• La méthode agile, tant vantée en management, est la risée des jeunes sur Facebook
    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2021/02/18/la-methode-agile-tant-vantee-en-management-est-la-risee-des-jeunes-sur-faceb

    Depuis deux ans, 122 000 internautes se gaussent de la « flexibilité » en entreprise en révélant la cruauté et la violence que recouvre ce concept.

    « Bah alors, tu prends ton après-midi ? » Cette phrase, prononcée à 19 heures par son manageur, est devenue un lieu commun dans le « Neurchi [chineur, en verlan] de flexibilisation du marché du travail ». Fondé en janvier 2019, ce groupe Facebook compte plus de 122 000 membres – en majorité des jeunes – qui rient à foison des dérives du management en s’échangeant des « memes », ces images ou vidéos humoristiques sur un thème.

    L’omniprésence de la « flexibilité » ou du « flex » y tient bonne place. Vantant à son origine l’autonomie des salariés et la faculté d’adaptation des organisations, cette philosophie « agile » a aussi sa face sombre : injonction à la transformation permanente, horaires de travail abusifs, déni du droit social, précarité…

    « Le mot flexibilisation est tellement galvaudé… Je l’entendais tout le temps, et c’est un peu un symbole du monde moderne. » Paul est en stage dans le conseil en services financiers lorsqu’il crée cette communauté Neurchi avec un ami. « Je ne pouvais pas dire à mes collègues que je n’aimais pas mon travail, il y a une sorte d’injonction à être passionné par son boulot. Avec le neurchi, on peut dire ce que l’on veut ! »

    Des personnages incontournables du management agile
    Ici, chaque membre peut publier un meme, à condition qu’il soit validé par les modérateurs du groupe. Et certaines situations de travail reviennent en boucle : des codes professionnels absurdes, des travailleurs indépendants payés « en visibilité », la « start-up nation » ou le titre de « happiness manager ». « Ce poste crée de manière artificielle de la joie dans une entreprise… En général, les gens sont heureux parce qu’ils ont de bonnes conditions de travail et une rémunération satisfaisante », sourit Adrien, modérateur du groupe.

    Des personnages incontournables du management agile reviennent fréquemment dans les échanges. D’un côté, on trouve « Fabieng », le petit chef toxique. « C’est le mauvais manageur intermédiaire, qui a atteint son seuil d’incompétence », explique Adrien. De l’autre, « Corenting » : « N - 1 de tout le monde, N + 1 de personne », souvent stagiaire.

    Il se fait « flexer » (exploiter) toute la journée, réalise des tâches ingrates et ne compte pas ses heures pour être bien vu. Les membres du groupe étant majoritairement des hommes âgés de moins de 30 ans, vivant en région parisienne et travaillant dans des bureaux (même si l’on trouve de tout), ils s’identifient souvent comme « Corenting ».

    Si la communauté a valeur d’exutoire pour ces jeunes actifs, ces images sensibilisent un plus large public. « On nous vend un avenir plein de sens pendant nos études, alors beaucoup de jeunes arrivent sur le marché du travail et vivent une crise existentielle en début de carrière. C’est grave, le fait de ne pas trouver d’utilité à son travail », observe Adrien.


    Neurchi de flexibilisation du marchè du travail/Facebook

    Au-delà du sarcasme, beaucoup de témoignages anonymes sont maintenant publiés sur le Neurchi, et dénoncent les abus. En commentaires, les membres se soutiennent : « Quand des gens s’échangent des conseils en droit du travail, j’ai la larme à l’œil, ça prouve qu’on entre dans une autre dimension », conclut le fondateur. Face au succès, « NdFlex » s’est exporté sur Instagram, et espère continuer à lever le voile sur les dérives du « flex »… Sans jamais arrêter d’en rire.

    #travail #flex #flexibilité #management

    • la méthode « agile » - disons, scrum - appliquée dans l’esprit d’origine = mort du management

      Après, comme d’habitude dans le monde néo, tout se fait tordre le bras ; et une technique d’auto-organisation se transforme alors rapidement en camp auto-fliqué, si on laisse faire.