Vaccins : la désolation des élus locaux - Page 1

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  • « Merci monsieur le maire de faire respecter l’interdiction de danser. »

    Un patron arrangeant, sympathique, qui accepta bien volontiers d’ajouter aux rayons de son supermarché des stands tenus par les maraîchers des campagnes alentour. Outre l’avantage économique évident pour les commerçants (écouler leurs produits) et les clients (manger local), la vertu de l’opération [proposée par le maire] était également sanitaire : au lieu de poser leurs mains sur les fruits et légumes, les clients seraient servis par les producteurs.

    Nicolas Soret [le maire] était loin de penser qu’il se ferait rattraper par la patrouille : le lieutenant de gendarmerie a débarqué à l’improviste pour faire remballer tout ce petit monde sur ordre de la préfecture. Et, au passage, mettre quelques amendes aux pauvres maraîchers… « Finalement, j’ai tout pris sur moi et le lieutenant s’est contenté de froncer les sourcils très fort, mais j’ai dû tout arrêter », raconte le maire, qui ne regrette pas d’avoir, au moins, essayé.

    Il se rappelle aussi ce message, reçu de la préfecture : « Merci monsieur le maire de faire respecter l’interdiction de danser. »

    https://www.mediapart.fr/journal/france/260121/des-maires-face-aux-restrictions-sanitaires-je-n-ai-pas-ete-elu-pour-etre-

    • et la conclusion de l’article :

      Comment, dans cette étrange période, éviter que la défiance de l’État vis-à-vis des collectivités ne contamine les citoyens ? « L’État est en train de se mettre tout le monde à dos, regrette Hervé Guihard [un maire]. Pourtant, je ne suis pas de ceux qui tapent sur le système : les institutions fonctionnent, on a une vraie puissance administrative et logistique sur le territoire, qui est sous-utilisée. C’est là-haut que cela dysfonctionne ».

      Sébastien Eugène [un autre maire] abonde, et refuse de « tirer à boulets rouges » : « Les préfets sont ceux qui nous aident le plus, alors que les ARS se sont totalement effondrées au premier confinement ».

      Nicolas Soret [encore un maire], lui non plus, ne veut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : « Je ne suis pas content de l’orientation politique, mais je ne tape pas sur les institutions, je ne suis pas populiste ! ». Il a pourtant constaté avec stupeur que les théories complotistes avaient commencé à flamber chez ses administrés depuis les premières sorties du professeur Raoult. Un problème auquel il compte bien tenter de faire face dans les mois incertains qui s’annoncent.

    • et aussi un article du 6 janvier

      https://www.mediapart.fr/journal/france/060121/vaccins-la-desolation-des-elus-locaux

      Le maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, lance un appel en forme d’exhortation : « Partageons-nous la tâche, elle est si colossale ! » En écho à l’élu de Seine-Saint-Denis, il assure : « L’État n’est absolument pas armé pour organiser rapidement une vaccination de grande ampleur sur le terrain. On aimerait qu’il soit stratège et nous trouve les doses nécessaires. En revanche, pour vacciner, on saurait faire – et même plus vite ! » Deux présidents de région de droite, Hervé Morin (Normandie) et Renaud Muselier (Provence-Alpes-Côte-d’Azur), ont demandé cette semaine à l’Etat de pouvoir acheter eux-mêmes leurs doses de vaccins.

      Dans le Grand Est, région frappée de plein fouet depuis dix mois, Valérie Beausert-Leick a constaté les limites de l’ARS. Pour la présidente de Meurthe-et-Moselle, la gestion de crise est un savoir-faire que les collectivités ont en leur sein. « Je pense notamment aux sapeurs pompiers, totalement laissés de côté pendant toute cette crise sanitaire, précise-t-elle. Ce sont les mieux à même de gérer ce type de situation ».

      Comme ses homologues d’autres territoires, elle appelle à une gestion gouvernementale plus « pragmatique ». « Il nous faut des objectifs, des deadlines, des fiches techniques simples », réclame-t-elle. « Mais ensuite, qu’ils délèguent et laissent les collectivités gérer. C’est la meilleure façon d’être opérationnels ». Florian Bousquet, à Belfort, embraye : « Ce sont les élus locaux qui connaissent les gens et leurs habitudes de vie. Ici, par exemple, on est dans un département industriel, où on vit au rythme des usines. Ce sont des facteurs qui comptent. »

      À défaut d’être entendue, son homologue de Meurthe-et-Moselle a décidé de « [se] retrousser les manches ». Ce mercredi matin, elle convoque une conférence de presse avec Mathieu Klein, le maire de Nancy. Les deux élus comptent y faire une annonce : ils n’attendront pas l’arrivée des vaccins, prévue le 12 janvier prochain. Le territoire va profiter des doses du centre hospitalier de Nancy pour vacciner dans le département, au-delà de la métropole. Valérie Bausert-Leick glisse, comme une évidence : « Au final, nous reprenons la main. »