• Des expulsions en Amérique
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    Malgré leur nombre, les expulsions ne frappent pas les quartiers et les ménages au hasard. Matthew Desmond montre que le taux d’expulsion est sensiblement plus élevé dans les quartiers à majorité africaine-américaine et hispanique, dont respectivement 7,5 % et 4 % des ménages locataires sont en moyenne expulsés chaque année (contre 1,5 % dans les quartiers à majorité blanche). L’auteur met notamment en lumière la très forte surreprésentation d’une catégorie de ménages parmi les locataires en proie à l’expulsion : les femmes africaines-américaines. Ces femmes vivant dans les quartiers noirs représentent seulement 9,6 % de la population de Milwaukee mais près de 30 % des locataires expulsés. Sur ce point, Matthew Desmond avance une thèse aussi forte qu’intéressante : dans le cadre du gouvernement néolibéral des quartiers pauvres et hyper-ségrégés, marqué par la substitution de l’État pénal à l’État social (Wacquant 2007), les expulsions locatives sont pour les femmes africaines-américaines l’équivalent structural de ce que représente l’incarcération de masse pour les jeunes hommes africains-américains, à savoir le mécanisme principal de leur entrée durable dans la pauvreté. Ces deux processus sont aussi liés en pratique, au sens où, comme le rappelle Desmond après d’autres travaux (Goffman 2014), la condamnation pénale des hommes noirs les empêche bien souvent de devenir titulaires d’un contrat de location et fait peser un risque accru d’expulsion sur les femmes les hébergeant.

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