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    • Bingo : le monsieur qui gueule contre la « société victimaire » se pose en victime.

      Affaire Duhamel : « LCI me bâillonne », juge Alain Finkielkraut, écarté de l’antenne
      https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/affaire-duhamel-c2-ablci-me-b-c3-a2illonne-c2-bb-juge-alain-finkielkraut-c3-a9cart-c3-a9-de-l-e2-80-99antenne/ar-BB1cHaj1

      Puis Alain Finkielkraut dénonce la façon dont il a été écarté de la chaîne d’informations du groupe TF 1. « C’est une éviction injuste, une éviction d’une incroyable goujaterie, s’emporte-t-il. LCI me bâillonne. Je suis sous le choc. On ne vire pas les gens pour ça. Comme si j’avais commis un délit irrémédiable. Mais qu’on écoute mes propos dans leur intégralité ! Et si on les trouve toujours ambigus, qu’on me demande de m’expliquer à l’antenne. ». « A aucun moment, je n’ai été complaisant avec Olivier Duhamel. Aucun ! assure encore le philosophe. J’essayais juste d’avoir une pensée subtile. Et je ne changerais rien aujourd’hui. Nous vivons dans un monde de délire collectif et j’en suis la victime. »

      C’est ça pauvre chou : nous vivons dans une société victimaire et j’en suis la victime.

    • La réponse à Pauline Bock (commentaire ouvert), qui précise la position d’André Gunthert sur l’analyse du « marqueur » Finkielkraut dans l’évolution de la société française sur la pédocriminalité :

      Je remercie vivement Pauline Bock d’avoir repris, vérifié et déployé mon hypothèse du « marqueur » Finkielkraut, dont la stabilité des positions permet de mesurer l’évolution des sensibilités et du débat public. Sur Twitter, certaines intervenantes ont prétendu que ma formule équivalait à tirer le rideau sur les combats féministes, et faisait le jeu des masculinistes. C’est évidemment un mauvais procès. Comme le confirme l’enquête de Pauline Bock, mieux que je n’ai pu le faire, l’accueil de la défense des pédocriminels par Finkielkraut a très manifestement évolué entre 2009 et 2021, et on peut légitimement s’en réjouir. Ce progrès ne signifie bien sûr en aucune manière que la France en serait quitte avec la culture du viol. Mais il serait à l’inverse paradoxal de laisser croire que les combats féministes sont incapables de changer la société.

      Pour contribuer à l’analyse que propose Pauline Bock, et pour préciser ma pensée, il me semble que lla réception des propos de Finkielkraut permet de mesurer un progrès, non pas sur l’ensemble des aspects de la culture du viol, mais de façon plus spécifique sur la sensibilité à la pédocriminalité. C’est en effet sur ce point que le débat public a connu la plus importante évolution, notamment avec le livre de Vanessa Springora, Le Consentement. Ce témoignage a fait bouger les lignes sur une question essentielle, auparavant absente du débat : celle de l’emprise. A la différence de Samantha Geimer, qui n’était ni consentante ni amoureuse de Polanski, Vanessa Springora décrit sa relation avec Matzneff comme la fiction d’une relation amoureuse consentie. Mais ce « consentement » apparent doit en réalité être corrigé par la différence d’âge et d’ascendant qui sépare l’adulte de l’enfant, assure son emprise, et déguise sous les traits de l’émancipation ce qui est un assujetissement.

      Cette inégalité de statut, à la source des violences sexuelles, était déjà la question centrale qui avait animé le mouvement #Metoo, à partir du modèle du harcèlement professionnel dans le domaine du cinéma. La prise de conscience de l’importance de l’emprise ôte évidemment toute pertinence à la justification de la pédocriminalité par la mise en avant de l’âge ou de l’expérience sexuelle de la victime – argument des prédateurs repris par Finkielkraut. Dans une relation de majeur à mineur, ce qui compte n’est pas l’âge de la victime, mais la différence d’ascendant entre les protagonistes. Inutile de préciser que l’agression de Samantha Geimer par Polanski, discutée en 2009 comme un « viol », coche toutes les cases de l’emprise, non seulement par la différence d’âge, mais aussi par le statut et la célébrité du violeur. Il ne serait plus possible de défendre aujourd’hui le cinéaste avec les arguments utilisés en 2009, car ils ont été invalidés par de nouvelles connaissances sur la réalité des violences sexuelles.

      En d’autres termes, l’évolution des sensibilités ne s’effectue pas par un progrès magique du débat public, qui irait naturellement de l’avant. Elle s’appuie sur une nouvelle compréhension des faits, qui se diffuse dans la société à l’instar de toute connaissance nouvelle, par l’intermédiaire de témoignages et d’alertes, par la validation et le commentaire d’autorités, mais aussi par la controverse ou les paniques morales, ou encore par l’évolution juridique et institutionnelle. Les progrès de ces différents processus sont variables et parfois contradictoires, et on sera toujours fondé à regretter que sur des questions si cruciales, la société n’avance qu’à pas comptés. Mais en tant qu’historien des cultures, et en comparaison d’autres fronts du débat public, ce qui me frappe en l’occurrence est plutôt la remarquable avancée des mentalités. Cette avancée, dans le contexte d’une résistance acharnée des privilèges du patriarcat qu’incarne Finkielkraut, est dûe à la lutte inlassable de tous les acteurs, militants, témoins, chercheurs, politiques, juristes, journalistes… Constater que leur combat n’a pas été vain est rendre hommage à leur courage et à leur opiniâtreté.

      https://twitter.com/gunthert/status/1350011979759570945
      https://www.arretsurimages.net/discussions/pedophilie-inceste-le-marqueur-finkielkraut?uuid=0d7a5c75-778a-4800-
      https://www.arretsurimages.net/articles/pedophilie-inceste-le-marqueur-finkielkraut

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