cette période folle du premier confinement, au bord des larmes ».

      Dans les métiers de contact avec les clients, les #femmes sont surreprésentées : 82 % des caissiers et employés de libre-service, selon la Dares. Carole Amanou, dont le compagnon, infirmier, partait tous les jours à l’hôpital, s’angoissait « de l’avenir » de ses enfants de 20 et 11 ans. « Le grand vivait la nuit et dormait le jour, et il fallait éviter que le petit ne soit constamment sur sa console de jeu pendant qu’on n’était pas là », se rappelle celle qui devait aussi « faire les courses pour [s]es parents et [s]a grand-mère, juste avant d’aller travailler ».

      Et, le soir, ces employés devaient observer une discipline, presque médicale, de « laver leurs vêtements tous les jours en machine, ou de passer par leur garage pour se dévêtir entièrement, avant de rentrer dans la maison », raconte Carole Desiano, secrétaire fédérale de la FGTA-FO, l’un des syndicats du secteur.

      « Faire la police »

      Marina Vilatte, âgée de 32 ans, responsable du drive au Super U d’Angoulême, a vécu de l’intérieur la frénésie des Français pour les courses à distance. De vingt par jour en temps normal, son équipe a dû assurer 125 commandes au début de l’épidémie. « Il fallait même attendre trois ou quatre jours pour avoir un créneau de livraison. »

      Séparée avec deux enfants à charge de 11 et 13 ans, elle commençait ses journées à 5 heures du matin. « Sans école ni centre aéré, il n’y avait pas d’autre solution que de laisser les enfants tout seuls à la maison, raconte Marina Vilatte. Quand ils se chamaillaient trop, ils m’appelaient pour me dire : “elle m’a dit ça”, “il a fait ça”. Et moi, je ne pouvais rien faire. C’était du stress en plus. En rentrant, je finissais par ne plus faire attention sur la route. » Son fils a fini en dépression et sa fille à l’hôpital. « Tout le monde en a souffert. Nous, au moins, au travail, on avait quand même une vie sociale », dit-elle en soupirant.

      Dans cette population de travailleurs de la chaîne alimentaire, plus d’une vie a été brisée. Malgré son « physique d’adolescente » et « une pêche d’enfer » pour sa soixantaine, Marie-Joe Joubaud, caissière au Carrefour d’Ollioules, éprouve un sentiment de culpabilité d’avoir refusé d’héberger son neveu, fraîchement séparé, et ses deux enfants. Elle ne voulait pas risquer de les contaminer, car, dans un hypermarché, elle serait « au contact de beaucoup de monde ». « Trois jours plus tard, mon neveu s’est pendu. »

      Ces salariés, qui ont dû « travailler comme des soldats envoyés au front », ont été en première ligne face aux clients agacés par les restrictions, pour « faire la police », afin qu’ils ne rentrent pas tous en même temps, et les faire sortir « pour que le magasin ferme à l’heure », raconte Nadia Ayad. Et, tous les jours, affronter les incivilités. Comme cet homme que Carole Amanou a refusé de faire entrer « alors qu’[ils] étai[en]t en train de fermer » et qui « a fini en [lui] lançant un “ramène-moi ton mari” ». « On est constamment sur la défensive », ajoute-t-elle.

      « On est solidaire entre nous »

      Des histoires comme celle-là, elles en ont plein à raconter. L’une s’est fait « cracher dessus ». L’autre « traiter de connasse ». Une autre encore s’est vue menacée par deux jeunes, énervés par un rappel de la distanciation physique, qui « ont jeté par terre leurs deux bouteilles de cognac. Il y en avait partout. Tout de suite, c’était de [s]a faute », se rappelle Marina Vilatte.

      L’« agressivité des clients », Amara Fousya, 37 ans, également hôtesse d’accueil dans le Carrefour d’Ollioules, a appris à la gérer grâce à « d’anciennes formations ». « Je ne rentre pas en conflit. Quand le client t’agresse, il n’en a pas contre toi, il s’en prend à Carrefour. » Récemment séparée de son conjoint, elle s’était arrêtée dès le début pour garder ses enfants, âgés de 3 ans et demi et 10 ans. « Mais j’ai très mal vécu ces deux mois à la maison, _témoigne-t-elle. Je culpabilisais de laisser ma collègue toute seule au boulot. Quand j’ai repris le travail, j’étais contente. »

      Le deuxième confinement ? « Hors de question de m’arrêter. On est solidaire entre nous. » Entre elles, d’ailleurs, elles s’appellent « les filles », comme si elles exerçaient ensemble un sport de compétition. « On était hypersoudées, telle une armée qui devait faire bloc face au Covid-19 », se rappelle Carole Amanou.

      « Certaines auraient pu se mettre en absence pour garde d’enfant et ne l’ont pas fait, pour ne pas mettre à mal les collègues », raconte Nadia Ayad. « [Rétrospectivement,] on s’est dit qu’on avait vécu quelque chose qui nous appartenait », par rapport à ceux qui se sont arrêtés, ajoute Mme Amanou.

      De leur engagement, certains dirigeants en ont pris conscience, tant ils craignaient que cela ne fracture leur entreprise. « Nos équipes dans les magasins travaillaient dans des conditions compliquées les premiers jours, raconte le patron d’un groupe de grande distribution, qui souhaite garder l’anonymat. Je m’étais dit que ça allait casser la psychologie de la boîte en deux, avec, d’un côté, les sièges fermés et les dirigeants dans leur maison et, de l’autre, ceux qui vont tous les jours au travail et qui ne se posent pas la question d’y aller. Finalement, cela a été contrebalancé par un sentiment de fierté et d’utilité, dans un secteur qui souffre parfois de ne pas être reconnu et apprécié. »

      Pour autant, ces employés de la « seconde ligne » savent que « leur métier se transforme, qu’un jour il n’y aura plus besoin de caissières », dit Amara Fousya. « Chez nous, l’installation des caisses automatiques, cela crée énormément de stress. En quelques années, on est passé de 120 caissières à moins de 70. Les embauches, c’est pour le drive. »

      Cette année folle, « cela laisse des traces », d’après Mme Desiano. « Il y a de la casse, renchérit Nadia Ayad. Des salariés qui ne sont toujours pas rentrés, d’autres qui ont de grosses difficultés. » Comme cette collègue, « qui pourtant a du métier », à qui il ne faut pas parler trop fort, « sinon elle fond en larmes, car elle se sent agressée. Certaines, déjà fragiles, se sont retrouvées avec encore plus de failles ». Beaucoup regardent ces événements comme des épreuves qu’elles sont fières d’avoir surmontées.

      En 2020, la plupart des enseignes les avaient récompensés par la « prime Macron » de 1 000 euros. Cette année, cela ne semble pas d’actualité. Et pourtant. « La pandémie a enrichi la grande distribution et fragilisé les travailleuses », en France comme dans le reste du monde, « plus durement touchées par la crise, car surreprésentées dans les emplois peu qualifiés et mal payés des grandes chaînes d’approvisionnement, et notamment alimentaires »_, selon un rapport Oxfam publié le 22 juin. Selon l’organisation, le salaire net médian de ces employés était de 1 300 euros par mois.

      #commerce #travail #grande_distribution

  • Télétravail « total » chez Boursorama : les salariés commencent à quitter Paris pour la province
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/28/teletravail-total-chez-boursorama-les-salaries-commencent-a-quitter-paris-po

    La banque en ligne met en place un accord prévoyant deux jours de travail par mois sur site. L’entreprise prend en charge les frais de transport et les nuits d’hôtel pour ces journées. Et 97 % des équipes ont accepté.

    Il a acheté une carte de France et avec un compas a tracé un cercle des destinations à moins de trois heures de Paris. Puis, avec sa famille, ils se sont demandé s’ils voulaient plutôt vivre à la mer, à la montagne, à la campagne… Finalement ils ont choisi le Morbihan. Jérémie Lallich, conseiller clientèle en crédit immobilier chez Boursorama, rêvait de quitter la région parisienne depuis plusieurs années. « On me l’a servi sur un plateau », commente-t-il.

    En novembre 2020, la banque en ligne, filiale du groupe Société générale, a proposé aux collaborateurs affectés à des fonctions de production (traitement des opérations bancaires, relations téléphoniques avec les clients, etc.), soit la moitié de ses 820 salariés, un régime de télétravail atypique : le « 90/10 ». Les salariés travaillent tous les jours de chez eux, à l’exception de deux journées par mois, qu’ils doivent passer dans les locaux de Boursorama, à Boulogne-Billancourt. Ils peuvent donc s’installer où ils veulent en France métropolitaine – « même en Corse », note Benoît Grisoni, le directeur général de la banque. L’entreprise prend en charge les frais de transport et les nuits d’hôtel pour les journées de travail effectuées au siège. Et 97 % des équipes ont accepté.

    Jérémie Lallich habitait à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) et passait trois heures par jour dans les transports en commun. « Lors du premier confinement, j’ai compris ce que voulait dire ce temps gagné, dit-il. C’était prendre le petit-déjeuner avec les enfants, les accompagner à l’école, faire les devoirs le soir avec eux. » En juillet, il a quitté son appartement de 76 m2 à 1 400 euros par mois, pour une grande maison avec jardin, à quinze minutes de la mer, qui lui coûte un tiers de moins.

    « Nous avons pu élargir notre bassin de recrutement »

    « Le 16 mars 2020, à la veille du confinement, j’étais contre le télétravail. Le 31 mars, je me suis dit que les salariés n’allaient jamais revenir », déclare Benoît Grisoni. Les collaborateurs concernés par le « 90/10 », en bas de la grille des salaires, totalisaient en moyenne deux heures et vingt minutes de trajet par jour. « La direction a choisi d’y aller plein pot, et tant qu’à faire du télétravail, de maximiser les effets positifs », commente Philippe Clouzeau, délégué syndical CFDT chez Boursorama. « Nous voulions un accord gagnant-gagnant », affirme Aurore Gaspar, directrice générale adjointe de Boursorama.

    L’entreprise, en effet, s’y retrouve. « Nous avons pu élargir notre bassin de recrutement, alors qu’il y a une véritable tension sur le bassin parisien pour trouver des chargés de clientèle à distance, explique-t-elle. Ce sont des métiers difficiles, avec beaucoup de turnover, et nous avions du mal à pourvoir tous les postes. »
    Jonathan Bastié, commercial à la Banque postale en CDD à Agen, est ainsi tombé sur une annonce de Boursorama, qui recherchait un conseiller dans sa ville. « Ça m’a intrigué pour une banque sans agence. J’ai vu que l’offre d’emploi était postée dans énormément de villes, en télétravail », raconte-t-il. Lui n’y voit à ce stade que des avantages. « Je n’ai pas de frais d’essence, pas de frais d’usure de ma voiture, je suis moins fatigué », détaille-t-il. L’entreprise propose une indemnité de 11 euros par jour ouvré. Soit, selon la CFDT, un avantage financier d’environ 150 euros net par mois. « Moi, en province, je n’avais jamais eu de salaire parisien, souligne M. Bastié. Au final, j’y trouve un beau gain de pouvoir d’achat et une capacité d’épargne. »

    Boursorama va en revanche faire des économies dès 2022

    Aux Etats-Unis, de grandes entreprises de la tech, comme Google, ont décidé de réduire les #salaires des employés qui partaient s’installer en télétravail dans les régions où le coût de la vie est moins élevé. « Nous n’avons pas de réflexion pour différencier les salaires dans les deux ans à venir, affirme Aurore Gaspar, mais on ne se fige pas. » [tu m’étonnes Hermione ! ndc]

    Boursorama va en revanche faire des économies dès 2022 en réduisant la taille de ses locaux. L’entreprise conserve son siège social, dont elle est propriétaire, mais va rendre les deux plateaux qu’elle louait à 100 mètres de là, sur lesquels travaillaient 200 personnes en centre d’appel. L’immeuble de la banque en ligne abrite désormais les bureaux des cadres (marketing, service juridique…) passés à un régime de deux jours de télétravail par semaine, et de grands espaces collaboratifs pour recevoir les équipes en « 90/10 ». En ce mois de septembre, les premières sessions de deux jours de « team building » (renforcement d’équipe) ont débuté au siège. Au programme, « un topo sur les résultats, les offres en cours », raconte Jonathan Bastié, et pour finir un atelier de danse rythmique collectif pour créer du lien. « On a appris une chorégraphie en vidéo, ajoute-t-il, ça fonctionne bien. »

    Quelques mois après l’entrée en vigueur de l’accord de télétravail, la banque en ligne compte déjà une quarantaine de collaborateurs en province ; vingt-cinq y ont été recrutés directement et quinze ont quitté l’Ile-de-France. Parmi eux, Didier Desirliste, installé en famille depuis le 1er juillet à Albertville (Savoie), dans un duplex « entouré par les montagnes ». « Là c’est le début, ça me va d’être seul, on verra sur le long terme, indique-t-il. Nous sommes des cobayes, mais je pense que, lors des prochaines réunions, il y aura eu d’autres départs de la région parisienne, ça va se développer. » Au grand dam d’un syndicaliste du secteur bancaire qui, sous couvert d’anonymat, s’inquiète : « Une société, c’est aussi un lieu de socialisation, un corps social. Ce sera quoi, une entreprise demain ? »

    15 déménagements sur 410 salariés éligibles, Le Monde à l’avant-garde !

    #travail #travail_à_domicile #télétravail #centre_d'appels #phonemarketing #banque

  • Chez McDonald’s, l’eau du robinet est source de profit
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/24/chez-mcdonald-s-l-eau-du-robinet-est-source-de-profit_6095816_3234.html

    Plate ou pétillante, voire aromatisée, et servie dans un gobelet jetable en carton, Eau by McDo coûte au consommateur français entre 1,70 euro et 2,75 euros.

    « Je travaille à McDo et c’est incroyable. C’est de l’eau du robinet qui passe dans un filtre et que l’on vend entre 5 et 7 euros le litre. Probablement la plus grosse arnaque du siècle. Et en plus, les clients qui veulent une bouteille refermable ? Tant pis, ce n’est plus possible. » Chez McDonald’s, pas de doute, l’eau du robinet, filtrée voire gazéifiée et aromatisée, est source de profit financier.

    #réussite

  • Covid-19 : au Royaume-Uni, le business très rentable des tests PCR pour les voyageurs
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/23/covid-19-au-royaume-uni-le-business-tres-rentable-des-tests-pcr-pour-les-voy

    Covid-19 : au Royaume-Uni, le business très rentable des tests PCR pour les voyageurs. Chez les Français du Royaume-Uni, c’est devenu l’une des questions les plus récurrentes : « Connais-tu un fournisseur de tests PCR pas trop cher ? » Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les voyageurs venant de l’étranger et qui arrivent en Angleterre (les règles sont différentes en Ecosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord) sont contraints de se plier à des tests PCR payants et à effectuer uniquement auprès d’une liste de laboratoires agréés. Face à cette clientèle captive, les entreprises ont élaboré une politique de prix exorbitants, qui, les premiers temps, atteignaient facilement 200 livres sterling le test (un peu plus de 230 euros), avant de devenir plus raisonnables ces derniers mois. Sachant qu’il fallait à l’origine réaliser des tests PCR obligatoires au deuxième et au huitième jours après l’arrivée sur le territoire britannique – plus un test non obligatoire le cinquième jour afin de pouvoir sortir de sa quarantaine –, le « budget test » d’une famille de quatre personnes qui souhaitait partir en vacances hors du Royaume-Uni pouvait allègrement dépasser le millier d’euros.Dans ces conditions, chacun s’échange conseils et bonnes adresses. Les noms des laboratoires efficaces et pas trop onéreux circulent activement. Un nouveau secteur semble émerger : la liste des fournisseurs officiels, initialement très resserrée, comprend désormais 435 entreprises. Comme s’il s’agissait de sociétés de plomberie, leurs noms sont parfois incongrus afin d’arriver en tête du classement alphabétique : la liste débute à «  ! + 0091 Aasha Testing » et se termine à « ZoomDoc Health ».
    Réduction sensible des bénéfices
    Longtemps, les prix n’étaient guère transparents et il fallait se renseigner pour chaque fournisseur. Au cours des dernières semaines, le gouvernement a amélioré les choses, rassemblant les prix sur un même site. Ceux-ci vont d’un inexplicable 675 livres (786 euros) le test – avec l’envoi à domicile d’un membre du corps médical pour le réaliser – à un très raisonnable 7,45 livres (8,70 euros), à condition de se rendre à un laboratoire à l’aéroport d’Heathrow. La grande majorité des tests sont à faire soi-même à domicile puis à renvoyer au laboratoire par la poste, moyennant une cinquantaine d’euros. A compter de « fin octobre », les voyageurs vaccinés en provenance d’un pays de la « liste verte » pourront se limiter à un seul test antigénique au deuxième jour de leur retour. La politique du gouvernement britannique sur les tests a toujours été claire : en cas de symptômes, ceux-ci sont gratuits. En revanche, il n’y a aucune raison que les frais découlant des séjours à l’étranger, qui relèvent de convenance personnelle, soient pris en charge par l’Etat.
    L’industrie, née de cette politique, risque de voir ses juteux bénéfices se réduire sensiblement. Le 17 septembre, les autorités ont annoncé qu’à compter de « fin octobre », les voyageurs vaccinés en provenance d’un pays de la « liste verte » pourraient se limiter à un seul test antigénique au deuxième jour suivant leur retour, ce qui devrait nettement limiter les coûts. Il ne restera comme clientèle captive seulement ceux qui viennent des pays de la « liste rouge », jugés dangereux. Ils devront respecter une quarantaine et se soumettre aux tests PCR.

    #Covid-19#migrant#migration#grandebretagne#sante#test#economie#industrie#listeverte#listerouge#quarantaine

  • « Franc-tireur », « manifeste » hebdomadaire contre l’obscurantisme
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/21/franc-tireur-manifeste-hebdomadaire-contre-l-obscurantisme_6095415_3234.html

    Quand je lis que Christophe Barbier ou Caroline Fourest vont faire de « l’anti-extrême-droite » sous la houlette de Daniel Kretinsky, je me marre. Ou bien j’ai envie de pleurer sur la dérive morale du pays. L’extrême-centre a un parfum peu ragoûtant.
    En tout cas, nous avons dans ces quelques lignes un concentré de tout le discours "néo-républicain" qui ne sert qu’à masquer le rejet et l’intolérance au nom du principe bien orgueilleux "l’universalisme, c’est nous". Foutaises.

    De toute façon, aujourd’hui quand un titre se dit "Franc-tireur", ou encore "Front populaire", on sait que c’est pour mieux salir les originaux.

    Plutôt qu’un newsmagazine, ce sera « un libelle, un manifeste ». Un arsenal de papier proposant « un armement intellectuel, journalistique, pour lutter contre la progression de l’obscurantisme ». Lorsque Christophe Barbier présente la publication qu’il s’apprête à diriger, le verbe est haut, le vocabulaire, choisi. « Dès qu’on prononce le mot centrisme, ça fait mou, tiède. Alors qu’on veut faire quelque chose de très puissant, de très offensif », expose l’éditorialiste de BFM-TV, ancien directeur de la rédaction de L’Express.

    Annoncé de longue date, le projet de magazine politique voulu par le financier tchèque Daniel Kretinsky, fondateur du groupe de presse Czech Media Invest (CMI) et actionnaire indirect du Monde, entre dans sa dernière ligne droite. Nommé Franc-tireur, le titre sera porté sur les fonts baptismaux numériques le 6 octobre. Qu’importe le combat que livre M. Kretinsky aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) : un « événement Facebook » lancera une souscription auprès de membres fondateurs, ainsi qu’une campagne de préabonnements (le budget alloué par CMI reste confidentiel).
    Article réservé à nos abonnés Lire aussi Aux origines de la fortune de Daniel Kretinsky

    Un temps pressentie à la direction du titre, l’essayiste Caroline Fourest, membre du conseil de surveillance du groupe de presse, se contentera du rôle de conseillère éditoriale. Elle aura « une posture de muse », euphémise M. Barbier, qui pilote le projet aux côtés du journaliste Eric Decouty, passé par Le Parisien, Le Figaro, Libération ou encore Marianne. L’arrivée en kiosques de cette publication de huit pages est prévue pour la première quinzaine de novembre.
    « Enquêtes au long cours » et « tribunes à charge »

    La polémique qu’avait déclenchée le philosophe Raphaël Enthoven début juin, lorsqu’il avait affirmé qu’il préférerait voter pour Marine Le Pen plutôt que pour Jean-Luc Mélenchon en cas de duel au second tour de l’élection présidentielle d’avril 2022 (une position peu compatible avec la ligne « anti-extrêmes » du titre), ne l’empêchera pas d’assurer chaque semaine un éditorial à la « une ».

    « Franc-tireur » assurera « une présence quotidienne sur les réseaux sociaux », sous forme écrite ou en format vidéo. Le prix de vente devrait être fixé autour de 2 euros

    Outre des « enquêtes au long cours » fournies par des journalistes free-lance, la publication fera la part belle à « des tribunes à charge ». Au nombre des plumes attendues figurent celles de l’ancien secrétaire général de Force Ouvrière Jean-Claude Mailly, de l’actrice et juriste Rachel Khan (très critique envers la pensée décoloniale), de l’économiste Philippe Aghion (qui avait apporté son soutien à Emmanuel Macron en 2017), du fondateur de l’Observatoire du conspirationnisme Rudy Reichstadt, et de l’écrivain (elle tient au masculin) Abnousse Shalmani, entre autres.

    « Nous serons contre tout ce qui menace l’universalisme républicain », scande Christophe Barbier. Il s’agit de « ne pas laisser aux populistes le monopole de l’émotion, de la révolte », corrobore Denis Olivennes, patron de Libération et membre du conseil d’administration de CMI (Marianne, Elle, Télé 7 jours…), revendiquant sa part dans l’avènement de ce journal « passionnément raisonnable ». Voire relativement conservateur, pointent certains. Franc-tireur – qui se veut « anti-Zemmour, anti-extrême droite, anti-extrême gauche, anti-antivax, anti-complotistes, anti-cancel culture… », selon l’énumération non exhaustive de M. Barbier – assurera « une présence quotidienne sur les réseaux sociaux », sous forme écrite ou en format vidéo. Le prix de vente devrait être fixé autour de 2 euros.

    Aude Dassonville

  • Deux moines contre la 5G mis en examen pour avoir ciblé des antennes-relais
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/20/deux-moines-contre-la-5g-mis-en-examen-pour-avoir-cible-des-antennes-relais_

    les deux hommes, âgés de 39 et 40 ans, ont reconnu avoir mis le feu à un premier pylône téléphonique, dans la nuit du 14 au 15 septembre, à Saint-Forgeux, au nord-ouest de Lyon. Les dégâts avaient été limités.

    La nuit suivante, les deux moines, membres d’un couvent situé dans le Beaujolais, ont été interpellés en flagrant délit par les gendarmes, tandis qu’ils tentaient d’incendier une antenne dans une autre commune, à Ancy.

    [...]
    Ils font partie d’une communauté capucine basée au couvent Saint-François, à Villié-Morgon, rattaché au mouvement intégriste de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, selon son site Internet.

    Selon Le Progrès, une porte-parole du couvent a évoqué « un acte isolé et une erreur de jeunesse ». « Les ondes sont très nocives à la santé et ils souhaitaient agir pour le bien-être de l’humanité », a-t-elle déclaré au journal.

    • Quatre proches du complotiste d’ultradroite Rémy Daillet en garde à vue pour des projets d’actions violentes
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/10/05/quatre-proches-du-complotiste-d-ultradroite-remy-daillet-en-garde-a-vue-pour

      Ces arrestations ont été réalisées dans le cadre du dossier « Honneur et nation », instruit par des juges antiterroristes à Paris, et dans lequel trois personnes ont été mises en examen au début de mai et cinq autres le 24 septembre, toutes pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Ces huit personnes sont notamment soupçonnées d’avoir préparé une action violente contre une loge maçonnique, mais elles visaient également, selon une source proche de l’enquête, d’autres cibles non précisées, telles que des #centres_de_vaccination, des personnalités ou des journalistes.

      Des centres de vaccination contre le Covid-19 visés
      Les personnes interpellées mardi avaient, selon BFM-TV, des projets visant « des centres de vaccination anti-Covid ». Une source proche du dossier a évoqué auprès de l’AFP une « multitude de projets d’actions violentes, visant des sites institutionnels, des centres de vaccination, des antennes #5G… » Depuis 2017, six enquêtes liées à des projets d’attentats de l’ultradroite ont été ouvertes par le parquet antiterroriste. L’une d’elles, visant un groupuscule baptisé OAS, a déjà abouti au renvoi en correctionnelle de six personnes. Leur procès est en cours à Paris.

      Rémy Daillet, figure des milieux complotistes et soupçonné d’être impliqué dans le rapt de la petite Mia, en avril, dans les Vosges, a été mis en examen à la mi-juin, notamment pour complicité d’enlèvement d’un mineur de 15 ans en bande organisée. Il a été placé en détention provisoire.

      #extrême_droite #fascistes

  • La Chine continue de resserrer son étau sur les géants de la tech
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/14/pekin-continue-de-resserrer-son-etau-contre-les-geants-de-la-tech_6094582_32

    Les applications sur smartphone des géants du commerce en ligne chinois sont bien pratiques. En quelques clics, vous pouvez commander le bien dont vous rêvez et obtenir un crédit pour l’acquérir. Cela ne devrait pas durer. Selon le Financial Times du lundi 13 septembre, Pékin va obliger les e-commerçants à scinder leurs applications : une pour les achats, une pour les activités de crédit.

    Une décision dans la droite ligne de la stratégie mise en œuvre depuis décembre 2020 visant à les contraindre de cesser d’être à la fois commerçants, banquiers, intermédiaires financiers et évaluateurs de risques de crédit, le tout sans avoir à respecter les ratios prudentiels imposés aux banques traditionnelles. A l’avenir, les demandes de prêts déposées auprès d’Ant, la filiale financière d’Alibaba, devront être traitées par une société spécifique dont l’Etat sera actionnaire. Une nationalisation partielle qui devrait faire jurisprudence. Plus question de laisser à quelques conglomérats high-tech le monopole du crédit à la consommation.

    Outre la régulation financière, le pouvoir politique s’attaque en effet à d’autres caractéristiques du secteur auxquelles l’opinion publique est sensible : la concurrence entre les plates-formes, la collecte des données et les conditions de travail des employés. Le 10 septembre, les pouvoirs publics ont convoqué les dix grandes entreprises de livraison à domicile et les sociétés de taxi, leur enjoignant de signer des contrats écrits avec leur personnel, d’améliorer les revenus offerts et de prévoir des temps de pause. L’enjeu est majeur. Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail paru à l’automne 2020, 78 millions de personnes, soit environ 10 % de la population active, sont employées dans le commerce en ligne et les plates-formes de livraison. Mais une infime minorité de ces 78 millions – 8 % seulement – bénéficient d’un réel contrat de travail.

    Dans le même ordre d’idée, le gouvernement a publié, en août, une loi qualifiant les données d’atouts « stratégiques de la nation ». Jugeant que les informations concernant les Chinois doivent rester dans l’empire du Milieu, le gouvernement entend limiter les introductions en Bourse des entreprises nationales à l’étranger, lorsque les autorités du pays veulent également avoir un droit de regard sur ces données, ce qui est le cas des Etats-Unis. Pour s’être introduit au Nasdaq fin juin, en croyant pouvoir se dispenser d’obtenir le feu vert des autorités chinoises, Didi, le « Uber chinois », a, quarante-huit heures plus tard, été interdit de recruter de nouveaux clients en Chine. Message reçu cinq sur cinq : deux autres sociétés, l’application de fret Full Truck Alliance et la société de recrutement en ligne Kanzhun ont renoncé à se faire coter aux Etats-Unis.

    Allant encore plus loin, la ville de Tianjin (environ 10 millions d’habitants) a ordonné à ses entreprises publiques de stocker leurs données dans un cloud public et de ne plus travailler avec les géants privés comme Alibaba ou Tencent. Ceux-ci ne sont pas les seuls dans le collimateur du Parti communiste. Cet été, le secteur de l’éducation privée en ligne a été prié de rejoindre le secteur associatif. Et dans le domaine des jeux vidéo, les mineurs ne peuvent plus se connecter que trois heures par semaine, les sociétés devant auparavant vérifier l’identité et l’âge des utilisateurs. Enfin, une réécriture « positive » de certains algorithmes doit mettre moins en valeur les « contenus pernicieux ».

    Autant de mesures jugées « liberticides » par certains, mais que d’autres, comme le sinologue François Godement de l’Institut Montaigne, pourtant peu suspect de complaisance envers Pékin, estime « correspondre à ce que l’on pourrait attendre de gouvernements sociaux-démocrates ».

    #Chine #Données #Banques

  • La Chine continue de resserrer son étau sur les géants de la tech
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/14/pekin-continue-de-resserrer-son-etau-contre-les-geants-de-la-tech_6094582_32

    Gestion des données privées, concurrence, conditions de travail… Pékin met au pas l’ensemble des plates-formes numériques.

    Les applications sur smartphone des géants du #commerce_en_ligne chinois sont bien pratiques. En quelques clics, vous pouvez commander le bien dont vous rêvez et obtenir un crédit pour l’acquérir. Cela ne devrait pas durer. Selon le Financial Times du lundi 13 septembre, Pékin va obliger les e-commerçants à scinder leurs applications : une pour les achats, une pour les activités de crédit.

    Une décision dans la droite ligne de la stratégie mise en œuvre depuis décembre 2020 visant à les contraindre de cesser d’être à la fois commerçants, banquiers, intermédiaires financiers et évaluateurs de risques de crédit, le tout sans avoir à respecter les ratios prudentiels imposés aux banques traditionnelles. A l’avenir, les demandes de prêts déposées auprès d’Ant, la filiale financière d’Alibaba, devront être traitées par une société spécifique dont l’Etat sera actionnaire. Une nationalisation partielle qui devrait faire jurisprudence. Plus question de laisser à quelques conglomérats high-tech le monopole du crédit à la consommation.

    Jusqu’à la crise financière de 2008, la Chine était convaincue que les Etats-Unis et l’Union européenne disposaient d’une régulation financière efficace. Le scandale des subprimes et la faillite de la banque Lehman Brothers l’ont fait changer d’avis. Dès 2010, Pékin met en place un embryon de régulation. En 2015, un krach boursier ramène le sujet sur le devant de la scène, d’autant plus que, la même année, les éternels rivaux Tencent et Alibaba créent leur propre banque en ligne et que la fintech part à l’assaut du système bancaire public.

    Une nécessité à la fois économique et sociale

    Comme le rappelle Viviana Zhu, dans une note de l’Institut Montaigne, c’est en 2017 que Xi Jinping presse les régulateurs d’« oser » accomplir leur mission. « L’incapacité à rapidement faire face à des risques est un manquement à ses devoirs », les met-il en garde. Les attaques de l’administration américaine contre Huawei et ZTE ont sans doute donné un répit aux géants de la tech chinoise. Mais, à un an du 20e congrès du Parti communiste, à l’automne 2022, Xi Jinping semble convaincu que la mise au pas d’Alibaba, Tencent, JD. com, Meituan, Pinduoduo et autres est une nécessité à la fois économique et sociale.

    Outre la régulation financière, le pouvoir politique s’attaque en effet à d’autres caractéristiques du secteur auxquelles l’opinion publique est sensible : la concurrence entre les plates-formes, la collecte des données et les conditions de #travail des employés. Le 10 septembre, les pouvoirs publics ont convoqué les dix grandes entreprises de livraison à domicile et les sociétés de taxi, leur enjoignant de signer des contrats écrits avec leur personnel, d’améliorer les revenus offerts et de prévoir des temps de pause. L’enjeu est majeur. Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail paru à l’automne 2020, 78 millions de personnes, soit environ 10 % de la population active, sont employées dans le commerce en ligne et les plates-formes de livraison. Mais une infime minorité de ces 78 millions – 8 % seulement – bénéficient d’un réel contrat de travail.

    Par ailleurs, les géants du commerce en ligne ont été de nouveau priés, lundi 13 septembre, par le ministère de l’industrie et des technologies de l’information, de ne plus bloquer les moyens de paiement de leurs concurrents. Une pratique régulièrement dénoncée par les consommateurs. En avril, Alibaba avait été contraint de verser une amende de 2,3 milliards d’euros pour ses pratiques anticoncurrentielles, empêchant certains commerçants de mettre leurs produits en vente sur plusieurs plates-formes. Quelques jours plus tard, 34 e-commerçants avaient été rappelés à l’ordre par les autorités de la concurrence.

    Les données, atouts « stratégiques de la nation »

    Dans le même ordre d’idée, le gouvernement a publié, en août, une loi qualifiant les données d’atouts « stratégiques de la nation ». Jugeant que les informations concernant les Chinois doivent rester dans l’empire du Milieu, le gouvernement entend limiter les introductions en Bourse des entreprises nationales à l’étranger, lorsque les autorités du pays veulent également avoir un droit de regard sur ces données, ce qui est le cas des Etats-Unis. Pour s’être introduit au Nasdaq fin juin, en croyant pouvoir se dispenser d’obtenir le feu vert des autorités chinoises, Didi, le « Uber chinois », a, quarante-huit heures plus tard, été interdit de recruter de nouveaux clients en Chine. Message reçu cinq sur cinq : deux autres sociétés, l’application de fret Full Truck Alliance et la société de recrutement en ligne Kanzhun ont renoncé à se faire coter aux Etats-Unis.

    Allant encore plus loin, la ville de Tianjin (environ 10 millions d’habitants) a ordonné à ses entreprises publiques de stocker leurs données dans un cloud public et de ne plus travailler avec les géants privés comme Alibaba ou Tencent. Ceux-ci ne sont pas les seuls dans le collimateur du Parti communiste. Cet été, le secteur de l’éducation privée en ligne a été prié de rejoindre le secteur associatif. Et dans le domaine des jeux vidéo, les mineurs ne peuvent plus se connecter que trois heures par semaine, les sociétés devant auparavant vérifier l’identité et l’âge des utilisateurs. Enfin, une réécriture « positive » de certains algorithmes doit mettre moins en valeur les « contenus pernicieux ».

    Autant de mesures jugées « liberticides » par certains, mais que d’autres, comme le sinologue François Godement de l’Institut Montaigne, pourtant peu suspect de complaisance envers Pékin, estime « correspondre à ce que l’on pourrait attendre de gouvernements sociaux-démocrates ».

    #capitalisme_de_plateforme

  • Tarn : deux antennes-relais vandalisées, 52 000 abonnés privés de réseau mobile
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/09/12/tarn-deux-antennes-relais-vandalisees-50-000-abonnes-prives-de-reseau-mobile

    Ces derniers mois, plusieurs incendies volontaires ont ciblé des installations téléphoniques, en particulier des antennes-relais. En 2020, les autorités avaient recensé une centaine de dégradations volontaires de pylônes de téléphonie sur l’ensemble du territoire. Une partie de ces actions a été revendiquée par l’ultragauche.