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    2) École maternelle en danger

    Maternelle en danger !
    Par Joël Briand, Véronique Boiron, Patrick Lamouroux, Christine Passerieux et Maryse Rebière
    Mathématicien , Linguiste , Professeur agrégé d’EPS, Enseignante en école maternelle , Linguiste
    Dernière étape de la refonte à marche idéologique forcée du système éducatif par Jean-Michel Blanquer, l’école maternelle. Une inquiétante note du Conseil Supérieur des Programmes récemment publiée livre ainsi une vision primarisée passéiste de l’école maternelle et témoigne d’une conception strictement utilitaire des apprentissages. Même là, les « fondamentaux » sont appelés à remplacer tous les enseignements.
    Il ne manquait plus que l’école maternelle, déjà bien malmenée depuis trois ans, pour finaliser la refonte totale du système éducatif, menée à marche forcée. La « note d’analyse et de propositions sur le programme d’enseignement de l’école maternelle » émanant du Conseil Supérieur des Programmes (CSP), promet de parachever la casse du service public d’éducation. Bien sûr le CSP dénonce, face aux nombreuses réactions que suscite sa note, « allégations mensongères, [et] fausses informations ». La tactique est grossière qui consiste à faire deux pas en avant, un pas en arrière et les « contestataires » seraient contents…

    Or cette note, écrite sous la houlette de scientifiques soigneusement sélectionnés se caractérise par un bricolage de copiés-collés qui font la démonstration de l’incompétence didactique et pédagogique des rédacteurs, émaillée d’incohérences multiples et d’assertions erronées sur les programmes précédents. Jusqu’à remettre en cause la fonction essentielle de l’école maternelle.
    Il faudrait désormais être déjà élève pour entrer dans les apprentissages scolaires, puisqu’un bilan de compétences est prévu dès le début de la petite section ! Aux familles d’y préparer leurs enfants ! Et pour celles qui ne pourront pas, reste le loto de « l’égalité des chances » ou la croyance aux « talents naturels ». Plus aucune trace des activités artistiques et physiques, mais une course folle aux évaluations où l’on retrouve « en même temps » au nom des « fondamentaux » un maigre viatique destiné à augmenter le taux de réussite aux évaluations de début de CP et des apprentissages technicistes et utilitaires totalement inadaptés à l’âge des jeunes élèves.
    Le recours au jeu, convoqué à l’envi, n’est qu’un terrible mensonge quand il est détourné de ses véritables enjeux pour faire écouter, répéter, mémoriser, autant d’exercices qui ne suffisent pas à apprendre quand ils ne permettent pas de comprendre. La « bienveillance » ne saurait masquer la stigmatisation dès 3 ans, une sélection qui assigne les enfants à leurs origines, alors qu’ils sont tous « capables d’apprendre et de progresser » comme l’indiquaient les programmes de 2015.
    Les missions de l’école maternelle
    Une des caractéristiques de cette note, particulièrement critiquable et dangereuse, est son étroitesse de vue. Étroitesse de conception de l’enseignement en maternelle, tout d’abord. En effet, les auteurs estiment sans doute qu’à cet âge de la scolarité, il est de bon ton de réveiller les vieux fantômes des disciplines dites « fondamentales » (qui se résument, selon eux, à l’enseignement du français, des mathématiques et des sciences). Leur vision primarisée de l’école maternelle, sur le mode d’une primarisation caricaturale et passéiste, est issue d’une conception strictement utilitaire des apprentissages.
    L’illustration la plus grotesque en est la remise en cause de l’ordre des domaines d’apprentissage prévu en 2015 : les auteurs considèrent comme sacrilège le fait que, dans l’ordre établi par le programme de 2015, le domaine mathématique soit « placé après le domaine dévolu aux apprentissages liés à l’activité physique ». La question de l’importance de chacun des domaines d’apprentissage, mesurée à l’aune de leur ordre d’apparition, est d’ailleurs assez vite réglée puisque la note raye tout bonnement les autres de la liste des objets d’analyse.
    Rien de ce qui relève des acquisitions liées à l’enseignement de l’éducation physique, des arts plastiques, de la musique par exemple ne serait-il donc fondamental à cet âge ? Les auteurs ont-ils pris la mesure de l’importance du changement du titre du domaine du programme de 2008 « Agir et s’exprimer avec son corps », devenant en 2015 « Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique » ? Il est probablement vain d’attendre davantage d’un ministère qui, dans un communiqué lié aux échéances du calendrier olympique, souhaite « transmettre aux élèves le goût et le réflexe de bouger chaque jour » par trente minutes d’activité physique quotidienne. Comme s’il s’agissait d’une affaire de « goût », d’une question de « réflexe » et qu’il ne s’agissait que de « bouger » !
    S’approprier les règles d’un jeu, tenir un rôle de joueur ou d’arbitre, proposer des évolutions, imaginer des stratégies possibles, observer un partenaire pour l’aider à progresser, engagent des opérations mentales de haut niveau. Mesurer les effets de ses actions, chercher des solutions motrices adaptées, comprendre comment l’autre s’y prend et pourquoi il réussit, participent fondamentalement au développement de l’intelligence du jeune enfant. Et ceci s’apprend. Réussir en maternelle, comme pour la suite de la scolarité, c’est transformer un rapport au monde hérité de son milieu pour construire, avec les autres, sa propre singularité.
    L’étroitesse de vue de la note du CSP est caractéristique de choix politiques qui ne s’intéressent pas au développement global des enfants, en particulier ceux issus des classes populaires et qui n’ont que l’école pour apprendre, l’école dans toutes ses dimensions. Les blancs du texte de cette note en disent long sur l’étroitesse d’ambition pour ce niveau de scolarité.
    Pas un mot sur la mission d’ouverture culturelle de l’ école maternelle. Une école, pourtant, au sein de laquelle des enfants, curieux du monde qui les entoure, font l’expérience de la danse, partagent avec les autres un espace chorégraphique, rencontrent pour la première fois un artiste professionnel. Une école où ils apprennent à construire leur regard de spectateur, à témoigner aux autres de leurs émotions et de leurs ressentis. Une école où ils s’engagent dans des projets individuels ou collectifs qui les amènent à découvrir leurs propres pouvoirs d’agir et de créer. Une école qui les met en relation avec des œuvres patrimoniales ou contemporaines, leur dévoile les sources d’inspiration d’artistes, leur fait partager leurs démarches. Une école qui leur fait découvrir la fonction des lieux culturels.
    Les auteurs de la note du CSP évacuent, en dehors des mathématiques et du français, tout ce qui fait humanité parce que relevant de la culture et du commun. Or, l’ambition du programme de 2015 était de créer de la cohérence, pour que les enfants apprennent à faire des liens. Cette mise en relation des apprentissages est essentielle dans la lutte contre les inégalités. La note du CSP passe sous silence la complémentarité des différents domaines d’apprentissage, tout autant que les enjeux respectifs des « domaines oubliés ».
    S’exprimer à l’oral, appréhender l’écrit
    L’approche de l’enseignement en maternelle est ridiculement étroite lorsqu’on prétend « agir à la racine des difficultés scolaires en portant une attention constante aux élèves socialement défavorisés ». Et devient très préoccupante quand il est question du langage.
    La demi-page, qui conclut et résume ce qui est désormais attendu de l’enseignement de l’oral et de l’écrit à l’école maternelle, se caractérise par la reprise de passages entiers du texte de 2015 mêlée à de supposées « nouveautés » et d’inquiétantes suppressions.
    De nombreux items sont systématiquement reformulés sans pour autant que les changements proposés soient significatifs : ces déplacements semblent n’avoir pour seul objet (puéril) que de récrire un texte satisfaisant dont le Ministre avait assuré qu’il ne serait pas modifié, et pour qu’un lecteur peu attentif lise l’ensemble comme émanant du ministère actuel et du cadre théorique développé dans la vingtaine de pages qui précèdent.
    Certaines modifications sont cependant signifiantes. « Langage » est systématiquement remplacé par « langue » : ce qui prime en effet dans ces nouvelles recommandations, c’est l’objet « langue », ce que confirme l’insistance sur les aspects lexicaux et syntaxiques, et non le « langage », la mise en œuvre de cette langue par les enfants, comme si la connaissance d’un vocabulaire étendu et de la grammaire suffisaient pour savoir/pouvoir parler. De même « raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner… » deviennent « fonctions de la langue » et non du langage comme si les formes codifiées ne variaient pas avec l’intention de l’auteur, la situation d’énonciation etc. qui en différencient ainsi les usages.
    En fait, l’élève n’est plus considéré comme sujet qui s’essaie au langage mais comme réceptacle de savoirs en langue. Des conceptions de l’apprentissage et du langage s’opposent ainsi dans ces réajustements : apprendre à parler consiste-t-il pour un tout jeune enfant à accumuler du matériau linguistique pour « pouvoir » ensuite parler ou à s’essayer à mettre en œuvre ce qu’il possède pour, au gré des apprentissages, développer son capital linguistique ?
    Comme pour la lecture, dont on sait qu’elle est pour le ministère le but ultime de l’école maternelle, les notes successives tendent à imposer comme vérité ce qui n’est que points de vue largement discutables au vu des nombreux résultats de recherches menées notamment en didactique, en linguistique, en sociologie de l’éducation. Pour préparer les élèves, dès la petite section, à l’apprentissage du déchiffrage habituellement réservé au cours préparatoire (CP), il importe donc de se focaliser sur les plus petites unités qui composent la langue. Or, de « nouveautés » sur ce point, finalement… il n’y en a que peu, à part quelque reformulations inutiles.
    C’est que tout le travail sur les syllabes, les sons, la reconnaissance des lettres et leur écriture, constituant le travail habituel des élèves de grande section, ne nécessitait pas de réajustements. En revanche le nom des lettres, leur correspondance avec les sons devient indispensable, alors que cet apprentissage est délicat et exige le respect des habiletés développementales des élèves.
    La modification majeure apportée par cette note réside dans la suppression de tous les items qui portent sur la découverte de l’écrit et ses relations avec l’oral sous l’angle du langage : dictée à l’adulte, écriture autonome, compréhension à l’oral de textes écrits, reprises orales de formulations écrites, bref tout ce qu’il semble nécessaire de construire en maternelle pour permettre aux enfants d’apprendre à lire. Quant à la présence indispensable de la culture orale ou écrite tout au long de la maternelle, le ministre a choisi de ne pas y faire référence. Il est vrai qu’il ne tient compte que des travaux en neurosciences qui n’ont rien à dire sur l’importance des œuvres culturelles pour apprendre à parler, écrire, lire, réfléchir, comprendre, imaginer, rêver, dessiner, jouer…
    Structurer sa pensée
    Les auteurs du texte patchwork CSP ont décidé en 2020 de ne pas communiquer avec la recherche française. La connaissent-ils ? Cédric Villani doit s’en désoler, lui qui déclarait sur Canal+ en 2015 : « …Il y a un autre paradoxe français dont on parle moins, c’est que l’on a des résultats spectaculaires au niveau mondial en recherche pédagogique en mathématiques mais cette recherche mathématique jusqu’à présent ne communiquait pas avec l’écosystème de l’éducation nationale ». Qu’il se désole…
    Retour donc aux vieux objectifs : faire des mathématiques, c’est calculer. Il s’agit donc de recentrer « l’apprentissage sur l’utilisation et la connaissance des nombres ». Il s’agit d’éviter disent les auteurs de « réduire les mathématiques à des outils dont la seule finalité serait de structurer la pensée ». Effectivement, contribuer à structurer la pensée constituerait un luxe en 2021. Les programmes de 2015 ouvraient la porte à la débauche… Plus sérieusement, pour dénoncer un programme, puisque c’est de cela qu’il s’agit, il faut construire des arguments sans passer par la case mensonge, ni la case erreur de mathématiques.
    Certains passages de la note sont mensongers et incohérents. À propos de l’enseignement de la numération : un des rédacteurs écrit page 29 : « Ce domaine veut rompre avec la perspective suivie par le programme précédent qui favorisait la construction de la numération au détriment du sens du nombre ». Or, que lit-on dans les programmes de 2015 ? « Cette construction (du nombre, NDLR) ne saurait se confondre avec celle de la numération et des opérations qui relèvent des apprentissages de l’école élémentaire ». Et, comble d’incohérence, que lit-on en page 40 de cette note d’analyse du CSP ? « En grande section…. Il détermine le cardinal de collections jusqu’à 100 éléments, par comptage, en s’appuyant sur des paquets de 10 ; il peut également compter de 10 en 10 ». Alors numération ou pas numération ? Page 29 pas de numération ; page 40 travail sur les dizaines ! Bon courage pour les formateurs si ce texte venait à être un outil de formation.
    Page 31, un auteur écrit : « Il (le professeur, NDLR) introduit le vocabulaire spécifique (noms des nombres, adverbes de quantité) qu’ils devront s’approprier et utiliser ». Lorsqu’un enfant « écrit » une suite de bâtonnets pour mémoriser une quantité, a-t-on affaire à une quantité ? Aux prémices du concept de nombre ? Aux deux à la fois ? Qui prétend connaître le statut que cela a chez chaque enfant tant que l’on ne se donne pas les moyens de les faire opérer sur les signes eux-mêmes.
    Que dire encore de l’allusion, page 35, à une représentation linéaire des nombres comme si la droite numérique était un objet premier disponible spontanément et non construit culturellement. On peut être un laboratoire qui excelle en neurosciences mais qui débute maladroitement en didactique des mathématiques.
     Défendre la mission spécifique de l’école maternelle
    Les travaux de recherche montrent que ce sont les conditions du passage de la socialisation familiale à la socialisation scolaire qui créent des différences scolaires. En effet, si tous les enfants sont porteurs d’une expérience, d’une culture, leurs histoires singulières impactent leur plus ou moins grande familiarité avec l’univers scolaire. Pour que les différences ne deviennent pas des inégalités, l’école maternelle joue un rôle spécifique, qui doit prendre en compte l’âge des enfants pour transmettre des apprentissages culturels fondateurs.
    Certaines formulations de la note ne s’en préoccupent guère et, en véhiculant une idéologie fort inquiétante, dans l’air du temps gouvernemental, confirment que là n’est pas le projet puisqu’il s’agit de « conforter le sentiment d’appartenance du jeune enfant à la communauté́ nationale » ou encore d’aborder la langue, précisée française, (des enseignants en enseigneraient-ils une autre ?) comme « facteur de cohésion nationale et de rayonnement culturel, [qui] constitue le socle de son identité́ en France et dans le monde ».
    Par un rabattement sur des disciplines dites fondamentales, par une ignorance des liens qui existent entre toutes les disciplines en devenir de l’école maternelle, ce texte patchwork signe une orientation pseudo techniciste indigne de la mission de l’école.

    Joël Briand
    Mathématicien
    Véronique Boiron
    Linguiste
    Patrick Lamouroux
    Professeur agrégé d’EPS
    Christine Passerieux
    Enseignante en école maternelle
    Maryse Rebière
    Linguiste

    https://aoc.media/opinion/2021/02/07/maternelle-en-danger

  • Maternelle en danger ! | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/opinion/2021/02/07/maternelle-en-danger

    Or cette note, écrite sous la houlette de scientifiques soigneusement sélectionnés se caractérise par un bricolage de copiés-collés qui font la démonstration de l’incompétence didactique et pédagogique des rédacteurs, émaillée d’incohérences multiples et d’assertions erronées sur les programmes précédents. Jusqu’à remettre en cause la fonction essentielle de l’école maternelle.

    Il faudrait désormais être déjà élève pour entrer dans les apprentissages scolaires, puisqu’un bilan de compétences est prévu dès le début de la petite section ! Aux familles d’y préparer leurs enfants ! Et pour celles qui ne pourront pas, reste le loto de « l’égalité des chances » ou la croyance aux « talents naturels ». Plus aucune trace des activités artistiques et physiques, mais une course folle aux évaluations où l’on retrouve « en même temps » au nom des « fondamentaux » un maigre viatique destiné à augmenter le taux de réussite aux évaluations de début de CP et des apprentissages technicistes et utilitaires totalement inadaptés à l’âge des jeunes élèves.

    Le recours au jeu, convoqué à l’envi, n’est qu’un terrible mensonge quand il est détourné de ses véritables enjeux pour faire écouter, répéter, mémoriser, autant d’exercices qui ne suffisent pas à apprendre quand ils ne permettent pas de comprendre. La « bienveillance » ne saurait masquer la stigmatisation dès 3 ans, une sélection qui assigne les enfants à leurs origines, alors qu’ils sont tous « capables d’apprendre et de progresser » comme l’indiquaient les programmes de 2015.

    Rien de ce qui relève des acquisitions liées à l’enseignement de l’éducation physique, des arts plastiques, de la musique par exemple ne serait-il donc fondamental à cet âge ? Les auteurs ont-ils pris la mesure de l’importance du changement du titre du domaine du programme de 2008 « Agir et s’exprimer avec son corps », devenant en 2015 « Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique » ? Il est probablement vain d’attendre davantage d’un ministère qui, dans un communiqué lié aux échéances du calendrier olympique, souhaite « transmettre aux élèves le goût et le réflexe de bouger chaque jour » par trente minutes d’activité physique quotidienne. Comme s’il s’agissait d’une affaire de « goût », d’une question de « réflexe » et qu’il ne s’agissait que de « bouger » !

    S’approprier les règles d’un jeu, tenir un rôle de joueur ou d’arbitre, proposer des évolutions, imaginer des stratégies possibles, observer un partenaire pour l’aider à progresser, engagent des opérations mentales de haut niveau. Mesurer les effets de ses actions, chercher des solutions motrices adaptées, comprendre comment l’autre s’y prend et pourquoi il réussit, participent fondamentalement au développement de l’intelligence du jeune enfant. Et ceci s’apprend. Réussir en maternelle, comme pour la suite de la scolarité, c’est transformer un rapport au monde hérité de son milieu pour construire, avec les autres, sa propre singularité.

    L’étroitesse de vue de la note du CSP est caractéristique de choix politiques qui ne s’intéressent pas au développement global des enfants, en particulier ceux issus des classes populaires et qui n’ont que l’école pour apprendre, l’école dans toutes ses dimensions. Les blancs du texte de cette note en disent long sur l’étroitesse d’ambition pour ce niveau de scolarité.

    Certaines modifications sont cependant signifiantes. « Langage » est systématiquement remplacé par « langue » : ce qui prime en effet dans ces nouvelles recommandations, c’est l’objet « langue », ce que confirme l’insistance sur les aspects lexicaux et syntaxiques, et non le « langage », la mise en œuvre de cette langue par les enfants, comme si la connaissance d’un vocabulaire étendu et de la grammaire suffisaient pour savoir/pouvoir parler. De même « raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner… » deviennent « fonctions de la langue » et non du langage comme si les formes codifiées ne variaient pas avec l’intention de l’auteur, la situation d’énonciation etc. qui en différencient ainsi les usages.

    En fait, l’élève n’est plus considéré comme sujet qui s’essaie au langage mais comme réceptacle de savoirs en langue. Des conceptions de l’apprentissage et du langage s’opposent ainsi dans ces réajustements : apprendre à parler consiste-t-il pour un tout jeune enfant à accumuler du matériau linguistique pour « pouvoir » ensuite parler ou à s’essayer à mettre en œuvre ce qu’il possède pour, au gré des apprentissages, développer son capital linguistique ?

    Défendre la mission spécifique de l’école maternelle

    Les travaux de recherche montrent que ce sont les conditions du passage de la socialisation familiale à la socialisation scolaire qui créent des différences scolaires. En effet, si tous les enfants sont porteurs d’une expérience, d’une culture, leurs histoires singulières impactent leur plus ou moins grande familiarité avec l’univers scolaire. Pour que les différences ne deviennent pas des inégalités, l’école maternelle joue un rôle spécifique, qui doit prendre en compte l’âge des enfants pour transmettre des apprentissages culturels fondateurs.

    Certaines formulations de la note ne s’en préoccupent guère et, en véhiculant une idéologie fort inquiétante, dans l’air du temps gouvernemental, confirment que là n’est pas le projet puisqu’il s’agit de « conforter le sentiment d’appartenance du jeune enfant à la communauté́ nationale » ou encore d’aborder la langue, précisée française, (des enseignants en enseigneraient-ils une autre ?) comme « facteur de cohésion nationale et de rayonnement culturel, [qui] constitue le socle de son identité́ en France et dans le monde ».

    Par un rabattement sur des disciplines dites fondamentales, par une ignorance des liens qui existent entre toutes les disciplines en devenir de l’école maternelle, ce texte patchwork signe une orientation pseudo techniciste indigne de la mission de l’école.

    #Education #Ecole_maternelle #Culture #Education_physique