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  • 150 000 vaccinations par jour / Israël a lancé au pas de course la vaccination contre le Covid-19
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/04/israel-s-est-lance-dans-une-course-folle-a-la-vaccination-contre-le-covid-19

    Déjà plus de 10 % de la population a reçu une première injection. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, en campagne pour sa réélection, espère ainsi contrebalancer sa gestion désastreuse de la crise sanitaire.

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    En deux semaines, plus d’un million d’Israéliens ont déjà reçu une première injection – sur neuf millions d’habitants. Quelque 300 centres ont été ouverts progressivement à travers le pays ; Israël est l’Etat qui vaccine le plus au monde. « Nous explosons tous les records », s’est félicité vendredi Benyamin Nétanyahou en saluant le millionième Israélien vacciné.

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    Normalement, seuls les assurés de plus de 60 ans et les professionnels de santé sont prioritaires, mais les exceptions sont nombreuses. « Nous travaillons un peu sous pression, avec quatre points de vaccination, au maximum six, on fait près de 500 injections par jour, parfois jusqu’à 900 », reconnaît la médecin de 47 ans, voile bleu clair et blanc autour de son visage, où se lit la fatigue accumulée des dernières semaines.

    A côté, Abed Abu Surur note des horaires sur des petits tubes. Le protocole est strict. Une fois sorties du congélateur, les doses du vaccin Pfizer-BioNTech peuvent être conservées cinq jours. Le jour J, « on les sort du réfrigérateur deux heures avant, puis on ajoute de l’eau. Ensuite, on a six heures pour les utiliser, décrit l’infirmier de 54 ans, en secouant un petit flacon. On n’a jamais rien jeté. » La semaine dernière, la clinique a donc vacciné au pas de course, sans rendez-vous, pendant une journée, pour ne pas gâcher des doses sorties du congélateur cinq jours plus tôt.

    Israël s’y est pris très tôt, sans lésiner sur les moyens. Dès la mi-juin 2020, Benyamin Nétanyahou annonçait un accord avec Moderna pour de potentiels vaccins ; le 13 novembre, vantant ses liens personnels avec Albert Bourla, le PDG de Pfizer, le chef du gouvernement israélien signait une commande de huit millions de doses – assez pour vacciner près de la moitié du pays.

    Officiellement, Israël aurait déjà sécurisé de quoi faire dix millions d’injections ; dans la course mondiale pour le vaccin, les chiffres exacts et le coût des opérations restent secrets. Face à tant d’abondance, des critiques se sont élevées pour contraindre l’Etat hébreu à honorer ses obligations vis-à-vis des Palestiniens. Si les habitants de Jérusalem-Est, sous annexion illégale, sont éligibles à la vaccination, il n’est toujours pas prévu qu’Israël achemine des stocks vers la Cisjordanie et Gaza qu’il occupe depuis 1967.

    Campagne politique

    Le succès israélien en matière de vaccination ? « Il est dû à un mélange de plusieurs facteurs : nous avons l’infrastructure nécessaire pour vacciner rapidement, nous avons fait des simulations par le passé en cas d’attaque biologique… La majorité des Israéliens fait confiance aux vaccins, seule une infime partie de la population reste réfractaire et nous avons mené une large campagne sur les réseaux sociaux et les médias traditionnels pour informer le grand public en amont », énumère le professeur Nadav Davidovitch, directeur de l’école de santé publique de l’université Ben-Gourion et membre du comité de conseil national israélien sur le Covid-19. « A cela s’ajoute une forte volonté politique avant les élections. »

    Car cette campagne au pas de course profite avant tout à Benyamin Nétanyahou, fortement critiqué pour sa gestion de la pandémie. En septembre 2020, Israël affichait les pires taux de contamination au monde ; la coalition au pouvoir, chancelante, semblait ne plus rien contrôler. Elle s’est écroulée le 17 décembre, après des mois d’agonie et le pays s’achemine vers ses quatrièmes élections en deux ans.

    Au rythme de quelque 150 000 vaccinations par jour, le premier ministre entend sortir le pays du cauchemar du coronavirus d’ici début mars – juste à temps pour les législatives programmées le 23 mars. Un objectif ambitieux destiné à faire oublier son procès pour corruption qui devrait s’accélérer dès février et les mauvais résultats actuels.

    Israël vient en effet de commencer son troisième confinement et le taux de contamination dépasse les 5 000 cas par jour – plus de 3 400 décès sont à déplorer depuis le début de l’épidémie. Le gouvernement étudie la possibilité d’étendre encore les restrictions. Hors du vaccin, point de salut.

    Convaincre les plus religieux

    Les autorités y jettent donc toutes leurs forces. Dans le sud de Jérusalem, un immense complexe sportif a même été transformé en clinique pour l’occasion. Aux murs, quatre écrans géants égrainent des numéros ; les patients se succèdent, à la chaîne, de 8 heures à 22 heures, même le shabbat, le samedi, jour chômé pour les juifs. Une dizaine de flacons dans les mains, Shira Hershkop, secouriste de 21 ans, sourit derrière son masque violet : « Nous sommes en train de vivre un moment historique, tout le monde ressent ça ici. »

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    C’est l’autre défi qu’ont en partie réussi à surmonter les autorités : convaincre les plus religieux et les Arabes israéliens de se faire vacciner. Pour la communauté juive ultraorthodoxe, certains grands rabbins ont donné l’exemple. D’autres se sont contentés de ne pas interdire à leurs ouailles de recevoir des injections. Dans les communautés arabes, les centres ont mis du temps à ouvrir et les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël, restaient méfiants. Certains dignitaires musulmans ont été mis à contribution pour encourager les fidèles à se faire vacciner.

    Mais jusqu’à quand ? Déjà des rumeurs de rupture de stocks font frémir les autorités. La prochaine livraison de vaccins Pfizer devrait arriver mi-janvier, affirme le professeur Davidovitch ; d’ici là, la vaccination de nouveaux patients devrait être suspendue dès la semaine prochaine, pour s’assurer que ceux qui ont déjà reçu une première dose puissent finir le processus, a affirmé le ministre de la santé, Yuli Edelstein.

    « La campagne de vaccination est importante partout pour garantir l’immunité, mais ce n’est pas l’unique solution, met en garde le professeur Davidovitch. Nous devons, en Israël et ailleurs, tirer les leçons de la crise due au Covid-19, notamment sur le fait que le système de santé a été sous-financé et sous-staffé. »

    #covid-19 #vaccination