BALLAST | Mutiler les gilets jaunes : le combat d’une famille
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À Pompidou, il faut le dire, ça a été compliqué. Cet hôpital est une véritable usine, il y a 300 ou 400 chambres. C’est inhumain. Arrivé depuis déjà trois jours, Gabriel n’avait toujours pas été opéré du visage, il était terriblement gonflé. Passe le professeur Lantieri, spécialiste des greffes de visage en France. Quand il a vu l’état de Gabriel, il était outré. « Une situation inadmissible », il a dit. Gabriel a dû subir une intervention du visage dans son lit car il n’y avait pas de bloc opératoire libre. C’est assez étonnant comme pratique, pour un hôpital qui a une renommée européenne. Un bout de plastique et de fer issu de la grenade, gros comme une pièce de monnaie, était incrusté au milieu de son front. Son visage était complètement tuméfié, il gonflait de jour en jour. Cette intervention a été réalisée sans anesthésie particulière — même s’il était sous morphine, il a souffert. Gabriel s’est senti tout de suite mieux et son visage a dégonflé. Au sein de l’hôpital, il y a eu une sorte de bataille entre les services. Gabriel avait été pris en charge pour sa main, donc par l’orthopédie : du coup, ils n’ont pas pris sa jambe ni son visage en compte. C’était un va-et-vient permanent entre les blocs. Et comme l’hôpital manque de place, on ne savait jamais quand il devait se faire opérer. Alors Gabriel ne mangeait plus, ne buvait plus. Plus d’une fois, on ne lui a pas apporté de quoi manger, et sinon, le plus souvent, c’était froid. Il fallait que je descende au rez-de-chaussée pour faire chauffer sa nourriture. Dans ces moments, il faut apprendre à se taire, sinon la prise en charge de Gabriel aurait pu en pâtir.