[Courant d’ère] La recette de la déconfiture - Débats

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  • [Courant d’ère] La recette de la déconfiture - Débats - Le Télégramme
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    Notre chroniqueur Hervé Hamon revient sur l’absence de vaccins français contre la covid-19. Il l’explique par le manque d’investissement de l’État en France dans la recherche universitaire.

    Ni l’institut Pasteur, ni Sanofi n’ont été fichus d’accoucher d’un vaccin au moment où ce vaccin était requis. Sont-ils plus mauvais que leurs concurrents ? Se sont-ils trompés de chemin ? C’est bien plus simple que cela, et bien plus politique : ils paient le refus opiniâtre d’investissement de l’État dans la recherche universitaire. Ce qui n’est nullement l’affaire d’un budget parmi d’autres, mais le fruit d’une pingrerie planifiée de longue date. La recherche, en France, on la laisse couler. Et l’on s’aperçoit soudain que ces économies ont un coût.

    En matière de biotechnologies, l’intrication de la recherche fondamentale et des entreprises est particulièrement forte (le vaccin de BioNTech a été conçu par des universitaires allemands, Moderna par un biologiste de Harvard, Astra-Zeneka est issu, pour une large part, d’Oxford). Or, une note toute fraîche du Conseil d’analyse économique relève que, dans notre pays, le secteur « a décroché ». Le Traité de Lisbonne, en 2000, incitait les nations signataires à investir 3 % de leurs ressources dans la recherche et le développement. Vingt ans plus tard, la France est à la traîne : 2,25 % contre 2,8 aux USA, 2,9 en Allemagne, 3,4 en Suisse ou en Suède. Un plan de relance vient d’être voté, mais ce n’est qu’un coup de pouce.

    Depuis une quinzaine d’années, nos dirigeants ont prétendu corriger la rigidité jacobine, la pesanteur de nos institutions par une compétition forcenée entre les universités. Le fantasme du classement de Shangaï en ligne de mire, et sans y mettre aucunement le paquet. Résultat : un jeune postdoctorant français démarre à 2 500 euros brut contre 4 200 outre-Manche. La rémunération d’un chercheur, en France, est à 63 % en dessous de la moyenne de l’OCDE.

    S’étonnera-t-on que la revue Nature note que, dans les pays du « Top 10 », la France est celui qui a le plus reculé – on y compte près de 8 % d’articles publiés en moins, rien qu’entre 2017 et 2018 ? Manque d’argent, manque de temps accordé aux jeunes chercheurs, quête brouillonne de résultats qui n’ont pas les moyens d’éclore. L’impulsion octroyée par la dernière loi n’est pas de nature à soigner ces handicaps. Il faut voir loin, et méthodiquement.

    En attendant, nous comptons fébrilement l’arrivée des vaccins étrangers. Pénible, mais logique. Les masques manquaient, faute d’industrie. Les doses manquent, faute de labos.