la galère sans fin des réfugiés en Grèce, bloqués aux portes de l’Europe

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  • « J’ai peur d’être coincée ici pour l’éternité » : la galère sans fin des réfugiés en Grèce, bloqués aux portes de l’Europe
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    Sur les hauteurs de Vathy, capitale de l’île grecque de Samos, qui compte quelque 9 000 habitants, une nouvelle ville est née il y a six ans : un camp de migrants. D’abord prévu pour 650 personnes, il accueille désormais plus de 3 500 demandeurs d’asile. Face à l’agglomération soignée et néanmoins abîmée par le dernier tremblement de terre, se déploie un champ de tentes blanches et de cabanes en bois et en tôle.Dans cette favela méditerranéenne, les enfants courent au milieu des détritus, des rats et des serpents. L’eau chaude et l’électricité manquent. Les sanitaires sont en nombre insuffisant. Des torrents d’eau déferlent sur la colline, inondant la plupart des cabanons. Les soirs d’hiver, sans chauffage, les réfugiés se blottissent autour de feux de bois ou de poêles, laissant craindre le départ d’un incendie à tout moment.
    Ayoub, un Kurde d’Irak, ramène sur son dos des palettes pour surélever sa hutte et des plastiques pour isoler le toit. « Cela fait un an et demi que je suis à Samos, et notre vie se détériore, raconte ce père de deux fillettes de 7 et 8 ans. Avec le coronavirus, les entretiens pour notre demande d’asile ont pris du retard. Il est plus difficile de voir des médecins. Les enfants s’ennuient, ne font plus d’activités organisées par les ONG. »
    Une situation d’urgence devenue chroniqueYaya, un Malien qui a déjà passé plus de deux ans à Vathy, renchérit : « La police est plus présente et nous met des amendes de 300 euros lorsque nous ne portons pas de masque… C’est ridicule ! On vit au milieu des ordures, et rien n’est fait pour nous protéger de l’épidémie ! »
    Les forces de l’ordre surveillent également la venue de tout journaliste sur les lieux. « Ils ne veulent pas que vous racontiez ce qui se passe ici. C’est une honte pour la Grèce mais aussi pour l’Europe ! », lance Espérance Konengo. « On parle de nos conditions de vie aux humanitaires, aux journalistes, mais rien ne change. On souffre beaucoup dans ce trou à rats ! », soupire la Congolaise. Emilie Castaignet, coordinatrice de terrain pour Médecins sans frontières (MSF), estime que « la situation d’urgence humanitaire qui a émergé en 2015 avec l’arrivée de milliers de réfugiés sur les îles grecques est devenue chronique ». A cela s’ajoutent de longues procédures d’asile. « Les réfugiés n’arrivent pas à se projeter, commente Emilie Castaignet. On a vu l’effet du confinement sur notre santé mentale alors que nous vivons dans des maisons confortables, donc nous pouvons imaginer ce que c’est qu’une vie de demandeur d’asile dans l’attente permanente, pleine d’incertitudes. »
    Près de la moitié des patients de MSF ont des pensées suicidaires.
    Le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis, qui a durci sa politique migratoire depuis son élection, en juillet 2019, aimerait accélérer les expulsions. Le 19 février, dans un courrier officiel, le ministère des migrations a donc demandé l’aide de l’Agence européenne de garde-frontières, Frontex, et de la Commission européenne pour le retour en Turquie de 1 450 demandeurs d’asile, actuellement bloqués dans les cinq « hot spots » de la mer Egée.
    « On se trouve dans une zone grise : des demandes d’asile, en majorité celles de Syriens, sont refusées en deuxième instance, mais aucune déportation vers la Turquie n’est effectuée. En particulier depuis les tensions gréco-turques de mars 2020, les Turcs ne veulent pas reprendre les candidats déboutés de l’asile », souligne Mathilde Albert, avocate française qui vient en aide aux réfugiés. Les autorités grecques demandent donc aux demandeurs d’asile de se réenregistrer pour l’asile. « Cela n’a aucun sens, mais c’est pour gagner du temps et pour savoir ce qu’ils vont faire d’eux. Entre-temps, ces personnes n’ont plus droit à l’aide financière du HCR, et ne savent pas qu’ils risquent de retourner en Turquie », poursuit la juriste.D’ici à trois mois, le gouvernement grec veut ouvrir, à 6 km de Vathy, un nouveau camp perdu dans les montagnes. Financé par la Commission européenne, il sera le premier, dans le cadre de la stratégie du gouvernement de construire des « camps fermés et contrôlés », à être inauguré. Le but est clair : renvoyer rapidement ceux qui seront déboutés de l’asile en Turquie ou dans leurs pays d’origine.

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