• L’ex-femme du tueur de Saint-Just, traînée en justice, réclame une relaxe symbolique - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/faits-divers/gendarmes-tues-a-saint-just-l-ex-femme-du-meurtrier-poursuivie-pour-non-p


    C’est totalement scandaleux  !
    L’article a été retitré  !
    L’original, c’est : Gendarmes tués à Saint-Just : l’ex-femme du meurtrier poursuivie pour non-présentation d’enfant

    Mardi, Valérie (le prénom a été changé), 38 ans, doit comparaître sur citation directe de son ex-mari pour non-présentation d’enfants alors qu’a contrario aucune de ses plaintes successives déposées contre lui (menaces de mort, abandon de famille, violences) n’a prospéré… Cet ex-époux violent, c’est Frédérik Limol, 48 ans, le forcené qui a tué trois gendarmes, le 22 décembre dernier à Saint-Just (Puy-de-Dôme) avant de mettre fin à ses jours. Cette nuit-là Sandrine, sa nouvelle compagne, avait échappé à la mort en se réfugiant sur les toits et en appelant les gendarmes de Saint-Aubert dont trois sont tombés sous les balles pour la sauver.

    • L’article est réservé aux abonnés, mais le péage est facilement contournable.

      Alors que ses plaintes pour violence et abandon de famille ont été classées, l’ex-épouse du meurtrier avait été citée par ce dernier devant le tribunal correctionnel d’Avignon. Elle se rendra ce mardi à l’audience malgré la mort de Frédérik Limol.


      Après son divorce en 2012 avec Frédérik Limol, le meurtrier des gendarmes du Puy-de-Dôme, Valérie a vécu un véritable enfer. AFP/Olivier Chassignole

      C’est une audience cruelle pour la justice qui doit se tenir ce mardi devant le tribunal correctionnel d’Avignon (Vaucluse), comme nous l’a confirmé Philippe Guemas, le procureur de la République d’Avignon, qui rappelle qu’ « il n’y a pas d’extinction de l’action publique, puisque c’est le plaignant qui est décédé et non pas la mise en cause ». Un condensé des errements et dysfonctionnements de l’appareil judiciaire dans la lutte contre les violences faîtes aux femmes, avec au bout le sentiment amer que le pire aurait pu être évité.

      Mardi, Valérie (le prénom a été changé), 38 ans, doit comparaître sur citation directe de son ex-mari pour non-présentation d’enfants alors qu’a contrario aucune de ses plaintes successives déposées contre lui (menaces de mort, abandon de famille, violences) n’a prospéré… Cet ex-époux violent, c’est Frédérik Limol, 48 ans, le forcené qui a tué trois gendarmes, le 22 décembre dernier à Saint-Just (Puy-de-Dôme) avant de mettre fin à ses jours. Cette nuit-là Sandrine, sa nouvelle compagne, avait échappé à la mort en se réfugiant sur les toits et en appelant les gendarmes de Saint-Aubert dont trois sont tombés sous les balles pour la sauver.

      En réalité, l’action publique s’éteint avec le décès (suicide) de cet ingénieur informaticien devenu un survivaliste radicalisé. Mais, ce mardi, Valérie compte bien se rendre à l’audience accompagnée de son avocat, Me Wissam Bayet, qui souhaite symboliquement demander sa relaxe.

      « La vie d’après reste une vie de cavale et de peur »
      « La partie civile est décédée mais pas l’accusée. Ma cliente est bien vivante, et elle est aussi citée dans cette affaire par le procureur. Ce n’est pas une délinquante, et il faut que la justice entende cela, imaginez la frustration de ma cliente. » Pour obtenir la citation directe de Valérie devant le tribunal, Frédérik Limol avait usé d’un subtil subterfuge en se présentant chez elle accompagné d’un huissier de justice dans le but de faire dresser à ce dernier un constat d’absence et de non-représentation d’enfant. ( NDLR : Frédérik Limol avait un droit de visite tous les dimanches à 14 heures au domicile de son ex-épouse en la présence de celle-ci).

      « Limol a volontairement trompé l’huissier car ma cliente avait signifié à son ex son changement d’adresse par courrier recommandé avec accusé de réception, comme le prouve le récépissé en notre possession », affirme Me Bayet.

      Harcèlement, menaces de mort, violences… Après son divorce en 2012, Valérie a vécu un véritable enfer. Mais l’appareil judiciaire n’a pas su détecter la dangerosité de Frédérik Limol en dépit de trois plaintes et une main courante. La trentenaire avait même alerté Marlène Schiappa, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, qui était à l’époque secrétaire d’Etat chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes. « Après le recul, j’aurais bien du mal à conseiller une femme victime de violence conjugale à partir. La vie d’après reste une vie de cavale et de peur », déplore Valérie dans ce message Facebook daté du 6 mai 2020, que nous avons pu consulter. Elle y évoque ses plaintes et conclut : « Sur la violence conjugale, aucun moyen n’est mis sur l’éloignement et la réinsertion des auteurs. »

      Destructions de biens immobiliers, coups de poing contre les murs…
      La première trace de plainte remonte au 29 juin 2017 devant la brigade territoriale de gendarmerie de Saint-Saturnin-les-Avignon. Celle-ci est particulièrement détaillée et édifiante. La trentenaire y raconte les menaces de mort, notamment par incendie, (NDLR : avant de tuer les gendarmes, Limol a mis le feu à la maison sur le toit duquel Sandrine, sa nouvelle compagne, s’était réfugiée), la destruction de biens immobiliers, et les coups de poing contre les murs. Valérie n’a jamais eu de retour de cette plainte. Ni des suivantes…

      « Elle ne vivait pas sous le même toit que son ex-mari, les services d’enquête ont jugé qu’il n’y avait pas de caractère d’urgence et de danger », justifie Eric Maillaud, le procureur de la république de Clermont-Ferrand. Il poursuit : « La plaignante n’a jamais produit d’Incapacité totale de travail (ITT). Des plaintes de ce type, on en recueille par centaines. Et les auteurs supposés de ces violences ne sont jamais passés à l’acte. » Les déménagements successifs de Frédérik Limol semblent par ailleurs avoir compliqué le travail de la justice. « Les enquêtes relèvent de trois juridictions différentes », constate encore Eric Maillaud.

      La dernière plainte, déposée le 12 février 2020 auprès du commissariat de police de Privas (Ardèche) pour abandon de famille, est sans doute la plus embarrassante. Elle a donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Clermont-Ferrand, classée elle aussi.

      Limol a contesté les menaces et les violences
      « C’est incompréhensible, il était pourtant facile de constater que Frédérik Limol n’avait jamais versé de pension alimentaire à ma cliente depuis leur divorce », estime Me Wissam Bayet. Dans le cadre de l’enquête, Frédérik Limol a été entendu. « Il était au Revenu de solidarité active (RSA), il a dit qu’il aimait sa fille mais que son ex l’empêchait de la voir », indique le procureur Eric Maillaud. « Il a expliqué qu’il avait saisi de son côté le juge des affaires familiales et porté plainte pour non-présentation d’enfant ». Lors de cette audition, Limol a aussi contesté les menaces, les violences. « Comme souvent dans ses affaires, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre ».

      Lors de l’enquête, Valérie, elle, n’a pas été entendue, au grand regret de Me Wissam Bayet. « Cela n’a pas été jugé utile dans la mesure où elle avait déjà dit les choses dans sa plainte », se défend le procureur de Clermont-Ferrand.

    • Il faut qu’un ex-conjoint violent tue 3 gendarmes pour que la justice découvre le pot-aux-roses. Si ce mec s’était contenté de tuer son ex-compagne il n’y aurais rien de plus qu’une ligne dans les inventaires établis par les millitantes. « Des plaintes de ce type, on en recueille par centaines. Et les auteurs supposés de ces violences ne sont jamais passés à l’acte. » des centaines d’actes de torture qui sont totalement ignorés - les passages à l’acte prise en comptes sont ceux visant l’institution policière, le reste c’est peanuts.

    • Tueur de Saint-Just : les alertes de l’ex-épouse ignorées par la justice
      https://www.mediapart.fr/journal/france/200121/tueur-de-saint-just-les-alertes-de-lex-epouse-ignorees-par-la-justice?ongl

      Comment Frédérik Limol, décrit comme un individu « surarmé », « ultra-violent », « catholique extrémiste » et « survivaliste », a-t-il pu échapper à tous les radars ? C’est la question posée avec force au procureur de la République de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Éric Maillaud, depuis le drame survenu le 22 décembre dernier à Saint-Just. Après une tentative de féminicide, Frédérik Limol a tué trois gendarmes et blessé un quatrième, puis s’est suicidé. Il a aussi incendié la maison. Une traque, qui a duré toute la nuit et mobilisé plus de 300 membres des forces de l’ordre, a été menée avant que les autorités le retrouvent mort dans sa voiture, équipé d’un fusil d’assaut et de nombreuses armes et munitions.

      Une « véritable scène de guerre », décrivait le procureur de la République, en poste depuis 2016. Ce dernier a aussi promis la transparence en organisant une conférence de presse le lendemain des faits et en promettant des investigations pour savoir si des alertes avaient été émises et si, comme c’est souvent le cas dans les affaires de violences conjugales, des plaintes avaient pu être ignorées ou refusées. « À ma connaissance, à la connaissance de la gendarmerie, [il n’y a] aucun antécédent connu de violence conjugale, aucune plainte pour des menaces, le couple n’est pas connu pour des faits de violences conjugales. Je reste prudent, on vérifiera bien attentivement tous ces éléments », affirmait dans un premier temps Éric Maillaud.

      Selon lui, le parquet de Clermont-Ferrand n’avait donc jamais été alerté par Sandrine S., la compagne du tueur. Toujours d’après ses affirmations, ses services avaient seulement connaissance d’un conflit de garde entre Catherine A., l’ex-épouse du tueur, et Frédérik Limol. « Il avait été précédemment marié à une femme dénommée Catherine A. et il y avait un litige entre le couple à propos de la pension alimentaire et de la petite fille qu’ils avaient eue ensemble qui était âgée de 7 ans. […] Il y avait un conflit très important sur fond de non-paiement de pension alimentaire. Il vivait, semble-t-il, assez mal le fait de ne pas pouvoir rencontrer à sa convenance sa fillette », a reconnu le procureur en ne mentionnant aucune plainte pour violences. Et de préciser : « Mais je préfère être extrêmement attentif évidemment et vérifier l’intégralité de ce qui a pu être fait. »

      Rapidement, l’ex-épouse de Frédérik Limol a pris la parole pour expliquer qu’elle n’avait cessé d’alerter les autorités sur sa dangerosité et qu’il ne s’agissait pas d’un simple conflit lié à un divorce. Elle révélait avoir déposé plusieurs plaintes contre lui et sollicité différents organismes tels que l’AMAV, l’association de médiation et d’aide aux victimes. « J’ai également indiqué par main courante que mon ex-mari s’était équipé en armes à feu en 2013 à la suite de la naissance de ma fille. Après trois plaintes, monsieur n’a jamais été entendu par la justice », expliquait Catherine A.

      Malgré ce témoignage, le procureur de Clermont-Ferrand ne semble voir aucun dysfonctionnement de ses services ou des gendarmes sollicités. S’il ne s’est pas encore exprimé pour faire état des investigations, il a tout de même pris le soin de contredire Catherine A. dans la presse. Dans La Croix par exemple, Éric Maillaud conteste l’idée que la justice ait pu bâcler les enquêtes portant sur Frédérik Limol. « M. Limol a été entendu au moins à une reprise et a nié les violences dont l’accusait son ex-épouse. Au vu du dossier, il apparaît aussi que ces violences n’ont jamais été commises en présence d’un témoin. Nous n’avons pas non plus retrouvé de certificat médical pouvant attester de ces violences », explique-t-il pour justifier le classement des plaintes.

      Il ajoute enfin, contrairement aux déclarations de l’ex-épouse, que son parquet n’avait « pas trouvé trace d’une déclaration disant qu’il était lourdement armé avec tout un attirail de munitions. Ce qui aurait pu être un signe d’alerte pour la justice ». D’après les plaintes déposées par Catherine A que s’est procurées Mediapart, les alertes étaient pourtant répétées et détaillées.

      Le profil de Frédérik Limol et les menaces consignées par écrit – sa volonté exprimée régulièrement « de la brûler » par exemple – auraient pu et « auraient dû » pousser la justice à mener « de véritables investigations », selon Wissam Bayeh, l’avocat de Catherine A.

      D’après ce dernier, la gendarmerie a refusé à deux reprises d’enregistrer les plaintes de Catherine A. qu’elle avait souhaité déposer avant 2017. La première est prise en compte le 29 juin 2017 à la gendarmerie de Saint-Saturnin-lès-Avignon, dans le Vaucluse, pour « menaces de mort réitérées et non-paiement d’une pension alimentaire ». Catherine A. raconte d’abord son histoire. Sa relation amoureuse entamée en 2011 avec Frédérik Limol, alors informaticien, et son mariage en mai 2012. Elle évoque la fille qu’ils ont eue ensemble en 2013 et le jugement de divorce intervenu en avril 2015. Elle revient aussi sur sa séparation quatre jours après, « car M. Limol avait tout cassé dans l’appartement et avait brûlé tous les documents relatifs à notre mariage ». Elle détaille ensuite, de manière précise et pendant une heure dix, les agressions qu’elle aurait subies entre 2012 et 2017.

      En décembre 2012, lorsque Frédérik Limol la menace, selon elle, avec une arme : « Il a attrapé un couteau à steak dans la cuisine. Il l’a avancé vers moi. Je me suis enfermée dans la salle de bains. On a passé la nuit comme ça. Il avait mis la musique à fond et venait taper de temps en temps à la porte. Il disait : “Je vais te tuer, je vais te tuer.” »

      Le 12 mai 2012 lorsque Frédérik Limol aurait tenté de l’étrangler : « Il m’a collée au mur, en me tenant d’une main le cou, et de l’autre il avait le poing fermé et tapait à côté de ma tête sur le mur. Suite à ces faits, j’avais des marques au niveau du cou ». Elle précise avoir dû « donner un coup au niveau des parties génitales » pour fuir.

      Elle relate les faits du 10 février 2014 lorsque Frédérik Limol a utilisé son droit de visite hebdomadaire pour venir voir sa fille à son domicile : « Il s’est énervé. Il a attrapé notre fille par les deux pieds, en la soulevant, la tête en bas. Il m’a dit : “Espèce de petite conne, qu’est-ce que tu fais si je l’éclate par terre.” Il m’avait dit également : “Je vais te mettre une balle dans la tête de toi et la petite, même si je vais en prison je m’en fous, je saurai qu’elle est plus avec une pute de merde.” »

      Elle évoque aussi une dispute de novembre 2015, en marge d’une fête municipale où était présente la nounou de leur fille. « Lorsque je l’ai rejoint sur le parking, il m’a dit : “Espèce de connasse, comment tu peux laisser ta fille avec une musulmane de merde, je vais vous brûler toutes pour vous apprendre. T’es bien qu’une salope, tu vas voir, je vais trouver des mecs qui vont te violer devant la gamine […] je te brûlerai.” »

      Elle revient sur de nouvelles menaces qui auraient été proférées en juin 2016. « Il m’a dit : “Tu te prends pour qui sale pute, tu fais vivre un enfer à notre fille, avec ton bâtard (son beau-père), de toute manière je vais vous crever tous. Tu fais ta maligne de penser que tu cours plus vite qu’une balle… »

      Entre novembre 2016 et juin 2017, Catherine A. explique que son ex-mari n’a jamais versé la pension alimentaire de 820 euros pourtant décidée par le tribunal et affirme avoir été victime de menaces de mort « à plusieurs reprises ».

      Elle évoque enfin les faits du 25 juin 2017, lorsque Frédérik Limol, qui avait perdu l’autorité parentale, aurait exigé de repartir avec sa fille après son droit de visite. « J’ai dit non. Il m’a dit : “Pour qui tu te prends espèce de connasse, tu fais encore ta maligne, mais je sais bien qui rira à la fin, quand tu brûleras et que je te regarderai toi et ta pute de fille… »

      Malgré la gravité des agressions et menaces évoquées, Frédérik Limol ne sera jamais entendu et cette plainte sera tout simplement classée. Après évaluation, les gendarmes estiment aussi qu’« aucune mesure particulière de protection ne nécessite d’être mise en œuvre ».

      Un an plus tard, les menaces persistent et Catherine A. sollicite de nouveau l’aide des gendarmes. Dans sa plainte déposée le 16 avril 2018 dans la même gendarmerie, elle explique que « rien n’a changé » depuis sa déposition précédente. « Quand il vient, il me menace à chaque fois, il me dit : “À un moment donné, il va falloir payer. Je vais te crever. En trois secondes, tu es morte” », détaille-t-elle. Et d’ajouter : « Le week-end dernier, il est venu à la maison, il me faisait des signes de la main en faisant mine de nous égorger. […] Frédérik menace parfois les enfants et il me dit : “Je vais vous brûler”. »

      Elle précise aussi que son ex-mari se rend jusqu’à l’école de sa fille pour « mettre la pression ». « Je trouve que les menaces et la situation dérivent de plus en plus, c’est donc pour cela que je dépose plainte. Je ne veux pas qu’il passe à l’acte », justifie-t-elle. Cette plainte sera de nouveau classée sans qu’aucune enquête ne soit menée et sans que Frédérik Limol ne soit entendu. Là encore, les gendarmes estiment qu’« aucune mesure particulière de protection ne nécessite d’être mise en œuvre ».

      Le 13 mars 2019, elle évoque encore ces violences dans une main courante. Elle les rappelle aussi à l’occasion d’une nouvelle plainte déposée le 12 février 2020 au commissariat de police de Privas (Ardèche) pour « abandon de famille commis sans interruption depuis le 01/11/2016 ». D’après nos informations, Frédérik Limol sera entendu pour la première fois en juillet 2020, mais la plainte de son ex-épouse sera de nouveau classée.
      « Un fiasco total » du parquet, selon l’avocat de l’ex-épouse

      Alors, comment expliquer qu’il ait fallu attendre trois ans et trois plaintes pour que la justice se décide à auditionner enfin Frédérik Limol ? Interrogé par Mediapart, le procureur de Clermont-Ferrand ne semble y voir aucun dysfonctionnement. « Monsieur Limol a déménagé à plusieurs reprises, ce qui explique que l’on n’ait pu l’entendre qu’en juillet 2020. Il est essentiel de ne pas oublier qu’à partir du 16 mars et du confinement les convocations dans les services d’enquête ont beaucoup ralenti », défend Éric Maillaud.

      Malgré les nombreuses menaces et agressions consignées par écrit, le procureur justifie aussi l’ensemble des classements. « S’agissant des violences, ces plaintes ont été classées sans suite car soit les faits dénoncés étaient très anciens (2012 pour une plainte en 2017), soit parce qu’il n’y avait aucun témoin et que monsieur Limol les a très fermement niés. En l’absence de témoin, on ne peut pas condamner quelqu’un », explique-t-il auprès de Mediapart. Encore faut-il les chercher. Au moins une menace était facile à prouver puisqu’elle avait été envoyée par mail. « Je vais te buter, toi et ta fille », pouvait-on lire dans celui-ci, rappelle Wissam Bayeh.

      De quoi susciter la colère de ce dernier. « Quand on est procureur dans un État de droit, qui a déclaré que les violences conjugales étaient une cause nationale, certes, la présomption d’innocence prévaut, mais une enquête sérieuse doit être menée avant d’être classée », dénonce-t-il. Les enquêteurs auraient en effet pu auditionner d’éventuels témoins présents à la sortie de l’école, rechercher activement Limol, s’intéresser à son entourage et vérifier d’éventuelles menaces écrites.

      « La dernière plainte de ma cliente concernait l’abandon familial, poursuit Me Bayeh. C’était facile à prouver de constater qu’il n’avait jamais payé de pension alimentaire. Pourquoi le parquet a-t-il aussi classé cela ? Alors qu’une enquête plus sérieuse aurait sûrement permis de vérifier le profil extrêmement dangereux de Limol ? », interroge-t-il.

      Là encore, le procureur Éric Maillaud ne trouve rien à redire. « Les plaintes pour abandon de famille ont été classées car monsieur Limol était au RSA [insaisissable même pour des créances alimentaires] et qu’il avait saisi le JAF [juge aux affaires familiales] pour tenter d’obtenir une réduction de la pension alimentaire due. Au demeurant, une poursuite de ce chef ne sert à rien pour obtenir le paiement des sommes dues, Catherine A. disposant déjà d’un titre pour tenter de recouvrer sa créance », balaye-t-il.

      « Deux refus de plainte, trois plaintes classées sans suite et une main courante ignorée, j’appelle ça un fiasco total, estime quant à lui Wissam Bayeh. Pourquoi ne pas avoir au moins ouvert une enquête préliminaire pour tirer le fil et s’apercevoir qu’il s’agissait d’un homme dangereux, détenteur de tout un arsenal de guerre ? »

      Cet autre point interroge en effet. Comment Frédérik Limol, inscrit dans un club de tir depuis 2013, a-t-il pu détenir ces armes sans que cela inquiète les autorités ? En 2017 d’après Le Monde, il obtient même de son club « l’autorisation nécessaire pour constituer un dossier qui doit lui permettre d’acquérir des armes de catégorie B, parmi lesquelles trois pistolets Glock et deux fusils de type AR-15 ».

      Ses autorisations ne seront jamais révoquées, et ce, alors que Catherine A. avait encore une fois alerté les autorités sur la menace que cela représentait. « En 2019, elle évoque le fait qu’elle a découvert sur Internet que son ex-époux avait des résultats en tir sportif et donc des armes, ce qui ne laissait en rien préjuger la suite. Elle n’avait jamais évoqué le fait qu’il ait pu avoir un arsenal », rétorque le procureur.

      C’est faux. D’après les documents consultés par Mediapart, l’ex-épouse de Frédérik Limol dit clairement qu’il possédait plusieurs armes. « Il y a six mois en regardant sur Internet, j’ai remarqué qu’il était en possession d’armes », précise Catherine A. dans sa main courante déposée en 2019. Et d’ajouter : « J’ai trouvé sur Internet des résultats de compétitions de tir. Je souhaite signaler qu’il a des armes. Je trouve cela gênant qu’il ait des armes alors qu’il m’a déjà menacée de mort. » Et dans sa plainte déposée en 2020, elle insiste : « J’avais aussi établi une déclaration pour signaler qu’il possédait des armes. »

      Après ces alertes explicites, aucune vérification ne sera donc menée, même lors de son audition en juillet dernier. Interrogé par Le Monde sur cette absence de révocation, le procureur ne trouve pas matière non plus à remettre véritablement en cause ses services. « Éric Maillaud reconnaît que l’enquête sur l’autorisation de détention d’armes n’a peut-être pas été assez poussée, mais justifie “qu’il y en a une telle masse qu’on clique sur trois fichiers, et basta” », écrit le quotidien.

      Depuis la tuerie de Saint-Just et le début de l’enquête, le magistrat est aussi mis en cause pour un autre aspect de la procédure. Lors de ses interviews données à la presse, l’ex-épouse du meurtrier avait en effet déclaré avoir alerté Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. « J’ai même écrit à Marlène Schiappa. Rien n’a été fait. On m’a dit à chaque fois qu’il allait certainement se calmer. »

      Catherine A. s’est effectivement adressée à la ministre le 6 mai 2020. Son message qui a été envoyé sur le compte Facebook de Marlène Schiappa et non sur sa page officielle n’a jamais pu être lu. Dedans, l’ex-épouse n’évoquait pas non plus de menaces immédiates comme lors de ses dépositions mais un sentiment général sur la prise en compte des victimes de violences conjugales. Mais après ses déclarations, Catherine A. a été convoquée par la gendarmerie et aurait vécu ce moment comme « une grande violence ».

      Peu de temps après le drame du 22 décembre dernier, elle a en effet été contactée par téléphone par un gendarme de la caserne de Privas, là où elle habite. Le militaire lui a demandé de justifier ses alertes et surtout de prouver qu’elle avait bien envoyé un courrier à Marlène Schiappa. « On avait l’impression qu’il y avait une mission “sauvez le soldat Marlène” », dénonce Me Bayeh, qui assure qu’elle a immédiatement envoyé toutes les pièces par mail : « Lorsqu’elle m’a prévenu, j’ai écrit au gendarme pour connaître le cadre procédural car c’était hors des clous selon moi. Je n’ai aucune réponse à ce jour. »

      Le 28 décembre, Catherine A. est finalement convoquée à la même gendarmerie pour la perquisition de son téléphone portable. Son avocat s’y oppose en précisant toutefois qu’elle accepte de donner les codes de son compte Facebook pour qu’on copie son message envoyé à la ministre. Il émet une condition : avoir une copie du PV de cette perquisition. Le gendarme accepte et sa cliente signe l’autorisation de perquisition puis livre les codes de son compte Facebook. Mais lorsque l’opération est terminée, le gendarme aurait refusé de livrer une copie du PV.

      « Il a fait preuve d’une déloyauté caractérisée qui a stupéfié ma cliente. Elle s’est mise à pleurer en partant sur-le-champ. Elle est scandalisée par ce comportement, raconte Me Bayeh, qui a alerté le procureur par mail. L’autorisation de perquisition de son compte Facebook a été extirpée de force, extorquée, c’est une honte pour la mémoire des trois gendarmes tués que ma cliente n’a de cesse de pleurer. Elle est traitée comme une criminelle. »

      Auprès de Mediapart, le procureur dément. « Elle n’a pas été à proprement parler contrainte de remettre son téléphone. Elle a volontairement remis les enregistrements en sa possession aux enquêteurs et, pour formaliser cette remise, le seul moyen juridique était de se faire remettre son téléphone dans le cadre juridique d’une perquisition », justifie Éric Maillaud sans évoquer l’absence de copie du PV. « Au demeurant je ne crois pas que Catherine A. souhaitait refuser de permettre aux enquêteurs de mieux appréhender la personnalité du meurtrier et cette remise était donc parfaitement naturelle de mon point de vue en tout cas », ajoute-t-il.

      Sollicité, le cabinet de Marlène Schiappa nie toute intervention. « Trois gendarmes ont été tués. Qu’une enquête ait lieu quand un triple meurtre se produit semble normal et même souhaitable. Ce ne sont en aucun cas et en aucune manière les cabinets ministériels qui diligentent les perquisitions », répond l’entourage de la ministre, en précisant ne pas être au courant de ces faits.

      Me Wissam Bayeh, lui, ne décolère pas : « Ma cliente se sent trahie et n’en peut plus de cette violence qui s’abat sur elle. Elle ne fait que pleurer ce drame, on ne l’a jamais prise au sérieux avant et on la maltraite encore aujourd’hui. »