• « Pour briser le silence autour de l’inceste, il faut pouvoir s’imaginer qu’un parent puisse violer »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/02/01/pour-briser-le-silence-autour-de-l-inceste-il-faut-pouvoir-s-imaginer-qu-un-


    La psychanalyste Claude Halmos rappelle que « les symptômes sont multiples car l’inceste ravage tout », et appelle les adultes à « accepter d’entendre que l’inceste existe ».

    [...]

    Que se passe-t-il dans la tête d’un enfant lorsqu’il est victime d’inceste ?

    La complexité et l’ampleur de la destruction opérée par l’inceste sont énormes. L’enfant subit une suite d’agressions sexuelles, et donc de traumatismes. C’est-à-dire d’événements dont la violence l’oblige, pour protéger son équilibre psychique, à n’inscrire dans sa conscience, et donc dans sa mémoire, qu’une partie de ce qu’il vit. Le reste, constituant une « mémoire traumatique », restera enfoui, se manifestera par des symptômes et le fragilisera d’autant plus que, chez un enfant, les ravages d’une agression sexuelle sont toujours amplifiés.

    D’une part parce que, faute d’un savoir sur la sexualité, il ne comprend pas – on le voit dans ses dessins – ce qu’il subit : quel orifice de son corps, par exemple, a été touché ou pénétré, et par quoi. Et d’autre part parce que, du fait de la différence entre sa sexualité et celle de son agresseur, l’agression fait exploser le cours normal de son développement sexuel.

    Et les agressions incestueuses ont des conséquences plus graves encore, car elles se produisent dans un lieu – sa famille – où l’enfant se sentait en sécurité ; et du fait de personnes en qui il avait confiance et qui étaient des supports de sa construction psychique. Il se trouve donc confronté, comme dans un cauchemar, au surgissement brutal d’une horreur aussi terrifiante qu’incompréhensible.

    Comment repérer les symptômes des victimes d’inceste avant que ces dernières deviennent adultes ?

    Les symptômes sont multiples, car l’inceste ravage tout. Il bouleverse le rapport de l’enfant à lui-même. Il le fait se sentir « pas comme les autres », sans valeur, et l’enferme dans la honte. Il bouleverse son rapport aux autres, car tout autre peut être désormais celui qui trahit, fait mal, fait peur et, paraissant respectable, trompe néanmoins tout le monde. Et il bouleverse son rapport au monde, devenu, parce qu’il y a fait l’expérience de la torture, de la solitude et de l’impuissance, dangereux.

    L’inceste influe de plus sur sa construction psychique, car en même temps que par le secret imposé il lui confisque la parole, il lui fait découvrir que l’on peut trouver une jouissance dans la transgression et l’abus de pouvoir.

    L’inceste peut donc rendre l’enfant « fou », violent ou au contraire soumis, bloquer son développement affectif et intellectuel. Il peut être à l’origine d’agressions sexuelles sur d’autres enfants ou de masturbations compulsives, par lesquelles il tentera de soulager la surexcitation sexuelle pathologique provoquée chez lui par les agressions. Et il le rendra toujours angoissé et malheureux.

    Ces symptômes peuvent, tous, être repérés, notamment à l’école, et il est important qu’ils le soient. Mais l’aide aux enfants suppose surtout que les adultes acceptent d’entendre – et c’est difficile – que l’inceste existe et fait partie des causes possibles, et non exceptionnelles, de leurs problèmes. Pour briser le silence autour de l’inceste, il faut pouvoir s’imaginer qu’un parent puisse violer.

    Quels sont les symptômes qui perdurent à l’âge adulte ?

    Le traumatisme, chez l’enfant comme chez l’adulte, arrête le cours du temps et fait perdurer ce qu’il a provoqué en eux. L’adulte, victime d’inceste lorsqu’il était enfant – qu’il s’en souvienne ou non –, pourra donc rester la proie de sentiments d’insécurité, de culpabilité, de dévalorisation, et d’angoisses diverses.

    Il pourra souffrir de troubles sexuels, manifestations de la mémoire traumatique qui le hante : peurs, inhibitions ou, au contraire, attrait destructeur pour les « mauvaises rencontres ».

    Quelle posture doivent adopter les adultes pour permettre la libération de la parole des enfants ?

    La « libération de la parole des enfants » est un mythe qui découle d’une méconnaissance de la spécificité du « fonctionnement » des enfants. Les adolescents peuvent, éventuellement – même si c’est très difficile –, parler. Mais les enfants petits ne le peuvent pas.

    Ceux qui sont battus arrivent parfois à le dire, parce qu’ils savent ce que sont les coups. Mais aucun ne peut parler d’actes qu’il est dans l’incapacité d’identifier. Les enfants petits donnent donc à entendre, à travers leurs comportements, leurs paroles et leurs dessins, ce qu’ils subissent, et il faut le décrypter.

    Et ce silence est essentiel, car il constitue la difficulté principale à laquelle se heurte leur protection : celle de la preuve. Des centaines de signalements sont classés tous les jours, au motif que, fondés sur le seul décryptage par un professionnel des manifestations souvent incompréhensibles, comme telles, de l’enfant, ils sont sans preuves.
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    Tant que cette question centrale de la preuve ne sera pas travaillée de façon pluridisciplinaire par des professionnels de l’enfance et du droit, la protection des enfants petits victimes d’inceste restera un vœu pieux.

    Comment prendre en charge les enfants victimes d’inceste ? Quelles sont les spécificités de ce suivi ?

    Leur prise en charge se heurte, elle aussi, à de très nombreux obstacles. Percevoir l’inceste dans une famille suppose, en effet, que le thérapeute travaille non seulement avec l’enfant mais, pour savoir ce qu’il vit, avec ses parents. C’est loin, aujourd’hui, d’être toujours le cas.

    Ensuite, l’enfant a besoin qu’on l’aide à comprendre ce qu’il a vécu, mais aussi ce qui l’a permis : connaître ce qui, dans l’histoire de son parent incestueux, l’a rendu capable de faire ce qu’il a fait permet à l’enfant de ne pas se penser issu d’un monstre et de garder une image positive de lui-même.

    Et ce travail ne peut, en outre, se faire sans l’aide de la justice, car l’enfant a besoin, pour se reconstruire, de retrouver un monde où la loi existe : où son agresseur et ceux – notamment son autre parent – qui l’ont laissé faire puissent être sanctionnés, et lui-même autorisé à vivre dans un milieu protégé.

    Or cela lui est rarement permis, car notre société, s’acharnant à croire que tout parent étant par nature aimant, le milieu familial serait toujours pour les enfants le plus favorable, continue à les sacrifier sur l’autel de cette croyance.

    #inceste

    • Je ne crois pas qu’il y en ait de majeures mais n’hésitez pas à signaler les bêtises que cette psy a pu dire :)
      C’est peut-être un travers mais il m’arrive de trouver plus denses, plus évocatrices, des « catégories conceptuelles » (qui ne devraient pas se passer d’exemple, de cas, de concret) que des « témoignages » (qui emporte toujours des conceptualisations), d’où, malgré tout, le recours à « la » #psychanalyse. C’est moins le cas ici qu’avec une partie des propos de Clotilde Leguil qui était citée là https://seenthis.net/messages/901458#message901473, avant d’être critiqués par plus expert.es que moi.
      Autant te le dire @touti, une part de ce qu’elle disait (la non rencontre, etc) m’avait « parlé » haut et clair, suscitant une empathie « générale » plutôt inédite dans ses modalités, et j’avais pas été assez attentif à d’autres aspects.

    • d’entrée de jeu ou d’article, le ton très affirmatif m’est plutôt pénible. Et si on a pas de mémoire traumatique on fait quoi ? Si on a rien enfoui du tout ? C’est possible ou comme d’habitude les premiers concernés sont les plus inconscient de leur inconscient ? Cette façon de généraliser « l’enfant » et les traumas et les conséquences, pour moi c’est vraiment mettre la tête sous l’eau de plein de monde, et ne pas leur laisser d’autre choix que d’être une victime pour la vie. Je lirais la suite plus tard, mais il faudrait un TW #iatrogénie.

    • un exemple de cette prose iatrogénique balancée sur cuicui comme un sac de patates :

      "Prisonnières de cette mémoire les victimes sont dépossédées de toute de leur vie, à laquelle elles ne comprennent rien et dont elles subissent les conséquences atroces par ignorance des crimes qu’elles ont subis

      (l’article à l’air plus fouillé, c’est pour illustrer ce que je veux dire).

    • dans les [...] il y avait

      Selon Claude Halmos, psychanalyste, spécialiste des enfants et de la maltraitance (...).

      Elle parle essentiellement des « petits enfants » il me semble, ce n’est pas un discours général (sur tous les âges ou toutes les circonstances des incestes). elle distingue les violences et mauvais traitements, plus aisément dicibles car renvoyant à un aspect connu des enfants par ailleurs, et ce qui relève de « la » sexualité (de ces sexualités sans intersection de l’enfant et de l’adulte).
      ce qu’elle dit de « la preuve » pourrait t’intéresser.

    • Ta compagne doit beaucoup souffrir et toi aussi @sombre peut etre que tu pourrai te rapproché d’une asso pour avoir du soutiens et de l’aide pour savoir comment aider ta compagne au mieux. Il y a peut etre des assos de proches de victimes, groupe d’entraide. Je n’en ai pas à te conseiller mais peut etre qu’au sein des assos de victimes on peu te donner des renseignement.

    • @sombre si tu n’es pas loin de lille, tu peux peut-être suggérer l’échappée, qui peut aider à trouver un psy, faire un suivi juridique, offrir une écoute...

      http://www.lechappee-lille.fr

      sinon, murielle salmona, pour les histoires de mémoire traumatique, à paris (important à mon avis, d’aller consulter plutôt que de lire sur internet ses trucs explosants).

      le contenu de face à l’inceste, c’est parfois balancer des trucs comme des sacs à patates, en pleine tronche, donc méfie-te... Peut-être chercher des allié.es pour lui parler... d’autres de tes connaissances, passé.es par le même genre de choses... courage sinon...

    • #Merci @tintin. Hélas, je n’habite pas le Nord et je suis loin de Paris. Je cherche plutôt dans la région (Ouest) des psychothérapeutes compétents sur ce sujet. Je vais effacer mon post (trop personnel) qui n’était en fait qu’un appel à l’aide. J’hésitais à lancer ce signal de détresse depuis un bon moment.

      En tous cas, Merci à vous deux pour vos réponses.

    • il peut s’agir d’amis très proches de la famille, de voisins avec lesquels on entretient des relations développées… Ce type d’auteurs, qui gravitent autour de la famille sans en faire partie officiellement, ne sont généralement pas envisagés quand on parle d’inceste ou de violences sexuelles incestueuses.

    • Notre enquête montre que 4,6 % des femmes ont été victimes de violences sexuelles – viols et agressions sexuelles – de la part de la famille ou de l’entourage proche avant 18 ans. Chez les hommes, c’est un peu moins de 1 %. La moitié de ces violences ont commencé avant 9 ou 10 ans. Elles commencent extrêmement tôt, sachant que, contrairement à d’autres formes de violences sexuelles, il s’agit bien souvent de violences répétées en raison des effets de proximité et de domination durable du cadre familial.

      Un sondage Ipsos commandé par l’association de victimes Face à l’inceste fait état, de son côté, de « 10 % des Françaises et des Français qui affirment avoir subi l’inceste ». Comment expliquer cette différence ?

      franchement les productions de l’AIVI/face à l’inceste, à chaque fois c’est la cata. Et semblerait aussi que ce soit catho à moitié faf là-dedans.

    • La méthodologie de notre enquête consiste à ne pas utiliser directement le terme de violence ou des dénominations juridiques mais à parler des faits eux-mêmes, ce qui nous permet de reconstruire des catégories plus fines par la suite. Cette réflexion scientifique au long cours nous distingue de la perspective militante.

      (j’espère que ça ne t’embête pas que je macroblogue ton micropost @monolecte ça me sert de carnet de notes...)

    • « on ne saurait », c’est ton truc les enquêtes gros, moi la pluie de chiffres à la con, en l’occurrence gonflés pour faire avancer sa cause, sans se poser une seconde la question de la terreur induite, surtout pour les premiers-premières concerné.es, ça me fatigue désormais. M.Salmona, dans un autre genre pas catho et qui a fait de bonnes choses, produit aussi ce genre de machins, qui m’ont déjà foutu par terre pendant des semaines...

    • je préfère une enquête « subjective » à la scientificité bidon des sondages (qui pose quelles questions ?), et je suis pas un fan des « chiffres ». mais si le présupposé c’est qu’il y a les fascisants de « face à l’inceste » et de l’autre côté je ne sais quels « gauchistes » qui se contrefichent du vécu des agressé.e.s et abusé.e.s, qu’y faire...

      Notre enquête montre que 4,6 % des femmes ont été victimes de violences sexuelles – viols et agressions sexuelles – de la part de la famille ou de l’entourage proche avant 18 ans. Chez les hommes, c’est un peu moins de 1 %. La moitié de ces violences ont commencé avant 9 ou 10 ans. Elles commencent extrêmement tôt, sachant que, contrairement à d’autres formes de violences sexuelles, il s’agit bien souvent de violences répétées en raison des effets de proximité et de domination durable du cadre familial.

      Un sondage Ipsos commandé par l’association de victimes Face à l’inceste fait état, de son côté, de « 10 % des Françaises et des Français qui affirment avoir subi l’inceste ». Comment expliquer cette différence  ?

      Sans dénigrer ce sondage – qui n’a pas un objectif scientifique, émane d’une association qui milite légitimement pour une meilleure prise en compte des violences sexuelles incestueuses, et dont le but est de faire réagir l’opinion -, il faut préciser qu’il s’agit d’un questionnaire adressé via Internet, sur un échantillon d’un millier de personnes. Notre enquête, elle, a eu lieu en 2015 mais, vu la masse de données à traiter, il nous a fallu beaucoup de temps pour valider nos résultats. Plus de 27 000 femmes et hommes ont été interrogés par nos soins par téléphone, en moyenne durant une heure, en analysant les détails des violences subies pour mieux les comprendre et les définir.

      [...] Sur le plan méthodologique, le sondage Ipsos liste aussi un certain nombre de situations qui ne rentrent pas dans les qualifications juridiques des viols ou des agressions sexuelles. Il y a, par exemple, une question sur le fait d’avoir été exposé à des conversations ou des confidences sur la vie sexuelle d’un adulte ou d’un membre de la famille, ce qui peut être extrêmement problématique mais n’a pas tout à fait le même sens selon les situations – par exemple si on parle ce sujet avec des cousins plus âgés, lorsqu’on a 16 ou 17 ans.

      Le sondage était aussi présenté comme un sondage portant sur la question de l’inceste, ce qui peut potentiellement conduire certaines personnes concernées à y répondre plus facilement que d’autres. Ou, au contraire, cela peut avoir l’effet inverse : certaines personnes concernées peuvent avoir envie de ne pas y répondre. Il y a en tout cas un biais de sélection en termes d’échantillon.