En Seine-Saint-Denis, l’hôpital maltraite une unité de soin des victimes de violences

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  • En Seine-Saint-Denis, l’hôpital maltraite une unité de soin des victimes de violences
    19 février 2021 Par Caroline Coq-Chodorge
    https://www.mediapart.fr/journal/france/190221/en-seine-saint-denis-l-hopital-maltraite-une-unite-de-soin-des-victimes-de


    L’unité médico-judiciaire de l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy, prend en charge les victimes de violence. Son travail, à la qualité reconnue, est menacé par une restructuration hospitalière. La situation s’envenime entre la direction et l’unité, en grande souffrance.

    • Bondy (Seine-Saint-Denis).– Les locaux de l’unité médico-judiciaire (UMJ) de l’hôpital Jean-Verdier tiennent dans moins de 100 mètres carrés : un étroit couloir dessert l’accueil, où se serrent deux agents à toute heure du jour et de la nuit, week-end compris, puis cinq salles de consultation. Les médecins, les infirmières et les psychologues de l’unité y reçoivent les victimes de violence, une majorité de femmes et d’enfants.

      Quatre salles de consultation sur cinq n’ont pas de fenêtres, les peintures sont usées, mais il y a aux murs de jolis tableaux, une petite table où les enfants peuvent dessiner, lire, jouer. Pendant les fêtes, il y avait un sapin posé là où le couloir s’élargit un peu, et, au pied de l’arbre, de petits cadeaux pour les enfants, des guirlandes et des boules aux portes et aux fenêtres qui ne donnent sur rien.

      La salle d’attente de l’unité médico-judiciaire de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy. © CCC La salle d’attente de l’unité médico-judiciaire de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy. © CCC

      « Les personnes que l’on reçoit ici ont vécu des choses inimaginables. Parfois, on a l’impression de bien les prendre en charge, d’autres fois, on se dit qu’ils ne se relèveront jamais », dit une infirmière. « Travailler ici a bouleversé ma vie. On est face à des situations dramatiques, inimaginables, un concentré de violence. On ne peut pas s’empêcher de se projeter. Je vis désormais dans un stress chronique, pour mes proches, pour moi-même », renchérit une agente d’accueil.

      À l’exception du professeur de médecine légale Patrick Chariot, chef de cette unité menacée par une restructuration hospitalière, les huit membres de ce service qui ont témoigné pour cette enquête ont réclamé l’anonymat. Tous, sans exception, craignent des sanctions individuelles, en plus de leurs difficultés collectives.

      Ils décrivent, unanimes, le « mépris total » de leur travail de la part de la direction de l’hôpital, qui cherche même à « l’abîmer », le « dégrader ». « On croule sous le travail, et on doit se battre pour continuer à le faire correctement. On est malmenés », dit par exemple un psychologue. Le professeur Patrick Chariot dénonce, lui, « une maltraitance institutionnelle de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris [AP-HP – ndlr] depuis plus d’un an ». L’hôpital Jean-Verdier appartient en effet à ce groupe de trente-neuf hôpitaux, le plus grand de France.

      L’unité médico-judiciaire de Bondy pratique exclusivement la médecine légale du vivant, moins connue que la thanatologie qui ne s’intéresse qu’aux morts. Chaque année, elle réalise environ 23 000 actes. Ce sont des examens d’adultes et d’enfants à la suite de violences physiques, de dommages corporels, de violences sexuelles, psychologiques. L’unité réalise aussi les examens médicaux des gardés à vue dans les commissariats du département. Elle peut, à cette occasion, constater des violences policières et en faire état.

      Souvent, les patients sont accompagnés jusqu’à l’UMJ par des policiers, après le dépôt d’une plainte : par exemple, cette adolescente, un après-midi de décembre, pour un viol. Un médecin va la recevoir en consultation, écouter son récit, procéder aux prélèvements sur son corps et ses vêtements, lui prescrire un traitement antiviral et la pilule du lendemain.

      Un autre rendez-vous est fixé, trois à quatre semaines plus tard, avec un psychologue, pour évaluer le psycho-traumatisme. « Car sur le moment, les victimes sont dans la sidération », explique une psychologue. Une dernière consultation avec un médecin est organisée six semaines après.

      « Nous ne sommes pas des auxiliaires de justice, explique Patrick Chariot. Nous sommes des acteurs du soin sollicités dans un contexte judiciaire. Nous essayons d’inscrire les patients dans un parcours de soins. L’ensemble du service défend cette conception de la médecine légale, qui n’est pas la plus répandue. »

      « On accueille des personnes qui sont au plus mal, complète une psychologue. La justice attend des documents, des comptes rendus. Mais nous sommes aussi là pour venir en aide au patient. On est une bulle d’air, une interface bienveillante dans la machine judiciaire. On aimerait faire mieux, on a beaucoup de projets, mais ils sont tués dans l’œuf. »

      L’unité a développé depuis 2014 une activité de consultations sans réquisition judiciaire. « Dans de nombreuses situations de violences sexuelles ou conjugales, les victimes ne sont pas prêtes à porter plainte. On estime qu’une sur dix porte plainte, explique le chef de service. Nous leur permettons de faire constater les violences subies, en dehors de toute plainte. Les victimes repartent avec un compte rendu, qui pourra nourrir une plainte future. »

      « Quand on voit que l’AP-HP communique sur les dépôts de plainte possibles aux urgences de l’hôpital Saint-Antoine à Paris… Nous faisons beaucoup plus, depuis des années, et cela n’intéresse personne », constate un autre médecin.

      « Ce travail pluridisciplinaire est important, utile à la justice », assure la procureure de la République de Seine-Saint-Denis, Fabienne Klein-Donati. Elle assure « apprécier au quotidien la qualité du travail de cette UMJ qui est avant-gardiste ». Pour la magistrate, il y a « un sujet, c’est celui de la proximité. Il faudrait des antennes de proximité, autour d’un pôle central ».

      C’est une manière diplomatique de souligner que l’unité est assez mal située. La Seine-Saint-Denis est un département très dense et très mal desservi par les transports en commun. Une grande partie de la population n’a pas de voiture. À Bondy, l’hôpital Jean-Verdier est éloigné des principaux axes de transport, trains de banlieue, métros ou tramways. Seul un bus le dessert, souvent ralenti par la congestion automobile. L’établissement est assis au bord du canal de l’Ourcq, non loin d’un réseau aérien d’échangeurs autoroutiers.

      « De Montreuil, les femmes qu’on envoie à l’UMJ prennent deux bus, et doivent marcher dix minutes dans cet environnement. Cela leur prend plus d’une heure et elles ne se sentent pas en sécurité », assure Roselyne Rollier, la présidente de la Maison des Femmes de Montreuil. À ses yeux, un déménagement de l’unité à Bobigny, la préfecture du département, à proximité du tribunal et sur la ligne du tramway, aurait du sens.

      © CCC © CCC

      « Ils réalisent qu’une femme violée peut être déchirée à l’intérieur ? »

      La plupart des services hospitaliers de l’hôpital Jean-Verdier sont en train de déménager vers l’hôpital Avicenne, à Bobigny. Les services de chirurgie sont déjà partis. Suivront en 2024 la maternité, la gynécologie et la pédiatrie. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris est ainsi en train de restructurer son offre hospitalière en la concentrant sur Avicenne. Jean-Verdier ne doit pas fermer, mais ses futurs contours sont flous : resteront des consultations, les urgences et l’UMJ.

      « Tout le monde sait que l’hôpital Jean-Verdier va fermer. Il va être transformé en centre de santé, dans un département où l’on manque déjà de moyens, de lits », assure le syndicaliste CGT Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l’hôpital voisin d’Avicenne.

      « Nous manquons déjà de tout en Seine-Saint-Denis, de médecins, d’hôpitaux, abonde Gilles Lazimi, médecin généraliste au centre de santé de Romainville et figure de la lutte contre les violences faites aux femmes. Et ils sont en train de désosser Jean-Verdier, où l’UMJ va se retrouver seule. Je comprends leur colère, ils ne peuvent pas travailler de manière isolée. Cette unité est novatrice, militante, c’est aberrant ! Quand je vois les beaux discours de Martin Hirsch et de l’AP-HP sur les violences faites aux femmes. »

      Pour Roselyne Rollier, « c’est aberrant qu’ils veuillent les séparer des autres services. Ils réalisent qu’une femme violée peut être déchirée à l’intérieur ? On découvre que l’UMJ est en difficulté, et on réalise à quel point ce qu’on pensait acquis est précieux. Ils permettent aux femmes de constater des violences, un traumatisme, en dehors d’une plainte. Elles ressortent avec un certificat qui acte les violences, c’est très important ».

      Depuis la fin de l’année 2019, son chef, Patrick Chariot, s’oppose au projet de la direction de l’hôpital. L’UMJ veut suivre à Bobigny la gynécologie, la maternité et la pédiatrie, trois services avec lesquels elle travaille au quotidien. Plusieurs membres du service assurent que cela ne les arrange pas, personnellement, de déménager à Bobigny. « Mais j’ai besoin d’être aux côtés de services d’hospitalisation pour faire mon travail correctement », dit un médecin.

      Un médecin raconte avoir reçu « une victime d’un viol âgée de 86 ans, avec une plaie gynécologique. On a pu l’envoyer immédiatement aux urgences gynécologiques ». Un autre voulait « hospitaliser un enfant, mais les parents étaient très réticents. Le pédopsychiatre est descendu et les a convaincus. Si je leur avais conseillé d’aller à Avicenne pour consulter, à une heure de bus, ils ne l’auraient pas fait. Nos relations avec les autres services sont quotidiennes. En nous séparant d’eux, on nous demande de travailler de manière dégradée ».
      « Ils vous isolent dans un coin où personne ne vous entend crier »

      Les services hospitaliers peuvent aussi faire appel à l’UMJ. C’est par exemple le cas de la pédiatrie, un jour de janvier, qui a sollicité Patrick Chariot : les pédiatres ont remarqué des traces de coups sur la mère d’un enfant hospitalisé. Elle s’est confiée et ils l’ont convaincue de faire constater ses blessures par l’UMJ. Le rendez-vous est pris pour le lendemain, elle profitera d’une visite à son enfant, en toute discrétion.

      L’UMJ fait bloc derrière Patrick Chariot, pour défendre cette « conception » de leur travail, dit une psychologue. Le 20 janvier 2020, l’ensemble du service a signé une pétition réclamant leur déménagement à Avicenne, avec les autres services. Depuis, la situation de l’unité n’a cessé de se dégrader.

      La pétition de l’UMJ de Bondy. © Document Mediapart

      « Le directeur du groupe hospitalier, Pascal de Wilde, est venu nous voir début novembre, pour nous dire, textuellement : “Je n’ai pas de solution à vous proposer”, raconte une psychologue. On lui a expliqué nos difficultés, qu’on ne saurait plus où orienter les enfants victimes quand ils ont besoin d’être vus par un pédiatre. Il ne savait pas qu’on reçoit des enfants ! On doit leur expliquer qu’ici, en Seine-Saint-Denis, il y a de la violence et beaucoup de personnes qui n’ont pas les moyens d’aller ailleurs. Ils nous prennent pour des gens capricieux, ils restent sourds et aveugles à des choses qui nous paraissent si évidentes ! »

      L’unité est financée par une dotation du ministère de l’intérieur et de la santé qui prévoit douze postes de médecin. Son sous-dimensionnement a été reconnu par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales en 2016. Mais sa situation s’est aggravée depuis : sur les douze postes de médecin, plus de cinq sont aujourd’hui vacants.

      Pour Patrick Chariot, ces difficultés de recrutement s’expliquent par l’activité intense et difficile de l’unité, par son absence de perspectives, auxquelles s’ajoutent la mauvaise réputation de la Seine-Saint-Denis et l’isolement de l’hôpital.

      La situation est si grave que, depuis le 1er janvier, l’unité ne reçoit plus les victimes du secteur de Saint-Denis, qui sont renvoyées vers un groupement de médecins libéraux qui pratiquent également la médecine légale. « Nous diminuons notre activité pour éviter l’explosion du service. Il y a de la souffrance au travail, on ne peut pas continuer comme ça et risquer d’autres départs », explique le docteur Chariot.

      « On est tous fatigués, usés, on ne voit pas le bout de cette période difficile », confirme un médecin qui travaille dans le service depuis plusieurs années. « Par moments, c’est de l’abattage. Comment voir vingt patients dans la journée dans un contexte de violence ? On est maltraités par l’institution, parfois par nos patients, il y a de la démotivation, du découragement. Entre collègues, c’est aussi compliqué de rester diplomates dans ces conditions », confirme une infirmière.

      La police et la justice ont été informées au préalable de cette décision. La procureure de la République de Bobigny, Fabienne Klein-Donati, reconnaît « le surcroît d’activité et le sous-dimensionnement de l’unité. J’ai tenté de faire le nécessaire à mon niveau. J’ai parlé avec le directeur de l’hôpital », assure-t-elle. Sans succès.

      Patrick Chariot a également informé le directeur de l’hôpital, le 27 novembre, par courrier. Il affirme aussi que la direction s’est opposée, l’automne dernier, au recrutement d’un jeune médecin faisant fonction d’interne. Le directeur de l’hôpital Pascal de Wilde, qui a visité l’unité en novembre, a « assumé » ce refus de recrutement, assurent plusieurs membres du service. Nous avons interrogé par courriel le directeur sur ce point, il n’a pas démenti.

      La situation s’est envenimée. La direction de l’hôpital vient de convoquer le médecin dans le cadre d’une « enquête administrative » pour des « faits délictueux ». Le rendez-vous est prévu dans les prochains jours. Le professeur Chariot pense que cette convocation est en lien avec la décision de l’unité de ne plus prendre en charge des victimes du secteur de Saint-Denis.

      « Ils n’ont rien répondu. Maintenant, ils s’affolent », soupire la psychologue.

      À nos questions, la direction générale de l’AP-HP a répondu, partiellement, par un communiqué officiel, mercredi 17 février. Le directeur général Martin Hirsch choisit de soutenir la direction locale de l’hôpital, en égrenant les griefs envers Patrick Chariot, d’une manière menaçante.

      Il considère que la décision du professeur de limiter son périmètre de travail n’est « pas acceptable quelle qu’en soit la raison ». « Un rappel des obligations déontologiques va être effectué », indique l’AP-HP. Il reproche aussi au chef de service « un blocage des facturations pendant plusieurs mois, conduisant à priver de plusieurs centaines de milliers d’euros » l’hôpital.

      Au sujet du projet du nouvel hôpital Jean-Verdier, il a fait « l’objet de délibérations de la communauté médicale. L’AP-HP considère qu’il y a un intérêt à maintenir une offre de soins de proximité sur Bondy ». La direction générale prend en exemple l’UMJ de l’Hôtel-Dieu, à Paris, où il n’y a pas « de demande de déplacement vers un autre hôpital ».

      Le professeur de médecine légale Patrick Chariot. © CCC Le professeur de médecine légale Patrick Chariot. © CCC
      Point par point, le professeur Chariot répond au communiqué de l’AP-HP. « Pour préserver l’activité de soins, il était devenu urgent de la réduire. Si on avait continué à recevoir des personnes qu’on ne pouvait pas prendre en charge, on aurait pu être attaquables. La direction confond refus de soins et incapacité de recevoir des patients. Les commissariats sont informés et les victimes sont renvoyées vers d’autres médecins. »

      Il confirme que le service a décidé de suspendre la facturation à la justice de certains actes, pour protester contre le maintien de l’UMJ à Jean-Verdier, « mais on a recommencé à facturer, les factures bloquées ont été transmises, l’hôpital n’a pas perdu un sou ». Il conteste la compétence de la direction en matière de « déontologie médicale. Peut-elle juger du nombre de patients qu’une équipe médicale est en capacité de recevoir ? ».

      Pour lui, l’exemple de l’UMJ de l’Hôtel-Dieu ne tient pas : « Il n’y a pas de comparaison possible entre Paris et la Seine-Saint-Denis, en termes d’offre et de recours aux soins, ou de transport. » Il affirme encore n’avoir jamais été « consulté au sujet du nouveau Jean-Verdier. Je n’ai jamais approuvé le projet concernant mon service ».

      À ses yeux, « une unité qui a une vocation départementale n’a pas sa place dans un hôpital de proximité. Mais je propose de maintenir une antenne à Jean-Verdier. Et nous y avons en projet une “maison du gardien de la paix”. On a la réputation dans les commissariats d’être favorables aux victimes de violences policières. Mais nous sommes conscients des difficultés des policiers en Seine-Saint-Denis, nous savons que les policiers violents sont souvent des policiers en souffrance. Le ministère de l’intérieur a son dispositif, mais les policiers craignent d’être considérés comme inaptes s’ils avouent des faiblesses. Nous voulons leur proposer une consultation en dehors de leur institution. Et dans ce cas, Jean-Verdier est l’endroit parfait, discret, à l’écart ».

      Pour l’instant, les agents de sécurité ont été chargés de s’assurer qu’aucun journaliste n’entre dans l’unité. Patrick Chariot se sait menacé par sa direction et s’est rapproché des syndicats de son hôpital. Christophe Prudhomme, de la CGT, va l’accompagner. Le syndicaliste confirme « la grande souffrance de ce service. Laisser l’UMJ sur place, sans maternité, avec des urgences qui risquent de fermer, n’a pas de sens. Dans ce contexte de restructuration sans concertations, cet hôpital a déjà connu un suicide. Aucune leçon n’a été tirée ».

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      Après un nouveau suicide à l’AP-HP, des médecins dénoncent « la machine à broyer » Par Caroline Coq-Chodorge

      Dans le bureau du professeur Chariot, derrière son fauteuil, figure la photo de Christophe Barrat. Le 3 février 2019, ce chirurgien reconnu a sauté du cinquième étage de l’hôpital Avicenne. La direction a attribué son suicide à son état de santé, ce que sa veuve a fermement contesté. Des médecins, des psychologues et des infirmières ont témoigné dans Mediapart de sa grande souffrance professionnelle.

      Son service avait déménagé à l’hôpital Avicenne et fusionné avec un autre service de chirurgie. La greffe n’avait pas pris, l’équipe du professeur Barrat affirmait avoir été victime de harcèlement, les départs se sont succédé, le service s’est peu à peu défait. Le chirurgien avait tenté de fuir l’AP-HP, mais son transfert a été refusé par la direction. « Je suis membre de la commission médicale d’établissement. Quand Christophe s’est suicidé, j’ai demandé à ce qu’on en parle, qu’on fasse quelque chose de ce suicide », se souvient Patrick Chariot.

      Le voilà à son tour pris au piège. « Je l’ai vu revenir, décomposé, d’une réunion avec le directeur, dit une psychologue. Je lui ai dit, feignant de plaisanter : “Il ne faudrait pas nous faire une Barrat.” Il m’a répondu que j’étais la quatrième personne à lui dire cela. Après ce qui s’est passé ici, ce n’est pas facile de rentrer chez soi en se disant que son chef va mal. »

      La hiérarchie médicale de l’unité – le président de la commission médicale Emmanuel Martinot, le chef de pôle Frédéric Adnet, le chef du département médico-universitaire Gilles Cohen – n’a pas répondu à nos questions.

      Un médecin de l’hôpital a accepté de parler, de manière anonyme encore. Pour lui, l’UMJ est la victime d’une « guerre de territoires entre docteurs. Face au pouvoir de nuisance des médecins, l’administration est lâche. Les mêmes protagonistes utilisent la même technique qu’avec le professeur Barrat : ils vous isolent dans un coin où personne ne vous entend crier. Je suis inquiet ».