La justice saisie pour « faire barrage » au retour des néonicotinoïdes

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  • La justice saisie pour « faire barrage » au retour des néonicotinoïdes
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/23/la-justice-saisie-pour-faire-barrage-au-retour-des-neonicotinoides_6070945_3

    Depuis le 7 février, les producteurs de betteraves à sucre peuvent de nouveau utiliser des #néonicotinoïdes, ces insecticides ultratoxiques « tueurs d’abeilles » interdits depuis 2018. L’arrêté réautorisant, à titre dérogatoire, leur usage a été publié le 6 février au Journal officiel.

    Le texte est aujourd’hui visé par une salve de procédures en justice pour en obtenir l’annulation au nom de la défense de la biodiversité. France Nature Environnement, Générations futures, le Syndicat national d’apiculture et quatre autres organisations ont déposé, mardi 23 février, des recours (deux sur le fond et deux autres en référé-suspension) devant les tribunaux administratifs de Lyon et Toulouse, où se trouvent les sièges sociaux français de Bayer et Syngenta, les entreprises détentrices des produits commerciaux dérivés de ces pesticides. Et, le même jour, l’association Agir pour l’environnement, avec le soutien de la Confédération paysanne, a saisi le Conseil d’Etat, également en référé-suspension.

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    • Voilà :

      Depuis le 7 février, les producteurs de betteraves à sucre peuvent de nouveau utiliser des néonicotinoïdes, ces insecticides ultratoxiques « tueurs d’abeilles » interdits depuis 2018. L’arrêté réautorisant, à titre dérogatoire, leur usage a été publié le 6 février au Journal officiel. Le texte est visé par une salve de procédures en justice pour en obtenir l’annulation au nom de la défense de la biodiversité.

      France Nature Environnement, Générations futures, le Syndicat national d’apiculture et quatre autres organisations ont déposé, mardi 23 février, des recours (deux sur le fond et deux autres en référé-suspension) devant les tribunaux administratifs de Lyonet Toulouse,où se trouvent les sièges sociaux français de Bayer et Syngenta, les entreprises détentrices des produits commerciaux dérivés de ces pesticides. Et, le même jour, l’association Agir pour l’environnement, avec le soutien de la Confédération paysanne, a saisi le Conseil d’Etat, également en référé-suspension.

      Agir pour l’environnement est membre du conseil de surveillance mis en place par le gouvernement pour recueillir l’avis des parties prenantes (agriculteurs, associations, instituts techniques, etc.) sur les conditions du retour des néonicotinoïdes. A l’instar des autres ONG, elle dénonce un « passage en force » du gouvernement et un « manque de transparence .Et s’en remet à la justice pour « faire barrage » au retour des néonicotinoïdes.

      Censée enrayer la chute (estimée à 30 % par le syndicat professionnel) de la récolte de betteraves à sucre, attribuée à l’invasion d’un puceron vecteur de la jaunisse, une loi a été votée en octobre 2020, malgré une forte opposition, pour permettre de déroger à l’interdiction des néonicoti noïdes dans la filière jusqu’au 1er juillet 2023. L’arrêté publié le 6 février précise sa mise en oeuvre : une autorisation de mise sur le marché est accordée pour une durée de quatre mois (cent vingt jours) pour des semences de betteraves sucrières enrobées de deux néonicotinoïdes : imidaclopride ou thiaméthoxam.

      Pour contester l’arrêté, lesorganisations s’appuient sur la législation européenne régissant la mise sur le marché des pesticides. L’article 53 du règlement 1107/2009 prévoit des dérogations uniquement dans le cadre d’un usage « contrôlé et limité », et si un danger ne peut être maîtrisé par d’autres moyens « raisonnables . Or, pour les associations, ces deux obligations ne sont pas remplies.

      « Pertes de rendement »

      Sur la question des usages contrôlés et limités, elles dénoncent une autorisation « trop large »,sans « zonage », c’est-à-dire sans distinction selon les régions, alors que la jaunisse n’a pas eu le même impact sur l’ensemble du territoire en 2020. « Malgré plusieurs demandes, nous n’avons obtenu aucune donnée sur les pertes de rendement des betteraviers pour toute la France. L’évaluation du risque a visiblement été faite sur les zones les plus touchées », explique l’agronome Jacques Caplat, qui représente Agir pour l’environnement au sein dudit conseil de surveillance. En outre, cette évaluation du danger n’a pas pris en compte les conditions météorologiques, beaucoup plus froides que prévu cet hiver, et donc très défavorables au développement du virus responsable de la jaunisse.

      « On a surestimé les risques, conclut Jacques Caplat. Et, d’un autre côté, on n’a pas évalué les alternatives. » Le 25 juin 2020, la Direction générale de l’alimentation avait saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pour une étude sur les alternatives aux néonicotinoïdes pour les semences de betteraves sucrières. Le rapport devait être remis le 31 octobre 2020. Il n’a toujours pas été rendu public.

      Pression des betteraviers

      L’arrêté préconise des « mesures d’atténuation . Elles sont jugées « très insuffisamment protectrices pour permettre de limiter les effets néfastes des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs et, plus généra lement, sur la biodiversité », selon François Veillerette, de Générations futures, association qui milite contre l’usage des pesticides et également membre du conseil de surveillance.

      Un point préoccupe les ONG et les apiculteurs : les néonicotinoïdes sont persistants dans les sols et peuvent contaminer les cultures ultérieures. Aussi, dans un avis rendu le 20 décembre 2020, l’Anses recommandait d’attendre trois ans pour resemer des cultures attractives pour les abeilles comme le colza et deux ans pour le maïs. Sous la pression des betteraviers, le gouvernement a réduit ce délai d’un an.

      Or, les données prises en compte pour justifier la réduction de ce délai sont erronées. Elles suggéraient à tort que 80 % des abeilles butinaient seulement en « périphérie » des champs de maïs (dans les huit premiers mètres des parcelles). Selon nos informations, le président du conseil de surveillance et les représentants du ministère de l’agriculture avaient été informés du caractère erroné de ces données plusieurs jours avant la publication de l’arrêté.

      « L’arrêté prévoit qu’il n’y aura pas de dérogation possible pour anticiper les plantations sans avis de l’Anses sur l’impact pour les pollinisateurs », a réagi, le 20 février, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, sur Twitter. Comprendre : un autre arrêté devrait préciser les « circonstances » dans lesquelles pourraient être accordées ces nouvelles dérogations. « Après avis de l’Anses », et non « après avis conforme de l’Anses . La nuance est importante : elle laisse la possibilité de ne pas le suivre. « Nous avons écrit "avis de l’Anses" et pas "avis conforme", car l’obligation d’équivalence des mesures est déjà prise dans l’arrêté, indique au Monde le ministère de la transition écologique. Donc si l’Anses ne conclut pas sur l’équivalence, le droit ne permettra pas de dérogation. »