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  • #Laélia_Véron : « Des gens utilisent l’#écriture_inclusive sans le savoir »

    Laélia Véron, maîtresse en stylistique et langue françaises à l’université d’Orléans et militante féministe, s’étonne de la propositon de loi de François Jolivet qui veut interdire l’utilisation de l’écriture inclusive dans certaines conditions.

    Pouvez-vous définir ce qu’est l’écriture inclusive ? L’écriture inclusive désigne diverses modalités de représentation égale des femmes et des hommes dans la langue. Certaines ne font plus polémiques aujourd’hui, comme accorder les titres de métier au féminin, dire « la directrice », « la présidente », « la bouchère ». Il y a les mots épicènes, qui s’écrivent de la même manière au masculin et au féminin, comme « élève ». Il y a également la double flexion, comme « étudiantes, étudiants ». C’est aussi accorder à la majorité ou à la proximité plutôt que de suivre la règle du masculin qui l’emporte. Il y a enfin le point médian, qui concentre les critiques, qui est juste une abréviation à l’écrit de la double flexion : « étudiant.e.s ». Il s’agit donc d’un ensemble de modalités que l’on peut utiliser selon ses préférences, selon le contexte. Il paraît absurde de prétendre interdire l’écriture inclusive : faut-il interdire à Emmanuel Macron de dire « Françaises, Français » ou mettre une amende à un professeur qui dira « bonjour à toutes et à tous » ?
    Quel est l’intérêt de son utilisation ? Des gens utilisent l’écriture inclusive sans le savoir. Personnellement, j’emploie peu le point médian, je m’adapte selon les contextes. Ça peut être un souci de représentation égale des femmes et des hommes dans la langue ou par souci de précision. Certaines formules créent une ambiguïté. On peut essayer de la lever comme avec « les Droits de l’Homme » : parle-t-on des droits humains ou des droits qu’ont eu les hommes et pas les femmes ?
    Des inégalités ancrées jusque dans la langue ? La langue est un lieu de bataille politique mais la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin n’existe pas depuis si longtemps, elle a mis du temps à s’imposer et a soulevé des controverses. Madame de Sévigné s’exprimait contre ces règles de masculinisation du français. Le mot « autrice » faisait déjà débat au 17e siècle. À cette époque, certains grammairiens ont voulu masculiniser le français pour des raisons idéologiques. L’un d’eux, Nicolas Beauzée, parlait du « genre noble » contre le « genre femelle ». Mais la règle de l’accord de proximité est encore utilisée naturellement, à l’oral notamment : on dit plutôt « des chants et des danses bretonnes », on accorde l’adjectif avec le mot le plus proche, plutôt que « des chants et des danses bretons ».
    François Jolivet propose de s’aligner sur l’Académie française, qu’en pensez-vous ? L’Académie française n’est pas une institution légitime en matière de langue ; elle ne comporte pas de linguistes. Elle s’était, par exemple, élevée contre la féminisation des noms de métier alors que l’usage s’est mis à le faire, dans tous les pays francophones. Elle ne l’a admis, que quarante ans après… Je tiens aussi à préciser que, concernant les problèmes de dyslexie, dyspraxie et cécité, la recherche n’a pas encore de résultat clair pour savoir si le point médian procure des difficultés de lecture et les associations elles-mêmes ont des avis différents.

    https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/des-gens-utilisent-l-ecriture-inclusive-sans-le-savoir