• « La stratégie zéro Covid a montré sa supériorité sur les plans sanitaire et économique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/24/philippe-aghion-et-patrick-artus-la-strategie-zero-covid-a-montre-sa-superio

    Les pays ayant appliqué le « tester, tracer, isoler » ont enrayé la circulation du Covid-19, et ceux qui, comme la France, ont choisi le « stop and go », n’y arrivent pas, notent les économistes Philippe Aghion et Patrick Artus.

    Tribune. Il y a un très large consensus en France aujourd’hui pour considérer que le président de la République a pris la bonne décision, le 29 janvier 2021, celle de ne pas reconfiner pour le moment. Cette décision se justifiait notamment par l’évidence de coûts sociaux et psychologiques considérables, induits par le premier confinement, en particulier sur les jeunes générations et les ménages les plus défavorisés.

    D’un autre côté, certains évoquent la possibilité que des variants apparaissent sans cesse, qui résisteraient aux vaccins couramment administrés (Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry « Persistent Covid : A (Grim)Scenario », Mimeo, Peterson Institute). Comment réagir face à une telle éventualité ?

    Coût économique du « stop and go »
    Une première réponse est celle du « stop and go » : lorsque le nombre de cas devient élevé, des mesures restrictives (couvre-feu, puis confinement) sont imposées ; lorsque le nombre de cas est redevenu faible, ces mesures sont levées, en conséquence de quoi, après un certain temps, le nombre de cas remonte et les mesures restrictives sont de nouveau imposées. Dans une tribune précédente, parue dans Le Monde, le 5 novembre 2020, nous avons souligné les coûts économiques d’une telle stratégie : en un mot, cela condamnerait nos entreprises à adopter une attitude de survie au lieu d’investir dans l’innovation et les bons emplois qualifiants, avec des conséquences très négatives à long terme sur la croissance, l’emploi et la mobilité sociale.

    Une seconde réponse est celle de la stratégie zéro Covid. De fait, plusieurs pays ont déjà adopté cette stratégie : confinement initial très strict, amenant le nombre de cas de Covid-19 à un chiffre très faible, puis capacité à « tester, tracer, isoler » le petit nombre de cas qui réapparaîtraient, ce qui implique le suivi des déplacements de la population, des règles strictes d’isolement des malades et des cas contacts, des reconfinements locaux très stricts en cas de réapparition de cas. On peut considérer que la Chine, l’Australie, le Cambodge, l’Islande, la Nouvelle-Zélande, Taïwan, le Vietnam, le Japon, la Corée, le Laos, la Thaïlande, ont suivi cette stratégie.

    « Au total, les pays zéro Covid ont gagné 10 points de PIB par rapport à l’Europe »

    La stratégie zéro Covid a montré sa supériorité sur le plan sanitaire. Pour l’ensemble des pays qui l’ont adoptée, le nombre maximal de cas quotidiens a été de 7 000 ; il a été de 350 000 pour l’Europe (zone euro, Royaume-Uni, Suède, Danemark). Le nombre total de morts dues au Covid-19 est de 20 000 dans les pays zéro Covid, de 750 000 en Europe.

    #paywall

    • tribune, suite et fin

      Il en va de même sur le plan économique. Dès avril 2020, dans ces pays, le secteur des services, qui est le plus touché par les restrictions sanitaires, est repassé fortement en croissance positive, alors qu’il est toujours en récession en Europe. Toujours dans ces mêmes pays, à la fin de 2020, le niveau du produit intérieur brut (PIB) est revenu à celui du 4e trimestre 2019 ; en Europe, il est inférieur de 6 points à celui-ci. En 2021, en moyenne annuelle, le PIB sera dans les pays zéro Covid de 6,2 points supérieur à son niveau de 2019 ; en Europe, il sera de 3,4 points inférieur. Au total, ces pays ont gagné 10 points de PIB par rapport à l’Europe.

      Le message est donc qu’il n’y a pas de conflit entre sanitaire et économie, ce qui rejoint les conclusions d’une étude montrant que « seuls les Etats américains qui n’ont rouvert leur économie qu’après une baisse suffisante de la circulation du virus ont réussi a la relancer durablement », selon l’économiste Mathias Dewatripont, dans une tribune au Monde, le 13 novembre 2020.

      Pourquoi alors l’Europe a-t-elle choisi la stratégie du « stop and go » ? La première explication peut être « technique » : l’insuffisance des tests disponibles, le logiciel de traçage pas encore au point. Mais si cette explication est pertinente pour le printemps 2020, après le premier confinement, elle ne l’est plus à la fin de 2020 et au début de 2021, où ces problèmes techniques ont été réglés.

      Conception européenne des libertés individuelles

      La seconde explication peut être que l’Europe a basé sa stratégie sur le vaccin et pas sur la forte réduction du nombre de cas. Mais l’immunité collective avec le vaccin ne sera pas atteinte avant l’automne 2021, et peut-être faudra-t-il revacciner continuellement les populations déjà vaccinées. Cette stratégie conduit à une forte persistance de la crise et au freinage de l’économie.

      Enfin, la troisième explication est que la stratégie zéro Covid semble incompatible avec la conception européenne des libertés individuelles, qui rejette par exemple la localisation des personnes, l’isolation stricte des cas contacts. Mais croit-on que la stratégie du « stop and go » de l’Europe, avec la fermeture de la culture, des restaurants, les couvre-feux, les confinements, l’impossibilité de retrouver sa famille ou ses amis, est moins attentatoire aux libertés que la stratégie zéro Covid ?

      En Allemagne s’est mis en place un groupe de réflexion sur la stratégie zéro Covid, composé d’économistes et d’épidémiologistes qui interagit en continu avec la chancellerie. Si le scénario des variants à répétition se confirme, et s’il amène nos voisins à s’orienter vers une stratégie zéro Covid, il faudra alors sérieusement se demander si la France ne doit pas également passer à cette stratégie, pour pouvoir libérer l’économie avant qu’une vaccination à l’échelle mondiale ne le permette.

      #Zéro_Covid #Covid-19

    • Mais l’article qui compte aujourd’hui pour ce qui est de la ligne du Monde et du gouvernement c’est plutôt celui que je viens de trouver : Passeport vaccinal, « QR codes »… Emmanuel Macron réfléchit à une manière de « vivre avec » le Covid-19
      https://justpaste.it/6dniy

      On le disait visionnaire, il est devenu gestionnaire. Empêtré dans la crise du Covid-19, dont il tente désespérément de se défaire, Emmanuel Macron cherche à redonner un cap à la fin de son quinquennat où le virus n’aurait qu’un rôle subalterne.

      Et si la solution, pour cela, était d’imaginer cohabiter avec lui ? (...)

      Parait que Castex a dit "vacciner les plus aisés" avant de dire "les plus agés".

      https://pbs.twimg.com/media/EvFqD-tXUAYB2UR?format=png&name=smallhttps://pbs.twimg.com/media/EvFqD-tXUAYB2UR?format=png&name=medium

    • Inquiétude d’économistes selon une étude récente :
      « De la peste noire à la grippe espagnole de 1918, l’histoire regorge de pandémies qui eurent de longues répercussions sociales »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/25/covid-19-les-epidemies-sont-des-accelerateurs-de-crises-politiques-et-social

      Une récente étude par des économistes du FMI analyse le rapport entre épidémies et troubles sociaux dans l’histoire. De quoi en tirer certaines leçons par rapport à notre pandémie actuelle.

      Chronique. C’est l’une des grandes craintes soulevées par la pandémie : dans le sillage du Covid-19 et la crise économique, les inégalités risquent de se creuser dangereusement. Celles entre les secteurs à l’arrêt en raison des mesures sanitaires, comme le tourisme, et ceux continuant à tourner malgré tout. Mais aussi celles entre les précaires et ceux protégés par un emploi fixe, entre les ménages pauvres et les gros patrimoines, entre les femmes et les hommes, ou encore entre les pays bénéficiant de campagnes de vaccination avancées et ceux laissés pour compte.

      Les optimistes veulent croire qu’une fois le virus sous contrôle le retour de la croissance aidera à résorber les inégalités aggravées ces derniers mois. Peut-être. Mais les leçons du passé incitent à la prudence. « De la peste de Justinien (VIe siècle) à la peste noire (XIVe siècle) en passant par la grippe espagnole de 1918, l’histoire regorge d’exemples de pandémies qui eurent de longues répercussions sociales », expliquent Philip Barrett, Sophia Chen et Nan Li, trois économistes du Fonds monétaire international (FMI), auteurs d’une récente étude sur le sujet. Et pour cause : « Une épidémie peut révéler ou aggraver des failles préexistantes dans la société, telles que des filets de sécurité sociale inadéquats, un manque de confiance dans les institutions ou la perception d’un gouvernement incompétent ou corrompu. »

      Les troubles sociaux apparaissent un peu plus tard

      Les épidémies sont des accélérateurs de crises politiques et sociales. Les économistes citent ainsi celle du choléra qui, en 1832, tua plus de 19 000 personnes (sur 650 000 habitants), à Paris, en particulier au sein des quartiers déshérités. Riches et pauvres s’accusèrent mutuellement d’être responsables du fléau, et la colère populaire se retourna rapidement contre le roi Louis-Philippe.

      Bien sûr, le passé n’éclaire par toujours l’avenir, et le Paris d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec celui des Misérables de Victor Hugo. Pour étayer leur intuition, les auteurs s’appuient néanmoins sur une vaste étude quantitative, qui, en passant au crible les articles de presse locaux, a permis de construire un index mensuel des troubles sociaux survenus dans 130 pays depuis 1985. Celle-ci confirme que les pays soumis à des épidémies graves et fréquentes sont secoués par des épisodes de colère sociale et de manifestations plus élevés que la moyenne.

      Mais ces derniers ne surgissent pas durant la pandémie, ni immédiatement après, surtout dans les Etats où la crise humanitaire engendrée limite les possibilités de protester, et dans ceux où « les régimes en place ont profité de l’urgence pour renforcer leur pouvoir et supprimer les dissidences ». Les troubles sociaux apparaissent un peu plus tard, le temps que la colère infuse. Les plus violents font chuter les gouvernements.

      Trois points de vigilance

      Quelles leçons en tirer pour le Covid-19 ? [des bêtises] Les travaux du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), un centre de recherche européen, offrent quelques pistes de réflexion. « L’Union européenne a répondu à la crise avec un plan de relance commun soutenant les pays les plus affectés », soulignent-ils, dans une étude sur la cohésion européenne. Un bon point. « Mais les pays du Nord pourraient devenir frustrés d’avoir à soutenir les autres, tandis que le Sud souffre de stagnation économique et que l’Etat de droit est toujours fragile en Europe centrale. »

      C’est sur ces trois points que les dirigeants européens devront se montrer vigilants ces prochains mois. En adoptant des mesures ciblées en faveur des jeunes, des femmes et des indépendants, particulièrement fragilisés par la crise. En prenant garde à ne pas pointer du doigt Bruxelles ou d’autres pays membres comme des boucs émissaires faciles lors des élections nationales, afin de ne pas attiser des ressentiments stériles et potentiellement destructeurs. Mais aussi en se préparant à déployer d’autres soutiens financiers. Car le plan européen de 750 milliards d’euros, conçu durant la première vague, et dont les fonds ne seront pas déboursés avant la deuxième moitié de 2021, arrivera tard. Et il risque de ne pas suffire.

    • Comme d’hab (cf 2008), c’est une fois que la crise est bien avancée que ces gus font semblant d’avoir trouvé enfin la solution, qu’en fait bien d’autres (pas de leur bord) réclament depuis longtemps : ça fait un an qu’on a l’exemple asiatique sous les yeux (et depuis aussi australien et néo-zélandais). Et tout ça juste parce qu’ils se rendent compte (oh surprise !) que le PIB en prend un coup. Toujours les mêmes réflexes.
      Mais c’est bien, ils prennent conscience que l’argument sur le respect des libertés individuelles qui empêcherait la stratégie zéro-covid est de plus en plus absurde (et il l’était depuis le début, à partir du moment où on a eu les auto-attestations de sortie contrôlées par la flicaille).