Les prévisions météorologiques menacées par un brouillard d’interférences

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  • Les prévisions météorologiques menacées par un brouillard d’interférences
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    La multiplication des applications de radiofréquences provoque des conflits d’usage. Un radar chinois a récemment aveuglé un satellite d’observation de la Terre et la 5G, en phase de déploiement, pourrait dégrader la qualité des prévisions.

    Qu’arrive-t-il donc au satellite SMOS de l’Agence spatiale européenne (ESA) ? Lancé fin 2009, il captait inlassablement d’infimes signaux naturels qui trahissent l’humidité des sols et de la végétation ainsi que le taux de salinité ou la présence de glaces fines à la surface des océans. Des informations précieuses pour l’agriculture, les géosciences et la prévision du temps. Elles nourrissent d’ailleurs le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme de Reading (ECMWF), en Grande-Bretagne.

    Les satellites d’observation passive captent souvent des interférences provenant d’installations au sol. Les scientifiques s’en accommodent en général, comme c’était le cas depuis 2010 pour SMOS au-dessus de la Chine continentale, une région réputée pour son niveau élevé d’interférences.

    Mais à partir de début juillet 2020, le parasitage a connu une envolée spectaculaire et inédite : à chaque passage, tous les deux jours, SMOS s’est retrouvé aveuglé – ses capteurs saturés –, incapable de livrer la moindre information, et dans une vaste région au-delà de la Chine. « Pendant la période juillet-octobre 2020, ces interférences ont affecté une large zone allant de la Corée à la Thaïlande et aux Philippines », confirme Yan Soldo, responsable de la gestion des fréquences à l’Agence spatiale européenne.

    La bande « L » réservée aux astronomes
    Comme son homologue SMAP lancé par la NASA en 2015, SMOS scrute une gamme de radiofréquences – 1 400 MHz à 1 427 MHz – au sein d’une bande de micro-ondes dite « L ». C’est aussi celle qu’utilisent les radioastronomes pour épier la présence d’hydrogène dans le Cosmos. C’est d’ailleurs pour l’astronomie, à l’origine, que la bande L fait l’objet d’une interdiction d’émettre gravée dans le marbre d’un règlement de l’Union internationale des télécommunications (UIT), afin d’éviter d’éventuels brouillages.

    Dans le cas de SMOS, de telles perturbations ont eu des retombées sur les météorologues, même si elles sont difficiles à chiffrer. « Le centre de prévision de Reading a clairement remarqué l’impact de ces interférences qui ont affecté un grand nombre de données de SMOS », explique Yan Soldo. « Les données d’humidité du sol sont très importantes pour la prévision des températures, notamment en été, rappelle Stephen English, responsable du traitement des données à Reading. Les prévisions à court terme reposent d’abord sur des mesures locales. Mais pour la prévision à moyen terme, à partir de trois jours, nous utilisons des données et des modèles globaux. Perdre des informations sur une région du globe a forcément des répercussions sur la qualité des prévisions ailleurs. »